MISE AU POINT
La Lettre du Neurologue - vol. IX - n° 8 - octobre 2005
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pas systématiquement d’incapacité, qui à son tour n’engendre pas
forcément de handicap. Le fonctionnement correspond au versant
positif de l’interaction individu/environnement opposé au handi-
cap, versant négatif : “Le fonctionnement est un terme générique
qui se rapporte aux fonctions organiques, aux activités de la per-
sonne et à la participation au sein de la société ; de même, han-
dicap sert de terme générique pour désigner les déficiences, les
limitations d’activités ou les restrictions de participation”. La CIF
dresse aussi la liste des facteurs environnementaux qui peuvent être
en interaction avec tous ces schémas. L’originalité de l’évaluation
d’une personne, en termes de fonctionnement, c’est qu’elle permet
de préciser les limitations d’activité, les restrictions de participation,
les obstacles, mais aussi les facteurs environnementaux matériels et
humains qui sont source de soutien, appelés aussi “facilitateurs”.
En France, selon l’article L.114 du texte de loi voté à l’Assemblée
nationale en décembre 2004, “constitue un handicap, le fait pour
une personne de se trouver, de façon durable, limitée dans ses
activités ou restreinte dans sa participation à la vie en société,
en raison de l’altération d’une ou plusieurs fonctions physique,
sensorielle, mentale ou psychique”. Le handicap s’analyse essen-
tiellement dans l’interaction entre l’individu et son environne-
ment. Il désigne les limitations d’activité et les restrictions de par-
ticipation sur le plan social.
DÉPRESSION
Bien que les classifications internationales de l’OMS préconisent
de diagnostiquer les problèmes de santé à partir de la CIM-10
(Classification internationale des maladies, 10erévision), le recours
au DSM-IV pour le diagnostic d’un épisode dépressif majeur est
le plus fréquent. En effet, dans les critères obligatoires retenus
par la CIM, un item fortement induit par l’état somatique appa-
raît, à savoir “réduction de l’énergie ou augmentation de la
fatigabilité”.
Selon les critères du DSM-IV (APA, 1996),le patient doit présen-
ter au moins cinq des neufs symptômes listés ci-dessous, depuis une
période d’au moins quinze jours, avec la présence obligatoire des
paramètres 1 et 2. Ces symptômes doivent induire une souffrance
significative ou une altération du fonctionnement. Ils ne sont pas dus
à un autre trouble, ni aux effets d’une substance ou à un deuil :
1) humeur dépressive,2) diminution de l’intérêt ou du plaisir,
3) perte ou gain significatif de poids, 4) insomnie ou hypersomnie,
5) agitation ou ralentissement, 6) perte de l’énergie ou fatigue,
7) sentiment de dévalorisation ou culpabilité, 8) diminution de
l’aptitude à penser, se concentrer ou prendre des décisions,
9) pensées récurrentes de mort.
L’épisode dépressif majeur, le syndrome dépressif ou la dépression
sont des synonymes pour exprimer une perturbation de l’humeur
dans le sens de la tristesse. L’humeur dépressive n’est pas une
simple tristesse, il s’agit d’une véritable douleur morale, qui peut
conduire à des idées de mort, et les conduites suicidaires sont fré-
quentes. Le pessimisme imprègne l’ensemble de la vie du déprimé.
Il porte sur les événements actuels et futurs. L’humeur dépressive
s’exprime également sur le plan comportemental, notamment au
niveau de la mimique et de la motricité. Le faciès est triste, figé,
inexpressif, et l’ensemble des gestes exprime le découragement
et l’abattement. Le patient se décrit comme indifférent aux choses
agréables ; on parle alors d’anhédonie. Chez la majorité des dépri-
més, cette anhédonie s’accompagne d’une hypersensibilité aux
choses désagréables, d’irritabilité, et parfois d’impulsivité. Mais
dans d’autres cas, l’anesthésie affective est totale et le patient ne
ressent plus rien, ni plaisir, ni déplaisir. Il n’est plus capable
d’éprouver des émotions. Il n’exprime qu’un désintérêt total pour
tout ce qui l’entoure, on parle alors d’émoussement affectif. Le
ralentissement, psychique et moteur, s’accompagne d’une sensa-
tion d’immense fatigue appelée asthénie. L’asthénie dépressive
représente une gêne importante pour le malade. Elle est plus
importante le matin et elle n’est pas améliorée par le repos. Elle
rend toute activité pénible. Le ralentissement cognitif se traduit
par des idées appauvries, laborieuses, voire absentes, et par une ten-
dance à la rumination mentale. Aucune élaboration n’est possible,
les réponses sont laconiques. Le patient se plaint de troubles de
la concentration, de l’attention, et de la mémoire.
HANDICAP ET DÉPRESSION
DANS LES AFFECTIONS NEUROLOGIQUES
Dans le cas de maladies neurologiques, le tableau clinique que
nous venons de décrire est souvent moins caractéristique. En effet,
les épisodes dépressifs majeurs sont relativement rares, mais la
présence de symptômes dépressifs est très fréquente. La tristesse
n’est pas toujours au premier plan. L’intrication entre les symp-
tômes dépressifs et ceux imputables à la maladie elle-même rend
le diagnostic difficile. Aussi, assiste-t-on fréquemment à une
méconnaissance de la symptomatologie dépressive qui n’est pas
prise en charge. La présence d’une telle symptomatologie engendre
une perte d’autonomie avec désinvestissement des activités. Elle
peut majorer les troubles somatiques et cognitifs et elle a un reten-
tissement sur la qualité de vie des patients, mais aussi sur celle
de leur entourage. Lorsqu’on s’intéresse aux travaux publiés dans
la littérature, la prévalence de la dépression dans les troubles neuro-
logiques varie de 5 % à 90 % ! Ces divergences s’expliquent par
la variabilité des critères retenus, les stades d’évolution des patients,
les outils utilisés (hétéroquestionnaires ou autoquestionnaires),
qui dans leur grande majorité n’ont pas été construits spécifi-
quement pour des patients atteints d’une maladie neurologique.
Toutefois, un consensus semble se dégager pour admettre que
l’on assiste le plus souvent à une symptomatologie dépressive,
mais plus rarement à un véritable épisode dépressif. Deux interpré-
tations, non exclusives, sont proposées pour expliquer la surve-
nue de troubles dépressifs. Sur le plan psychologique, il s’agirait
de la réaction à la maladie neurologique et à ses conséquences,
telles que la peur de la perte d’autonomie et la prise de conscience
des troubles physiques et/ou cognitifs. Sur le plan neurobiologique,
les processus physiopathologiques de l’atteinte neurologique inter-
fèreraient avec les mécanismes responsables de la survenue d’un
état dépressif. Les conséquences aboutissent à un handicap du fait
d’un retentissement social des déficiences et des incapacités.