Spondylarthrite ankylosante et syndrome de Pancoast-Tobias : association fortuite ou syndrome paranéoplasique ?

24 | La Lettre du Rhumatologue No 387 - décembre 2012
CAS CLINIQUE
Figure 1. Radiographie standard du bassin de face. Sacro-iliite bilatérale
prédominant à gauche : stade IV de Forestier (flèche blanche).
Spondylarthrite ankylosante
et syndrome de Pancoast-Tobias :
association fortuite ou syndrome
paranéoplasique ?
Ankylosing spondylitis and Pancoast’s syndrome:
fortuitous association or paraneoplastic syndrome?
S. Ndongo*, J. Tiendrebeogo*, A.C. Ndao*, A. Pouye*, M.M. Ka*, T.M. Diop*
La spondylarthrite ankylosante (SA) peut comporter des
manifestations extra-articulaires, notamment respira-
toires (1, 2). L’incidence de ces manifestations respi-
ratoires au cours de la SA varie de 0 à plus de 30 % selon
les séries (3, 4). Certaines lésions thoraciques peuvent faire
craindre un cancer et, inversement, d’authentiques cancers
pulmonaires peuvent se révéler par un rhumatisme paranéo-
plasique. Nous décrivons ici un syndrome de Pancoast-Tobias
observé 3 mois après le diagnostic d’une SA.
Observation
Monsieur A.S., âgé de 54 ans, postier, est suivi en ambula-
toire depuis 3 mois pour une SA caractérisée par des douleurs
axiales et périphériques d’installation brutale avec sacro-iliite
(stade IV) [figure 1] et présence de l’antigène HLA B27.
Dans ses antécédents, on note un tabagisme actif à
46 paquets-année ainsi qu’une cardiopathie ischémique dia-
gnostiquée 6 mois auparavant, traitée par aténolol, molsido-
mine et acide acétylsalicylique.
Monsieur A.S. est hospitalisé pour exploration d’une altération
de l’état général non fébrile associée à une toux chronique. Il
présente à l’admission une toux productive avec, par moments,
des crachats hémoptoïques de petite abondance, une dyspnée
d’effort, un hippocratisme digital et une radiculalgie C8-D1
gauche sans myosis ni énophtalmie ou ptosis.
* Rhumatologie-médecine interne, hôpital Le Dantec, CHU de Dakar, Sénégal.
Lexamen du thorax met en évidence un tympanisme généralisé.
Il n’y a pas d’autre signe clinique.
La numération formule sanguine met en évidence une anémie normo-
chrome et normocytaire, avec un taux d’hémoglobine à 10,1 mg/ l.
La vitesse de sédimentation est à 52 mm à la première heure, et la
protéine C réactive (CRP) augmentée à 12 mg/ l. Lélectrophorèse des
protéines montre une hypergammaglobulinémie polyclonale, sans
gammapathie monoclonale.
La Lettre du Rhumatologue No 387 - décembre 2012 | 25
CAS CLINIQUE
Figure 2. Tomodensitométrie thoracique. Tumeur de l’apex pulmonaire
gauche (flèche blanche).
Dans notre observation, le début explosif de cette SA avec la
découverte du cancer 3 mois après la survenue de ce rhuma-
tisme pourrait être en faveur d’une origine paranéoplasique.
Cependant, une association fortuite ne peut être exclue. Un
traitement radical nétait pas envisageable du fait des méta-
stases présentes au moment du diagnostic.
Dans une cohorte de sujets atteints de rhumatismes paranéo-
plasiques, le cancer a été diagnostiqué entre 15 jours et 18 mois
après les premières manifestations articulaires. Il s’agissait
surtout de cancers pulmonaires, digestifs et prostatiques. Ces
patients présentaient une profonde altération de leur état
général et un début explosif de l’atteinte articulaire (6).
Notre patient présentait un cancer de l’apex du poumon
gauche associé à une radiculalgie C8-D1 définissant un syn-
drome de Pancoast-Tobias. La lésion pulmonaire ne pouvait
pas être confondue avec une fibrose apicale comme il est
possible d’en voir dans les SA sévères. Le tableau clinique du
syndrome de Pancoast-Tobias se caractérise par des douleurs
scapulaires irradiant dans le bras. Il est souvent fruste, faisant
évoquer à tort un problème rhumatologique simple. Le diag-
nostic est évoqué sur la TDM et confirmé par la biopsie (le
plus souvent guidée sous TDM). Des traitements combinés
ont amélioré la prise en charge et le pronostic du syndrome
de Pancoast-Tobias (7).
Conclusion
Dans cette observation d’authentique SA HLA B27, la survenue
d’un cancer pulmonaire a fait évoquer une forme de rhuma-
tisme paranéoplasique, sans que le diagnostic puisse en être
posé avec certitude.
1. El Maghraoui A, Dougados M, Freneaux E, Chaussade S, Amor B, Breban
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hexamethylpropylene amine oxime-labelled leucocytes and ileocolonoscopy
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2. Bezza A, El Maghraoui A, Ghadouane M, Tabache F, Abouzahir A, Abbar
M. Idiopathic retroperitoneal fibrosis and ankylosing spondylitis. A new case
report. Joint Bone Spine 2002;69:502-5.
3. Richards AJ. Ankylosing spondylitis and pulmonary apical fibrosis. Proc
Roy Soc Med 1974;67:45-6.
4. Bouchea DK, Sundstrom WR. The pleuropulmonary manifestations of
ankylosing spondylitis. Semin Arthritis Rheum 1989;18:277-81.
5. Morel J, Deschamps V, Toussirot E et al. Characteristics and survival of
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6. Pfitzenmeyer P, Bielefeld P, Tavernier C, Besancenot JF, Gaudet M.
Aspects actuels de la polyarthrite aiguë paranéoplasique. Rev Med Interne
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7. Tamura M, Hoda MA, Klepetko W. Current treatment paradigms of superior
sulcus tumours. Eur J Cardiothorac Surg 2009;36:747-53.
Références bibliographiques
La radiographie du thorax révèle une horizontalisation des côtes,
une hyperclarté diffuse, un cœur en goutte, et surtout une opacité
inhomogène d’environ 3 cm de l’apex gauche.
La tomodensitométrie (TDM) thoracique confirme l’existence d’une
masse parenchymateuse pulmonaire (apicale gauche) à contours
spiculés, envahissant la première côte (figure 2). On note la présence
de quelques nodules disséminés au sein des parenchymes pulmonaires
en faveur de localisations secondaires.
Discussion
La survenue d’un cancer et d’un rhumatisme inflammatoire doit faire
discuter une association fortuite ou un rhumatisme paranéoplasique.
Certaines maladies systémiques telles que les dermatomyosites sont
fréquemment associées à des cancers, et le syndrome de Sjögren peut
se compliquer d’un lymphome.
Plusieurs rhumatismes inflammatoires (polyarthrite rhumatoïde,
spondyloarthrites, polyarthrite aiguë œdémateuse bénigne du sujet
âgé et pseudopolyarthrite rhizomélique) ont aussi été décrits, associés
à un cancer, mais leur nature paranéoplasique est souvent difficile
à affirmer (5, 6). Les arguments qui militent en faveur du caractère
para néoplasique sont :
la relation temporelle, c’est-à-dire le délai entre la survenue du
rhumatisme et la découverte du cancer ;
le début brutal ;
le parallélisme évolutif, et la disparition des symptômes articulaires
en cas de cure radicale du cancer.
Les manifestations articulaires peuvent précéder le cancer, avec une
réapparition des symptômes articulaires synchrones à la rechute du
cancer.
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