ACTUALITÉS SCIENCES Coordonnées par E. Bacon (clinique psychiatrique, Strasbourg) // European Psychiatry // Archives of General Psychiatry // American Journal of Psychiatry // Schizophrenia Research // Journal of Psychiatry Research // Nature Neuroscience Influences des intérêts corporatistes et politiques sur les modèles de maladies mentales dans l’évolution du DSM New York (États-Unis) Le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorder [DSM]), dont la première édition a paru en 1952, est un guide de référence essentiel pour la classification des troubles mentaux. Il est utilisé dans de nombreuses disciplines ayant trait aux soins de santé mentale. C’est un document en constante évolution et la parution de la dernière version, le DSM-5, est prévue pour 2013. Dans un article récent, B. Pilecki et al. ont mis en perspective le développement du modèle médical de la maladie mentale prôné par le DSM. Soulignant les connexions entre ce modèle et les intérêts des entreprises pharmaceutiques et des puissances politiques, ils ont montré quel effet ce modèle a eu sur les diverses révisions et les développements du DSM. Dès ses premières rédactions, le DSM a été fondé, au moins implicitement, sur un modèle médical de la maladie mentale. Dans un tel modèle, les individus, “malades mentaux” ou “perturbés”, sont considérés comme présentant une maladie qui se manifeste par des symptômes particuliers entraînant en général dysfonctionnement et détresse. Par conséquent, la maladie mentale fait partie intégrante d’un paradigme normatif – qui identifie les écarts par rapport à la norme, ou “santé mentale” – comme constituant un trouble mental. Ces écarts par rapport à la norme sont caractérisés par des types définissables de pensées, de sentiments et de comportements qui sont eux-mêmes ensuite interprétés comme appartenant à différentes classes de troubles. Ce processus de différenciation est analogue à celui qui fait que, par exemple, un rhume viral se distingue d’une infection bactérienne. Bien que les rédacteurs successifs du DSM aient tenté de se fonder sur des preuves scientifiques, les facteurs politiques et économiques ont aussi façonné leur conceptualisation de la maladie mentale. Les puissances économiques et institutionnelles ont renforcé l’utilisation du DSM comme 74 | La Lettre du Psychiatre • Vol. VII - n° 3 - mai-juin 2011 modèle médical dans la compréhension de la psychopathologie. Force est de constater, cependant, que les preuves scientifiques d’un modèle médical ont du bon et du mauvais, et que les démonstrations en faveur d’autres types de conceptualisations ont fait l’objet de bien moins d’attention. Le modèle médical permet de faire des diagnostics fiables et présente de nombreux avantages et intérêts pour les psychiatres, les chercheurs ainsi que pour les industries pharmaceutiques et les industries de la santé. Selon les auteurs de cette analyse, il serait important de développer des modèles théoriques et conceptuels qui permettraient, en retour, le développement de taxonomies fiables et valides du point de vue des syndromes. Cela pourrait ensuite nourrir une science de la maladie mentale qui correspondrait plus étroitement aux taxonomies des autres sciences et qui tempérerait la puissance des intérêts économiques et politiques dans les disciplines de la santé mentale. Une telle analyse est particulièrement pertinente aujourd’hui, alors que la publication de la nouvelle révision du DSM est encore à l’état de projet et que le champ de la psychiatrie va tenter de comprendre et d’intégrer les modifications proposées par le manuel dans le traitement, la théorie et la recherche. >> Pilecki BC, Clegg JW, McKay D. The influence of corporate and political interests on models of illness in the evolution of the DSM. Eur Psychiatry 2011;26:194-200. Relation entre âge paternel tardif et risque de schizophrénie : une nouvelle approche permet de démêler les risques en fonction de la biographie paternelle Aarhus (Danemark) En 2001, D. Malaspina et al. ont démontré l’existence d’une relation entre l’âge paternel et la survenue d’une schizophrénie dans la descendance. À l’époque, les chercheurs avaient avancé l’hypothèse selon laquelle des mutations de novo dans les cellules séminales paternelles pourraient être responsables de cette association. En effet, plus l’âge du père est élevé au moment de la conception, plus les taux de mutation de novo augmentent. On peut cependant distinguer deux catégories de paternités tardives. Certains hommes ont conçu des enfants à des âges divers, dont certains à un âge avancé. D’autres ont eu leur premier enfant à un âge avancé. Si l’on définit la paternité tardive par l’âge du père au moment où il a eu son premier enfant, cet âge est constant pour tous les enfants du même père, indépendamment de l’âge réel du père lors de la conception des enfants suivants. Une hypothèse alternative à celle relative aux mutations de novo liées à l’âge avancé du père au moment de la conception consiste à considérer que ce sont les facteurs conduisant à une première paternité tardive qui seraient à l’origine de la prédisposition à la schizophrénie dans la descendance. À ce jour, on ne disposait d’aucune preuve tangible en faveur de l’une ou de l’autre hypothèse. Si les mutations de novo sont responsables, un âge paternel plus élevé lors de la conception devrait amener une augmentation du risque de schizophrénie. Inversement, si c’est l’âge du père au moment du premier enfant qui est responsable, on devrait constater une association entre le risque de schizophrénie et l’âge paternel élevé au premier enfant. Une étude destinée à distinguer ces deux origines éventuelles a été menée au Danemark, pays qui dispose de registres très complets concernant la population. L’étude a porté sur 2,2 millions de personnes nées entre 1955 et 1992, qui ont été suivies jusqu’au premier diagnostic de schizo­ phrénie, le cas échéant (entre 1970 et 2007). Dans cette population, 14 211 individus ont développé une schizophrénie. Les résultats confirment que, globalement, un âge paternel élevé est associé à un risque accru de schizo­ phrénie. Toutefois, les chercheurs ont constaté que, lorsqu’on prenait en compte l’âge du père au moment de la naissance du premier enfant, le risque de schizophrénie chez les enfants ne dépendait pas de l’âge paternel au moment de la conception des enfants suivants. En revanche, le risque de schizophrénie augmentait significativement avec l’augmentation de l’âge du père au moment de son premier enfant. Le paramètre important ne paraît donc pas être l’âge du père à la conception, mais plutôt une paternité initiale tardive. Ces observations excluent l’hypothèse de la responsabilité des mutations de novo liée au vieillissement des cellules séminales paternelles. En revanche, elles sont compatibles avec l’hypothèse selon laquelle ce sont les facteurs liés à un âge élevé du géniteur au moment de sa première paternité, et non à l’âge en soi du père, qui seraient responsables de l’association entre paternité tardive et risque de schizophrénie. Les recherches ultérieures devraient donc se focaliser sur l’élucidation des facteurs associés à une primo-paternité tardive. >> Malaspina D, Harlap S, Fennig S et al. Advancing paternal age and the risk of schizophrenia. Arch Gen Psychiatry 2001;58(4):361-7. >> Petersen L, Mortensen PB, Pedersen CB. Paternal age at birth of first child and risk of schizophrenia. Am J Psychiatry 2011;168(1):82-8. Schizophrénie liée à l’âge paternel tardif : s’agit-il d’une forme spécifique de la schizophrénie ? New York (États-Unis) La schizophrénie se caractérise par une grande hétérogénéité, qui concerne tant les symptômes que le décours de la pathologie et les profils cliniques. Cette hétérogénéité complique l’interprétation des résultats de la recherche et freine la découverte de nouveaux traitements. Une partie de la variabilité des symptômes et des caractéristiques de la maladie pourrait trouver son explication dans la présence de sousgroupes, qui différeraient de par leur étiologie et les perturbations neurobio­logiques sousjacentes. Un âge paternel avancé a été associé à un risque plus élevé de schizophrénie dans la descendance. Certaines études ont suggéré que la schizo­phrénie liée à l’âge paternel tardif pourrait constituer une variante particulière de la pathologie, qui présenterait des spécificités en termes de symptômes, de profil cognitif, de métabolisme cérébral, d’effets de sexe et de rythme cardiaque. Toutefois, pour le moment, on ne sait pas encore très clairement si une caractéristique quelconque de l’hétérogénéité de la schizo­phrénie peut être attribuée à l’âge paternel tardif. Pour explorer cette possibilité, des chercheurs new-yorkais ont mis en œuvre une approche fondée sur une analyse spécifique de groupement. La méthode de k-means clustering consiste en une analyse de partition spécifique qui, en cas d’importante variabilité de nombreux facteurs, permet de générer des groupes indépendants partageant des caractéristiques communes. Elle a déjà été utilisée en psychiatrie pour examiner l’hétérogénéité des symptômes, les réponses aux antipsychotiques et les symptômes cognitifs. Les auteurs se sont focalisés sur un certain nombre de facteurs clés des variables démographiques, cliniques et cognitives, et olfactives. Ils ont effectué une série d’analyses dans le but d’identifier des groupes comportant un nombre élevé de cas de schizophrénie liée à l’âge paternel tardif. Ils ont ainsi pu identifier deux groupes qui présentaient des caractéristiques spécifiques. La première analyse a révélé un groupe contenant 83 % de cas de schizophrénie liée à l’âge paternel tardif, dans lequel les patients étaient caractérisés par des différences significatives entre les scores de capacités intellectuelles verbale et de performance. Les âges moyens paternels et maternels étaient respectivement de 41 et de 33 ans. La seconde analyse a révélé un groupe contenant 71 % de cas de schizophrénie liée à l’âge paternel tardif, comptant une proportion élevée de femmes (93 %) et un âge précoce d’apparition de la psychose (17,2 ans). Ces résultats renforcent les observations antérieures, qui suggéraient que les cas de schizophrénie liée à l’âge paternel tardif diffèrent des autres variantes de la psychopathologie. Ils confirment que les processus génétiques et microbiologiques à l’origine de cette forme particulière de schizophrénie sont probablement différents de ceux valant dans les autres cas. Cette méthode semble particulièrement prometteuse pour établir le phénotype spécifique de la schizophrénie liée à l’âge paternel tardif et pour élaborer des hypothèses novatrices qui permettront le développement d’approches cliniques spécifiques, adaptées aux particularités de cette population de patients. >> Lee H, Malaspina D, Ahn H et al. Paternal age related schizo­ phrenia (PARS): latent subgroups detected by k-means clustering analysis. Schizophr Res 2011;128(1-3):143-9. Anomalies des interneurones hippocampiques dans le trouble bipolaire Nashville et Boston (États-unis) Le trouble bipolaire est à ce jour encore relativement peu étudié, en dépit de son effet important sur la santé des patients qui en souffrent. Pour preuve, dans les publications référencées La Lettre du Psychiatre • Vol. VII - n° 3 - mai-juin 2011 | 75 ACTUALITÉS SCIENCES depuis 1980 sur PubMed, on relève huit fois plus d’articles indexés par le terme “schizophrénie” que par “trouble bipolaire” ! Cette différence trouve peut-être son origine dans l’hypothèse forte, émise par E. Kraepelin, selon laquelle la schizophrénie serait un trouble structurel, alors que le trouble bipolaire n’aurait pas de substrat neuronal. Cette hypothèse est désormais remise en question par des études post mortem, de génétique et de neuro-imagerie. Ainsi, des observations post mortem ont rapporté une baisse de densité et une diminution de l’expression génique des interneurones hippocampiques. Toutefois, en neuro-imagerie, les études, des variations de volume et du fonctionnement de l’hippocampe n’ont permis d’aboutir à aucune conclusion nette. Une étude post mortem mettant en œuvre des outils stéréologiques et des analyses immunocytochimiques fournit des arguments complémentaires en faveur de l’existence de perturbations de l’hippocampe dans le trouble bipolaire. Des chercheurs américains ont analysé les hippocampes entiers de 14 patients et de 18 sujets témoins ayant été en bonne santé, âgés de 18 à 86 ans. Des tranches d’hippo­campe, réalisées à 2,5 mm d’intervalle, ont été marquées avec des anticorps, notamment contre la somatostatine et la parvalbumine et l’ARN messager (ARNm) a été extrait des tissus fixés. Les résultats révèlent des anomalies marquées des interneurones hippocampiques chez les patients bipolaires. En effet, si le nombre total de neurones de l’hippocampe chez les patients et les témoins ne différait pas, le groupe de patients présentait cependant une diminution du volume des couches cellulaires non pyramidales et dans le secteur de la corne d’Ammon. En outre, une diminution de 40 % des interneurones marqués à la somatostatine, une baisse de 30 % des interneurones marqués à la parvalbumine et des taux plus faibles d’ARNm de la somato­statine, de la parvalbumine, et de l’acide glutamique décarboxylase 1 ont été constatés chez les patients. Cette étude confirme donc l’existence d’altérations spécifiques des interneurones hippocampiques chez les patients souffrant de troubles bipolaires, altérations susceptibles d’entraîner des dysfonctionnements cérébraux. >> Konradi C, Zimmerman EI, Yang CK et al. Hippocampal interneurons in bipolar disorder. Arch Gen Psychiatry 2011;68: 340-50. 76 | La Lettre du Psychiatre • Vol. VII - n° 3 - mai-juin 2011 L’exercice physique modéré améliore les paramètres de dépression des patients souffrant d’une dépression sévère résistant au traitement Porto et Minho, Portugal La dépression sévère est une condition complexe, multifactorielle et multigénétique dont la pathophysiologie, tout comme celle des autres troubles psychiatriques, est toujours peu connue, voire ne l’est pas. Du fait du manque d’informations concernant les mécanismes sous-jacents, les approches thérapeutiques de la dépression sévère sont principalement symptomatiques, mais leur but n’en reste pas moins d’obtenir une rémission complète. Malgré l’utilisation de combinaisons de stratégies thérapeutiques, les taux de rémission restent faibles, et plus de 60 % des patients remplissent les critères de la dépression résistant au traitement. Un certain nombre de stratégies non pharmacologiques ont donc été envisagées en tant que thérapies complémentaires, notamment l’exercice physique, la luminothérapie et la privation de sommeil. L’exercice physique a déjà montré des résultats encourageants, comme alternative thérapeutique, dans d’autres troubles dépressifs. C’est une thérapie peu coûteuse, bénéfique à la santé, et qui améliore le bien-être général. Toutefois, il convient de vérifier d’abord comment les diverses populations cliniques vivant dans des environnements différents réagissent aux programmes. Cette étude a évalué l’effet sur la dépression et les paramètres de fonctionnement d’un programme d’exercices d’intensité modérée utilisé comme adjuvant à la pharmacothérapie, chez des patients souffrant de dépression sévère résistant au traitement pharmacologique. Parmi 150 patients ayant consulté une clinique psychiatrique de Porto entre septembre 2009 et mars 2010 pour cause de dépression sévère, 45 présentaient une dépression sévère résistant au traitement (9 à 15 mois de traitement sans bénéfice apparent) ; 33 d’entre eux ont été inclus dans l’étude. Ils ont été répartis en 2 groupes : le premier groupe, de 11 patients, a continué à suivre les traitements pharmacologiques usuels, cependant que, pour les 22 patients du second groupe, des exercices d’aérobic s’ajoutaient à la pharmacothérapie habituelle. Le programme des exercices consistait en une promenade de 35 à 45 minutes au départ du domicile, 5 jours par semaine, pendant 12 semaines. Une des promenades hebdomadaires était effectuée au gymnase de l’hôpital et surveillée par un professeur de gymnastique. À la fin de l’étude, aucun des participants du groupe témoin n’a présenté de réponse positive au traitement pharmacologique ou de rémission. Au même moment, le groupe réalisant des exercices a montré une amélioration de tous les paramètres de dépression et de fonctionnement, et ce à la fois par rapport aux valeurs de référence et au groupe contrôle de patients simplement médiqués. Ainsi, 21 % des participants dans le groupe des exercices ont présenté une réponse positive et 26 % une rémission. Il semble donc qu’un exercice physique d’intensité modérée puisse constituer une aide et un complément bénéfique dans la dépression sévère résistant au traitement. Le suivi de ces patients est en cours et devrait permettre de déterminer si les effets positifs de l’exercice perdurent au-delà de la fin du programme d’activités physiques. >> Mota-Pereira J, Silverio J, Carvalho S, Ribeiro JC, Fonte D, Ramos J. Moderate exercise improves depression parameters in treatment-resistant patients with major depressive disorder. J Psychiatr Res 2011 ; sous presse. Addiction, contexte et cortex : certains neurones du cortex sont susceptibles d’inhiber la rechute de consommation d’héroïne (chez le rat) Baltimore (États-Unis) Une étude récente publiée dans le prestigieux journal Nature Neuroscience a identifié un réseau neuronal qui serait responsable de la rechute de la consommation d’héroïne induite par le contexte. La toxicomanie est une maladie chronique récurrente caractérisée par une compulsion à rechercher et à consommer de la drogue, une perte du contrôle de la consommation de substances et l’émergence d’un état émotionnel négatif lors des périodes d’abstinence. Les taux de rechute sont très élevés chez les toxicomanes en cas de tentative d’arrêt. Ces rechutes ont des causes diverses. La réexposition au contexte environnemental préalablement associé à la drogue est notamment susceptible de déclencher un désir puissant de la drogue et de provoquer une rechute. J.M. Bossert et al., en utilisant une approche pharmacogénétique novatrice et élégante, ont identifié chez le rat une sous-population de neurones spécifiques éparpillés dans le cortex préfrontal ventromédian qui sont activés par le contexte environnemental associé à l’héroïne, et cette activation est susceptible de précipiter la rechute de la consommation d’héroïne liée au contexte. Dans un modèle murin de rechute de la consommation d’héroïne induite par le contexte, des chercheurs de l’Institut national américain de toxicomanie ont identifié un petit groupe de neurones dans le cortex préfrontal ventromédian qui forment des ensembles neuronaux codant pour les associations apprises entre les contextes associés à l’héroïne et la récompense par l’administration d’héroïne. En inactivant sélectivement cette petite population de neurones (recrutés lorsqu’ils sont exposés au contexte associé à l’héroïne), les chercheurs ont observé une atténuation de la rechute de la consommation d’héroïne induite par le contexte. En outre, les résultats suggèrent que le réseau neuronal qui médiatise la rechute dans la consommation d’héroïne diffère de celui par l’intermédiaire duquel survient la rechute dans la consommation de cocaïne. Cette observation constitue une étape importante dans la compréhension des mécanismes neurobiologiques de la rechute de consommation de drogue. L’étude plus approfondie de cet ensemble de neurones, situés dans une structure cérébrale cruciale pour la prise de décision, pourrait conduire à l’identification des personnes vulnérables à la dépendance, ainsi qu’au développement de nouvelles stratégies pour le traitement de la toxicomanie. >> Bossert JM, Stern AL, Theberge FR et al. Ventral medial prefrontal cortex neuronal ensembles mediate context-induced relapse to heroin. Nat Neurosci 2011;14(4):420-2. >> George O, Koob GF. Craving, context and the cortex. Nat Neurosci 2011;14(4):409-10. Risque de survenue et de persistance de symptômes psychotiques à la suite de l’usage prolongé de cannabis Maastricht (Pays-Bas), Londres (RoyaumeUni), Bâle (Suisse), Dresde et Munich (Allemagne) Pour la plupart des individus, l’expression de phénomènes psychotiques infracliniques est transitoire et ne progresse jamais vers la maladie psychotique chronique. Toutefois, des expériences psychotiques pourraient devenir anormalement persistantes, selon le degré d’exposition à des facteurs de risque supplémentaires de type environnemental, et se convertir en trouble chronique. Par ailleurs, le cannabis est la drogue illicite la plus couramment utilisée au monde, en particulier par les adolescents. L’usage du cannabis est souvent associé à la maladie mentale, notamment aux troubles psychotiques. La consommation de cannabis est considérée comme une cause possible de précipitation dans la psychopathologie, en inter­ action avec des susceptibilités génétiques et d’autres facteurs de risque environnementaux. Cependant, reste à savoir si l’association entre le cannabis et la psychose est causale, ou si ce sont les expériences psychotiques précoces qui amènent certains sujets à utiliser le cannabis comme automédication. On ne peut obtenir de réponse à cette question que si la consommation de cannabis est étudiée en relation avec l’incidence de troubles psychotiques ultérieurs. Il s’agit donc d’examiner de façon longitudinale la relation éventuelle entre le cannabis et la psychose. Des chercheurs européens se sont attelés à cette tâche et ont cherché à déterminer si la consommation de cannabis à l’adolescence pouvait augmenter les risques de survenue et la persistance de symptômes psychotiques. Ils ont analysé les données d’une cohorte allemande provenant de la région de Munich. Dans le cadre de cette étude, 1 923 individus de la population générale, âgés de 14 à 24 ans au début de la recherche, ont été suivis pendant 10 ans. Les sujets qui avaient préalablement traversé des expériences psychotiques ont été exclus de l’étude. La consommation de cannabis et les symptômes psychotiques ont été évalués à trois reprises : au début de l’étude, après 3 ans et demi (T2), et au bout de 8,4 ans (T3). Les chercheurs ont constaté que, pour les sujets n’ayant pas consommé de cannabis avant le début de l’étude mais en ayant consommé à quelques reprises entre celui-ci et T2, les risques d’incidents psychotiques entre T2 et T3 étaient plus élevés. De plus, un usage continu de cannabis entre le début de l’étude et T2 augmentait le risque de symptômes psychotiques persistants. L’association entre la consommation de cannabis La Lettre du Psychiatre • Vol. VII - n° 3 - mai-juin 2011 | 77 ACTUALITÉS SCIENCES et le risque de signes psychotiques était indépendante du statut socio-économique, de l’usage d’autres drogues, du statut rural ou urbain et des traumatismes vécus dans l’enfance. Les résultats ne montrent pas d’effet d’auto­médication pour le cannabis, puisque les expériences psychotiques n’avaient pas d’effet prédictif sur la consommation ultérieure de cannabis. La consommation de cannabis à long terme est donc bien un facteur de risque de développement de symptômes psychotiques incidents. Prolongée, elle pourrait augmenter le risque de survenue d’un trouble psychotique en influant sur la persistance des symptômes. Des chercheurs du même groupe ont observé, avec la même cohorte, que la vie et l’éducation en milieu urbain étaient susceptibles d’augmenter la vulnérabilité aux effets psychomimétiques du cannabis consommé ultérieurement au cours de l’existence. >> Kuepper R, van Os J, Lieb R, Wittchen HU, Höfler M, Henquet C. Continued cannabis use and risk of incidence and persistence of psychotic symptoms: 10 year follow-up cohort study. BMJ 2011 Mar 1;342:d738. doi: 10.1136/bmj.d738. >> Kuepper R, van Os J, Lieb R, Wittchen HU, Henquet C. Do cannabis and urbanicity co-participate in causing psychosis? Evidence from a 10-year follow-up cohort study. Psychol Med 2011:1-9. Sous-estimation du nombre de troubles bipolaires chez les patients soignés en première intention pour dépression Cardiff (Grande-Bretagne) Bien que les troubles de l’humeur aient traditionnellement été rigoureusement subdivisés en dépression unipolaire et trouble affectif bipolaire (manie en alternance avec dépression), des recherches récentes suggèrent qu’une proportion importante de patients atteints de dépression sévère pourraient en fait présenter un trouble bipolaire non diagnostiqué. Une étude publiée tout récemment en ligne par le British Journal of Psychiatry révèle ainsi que près d’une personne sur 5 traitées pour dépression en soins primaires pourrait en fait souffrir d’un trouble bipolaire non diagnostiqué. Pour mener à bien cette recherche, des psychiatres de l’université de Cardiff ont identifié plus de 3 000 personnes originaires du pays de Galles 78 | La Lettre du Psychiatre • Vol. VII - n° 3 - mai-juin 2011 et traitées pour dépression par leur médecin généraliste : 576 d’entre elles (soit 18,5 % des personnes invitées) ont accepté de participer, et ont rempli un questionnaire destiné à déterminer si elles présentaient des symptômes du trouble bipolaire. Cent cinquante-quatre des répondants ont ensuite été invités à une évaluation en face à face clinique. Vingt-neuf de ces 154 personnes évaluées (18,8 %) répondaient aux critères diagnostiques du trouble bipolaire. Toutefois, les chercheurs ont réalisé 3 estimations du nombre de patients traités en soins primaires pour dépression, susceptibles de présenter un trouble bipolaire non diagnostiqué. Leur estimation la plus prudente, de 3,3 %, est fondée sur l’hypothèse que toutes les personnes qui ont abandonné l’étude, soit en ne renvoyant pas leurs questionnaires, soit en cours d’évaluation, ne présentaient pas de trouble bipolaire. Leur estimation conservatrice suppose que toutes les personnes qui ont abandonné l’étude auraient réagi de la même manière que celles qui ont été évaluées, ce dont résulte un taux de 21,6 %. Il en ressort donc que de 3,3 % à 21,6 % des patients soignés en première intention pour dépression unipolaire souffraient en fait d’un trouble bipolaire non diagnostiqué. De nombreux patients souffrant de trouble bipolaire ne seraient pas correctement diagnostiqués pendant de nombreuses années, ce qui aurait des conséquences parfois dévastatrices. Il est probable que beaucoup de personnes traitées pour dépression par leur médecin généraliste aient reçu des prescriptions d’antidépresseurs. Or, selon le Dr Daniel Smith, responsable de cette étude, pour les patients qui présentent un trouble bipolaire, ces médicaments peuvent être au mieux inutiles, au pire nuisibles. La principale raison de ces erreurs de diagnostic encore fréquentes semble être un manque de formation des médecins généralistes en ce qui concerne les questions de santé mentale. Il serait donc important que les médecins généralistes soient soutenus dans l’élaboration de stratégies destinées à s’assurer que leurs patients souffrant de dépression reçoivent le bon diagnostic. >> Smith DJ, Griffiths E, Kelly M, Hood K, Craddock N, Simpson SA. Unrecognised bipolar disorder in primary care patients with depression. British Journal of Psychiatry 2011 ; Epub ahead of print. doi:10.1192/bjp.bp.110.083840.