36-575-A-10 Anesthésie-réanimation en chirurgie du cancer de l’œsophage B. Capron, H. Le Frêche, C. Mariette, G. Lebuffe La chirurgie pour cancer de l’œsophage est associée à une morbimortalité périopératoire élevée en lien avec des complications pulmonaires et chirurgicales, notamment la fistule anastomotique. L’évolution des techniques chirurgicales et d’anesthésie-réanimation a permis une meilleure approche dans la compréhension des mécanismes physiopathologiques et une meilleure prise en charge dans la prévention et le traitement de ces complications. La recherche préopératoire des facteurs de risque de morbimortalité permet d’identifier les patients à risque de complication. Aussi, la morbidité pulmonaire est influencée par la stratégie anesthésique associant l’analgésie péridurale, l’optimisation du remplissage et la ventilation protectrice. Ces procédures anesthésiques favorisent également la réhabilitation et l’extubation précoces. Dans ce contexte, l’anesthésie générale associée à une analgésie locorégionale est la technique de choix. La surveillance postopératoire doit être multidisciplinaire afin de diagnostiquer et traiter précocement les complications. La place d’un traitement immunomodulateur comme la corticothérapie reste à définir. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots-clés : Anesthésie ; Œsophagectomie ; Cancer œsophagien ; Analgésie péridurale thoracique ; Ventilation unipulmonaire ; Immunomodulation ; Syndrome de détresse respiratoire aiguë Introduction Plan ■ Introduction 1 ■ Chirurgie hirurgie et retentissement 2 ■ Prise en charge préopératoire Épidémiologie Évaluation préopératoire Sélection des patients opérables Préparation préopératoire 2 3 3 5 5 ■ Prise en charge peropératoire Gestion anesthésique Analgésie locorégionale périmédullaire Technique chirurgicale Mise en condition Gestion de la ventilation Stratégie d’optimisation hémodynamique Gestion de la transfusion Antibioprophylaxie Complications peropératoires 5 5 6 7 7 7 8 8 8 8 ■ Prise en charge postopératoire Surveillance de la plastie digestive Analgésie postopératoire : l’analgésie péridurale thoracique Kinésithérapie et mobilisation précoce Ventilation non invasive Nutrition postopératoire Immunomodulation Complications postopératoires 8 8 9 9 9 9 10 10 ■ Conclusion 11 EMC - Anesthésie-Réanimation Volume 11 > n◦ 2 > avril 2014 http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0289(13)59009-8 © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 11/04/2014 par SCD Paris Descartes (292681) Le cancer de l’œsophage touche chaque année près de 4300 personnes en France (données INRS 2011), en particulier les hommes (sex-ratio de 2,75) pour lesquels il constitue la quatrième cause de mortalité par cancer. Les trois quarts de ces tumeurs sont des cancers épidermoïdes, liés à la consommation d’alcool et de tabac. Le second type, l’adénocarcinome, développé sur endobrachyœsophage, survient dans un contexte d’obésité et de reflux gastro-œsophagien. Son incidence est en constante augmentation de façon parallèle, mais retardée par rapport à ce qui est observé aux États-Unis depuis plus de 20 ans [1] . Le pronostic du cancer de l’œsophage est sombre du fait d’un diagnostic tardif et du mauvais terrain, et stagne à environ 10 % de survie à cinq ans [2, 3] . Lorsque la tumeur est « facilement » résécable et le patient opérable, le traitement curatif de référence est la chirurgie, permettant d’obtenir une probabilité de survie à cinq ans de l’ordre de 30 % [3] , mais entraînant une morbimortalité périopératoire élevée, liée principalement aux complications pulmonaires et chirurgicales [4] . La prise en charge périopératoire du cancer de l’œsophage a considérablement évolué ces dernières années grâce à une amélioration de la sélection des patients, à l’apparition de techniques chirurgicales mini-invasives, ainsi qu’à une optimisation de la prise en charge anesthésique depuis la phase préopératoire jusqu’à la réhabilitation postopératoire. 1 36-575-A-10 Anesthésie-réanimation en chirurgie du cancer de l’œsophage Figure 2. Intervention par double voie d’abord, abdominal et thoracique droit (intervention de Lewis-Santy). L’installation habituelle consiste à placer d’abord le patient en décubitus dorsal pour la réalisation du temps abdominal, puis en décubitus latéral gauche pour le temps thoracique. La gastroplastie préparée par laparotomie ou laparoscopie est ensuite anastomosée en intrathoracique avec l’œsophage natif, avec des fils de repérage (pointillé). Figure 1. Principes de réalisation d’une œsophagectomie avec remplacement de l’œsophage par gastroplastie (flèche). Chirurgie et retentissement Les deux principales voies d’abord pour la résection d’une tumeur œsophagienne sont la voie transthoracique (TT) droite, avec une anastomose au sommet du thorax ou en cervical, et la voie trans-hiatale (TH), avec une anastomose cervicale sans thoracotomie. La voie TT offre une meilleure dissection tumorale et ganglionnaire intrathoracique, associée à un risque moindre de lésions des organes adjacents. Avec la voie TH, une diminution de la morbidité postopératoire est théoriquement attendue, en lien avec la gravité moins importante des fistules et une durée d’intervention plus courte. Le choix de la technique chirurgicale est dépendant de l’état général et de l’évaluation préopératoire du patient, des constatations peropératoires et de la philosophie de l’équipe chirurgicale quant à l’étendue de la résection et la technique de reconstruction. Toutefois, l’ensemble de la littérature chirurgicale s’accorde sur le fait que le facteur pronostique le plus important dans le cancer de l’œsophage est la résection complète macroscopique et microscopique. Ce type de résection ne pouvant être réalisé que par une résection en bloc de la tumeur primitive et des ganglions régionaux, la voie TT est devenue la technique chirurgicale de référence associée aux meilleurs taux de survie à 5 ans variant de 43 à 49 % contre 0 à 11 % en cas de résection incomplète [5] . Les points communs des différentes techniques sont la libération complète de l’estomac, ou gastrolyse, puis la formation d’un tube avec l’estomac libéré (gastroplastie) (Fig. 1). Ce temps abdominal est réalisé par laparotomie ou par laparoscopie. L’intervention est poursuivie par la libération totale de l’œsophage le plus souvent par une thoracotomie ou une thoracoscopie droite. Pour les tumeurs du bas œsophage, l’intervention de LewisSanty, ou double voie, sera réalisée par une laparoscopie ou une laparotomie associée à une thoracotomie ou une thoracoscopie droite. La gastroplastie est anastomosée avec l’œsophage natif en intrathoracique (Fig. 2). En cas de tumeur du tiers supérieur de l’œsophage, l’œsophagectomie totale nécessite le rétablissement de la continuité par une gastroplastie raccordée par voie cervicale gauche. La technique nécessite une triple voie d’abord de la cavité abdominale, du thorax à droite et du cou en cervical gauche. La Figure 3. Intervention d’Akiyama, avec une triple voie d’abord, consistant à réaliser en premier la gastroplastie, puis à l’ascensionner dans un trajet rétrosternal et à l’anastomoser à l’œsophage cervical. L’exérèse de l’œsophage et de la tumeur est réalisée ensuite par thoracotomie droite. position de la plastie, rétrosternale ou dans le lit médiastinal postérieur, définit l’intervention d’Akiyama (Fig. 3) ou de Mc Keown (Fig. 4). Dans certains cas, l’ouverture du thorax est évitée par la voie TH, avec une laparotomie et un abord cervical gauche (Fig. 5). Prise en charge préopératoire Bien que durant ces 30 dernières années la mortalité postopératoire de la chirurgie de l’œsophage ait diminué pour atteindre 3 à 11 % selon les auteurs [4, 6–8] , la morbidité – en grande partie 2 © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 11/04/2014 par SCD Paris Descartes (292681) EMC - Anesthésie-Réanimation Anesthésie-réanimation en chirurgie du cancer de l’œsophage 36-575-A-10 Épidémiologie Facteurs de mortalité après œsophagectomie L’expérience de l’équipe chirurgicale, le nombre d’œsophagectomies réalisées annuellement et la morbidité pulmonaire (notamment l’insuffisance respiratoire aiguë et le syndrome de détresse respiratoire aiguë) sont les principaux critères influençant la mortalité postopératoire [9, 10] . Parmi les facteurs liés au patient, le risque de décès est augmenté en cas de diabète et chez les sujets dyspnéiques et/ou âgés [11] . Facteurs de morbidité postopératoire Figure 4. Intervention de Mc Keown, avec une triple voie d’abord, consistant à réaliser en premier l’exérèse de l’œsophage et de la tumeur par thoracotomie droite, puis à réaliser la gastroplastie et à l’ascensionner dans un trajet médiastinal postérieur, et à l’anastomoser à l’œsophage cervical. Les facteurs associés à une augmentation de la morbidité cardiorespiratoire peuvent être : • liés au patient : diabète, existence d’une dyspnée, maladie vasculaire périphérique, antécédent d’accident vasculaire cérébral, bronchopathie chronique obstructive (BPCO) ; classe ASA (supérieure ou égale à 3) ; perte de poids (supérieure à 10 % les six derniers mois) ; radiothérapie dans les 90 jours précédant la chirurgie [11] ; • liés à la chirurgie : caractère « propre–contaminé » de la chirurgie ; transfusion peropératoire, durée de la chirurgie [11] . Les facteurs associés spécifiquement à la survenue des complications pulmonaires postopératoires sont l’âge, le tabagisme, la présence de comorbidités, un volume expiratoire maximal par seconde (VEMS) inférieur à 65 % de la valeur théorique, une limitation à l’exercice physique, et l’abord chirurgical par voie TT [9, 10, 12] . Évaluation préopératoire Évaluation cardiorespiratoire Figure 5. Intervention par double abord abdominal et cervical (œsophagectomie sans thoracotomie ou œsophagectomie par voie trans-hiatale). La dissection de l’œsophage est aveugle du défilé cervicomédiastinal à la carène. Son exérèse libère le médiastin postérieur où sera positionnée la gastroplastie. respiratoire – reste élevée (30–40 %). Son amélioration dépend de la connaissance précise des facteurs de risque afin d’effectuer une sélection appropriée des patients, du choix de la technique chirurgicale et de sa réalisation, et de l’optimisation de la prise en charge périopératoire. EMC - Anesthésie-Réanimation © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 11/04/2014 par SCD Paris Descartes (292681) Le bilan paraclinique de base comprend la réalisation d’explorations fonctionnelles respiratoires, avec évaluation de la DLCO (diffusion libre du CO) et de la gazométrie artérielle. Mais c’est l’évaluation de la tolérance à l’effort qui sera la plus adéquate pour refléter les fonctions pulmonaires et cardiovasculaires du patient. Cette capacité fonctionnelle peut être exprimée en équivalents métaboliques (MET), correspondant à une valeur de consommation d’oxygène et pouvant être estimée à l’interrogatoire par l’activité physique réalisable par le patient [13] (Tableau 1). Une valeur de consommation en oxygène (VO2 ) maximale à moins de 20 et 15 ml kg–1 min–1 a été respectivement associée à 44 et 86 % de complications cardiorespiratoires [14] . Un test de marche pourra être également pratiqué à l’occasion du bilan préopératoire, afin d’évaluer de manière objective la réserve fonctionnelle du sujet. Ce test consiste à demander au patient de marcher le plus vite possible pendant six minutes, en incluant des périodes de repos si besoin. Une oxygénothérapie peut être administrée afin de maintenir une saturation artérielle en oxygène supérieure à 90 %. La distance parcourue est notée en fin de test. Une distance parcourue inférieure à 200 m serait un facteur indépendant de mortalité postopératoire lors d’une chirurgie de réduction pulmonaire [15] . Son utilisation en pratique quotidienne est devenue systématique, mais sa véritable valeur prédictive reste à démontrer spécifiquement pour la chirurgie de l’œsophage. L’électrocardiogramme sera réalisé systématiquement. Une échocardiographie de repos sera proposée en fonction des données de l’interrogatoire (notion de dyspnée) ou de l’examen clinique (souffle cardiaque). Chez un patient coronarien ou présentant plusieurs facteurs de risque cardiovasculaire, la chirurgie œsophagienne est considérée comme « une chirurgie à risque intermédiaire », correspondant à une fréquence d’événements cardiaques périopératoires comprise entre 1 et 5 %. L’évaluation du risque cardiaque repose sur le score de Lee clinique (Tableau 2). La présence de trois facteurs chez un patient aux capacités fonctionnelles limitées ou non évaluables nécessite la réalisation d’un test de dépistage d’une cardiopathie ischémique [16] . 3 36-575-A-10 Anesthésie-réanimation en chirurgie du cancer de l’œsophage Tableau 1. Estimation du risque chirurgical en fonction de la capacité fonctionnelle du patient (d’après [13] ). Aptitude physique (échelle de Dukes) MET VO2 estimée (ml kg–1 min–1 ) Activité physique réalisable sans symptômes Risque chirurgical estimé Excellente > 10 > 35 Natation Tennis en simple Ski de fond Athlétisme Basket-ball Faible Très bonne à bonne 7–10 24,5–35 Tennis en double, football Danse Gros travaux d’entretien dans la maison Courir sur une courte distance Monter en haut d’une colline Monter deux étages ou plus Marcher rapidement sur terrain plat Modérée 4–7 14–24,5 Monter deux étages Faire du ménage Faible <4 < 14 Marcher sur terrain plat à 3–5 km h–1 Marcher à l’intérieur de son domicile Faire sa toilette, s’habiller, manger Non évaluable ? ? Aucune D’intermédiaire à élevé MET : équivalent métabolique ; VO2 : valeur de consommation en d’oxygène. Tableau 2. Score de risque cardiaque a de Lee [16] . Calcul du score de Lee classique Facteur de risque 1 point Chirurgie à haut risque : chirurgie vasculaire supra-inguinale, intrathoracique ou intrapéritonéale 1 point Coronaropathie : antécédent d’infarctus du myocarde, angor clinique, utilisation de nitrés, onde Q à l’ECG ou test non invasif de la circulation coronaire positif 1 point Insuffisance cardiaque : antécédent d’insuffisance cardiaque congestive, d’œdème pulmonaire, dyspnée nocturne paroxystique, crépitants bilatéraux, galop B3 ou redistribution vasculaire radiologique 1 point 1 point Antécédent d’accident vasculaire cérébral ischémique ou d’accident cérébral ischémique transitoire 1 point 1 point Diabète insulinorequérant 1 point 1 point Insuffisance rénale chronique définie par une créatininémie > 2 mg/dl (177 mol/l) 1 point 1 point Calcul du score de Lee clinique est la complication la plus fréquente, probablement associée à l’interruption de la circulation collatérale œsophagienne au cours de la chirurgie. Les facteurs préopératoires à prendre en compte sont le degré d’insuffisance hépatocellulaire estimé par le score de Child et le taux de prothrombine [18] . Une chirurgie œsophagienne peut être envisagée chez les patients avec un score de Child-Pugh A, voire B, et un taux de prothrombine (TP) supérieur à 60 % [19, 20] . Les complications pulmonaires ne semblent pas plus élevées chez le cirrhotique. Effets secondaires des traitements néoadjuvants Les traitements néoadjuvants entraînent une augmentation de la morbidité respiratoire [11] , liée à une immunodépression et à une altération des capacités de diffusion pulmonaire estimée par la mesure de la DLCO [12] . L’association fréquente du cisplatine et du 5-fluorouracil requiert une évaluation cardiaque et hématologique 2 à 4 semaines après la fin des séances. Évaluation de l’état nutritionnel (cancer et difficultés d’alimentation) a Le risque d’événement cardiaque périopératoire en chirurgie non cardiaque en fonction du nombre de points obtenus avec le score de Lee sera respectivement de : 0 point : 0,4 % ; 1 point : 0,9 % ; 2 points : 7 %, 3 points ou moins de 3 points : 11 %. Des scores pronostiques sont proposés pour stratifier le risque cardiorespiratoire et permettre une sélection dirigée des candidats à une œsophagectomie. Ils sont volontiers établis à partir de critères comme l’âge, la performance physique et le VEMS [17] (Tableau 3). Évaluation de la fonction hépatique La réalisation d’une œsophagectomie chez un patient cirrhotique augmente le risque de décès postopératoire. L’ascite Le cancer de l’œsophage et ses difficultés d’alimentation favorisent la dénutrition. Celle-ci augmente le risque de complications infectieuses et de fistule anastomotique par altération du système immunitaire et des capacités de cicatrisation. La pathologie carcinologique, la dysphagie, et les traitements néoadjuvants sont les principaux facteurs de risque de dénutrition [21] (Tableau 4). L’interrogatoire doit rechercher la présence d’autres facteurs de dénutrition (Tableau 5), et l’existence d’une dénutrition définie selon les critères suivants : indice de masse corporelle (IMC) supérieur ou égal à 18,5 kg/m2 ou inférieur à 21 kg/m2 chez le sujet de plus de 70 ans, ou perte de poids récente d’au moins 10 %, ou albuminémie inférieure à 30 g/l, indépendamment de la protéine C réactive (C reactive proteine [CRP]) [21] . Ces données de l’interrogatoire permettent de stratifier le risque nutritionnel du patient et d’établir la stratégie de prise en charge nutritionnelle préopératoire. En l’absence de dénutrition, le patient bénéficie de conseils diététiques et de l’apport de compléments nutritionnels. En revanche, s’il est dénutri, une assistance nutritionnelle préopératoire de 7 à 10 jours est préconisée. Dans les deux cas, il est recommandé de prescrire en préopératoire, pendant 5 à 7 jours, un mélange nutritif utilisable par voie digestive et contenant une association de pharmaconutriments démontrée pour réduire la morbidité postopératoire [21, 22] . 4 © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 11/04/2014 par SCD Paris Descartes (292681) EMC - Anesthésie-Réanimation Anesthésie-réanimation en chirurgie du cancer de l’œsophage 36-575-A-10 Tableau 3. Score de risque de Ferguson et Durkin [17] . A B C Total A + B + C Facteur évalué Segmentation Score Âge > 50 ans < 51 0 51–60 1 61–70 2 71–80 3 > 80 4 ≥ 90 0 80–89,9 1 70–77,9 2 60–69,9 3 < 60 4 Activité normale 0 VEMS (en pourcentage de la normale) Performance physique Incidence des complications cardiorespiratoires en fonction de la valeur du score Activité soutenue limitée 1 Ambulatoire et autonome, mais activité professionnelle impossible 2 Autonomie limitée, confinement au fauteuil ou au lit d’au moins 50 % 3 Perte complète d’autonomie 4 0–1 21 % 2–3 41 % 4–5 46 % 6–7 62 % ≥8 91 % VEMS : volume expiratoire maximal par seconde. Évaluation des comorbidités liées aux facteurs de risque du cancer Le carcinome épidermoïde est la forme anatomopathologique la plus fréquente du cancer de l’œsophage. Toutefois, l’adénocarcinome est en constante progression [23] . Cette évolution reflète une diminution des terrains alcoolotabagiques et surtout l’incidence croissante du reflux gastro-œsophagien (RGO) et de l’obésité morbide étant les principaux facteurs de risque de l’endobrachyœsophage et de sa transformation vers l’adénocarcinome [1] . Ces patients se présentent le plus souvent avec un meilleur état général et nutritionnel, notamment ceux porteurs d’un adénocarcinome sur RGO. Sélection des patients opérables À l’issue du bilan préopératoire, une chirurgie curative n’est possible que chez 15 à 20 % des patients en raison de contreindications liées au terrain ou à l’extension tumorale. Les indications thérapeutiques sont les mêmes pour les carcinomes épidermoïdes et les adénocarcinomes, malgré leurs différences en termes de physiopathologie et d’anatomopathologie. Les critères de non-opérabilité sont présentés dans le Tableau 6. Préparation préopératoire La précocité de la consultation préanesthésique est essentielle pour préparer au mieux à l’intervention. Le sevrage tabagique est à réaliser le plus tôt possible, soit, dans l’idéal, au moins huit semaines avant la procédure chirurgicale. Passé ce délai, son bénéfice pour diminuer les complications pulmonaires n’a pas été prouvé. Toutefois, aucun effet délétère sur la morbidité postopératoire n’a été observé lorsque le sevrage est réalisé plus tardivement. Il convient donc d’inciter les patients à l’arrêt systématique de toute consommation tabagique avant la chirurgie [24] . La préparation respiratoire concerne tous les patients, notamment ceux porteurs des comorbidités pulmonaires. Elle comporte une information et une éducation du patient sur l’analgésie EMC - Anesthésie-Réanimation © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 11/04/2014 par SCD Paris Descartes (292681) périmédullaire et la nécessité d’une physiothérapie respiratoire postopératoire (spirométrie incitative et éducation aux manœuvres d’évacuation des sécrétions). Un programme de réhabilitation respiratoire peut être discuté dès le stade IIA des patients porteurs d’une BPCO (VEMS entre 50 et 80 % et VEMS/CV inférieurs à 70 %), dans la mesure où le bénéfice attendu de celui-ci tient compte du risque de report de l’intervention chirurgicale. Il dure en moyenne de 2 à 4 semaines et comprend une rééducation à l’effort, de la kinésithérapie et une optimisation du traitement médical [25, 26] . Prise en charge peropératoire La prise en charge peropératoire de l’œsophagectomie repose principalement sur la prévention des complications respiratoires, la précocité du sevrage ventilatoire, une réhabilitation postopératoire rapide, et la garantie de la viabilité de la plastie digestive. Dans ce contexte, l’association d’une anesthésie générale à une analgésie locorégionale périmédullaire per- et postopératoire apparaît comme la stratégie de choix. Gestion anesthésique Aucune recommandation particulière concernant l’utilisation d’un agent anesthésique plutôt qu’un autre ne peut être faite. Le recours aux procédures anesthésiques (intraveineuse ou par inhalation) à objectif de concentration avec monitorage de la profondeur de l’anesthésie semble être intéressant. Les bénéfices attendus en sont une réduction des doses d’hypnotique administrées permettant une optimisation hémodynamique, un sevrage respiratoire précoce et une diminution de l’exposition aux hypnotiques dont les conséquences neurologiques à long terme semblent incertaines. En effet, des données expérimentales suggèrent un effet délétère des agents halogénés sur les fonctions cognitives [27] . Ces résultats restent incertains en clinique tant la physiopathologie des dysfonctions cognitives postopératoires est complexe [28] . 5 36-575-A-10 Anesthésie-réanimation en chirurgie du cancer de l’œsophage Tableau 4. Facteurs de risque de dénutrition liés au patient (d’après [21] ). Âge > 70 ans Cancer Hémopathie maligne Tableau 5. Résumé : évaluation préopératoire. Éléments importants de l’examen clinique Âge, poids, IMC Tabagisme, diabète, intoxication éthylique Dyspnée, tolérance à l’effort Pathologie respiratoire, cardiovasculaire Traitements néoadjuvants Examens complémentaires systématiques Bilan prétransfusionnel Coagulation : TP, TCA, NFS Ionogramme sanguin, bilan hépatique Bilan nutritionnel : albuminémie, préalbuminémie, CRP EFR, GDS, radiographie du thorax, ECG Examens guidés par la clinique Échographie cardiaque transthoracique Examen de dépistage d’une ischémie myocardique Sepsis Pathologie chronique Pathologie digestive Insuffisance d’organe (respiratoire, rénale, intestinale, pancréatique, hépatique) Pathologie neuromusculaire et polyhandicap Diabète Syndrome inflammatoire VIH/sida Antécédent de chirurgie digestive majeure Intestin grêle court Pancréatectomie Gastrectomie Chirurgie bariatrique IMC : indice de masse corporelle ; TP : taux de prothrombine ; TCA : temps de céphaline activée ; NFS : numération formule sanguine ; CRP : C reactive proteine ; EFR : explorations fonctionnelles respiratoires ; GDS : gaz du sang ; ECG : électrocardiogramme. Syndrome dépressif, troubles cognitifs, démence, syndrome confusionnel Symptômes persistants Dysphagie Nausées, vomissements, sensation de satiété précoce Douleur Diarrhée Dyspnée Facteurs de risques liés à un traitement Traitement néoadjuvant (radiochimiothérapie) Corticothérapie > 1 mois Polymédication > 5 Tableau 6. Critères de non-opérabilité du cancer de l’œsophage. Classification TNM Terrain du patient T4 : envahissement des organes médiastinaux M + : métastase à distance Insuffisance respiratoire (PaO2 < 60 mmHg, PaCO2 > 45 mmHg, VEMS < 1 l/s) Cirrhose (TP < 60 %, hypertension portale, antécédents de décompensation) Dyspnée stade III-IV Perte de poids > 20 %/poids de forme VIH : virus de l’immunodéficience humaine ; sida : syndrome d’immunodéficience acquise. Cette stratégie de gestion des hypnotiques est associée à une curarisation profonde, elle-même contrôlée par un monitorage. Analgésie locorégionale périmédullaire La complexité et l’importance des processus nociceptifs nécessitent une approche multimodale de l’analgésie. Les composantes douloureuses sont multiples : pariétales (incision, écarteur, drainage, etc.), viscérales (irritations péritonéales et pleurales) et douleurs projetées (épaule). PaO2 : pression en oxygène ; PaCO2 : pression en gaz carbonique ; Hg : mercure : VEMS : volume expiratoire maximal par seconde ; TP : taux de prothrombine. continuité dans la prise en charge analgésique, et un sevrage ventilatoire plus précoce [31] . Cependant, ses effets hémodynamiques à type d’inhibition du tonus vasomoteur sont à prendre en compte en cas de risque hémorragique important, amenant parfois l’anesthésiste-réanimateur à différer son utilisation à la période postopératoire. Rachianalgésie La rachianalgésie est réalisée avant l’induction anesthésique. Une injection intrathécale de 100 à 500 g de morphine assure une analgésie postopératoire satisfaisante pendant 20 heures [29] . Le relais sera effectué par une technique d’autoadministration intraveineuse d’opiacés. Lorsque la posologie de morphine intrathécale utilisée est supérieure à 100 g, le risque de dépression respiratoire (pouvant atteindre 3 %) impose une surveillance rapprochée pendant au moins 24 heures de la fréquence respiratoire et de la saturation pléthysmographique en O2 dans une unité de surveillance adéquate (surveillance continue ou soins intensifs postopératoires). D’autres effets secondaires liés à la rachianalgésie peuvent survenir, tels que le syndrome post-ponction lombaire (0,54 %), le prurit (37 %) et les nausées (25 %) [30] . Péridurale thoracique La péridurale thoracique est une technique intéressante dans la chirurgie de l’œsophage. Elle est réalisée chez le patient éveillé, avec un point de ponction au niveau de la pointe de l’omoplate (soit en T7). Le cathéter est introduit de 4 à 6 cm dans l’espace péridural. De manière générale, elle est utilisée dès la période peropératoire afin de diminuer la réaction neuroendocrinienne liée à l’acte chirurgical. L’analgésie péridurale permet également une épargne morphinique, une amélioration des rapports ventilation/perfusion, une Bloc paravertébral Le bloc paravertébral thoracique (BPVT) représente une alternative à la péridurale thoracique par injection d’anesthésiques locaux dans l’espace paravertébral où cheminent les nerfs rachidiens. Il s’agit d’un bloc unilatéral dont le risque d’instabilité hémodynamique est moindre. L’administration des anesthésiques locaux peut se faire comme pour la péridurale thoracique en bolus ou en perfusion continue à l’aide d’un cathéter installé dans l’espace paravertébral en regard de la zone à analgésier. Cette technique a été évaluée en chirurgie thoracique et en chirurgie mammaire avec des résultats intéressants. Plusieurs méta-analyses réalisées en chirurgie thoracique ont montré que le BPVT permettait une qualité d’analgésie similaire à celle obtenue à l’aide de la péridurale thoracique, avec une meilleure stabilité hémodynamique. La fréquence des nausées et des vomissements postopératoires et de la rétention aiguë d’urine était également réduite. Quelques études se sont plus particulièrement intéressées au retentissement hémodynamique de ces techniques d’analgésie et confirment une meilleure tolérance des patients sous BPVT. Par ailleurs, il apparaît que le taux d’échec du BPVT serait moins important (de 6 à 10 %). Toutefois, cette technique n’a pas encore été évaluée dans le cas spécifique de la thoracotomie pour chirurgie œsophagienne [32–34] . L’analgésie péridurale reste la technique d’analgésie de choix. 6 © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 11/04/2014 par SCD Paris Descartes (292681) EMC - Anesthésie-Réanimation Anesthésie-réanimation en chirurgie du cancer de l’œsophage 36-575-A-10 “ Point important Exemple de protocole La péridurale thoracique est mise en charge dès le début de l’intervention par un bolus de 10 ml de lidocaïne à 10 mg ml–1 (réalisé en titrant selon la tolérance hémodynamique) suivi de l’administration continue d’un mélange associant de la ropivacaïne à 2 mg ml–1 et du sufentanil à 0,25 g ml–1 à la vitesse de 4 à 6 ml h–1 . Des bolus de lidocaïne peuvent être réinjectés avant le temps thoracique et lorsque le patient présente des signes de douleur. En postopératoire, ce mélange est administré en continu à la vitesse de 4 à 6 ml h–1 , et de manière discontinue grâce à la technique de PCEA (patient controlled epidural analgesia), où le patient peut s’injecter des bolus de 3 ml toutes les 15 à 30 minutes. Technique chirurgicale Installation du patient Pour une intervention double voie de type Lewis-Santy, le patient est installé tout d’abord en décubitus dorsal pour la laparotomie ou la laparoscopie. À la fin du temps abdominal, un changement de position en décubitus latéral gauche est effectué pour la thoracotomie ou la thoracoscopie droite. Les chirurgies de l’œsophage triples voies nécessitent une cervicolaparotomie première, puis un abord thoracique droit pour l’intervention d’Akiyama alors que l’intervention de Mc Keown relève d’un abord thoracique premier, puis une cervicolaparotomie. L’œsophagectomie sans thoracotomie est réalisée en décubitus dorsal pour la laparotomie et la cervicotomie gauche. Techniques « mini-invasives » Des techniques « mini-invasives » sont proposées visant à substituer la laparotomie et/ou la thoracotomie droite par une thoracoscopie et/ou une laparoscopie. Toutefois, il n’existe pas à ce jour de données prospectives probantes en faveur de ces techniques hybrides comparées à la technique de référence sur la survie et les complications respiratoires. En outre, la voie thoracoscopique s’accompagne d’un allongement de la durée d’intervention et de la ventilation unipulmonaire, ce qui pourrait altérer le bénéfice attendu sur la morbidité respiratoire, ce d’autant qu’une diminution de la réaction inflammatoire systémique ne semble pas évidente. Récemment, une analyse prospective des complications respiratoires majeures (atélectasie, pneumopathie, syndrome de détresse respiratoire aigu) a montré leur réduction significative chez des patients opérés d’une intervention de Lewis-Santy par laparoscopie par rapport à une série historique dont le temps abdominal était réalisé par laparotomie [35] . L’essai multicentrique MIRO en cours de réalisation devrait rapidement confirmer ou non l’intérêt de la préparation de la plastie gastrique par laparoscopie [36] . Mise en condition La mise en condition du patient comprend au mieux un électrocardioscope, un oxymètre de pouls, une mesure continue de la pression artérielle facilitant également les prélèvements sanguins en périopératoire, un moniteur de la curarisation, une voie veineuse centrale, double lumière, afin d’assurer la nutrition parentérale postopératoire et/ou l’administration des catécholamines si nécessaire, un sondage vésical pour surveiller la diurèse en peropératoire et prévenir la rétention urinaire postopératoire liée à l’analgésie périmédullaire et une sonde thermique associée à un dispositif de réchauffement externe du patient au niveau des membres inférieurs afin de prévenir l’hypothermie peropératoire. EMC - Anesthésie-Réanimation © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 11/04/2014 par SCD Paris Descartes (292681) Gestion de la ventilation Ventilation unipulmonaire À l’instar de la chirurgie thoracique, le temps thoracique de l’œsophagectomie implique une ventilation unipulmonaire afin d’optimiser les conditions opératoires (en particulier pour le curage ganglionnaire), et de protéger le parenchyme pulmonaire au cours de l’intervention. Cependant, cette technique entraîne une dégradation significative des échanges gazeux. En effet, le maintien de la perfusion du poumon non ventilé entraîne un shunt important, ce qui a pour conséquence l’apparition d’une hypoxémie, d’autant plus marquée que le patient présente une pathologie pulmonaire sous-jacente. L’évolution de la pression en oxygène (PaO2 ) dépend principalement de la vasoconstriction pulmonaire hypoxique dans le poumon exclu. Indépendamment de l’altération des échanges gazeux, il existe d’autres facteurs d’agression relatifs aux phénomènes d’ischémie/reperfusion et aux contraintes chirurgicales, subis par le poumon droit. Les volumes courants traditionnellement utilisés pour la ventilation unipulmonaire étaient identiques à ceux utilisés pour la ventilation bipulmonaire. Au cours des dix dernières années, ils ont été progressivement diminués à moins de 9 ml kg–1 (de poids idéal). Cette pratique est fondée sur les résultats de nombreuses études ayant démontré que l’utilisation d’un volume courant inférieur à 6 ml kg–1 diminuait la réaction inflammatoire et la mortalité dans le syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) [37–39] . Ce syndrome associe un rapport pression/fraction inspirée PaO2 /FiO2 inférieur à 200, des images interstitielles bilatérales à la radiographie de thorax, sans défaillance cardiaque gauche associée. Le concept d’une ventilation unipulmonaire protectrice – à présent largement utilisée en pratique courante – est assez récent, et fait référence à de faibles volumes courants (de 4 à 6 ml kg–1 ), une pression expiratoire positive, et une hypercapnie permissive. Cette ventilation protectrice permettait de réduire les défaillances respiratoires après thoracotomie [40] . Elle limitait également la réaction inflammatoire, améliorait les échanges gazeux, et permettait une extubation précoce [41] . Le mode ventilatoire en volume reste la technique de référence. Aucune étude n’a démontré à ce jour la supériorité d’une autre technique ventilatoire tel que le mode en pression [42] . Sécurité des voies aériennes L’utilisation d’une sonde d’intubation double lumière gauche est la technique de choix qui offre la plus grande marge de sécurité. Le bloqueur bronchique (sonde simple lumière) peut être une alternative dans le cas où la pose d’une sonde double lumière serait difficile. L’expérience de l’anesthésiste-réanimateur, le contrôle du positionnement de la sonde au fibroscope, l’adaptation du diamètre de la sonde à la taille de la trachée estimée à la radiographie de thorax sont des critères qui diminuent le risque d’hypoxémie au cours de la ventilation unipulmonaire [43] . Gestion de l’hypoxémie En présence d’une baisse de l’oxymétrie de pouls, l’attitude passe par une augmentation de la FiO2 et par l’amélioration des rapports ventilation/perfusion en administrant de l’oxygène au poumon exclu. Un contrôle fibroscopique est nécessaire car il permet de détecter et de traiter facilement une obstruction ou un déplacement de la sonde double lumière, cause la plus fréquente d’hypoxémie lors d’une ventilation unipulmonaire. En cas d’échec, malgré le repositionnement de la sonde double lumière, la première démarche consiste à reventiler en oxygène pur de manière intermittente le poumon exclu ou à lui appliquer une ventilation en pression positive continue (CPAP) de 5 à 10 cmH2 O. Extubation L’extubation précoce après œsophagectomie est recommandée car, bien qu’elle n’ait pas été prouvée comme diminuant la morbidité de façon indépendante, elle réduit la durée de séjour en soins 7 36-575-A-10 Anesthésie-réanimation en chirurgie du cancer de l’œsophage intensifs et le nombre de jours de ventilation mécanique, qui sont des facteurs contribuant à améliorer le pronostic des patients [44] . Stratégie d’optimisation hémodynamique L’objectif de la prise en charge hémodynamique au cours de la chirurgie œsophagienne représente un véritable challenge, visant d’une part à maintenir une pression de perfusion et une oxygénation des organes vitaux et de la muqueuse intestinale suffisante et, d’autre part, à éviter une accumulation liquidienne qui pourrait retarder la récupération du transit intestinal et altérer la cicatrisation de la plastie digestive, la coagulation et les fonctions cardiorespiratoires. Remplissage vasculaire Il est actuellement établi qu’une stratégie restrictive du remplissage vasculaire (4 ml kg–1 h–1 versus 12 ml kg–1 h–1 ) au cours de la chirurgie abdominale majeure a un impact positif sur la morbidité postopératoire [45] . Les études portant spécifiquement sur l’œsophagectomie sont également en faveur d’une stratégie restrictive [46] , ou du moins d’un effet délétère d’un remplissage excessif [47, 48] , mais il s’agit d’études non randomisées et portant sur un faible nombre de patients, qui appellent à la réalisation d’études complémentaires. En pratique, la définition exacte du volume à administrer en cas de stratégie restrictive, et les critères de jugement utilisés dans les études rendent difficile l’établissement de recommandations précises concernant le remplissage vasculaire peropératoire. La prévention de la surcharge vasculaire par l’optimisation du remplissage semble être la clé de l’amélioration du pronostic. Parmi les outils hémodynamiques habituellement utilisés pour guider le remplissage vasculaire, le Doppler œsophagien, bien qu’il soit le gold standard dans cette indication, est inutilisable au cours de la chirurgie de l’œsophage. La mesure de la variation de la pression artérielle pulsée est capable de prédire la réponse au remplissage chez les patients sous anesthésie générale et ventilation mécanique [49] , malgré les conditions à thorax ouvert [50] . Cependant, son intérêt dans cette dernière situation très particulière n’a été démontré qu’en chirurgie cardiaque. L’analyse du contour de l’onde de pouls et la thermodilution transpulmonaire par la technologie PiCCO (pulse contour cardiac output ; Pulsion Medical Systems AG, Munich, Allemagne) chez les patients ayant subi une œsophagectomie peuvent prédire les complications pulmonaires [51, 52] . Enfin, le système FloTrach/vigileo (Edwards Lifesciences, Irvine, Californie) aide à diagnostiquer l’hypovolémie et améliore la stabilité hémodynamique postopératoire [53] . La réalisation de travaux complémentaires est nécessaire pour valider l’utilisation de ces techniques au cours de l’œsophagectomie, qui représente une situation particulière, du fait du recours à la ventilation unipulmonaire réalisée avec des paramètres ventilatoires spécifiques, ainsi que du fait des nombreuses variations de pressions pulmonaires liées aux changements de position au cours de la chirurgie et à la laparoscopie. Au total, au cours du temps abdominal, le remplissage vasculaire peut être guidé par la variation de la pression artérielle pulsée. En revanche, lors du temps thoracique, en raison de l’incertitude régnant sur la fiabilité des outils de monitorage utilisés à thorax ouvert, et du fait de la non-nécessité d’un remplissage important, une compensation des pertes hydroélectrolytiques à hauteur de 2 à 4 ml kg–1 h–1 et des pertes sanguines peut être proposée. Gestion de la transfusion La chirurgie œsophagienne est une chirurgie à haut risque hémorragique, dont le saignement moyen varie entre 500 et 1000 ml et augmente en cas de résection transthoracique. Étant donné le risque potentiel que représente la transfusion par l’augmentation de la morbidité postopératoire [11] , il convient de limiter son recours aux situations qui le nécessitent vraiment. La stratégie transfusionnelle est guidée sur les seuils recommandés et complétés potentiellement par la mesure de la saturation veineuse centrale en oxygène à partir d’un prélèvement réalisé sur la voie veineuse centrale [56] . Antibioprophylaxie La chirurgie de l’œsophage sans plastie colique correspond à une chirurgie propre (classe 1 d’Altemeier). Les recommandations actuelles préconisent l’administration de 2 g de céfazoline en injection intraveineuse lente 30 minutes avant l’intervention afin de cibler les bactéries les plus fréquemment retrouvées : Escherichia coli et Staphylococcus aureus sensible à la méthicilline (réinjection de 1 g après quatre heures). En cas d’allergie, il convient d’utiliser 600 mg de clindamycine associée à 5 mg kg–1 de gentamycine (réinjection de clindamycine 600 mg au bout de quatre heures) [57] . Complications peropératoires Complications cardiovasculaires La dissection œsophagienne, la réalisation du tunnel rétrosternal et l’ascension de la plastie dans le médiastin peuvent comprimer la veine cave inférieure, diminuant ainsi le retour veineux, et ces manipulations médiastinales entraînent parfois des troubles du rythme ventriculaires. Un saignement médiastinal brutal et abondant doit faire craindre une plaie de la veine azygos ou de la crosse de l’aorte. Complications respiratoires La survenue d’une plaie de la plèvre médiastinale est fréquente et bien tolérée. En revanche, la plaie de l’arbre trachéobronchique est un événement plus rare, pouvant entraîner des difficultés ventilatoires liées à la perte de gaz insufflé et à une augmentation des pressions de ventilation secondaire au pneumothorax. Prise en charge postopératoire L’amélioration des techniques chirurgicales et de la réanimation postopératoire a contribué à réduire la mortalité périopératoire. Cependant les complications postopératoires restent nombreuses (de 40 à 50 %), potentiellement graves, liées à la fois à la chirurgie et aux techniques d’analgésie [4, 7, 8, 58, 59] . Par conséquent, les patients opérés d’une œsophagectomie doivent être surveillés dans une structure de soins intensifs ou de réanimation au cours des 48 premières heures. Le principal objectif de cette surveillance intensive postopératoire est la prévention et le traitement précoce des complications respiratoires. Cette procédure de prise en charge postopératoire standardisée s’intègre dans un objectif de réhabilitation précoce, appelé fast-tracking, réalisant une approche multimodale sur l’ensemble des facteurs influençant le pronostic. Vasopresseurs Surveillance de la plastie digestive Concernant le recours aux vasopresseurs, il était pendant longtemps admis que leur utilisation pouvait être délétère pour la perfusion des anastomoses, et ainsi augmenter le risque de fistule anastomotique [54] . Cependant, lorsqu’ils sont utilisés dans des conditions de normovolémie, afin de maintenir la pression artérielle systémique [55] , leur utilisation est bénéfique. D’autre part, l’emploi de vasopresseurs de courte durée d’action comme l’éphédrine n’est pas associée à la survenue de fistule anastomotique postopératoire [54] . Il est indispensable d’effectuer une prévention des microinhalations grâce à l’aspiration douce (–30 cm d’eau) et continue de la plastie digestive, associée à l’installation du patient en proclive. Cette aspiration évite également la distension de la plastie qui pourrait être responsable de troubles respiratoires, de manifestations hémodynamiques (représentées dans les formes les plus graves par une tamponnade), ou de fistules anastomotiques par altération de la perfusion microcirculatoire. La sonde d’aspiration digestive est positionnée en peropératoire au niveau de la plastie 8 © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 11/04/2014 par SCD Paris Descartes (292681) EMC - Anesthésie-Réanimation Anesthésie-réanimation en chirurgie du cancer de l’œsophage 36-575-A-10 digestive. Celle-ci doit toujours être perméable et doit être contrôlée régulièrement (repère gradué au niveau de la sonde) afin de ne pas méconnaître une mobilisation accidentelle. La radiographie de thorax permet également de vérifier la bonne position de la sonde, ainsi que l’absence de dilatation de la plastie. L’hypotension artérielle doit être évitée car elle peut altérer la perfusion tissulaire de la plastie digestive. L’utilisation d’amines vasopressives n’a pas d’effet sur la microcirculation gastrique si la volémie est maintenue. Ainsi, après avoir exclu les situations d’hypovolémie, l’emploi des catécholamines vasopressives est recommandé, en particulier lorsque l’hypotension est liée au bloc sympathique induit par les anesthésiques locaux [54, 55, 60, 61] . Analgésie postopératoire : l’analgésie péridurale thoracique En général, le protocole d’analgésie multimodale postopératoire comprend l’administration combinée d’anesthésiques locaux et de dérivés morphiniques par voie péridurale, associée aux antalgiques par voie intraveineuse. À titre d’exemple, un protocole associant l’administration d’un fond continu de mélange de ropivacaïne 2 mg ml–1 et de sufentanil 0,25 g ml–1 à la vitesse de 4 à 6 ml h–1 ainsi que l’administration autocontrôlée (PCEA) de bolus supplémentaires d’un volume de 3 ml de cette solution toutes les 20 minutes peut être mis en place. Avec cette technique, la qualité d’analgésie est excellente. Meilleure qualité d’analgésie Quelle que soit la situation étudiée (au repos, à la mobilisation ou à la toux), la qualité de l’analgésie obtenue par voie péridurale est supérieure à celle obtenue uniquement par voie intraveineuse [62–64] , permettant l’amélioration de la mécanique ventilatoire et la participation active des patients à la kinésithérapie. Ces propriétés rendent compte de l’efficacité de la péridurale thoracique pour prévenir les complications respiratoires liées à l’encombrement bronchique, diminuer le délai d’extubation et la durée de séjour en soins intensif [65–67] . Prévention des fistules anastomotiques La péridurale thoracique est associée à une réduction de la survenue des fistules anastomotiques et semble améliorer le pronostic fonctionnel de la plastie digestive. En effet, elle aurait une action favorisante sur la synthèse protéique [68] , et serait capable de diminuer le stress inflammatoire [69] et d’améliorer la perfusion microcirculatoire de la plastie digestive grâce à son effet vasodilatateur sur la circulation splanchnique. Toutefois, cet effet vasodilatateur peut être responsable d’hypotension artérielle, d’autant plus importante qu’il existe également un blocage du système nerveux sympathique, confrontant dans ce cas la plastie œsophagienne au risque d’hypoperfusion et à son risque sur la viabilité de la plastie digestive. Technique relativement sûre Les effets secondaires graves liés à l’analgésie péridurale sont exceptionnels. En effet, aucun hématome médullaire n’a été retrouvé sur un collectif de 100 000 patients sous anesthésie péridurale ou rachianesthésie [70] . En revanche, le risque de brèche dure-mérienne est réel, de l’ordre de 0,7 % et atteignant 0,9 % pour les péridurales thoraciques basses. Les douleurs radiculaires postopératoires parfois invalidantes surviennent avec une fréquence de 0,2 %. D’autres effets indésirables, tels que la rétention aiguë d’urine, ont également été rapportés. L’expérience de l’anesthésiste-réanimateur mettant en place le cathéter de péridurale ainsi que celle d’une équipe paramédicale formée et entraînée à sa gestion est indispensable afin d’assurer son efficacité et de diminuer le risque d’incidents. En effet, il est décrit de 15 à 40 % de mauvais placement ou de retrait accidentel du cathéter avant le troisième jour [71] . EMC - Anesthésie-Réanimation © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 11/04/2014 par SCD Paris Descartes (292681) Kinésithérapie et mobilisation précoce La kinésithérapie respiratoire et la mobilisation précoce ont pour but de prévenir les atélectasies et l’encombrement bronchique, en favorisant l’expansion pulmonaire et la perméabilité bronchique. La kinésithérapie respiratoire doit être pluriquotidienne. Les exercices de physiothérapie respiratoire sont réalisés en position assise en favorisant des inspirations lentes et profondes, suivies d’expiration dirigée et de toux. La spirométrie incitative donne des résultats équivalents. En cas d’encombrement bronchique réfractaire aux épreuves de physiothérapie respiratoire, il faut avoir recours précocement à une aspiration endobronchique à l’aide d’un fibroscope souple. Ventilation non invasive La chirurgie induit une réduction des volumes pulmonaires (syndrome restrictif associé à une diminution de la capacité vitale et de la capacité respiratoire fonctionnelle), une dysfonction diaphragmatique, et des douleurs postopératoires. Ces phénomènes vont favoriser les modifications du régime ventilatoire (ventilation à petits volumes pulmonaires avec diminution du volume courant de 20 % et augmentation de la fréquence respiratoire de 20 %), entraînant une hypoventilation alvéolaire, une diminution de la clairance bronchique et l’apparition d’atélectasies, qui ont pour conséquence une hypoxie et la survenue de pneumopathies. L’utilisation de la ventilation non invasive (VNI) peut être envisagée dans la prévention ou le traitement des complications respiratoires après chirurgies abdominales ou thoraciques, afin d’éviter le recours à l’intubation endotrachéale [72–76] . Elle permet de compenser les atteintes de la fonction respiratoire liées à la chirurgie (diminution du travail des muscles respiratoires, amélioration de la ventilation alvéolaire, amélioration des échanges gazeux, diminution des atélectasies). Son efficacité a été démontrée dans de nombreuses études non spécifiques à la chirurgie œsophagienne. Plusieurs modalités de VNI peuvent être utilisées : la pression positive continue (CPAP) et la VNI à double niveau de pression. Plusieurs études ont démontré l’efficacité de ces modes ventilatoires sur la symptomatologie respiratoire et le recours à l’intubation. Cependant, aucune étude n’a retrouvé de supériorité entre les deux méthodes. Le choix de l’interface a pour but de réduire les fuites en améliorant l’étanchéité. Celle-ci doit être adaptée à la morphologie du patient, ainsi qu’à la présence de la sonde nasogastrique. L’utilisation de la VNI en postopératoire précoce doit être prudente en raison de la présence de sutures digestives hautes. Le risque d’insufflation digestive est possible lorsque les pressions d’insufflations sont supérieures à 25 cm d’eau. Il est donc recommandé de privilégier une PEP élevée (6–10 cm d’eau) aux dépens d’une aide inspiratoire plus faible (6–8 cm d’eau) en présence d’une sonde nasogastrique. L’oxygénothérapie à haut débit semble également apporter un bénéfice [77, 78] et présente l’avantage d’être mieux tolérée que la CPAP et la VNI. Nutrition postopératoire De manière générale, la nutrition postopératoire est indiquée dans les cas où le patient : • bénéficierait déjà d’une nutrition artificielle en préopératoire ; • serait atteint d’une dénutrition sévère ; • se trouverait dans l’incapacité de reprendre une alimentation couvrant 60 % des besoins nutritionnels dans un délai de sept jours après l’intervention ; • présenterait une complication postopératoire précoce responsable d’un hypercatabolisme et d’un jeûne prolongé [21] . Les besoins énergétiques glucidolipidiques sont de l’ordre de 30 kcal kg–1 j–1 chez le patient alité. Les apports énergétiques sont assurés par les glucides et les lipides selon un ratio deux tiers/un tiers, avec un apport glucidique inférieur à 6 g kg–1 j–1 et un apport lipidique inférieur à 1,5 g kg–1 j–1 . Les besoins azotés 9 36-575-A-10 Anesthésie-réanimation en chirurgie du cancer de l’œsophage recommandés sont de l’ordre de 200 à 250 mg d’azote par kilogramme par jour. Les besoins en phosphore, magnésium, oligoéléments (zinc, sélénium, etc.), vitamines, ainsi que les besoins hydroélectrolytiques doivent être assurés en fonction de l’état clinique ou, dans l’idéal, à l’aide de dosages biologiques. L’apport de glutamine, d’acides gras polyinsaturés et de vitamine C semble intéressant et permettrait de moduler la réaction inflammatoire postopératoire et, donc, de diminuer la morbidité postopératoire via une diminution des complications infectieuses. En présence d’une jéjunostomie, la voie entérale est recommandée en première intention lorsque le tube digestif est fonctionnel et que l’état clinique le permet. La nutrition entérale a une efficacité supérieure à la voie parentérale, avec une morbidité et un coût moindres [79, 80] . La voie parentérale est indiquée lorsque le tube digestif n’est pas utilisable. Elle nécessite un accès veineux central en raison de l’hyperosmolarité des solutions utilisées. Les principales complications sont liées à la présence d’un accès veineux (complications infectieuses et thromboemboliques) et aux modalités d’administration de la nutrition parentérale. La réalimentation orale est réalisée entre le cinquième et le septième jour postopératoire, après un test à l’eau gélifiée. Le contrôle par transit œsogastroduodénal est recommandé, en particulier en cas d’anastomose cervicale. Immunomodulation La réaction inflammatoire après chirurgie de l’œsophage est majeure, mettant en jeu les interleukines 1 et 6 (IL-1, IL-6), ainsi qu’une dysfonction lymphocytaire. Elle est induite par différents mécanismes (ventilation unipulmonaire, traumatisme chirurgical du nerf vague et du poumon, curage ganglionnaire, etc.). De nombreuses études ont analysé l’intérêt d’un traitement immunomodulateur en périopératoire : corticoïdes, prostaglandines, inhibiteur des protéases. Bien que celles-ci mettent en évidence une diminution du taux circulant des cytokines proinflammatoires, aucune différence significative sur la morbidité et la mortalité n’a été démontrée. Des études prospectives randomisées portant sur de plus grands effectifs sont nécessaires afin d’établir des recommandations claires concernant la prescription de ce type de traitement [81–84] . Complications postopératoires Complications respiratoires Les complications respiratoires sont fréquentes et représentent la principale cause de morbimortalité en postopératoire [85] . Elles sont liées à l’âge du patient, la durée opératoire, la localisation tumorale, la transfusion, l’altération préopératoire de la fonction respiratoire, l’intoxication tabagique et la technique chirurgicale [86] . L’expression de l’atteinte pulmonaire réalise une succession d’événements cliniques hétérogènes, tels que l’encombrement bronchique, l’atélectasie, l’épanchement pleural, la pneumopathie ou le syndrome de détresse respiratoire aigu. Les épanchements pleuraux sont généralement modérés et évacués avec des drains thoraciques lorsqu’une thoracotomie a été réalisée. Un épanchement peut survenir du côté opposé, faisant suspecter une fistule anastomotique ou, plus rarement, une fuite chyleuse par lésion du canal thoracique dont l’incidence est de 2 ou 3 %. Le débit d’une fuite chyleuse peut atteindre 2500 ml par jour d’un liquide riche en albumine, en électrolytes et en lymphocytes, ce qui favorise la dénutrition et la survenue de complications infectieuses. Le diagnostic est fait sur l’aspect blanchâtre du liquide pleural et sur la présence de triglycérides et de chylomicrons lors de l’analyse biochimique. La lymphographie peut aider au diagnostic topographique de la fuite. Son traitement repose principalement sur la ligature précoce du canal thoracique. La pneumopathie est une complication redoutée en présence d’une fistule anastomotique car elle est associée à une augmentation de la mortalité hospitalière [86] . L’inhalation semble être le mécanisme physiopathologique prépondérant en lien avec la diminution des réflexes de protection des voies aériennes supérieures, une atteinte du nerf récurrent gauche et de la déglutition oropharyngée ou un retard à la vidange gastrique. Plus rarement, la pneumopathie révèle l’émergence d’une fistule œsobronchique secondaire à la déhiscence anastomotique. Outre une antibiothérapie au long cours, le traitement repose sur la chirurgie ou la mise en place d’une endoprothèse. De manière générale, la prévention et la précocité des traitements ont pour but de limiter l’évolution vers une insuffisance respiratoire aiguë nécessitant une assistance ventilatoire [85, 87] . Fistule anastomotique La fréquence de survenue des fistules anastomotiques varie selon l’expérience de l’équipe chirurgicale. Leur incidence est d’environ 11 % pour les œsophagectomies transthoraciques et 21 % pour la voie TH [88] . La complication redoutable des fistules intrathoraciques est représentée par la médiastinite, qui peut entraîner le décès du patient. Les fistules cervicales entraînent un retard important à la réalimentation allongeant ainsi la durée d’hospitalisation. Certaines équipes effectuent une surveillance de la vascularisation de la plastie digestive par technique laser Doppler ou par tonométrie œsophagienne [89, 90] . Ces techniques demeurent à ce jour très peu développées. Dans notre pratique, une opacification radiologique de la plastie est effectuée entre le cinquième et le septième jour postopératoire. Si le résultat est satisfaisant, le patient est alimenté avec un régime pâteux pendant 24 heures, puis les drains thoraciques sont retirés et l’alimentation normale est commencée. Devant la survenue d’un syndrome confusionnel et/ou d’une hyperthermie non expliquée avant le cinquième jour, une fistule doit être suspectée et le contrôle radiologique est anticipé. Une fistule intrathoracique peut être traitée par drainage percutané ou par voie chirurgicale, associant alors lavage, suture et drainage. L’obstruction de la fistule par prothèse couverte est une alternative. En cas de sepsis sévère, une réanimation avec réintervention doit être réalisée en urgence. Dans cette situation, la fistule anastomotique est fréquemment associée à une nécrose de la plastie, pouvant nécessiter la réalisation d’une œsophagostomie avec démontage de la gastroplastie associée à une gastrostomie de décharge et à une jéjunostomie d’alimentation. Une intervention à distance permet le rétablissement de la continuité digestive [91] . Paralysie récurentielle La paralysie d’une ou, plus rarement, des deux cordes vocales est une complication dont la fréquence est probablement sousestimée. Selon les études, l’incidence de cette complication varie entre 16 [89] et 22 % [92] pour l’œsophagectomie trans-hiatale. Dans le cas des œsophagectomies avec abord transthoracique, ce taux de complication est estimé à 11 % [88] . L’incidence de l’atteinte récurrentielle pourrait être encore plus importante lorsqu’un curage ganglionnaire médiastinal ou cervical étendu est associé. Le mécanisme le plus fréquent est une contusion ou une section du nerf récurrent lors de la dissection chirurgicale. Troubles du rythme supraventriculaires L’apparition de troubles du rythme supraventriculaires est associée à une augmentation de la morbimortalité car ils sont souvent contemporains de la survenue d’une complication pulmonaire, et/ou d’un lâchage d’anastomose. L’inflammation postopératoire, la dysautonomie neurovégétative et la susceptibilité génétique en sont des facteurs favorisants [93] . L’arythmie complète par fibrillation auriculaire représente le trouble du rythme le plus fréquent, surtout en cas de résection transthoracique. Ainsi, l’apparition d’un épisode de fibrillation auriculaire en postopératoire d’une chirurgie de l’œsophage doit faire rechercher la présence de complications [94] . Lorsqu’un épisode de fibrillation auriculaire survient de novo, la décision d’instaurer une anticoagulation doit se faire en mesurant la balance bénéfice/risque. En l’absence de facteurs de risque emboliques, l’anticoagulation à dose hypocoagulante n’est pas systématique quand la fibrillation auriculaire est de courte durée (inférieure à 24–48 heures), mais il est difficile de prédire la durée des épisodes de fibrillation auriculaire. Ainsi, en pratique, une anticoagulation peut être 10 © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 11/04/2014 par SCD Paris Descartes (292681) EMC - Anesthésie-Réanimation Anesthésie-réanimation en chirurgie du cancer de l’œsophage 36-575-A-10 commencée à dose isocoagulante en raison de l’importance du risque hémorragique lié à la chirurgie et, si l’épisode persiste, elle sera majorée à dose hypocoagulante en raison de la supériorité du risque thromboembolique. D’après les recommandations d’experts des sociétés savantes de cardiologie, les thérapeutiques utilisables pour le traitement de la fibrillation auriculaire en situation aiguë après chirurgie thoracique sont les suivantes : les bêtabloquants, le diltiazem, la digoxine, l’amiodarone et le magnésium [95, 96] . Troubles de la vidange gastrique Les troubles de la vidange gastrique sont liés aux modifications anatomiques et à la vagotomie. Elle se manifeste chez 10 % des patients par des vomissements itératifs à l’ablation de la sonde nasogastrique. Cette symptomatologie est liée à la dilatation de la plastie nécessitant le repositionnement d’une aspiration digestive prolongée. La prescription d’un agent prokinétique, comme l’érythromycine, en association avec un inhibiteur de la pompe à protons doit être systématique. Conclusion La prise en charge anesthésique pour chirurgie de l’œsophage repose sur l’association anesthésie générale et analgésie péridurale thoracique. La gestion du temps abdominal repose principalement sur l’optimisation du remplissage en utilisant au mieux des indices de précharge dépendance. Lors du temps thoracique, les apports hydroélectrolytiques sont réduits aux apports de base alors que l’exclusion pulmonaire nécessite une stratégie ventilatoire protectrice. L’ensemble des actions précédentes vise à minimiser l’impact du remplissage et de la ventilation sur la réponse inflammatoire et la morbidité pulmonaire, principale complication après œsophagectomie. Références [1] [2] Délires et état d’agitation Chez 9,2 % des patients opérés, on peut observer la survenue d’un délire et/ou d’un état d’agitation aiguë. Les facteurs de risque incriminés sont l’âge et le statut ASA [97] . Ces manifestations sont associées à une augmentation de la durée et du coût de l’hospitalisation, ainsi qu’à une augmentation des complications respiratoires [97] . Elles peuvent être la conséquence d’une complication sous-jacente, d’origine septique le plus souvent (19,6 %), mais dans la majorité des cas (67,4 %), elles sont isolées ou précèdent l’apparition d’une complication. La prise en charge de ces états d’agitation aiguë repose sur leur prévention en identifiant les facteurs de risque, ainsi que la recherche et le traitement d’une complication sous-jacente. [3] [4] [5] [6] [7] “ Points essentiels • L’œsophagectomie est une chirurgie lourde grevée d’une lourde morbidité postopératoire, notamment respiratoire • L’œsophagectomie par un double abord abdominal et thoracique est l’intervention la plus courante • L’évaluation préopératoire repose sur la réponse cardiorespiratoire à l’exercice, le statut nutritionnel, la recherche d’une cirrhose et des effets adverses des traitements néoadjuvants • La prise en charge anesthésique associe une anesthésie générale et une analgésie périmédullaire, voire un bloc paravertébral • La mise en place d’une stratégie ventilatoire bi- et unipulmonaire protectrice et d’optimisation hémodynamique peropératoire a des effets bénéfiques sur la morbidité postopératoire • L’incidence des complications pulmonaires est de 20 à 40 %, les plus graves étant la pneumopathie et le syndrome de détresse respiratoire aiguë • Une désunion anastomotique doit être recherchée par principe en présence d’un syndrome confusionnel et/ou d’une hyperthermie non expliquée au cinquième jour postopératoire • L’apparition d’un trouble du rythme supraventriculaire est souvent contemporaine d’une complication pulmonaire et/ou d’une désunion anastomotique • La survenue de vomissements itératifs à l’ablation de la sonde gastrique doit faire craindre une dilatation de la plastie imposant une aspiration digestive prolongée EMC - Anesthésie-Réanimation © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 11/04/2014 par SCD Paris Descartes (292681) [8] [9] [10] [11] [12] [13] [14] [15] [16] [17] [18] [19] Whiteman DC, Sadeghi S, Pandeya N, Smithers BM, Gotley DC, Bain CJ, et al. Combined effects of obesity, acid reflux and smoking on the risk of adenocarcinomas of the oesophagus. Gut 2008;57:173–80. Bouvier AM, Binquet C, Gagnaire A, Jouve JL, Faivre J, Bedenne L. Management and prognosis of esophageal cancers: has progress been made? Eur J Cancer 2006;42:228–33. Bossard N, Velten M, Remontet L, Belot A, Maarouf N, Bouvier AM, et al. Survival of cancer patients in France: a population-based study from The Association of the French Cancer Registries (FRANCIM). Eur J Cancer 2007;43:149–60. Connors RC, Reuben BC, Neumayer LA, Bull DA. Comparing outcomes after transthoracic and trans-hiatal esophagectomy: a 5-year prospective cohort of 17,395 patients. J Am Coll Surg 2007;205:735–40. 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Toute référence à cet article doit porter la mention : Capron B, Le Frêche H, Mariette C, Lebuffe G. Anesthésie-réanimation en chirurgie du cancer de l’œsophage. EMC - Anesthésie-Réanimation 2014;11(2):1-13 [Article 36-575-A-10]. Disponibles sur www.em-consulte.com Arbres décisionnels Iconographies supplémentaires Vidéos/ Animations EMC - Anesthésie-Réanimation © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 11/04/2014 par SCD Paris Descartes (292681) Documents légaux Information au patient Informations supplémentaires Autoévaluations Cas clinique 13 Cet article comporte également le contenu multimédia suivant, accessible en ligne sur em-consulte.com et em-premium.com : 1 autoévaluation Cliquez ici © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 11/04/2014 par SCD Paris Descartes (292681)