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rées aux dépressions primaires, les
rechutes lors de dépressions secon-
daires à une autre affection psychia-
trique sont encore plus fréquentes
(35 % et 67 % respectivement). Le
nombre d’épisodes antérieurs est sur-
tout déterminant : plus il est élevé,
plus la probabilité de rechute est gran-
de (73 % chez les patients avec 3 ou
plus épisodes antérieurs) et plus la
durée des intervalles libres diminue.
◆La CDS confirme aussi la tendance à
l’évolution chronique de la dépression
unipolaire. Ainsi, seulement 54 %,
70 %, 81 %, 88 % et 93 % des dépri-
més parviennent à une rémission après
respectivement 6 mois, 1 an, 2 ans, 5
ans et 10 ans d’évolution (1). Deux ans
après le début de l’épisode dépressif,
19 % des patients restent donc dépri-
més, et plus d’un patient sur 10 restera
dans cet état pendant plus de 5 ans.
Parmi les facteurs de risque, c’est la
durée de l’épisode dépressif qui est le
meilleur indice du temps nécessaire
pour obtenir la rémission. Le DSM-IV (3)
distingue en fait 2 types de dépressions
chroniques : la dépression majeure
chronique (≥2 ans de durée) et la
dépression double (épisode dépressif
majeur survenu au décours d’une pério-
de de dysthymie ayant persisté au mini-
mum 2 ans). En tout, ces troubles
concernent environ un tiers des dépri-
més. Les déprimés chroniques sont des
patients très handicapés, avec des diffi-
cultés dans toutes les sphères (famille,
relations socioprofessionnelles, sexua-
lité, loisirs et qualité de vie en général).
Ces difficultés peuvent persister jus-
qu’à 2 ans après la fin du dernier épisode
dépressif (4). Ces patients apparais-
sent plus handicapés que les hyperten-
dus ou les diabétiques par exemple. La
dépression doit donc être considérée
comme une maladie chronique, au
même titre que les affections soma-
tiques prolongées.
Avant la résistance, l’observance
◆L’idée que les dépressions chroniques
seraient par essence résistantes au trai-
tement s’est avérée fausse. Différentes
études cliniques ont montré en effet que
les antidépresseurs peuvent être efficaces
dans les dépressions majeures chroniques
ou récidivantes. Cette notion a eu bien sûr
des conséquences significatives sur la
conduite du traitement et sur la prophy-
laxie. Les attitudes dans ce domaine ont
beaucoup évolué ces dernières années.
Jusqu’au milieu des années 1980, il
paraissait souhaitable de maintenir les
patients sous antidépresseurs 4 à 6 mois
seulement, avant d’arrêter progressive-
ment le traitement. Aujourd’hui, dans le
cas des dépressions majeures unipolaires
récidivantes, un traitement d’entretien de
3 à 5 ans est préconisé (voire prolongé à
vie selon certains auteurs). C’est là un élé-
ment supplémentaire qui milite en faveur
de l’introduction de nouveaux antidépres-
seurs plus efficaces et mieux tolérés que
ceux actuellement disponibles.
◆Malgré la souffrance qu’elles occasion-
nent, malgré leur impact économique
considérable, et le fait qu’elles réagissent
au traitement par antidépresseurs, les
dépressions chroniques restent sous-dia-
gnostiquées et sous-traitées (5). Par
exemple, 60 % des patients qui présentent
un épisode dépressif majeur persistant de
manière chronique depuis plus d’un an ne
reçoivent pas ou peu de traitement. Il en
est de même pour 50 % des patients dont
la dépression dure au moins 2 ans (1). Si
la dernière décennie a vu une augmenta-
tion considérable des connaissances dans
le domaine de la dépression, nous
sommes encore loin d’une prise en charge
satisfaisante du problème. Il y a diffé-
rentes raisons à cela, dont certaines
concernent le praticien (diagnostic insuf-
fisant, relations médecin-malade compli-
quées, prescription de traitements non
pharmacologiques seuls, sous-dosage lié à
la crainte des effets secondaires). Le
patient peut aussi contribuer, malgré lui, à
son propre malheur. En effet, il est surpre-
nant de constater que de nombreux
patients déprimés préfèrent endurer leur
calvaire en silence plutôt que de consulter.
La crainte de la stigmatisation qui reste
attachée à la maladie mentale explique en
partie cette attitude. Cependant, il semble
que le facteur déterminant soit le senti-
ment que les traitements disponibles pré-
sentent trop d’inconvénients.
◆Des arguments analogues expliquent
les arrêts spontanés du traitement anti-
dépresseur par les malades et la non-
observance. L’observance du traite-
ment est une conduite dont le détermi-
nisme est multifactoriel. Interviennent
ici les facteurs d’ordre sociologique (la
dépression reste stigmatisée), ou bien
dépendant du praticien et de la manière
dont il gère l’interruption spontanée
(l’attitude de certains confrères est par-
fois défensive ; ils ressentent l’arrêt
comme une disqualification qui les
empêche d’adopter une contre-attitude
efficace) ou encore liés à la maladie
(absence fréquente de rechute immé-
diatement après l’arrêt de l’antidépres-
seur, influence de la personnalité,
comorbidité autre, rôle de la chronici-
té). Les facteurs liés au traitement
jouent aussi un rôle important. Ils sont
eux-mêmes complexes. Des études ont
montré que les arrêts prématurés, qui
surviennent précocement après l’ins-
tauration d’un traitement antidépres-
seur, sont souvent en relation avec la
survenue d’effets secondaires significa-
tifs. En revanche, les interruptions plus
tardives le seraient moins et seraient
plutôt liées à l’intensité de l’épisode qui
a motivé la mise en route du traitement.
Bref, l’observance est un objectif
essentiel à toutes les phases du traite-
ment, et il est clair que de nouveaux
antidépresseurs sont nécessaires; ils
devront être au moins aussi efficaces
que les molécules déjà disponibles et
mieux tolérés, de telle sorte que les
patients seront moins enclins à les
interrompre.
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