TRAITEMENT PAR RADIOFRÉQUENCE DES TUMEURS KYSTIQUES DU REIN C. CHAVIHOT, JM CORREAS*, A KHAIROUNE*, D JOLY*, S RICHARD*, MO TIMSIT*, A MEJEAN*, N. GRENIER**, O. HELENON* * Service Radiologie Adulte, Néphrologie et Urologie, Hôpital Necker, Paris ** Service de Radiologie Hôpital Pellegrin, Bordeaux INTRODUCTION Le traitement mini-invasif par radiofréquence (RF) : consiste en l’application d’ondes de radiofréquence (300-500 kHz) via un électrode qui aboutit à une nécrose de coagulation des tissus Il existe différents types de systèmes permettant de réaliser une ablation par RF (ARF) en fonction du circuit électrique: Monopolaire : le courant circule entre l’électrode et une ou des plaques de conduction Bipolaires et multi-polaire : l’électrode comporte les deux pôles, les plaques de conduction ne sont pas utilisées (1) 1:Traitement des tumeurs du rein par radiofréquence J.M. Correas, A Méjean, D.Joly O; Hélénon INTRODUCTION Les indications typiques du traitement percutané par RF des tumeurs du rein sont : Les tumeurs solides de diamètre inférieur à 4-5cm , De localisation exo-rénale préférentiellement Les patients porteurs de cancers du rein héréditaires (VHL) La présence d’un rein unique fonctionnel ou d’une insuffisance rénale La présence de multiples facteurs de comorbidité L’ARF a déjà été proposée pour des lésions kystiques situées dans d’autres organes (2, 3) 2: Brunetti E. et al Lancet 2001; 3: Kim YS et al. Thyroid 2006 INTRODUCTION Les masses kystiques ou nécrotiques du rein ne font pas partie des indications habituelles de l’ARF Parmi les masses kystiques de la classification de Bosniak, les types III et IV correspondent à un carcinome rénal dans respectivement 50-60% et 90-100% des cas Elles peuvent intéresser des patients ne pouvant bénéficier du traitement chirurgical de référence OBJECTIF Evaluer la faisabilité de la prise en charge par RF des tumeurs kystiques du rein en précisant: les éléments techniques l’efficacité (taux de succès) les critères de succès en imagerie les complications METHODOLOGIE Etude descriptive prospective bi-centrique Durée : 5 ans de 2005 à 2010 Centres : Groupe Hospitalier Necker Enfants malades, service de radiologie adulte du Pr Hélénon, Hôpital Pellegrin de Bordeaux, service de radiologie du Pr Grenier METHODOLOGIE Recueil de données: à l’aide d’un questionnaire précisant : les données épidémiologiques les caractéristiques techniques de la RF l’imagerie et le suivi des patients Analyse de dossier archivés Lecture d’examens d’imagerie: - TDM multi-détecteurs (GE, Siemens) - IRM 1.5 T (GE, Philips) METHODOLOGIE: Données étudiées Epidémiologie et biologie créatininémie pré- créatininémie AGE RF RF µmol/ml post-RF MDRD MDRD pré-RF post-RF TP Caractéristique de la radiofréquence DATE INDICATION IMAGERIE RF RF PRE-RF TYPE D’ANESTHESIE NOM DU TYPE SYSTÈME RF D’ ELECTRODE TEMPS APPLICATION LIEU D'APPLICATION TEMPERATURE ELECTRODE PAR DE L'ELECTRODE EN FIN DE INTENSITE SESSION DANS LA LESION SESSION MAXIMALE NB DE CYCLE PAR SESSION IMAGERIE DE MARGE DE TECHNIQUES GUIDAGE SECURITE ADJUVANTES METHODOLOGIE: Données étudiées Imagerie et suivi TAILLE TYPE TUMEUR BOSNIAK AVANT RF IMAGERIE LOCALISATION DIAGNOSTIQUE TUMEUR ( I à V) POSITION ANATOMIQUE/RAPPORT A RISQUE DUREE HOSPITA- COMPLICATION COMPLICATION BIOPSIE HISTOLOGIE LISATION PRECOCE ASPECT A J1 TARDIVE IMAGERIE DECES dans DE C1 C2 les 6 mois CONTRÔLE (A 2 mois) (A 6 mois) C3 (A 1 an) C4 (> 1 an) METHODOLOGIE Critères d’inclusion: masse kystique suspecte de malignité (Bosniak III/ IV) ou dans un contexte de tumeur héréditaire, masse solide nécrotique (composante nécrotique ≥ 50%) absence de contre-indication au traitement par RF suivi ≥ 6 mois Validation de l’indication par la Réunion de Concertation Multidiscplinaire Critères d’exclusion: tumeur rénale solide ou composante nécrotique <50% contre-indication à la RF suivi de moins de six mois RESULTATS 34 patients inclus : Soit une population tumorale de 51 masses kystiques ou nécrosées : Type de Masse Bosniak III Nombre de Masses Pourcentage Bosniak IV Nécrosée 13 19 19 26% 37% 37% RESULTATS: épidémiologie & biologie Population : - âge: 56 ± 19,6 ans (min= 25; max= 88) - sexe ratio: 1,18 (H>F) - âge> 70 ans: 41% des patients - cancers du rein héréditaires (vHL, Birt Hogg Dubé) : 53% des patients Fonction rénale : (débit de filtration glomérulaire estimé par la formule du MDRD, ml/min/1.73m2) : - Avant RF: 66 ± 22 - Après RF: 61 ± 24 RESULTATS 55 séances de RF ont été réalisées: traitement premier : 51 sessions 2 procédures chez 4 patients Répartition des indications Rein Tumorec- Transplan Atrophie INDICATION unique VHL IRC âge tomie -tation rénale Autre Nombre % 15 30 8 9 18 4 2 4 17% 35% 9% 10% 20% 5% 2% 5% RESULTATS: Technique de radiofréquence Quatre systèmes RF différents ont été utilisés : Cooltip , Olympus, Boston et Celon avec en des électrodes monopolaires en majorité (98%): Unique Triple ( cluster) et une bipolaire Protocole de traitement ( selon le constructeur) durée de traitement : 15,6 min ± 7,5 min (min: 4 – max 33 min) température en fin de procédure : 40° - 94° intensité maximale : 15 – 240 W RESULTATS : technique de radiofréquence Dans les tumeurs Bosniak IV, l’extrémité active distale de l’électrode était placée dans la portion charnue et traversait complètement la tumeur dans son plus grand axe Dans les tumeurs Bosniak III ou nécrosées, l’électrode était placée à la portion profonde de la lésion et traversait la lésion dans sa partie la plus vascularisée Le guidage était réalisé par TDM + échographie pour 75% des patients, TDM seule (22%) et échographie seule (1 patient) RESULTATS: technique de radiofréquence Pour améliorer l’efficacité ou la sécurité du geste, il a été utilisé chez 10 patients : Hydrodissection (sérum glucosé 30%) dans 3 cas Ponction/ aspiration de kyste dans 5 cas Diminution de la taille/vascularisation : Sunitinib dans 2 cas Dans 4 cas , l’électrode a été repositionnée dans une portion de la tumeur plus distale de l’électrode RESULTATS: imagerie et suivi L’imagerie réalisée avant la RF reposait sur: TDM+IRM+EC TDM+EC IRM+EC TDM EC 35 3 2 8 1 71% 6% 3% 16% 3% Le diagnostic tumoral reposait sur le rehaussement pariétal, des cloisons ou de nodules muraux en TDM, IRM et en échographie de contraste (EC) RESULTATS: imagerie et suivi Taille des tumeurs: 24 ± 9 mm (min 14 –max 55mm) 10 cas ont bénéficié d’une biopsie: 5 cas sont restés indéterminés 3 correspondait à un RCC Fuhrman II , 1 oncocytome et une tumeur papillaire à cellules claires. Pour 35 patients le type histologique était considéré comme un RCC en raison de la présence d’une maladie de von Hippel Lindau RESULTATS: imagerie et suivi Chez 23 patients, les rapports anatomiques de la tumeur exposaient à des risques supplémentaires : Les structures digestives (n= 5) La voie excrétrice (n= 19) Le foie (n= 5) La plèvre (n= 1), les vaisseaux rénaux (n= 1), le diaphragme (n= 1) et le muscle psoas (n= 1) Chez 13 patients, une sonde urétérale a été mise en place pour assurer un refroidissement de la voie excrétrice RESULTATS: imagerie et suivi Sur les 55 procédures effectuées, 10 complications mineures ont été identifiées essentiellement par l’imagerie systématique réalisée à J1 post-RF Aucune des complications liée à la RF n’a nécessité un allongement de la durée d’hospitalisation 63% de patients avait une durée d’hospitalisation de 72h, 17% 96 h , 14% de 60h et 6% de plus de 96H (douleur du flanc et dyspnée par déshydratation) RESULTATS: imagerie et suivi COMPLICATION DELAI APRES RF RAPPORT ANATOMIQUE A RISQUE Lame d’épanchement péri-hépatique J1 Foie, plèvre 1 Infarctus de contact J1 VE ( voie excrétrice) 2 Hématome souscapsulaire J1 N 1 Pneumothorax J0 Foie, VE 1 Fistule urinaire J1 N 1 Inflammation de kyste pancréatique J0 N 1 Atteinte ischémique du psoas J0 N 1 HTA J1 N 2 NOMBRE DE CAS RESULTATS: exemple de complication TDM (temps artériel, veineux et tardif): hypodensité du psoas entourée d’un fin liseré rehaussé à J15 postRF: nécrose TDM contrôle (temps artériel): disparition de la l’atteinte du muscle psoas droit. Déplacement secondaire de l’aiguille droite per-RFA car mouvement de la patiente => atteinte du psoas RESULTATS: imagerie et suivi Exemple de complication TDM J0 : hématome sous-capsulaire TDM contrôle: (sans IV et temps veineux: encoche corticale RESULTATS: imagerie et Le suivi en imagerie était réalisé à 2, 6, 12 mois après la procédure puis une fois par an pendant cinq ans L’imagerie de contrôle était constituée par : TDM+IRM+EC TDM+EC IRM+EC TDM IRM 21 7 3 1 5 57% 19% 8% 3% 13% RESULTATS: imagerie et suivi Quatre patients ont présenté un traitement incomplet, détecté à J1 de la procédure Taux de succès primaire: 92% Ils ont bénéficié d’une 2nde session thérapeutique à 4, 6, 16 et 45 mois: un patient à présenté un résidu tumoral malgré une deuxième procédure Un patient a été perdu de vue RESULTATS: cas patient 1 Jeune fille de 25 ans, maladie de vHL TDM (temps artériel et veineux) Masse kystique de 39mm, à paroi épaisse avec un nodule mural rehaussé Masse kystique de type IV dans la classification de Bosniak Traitement RF par une électrode CoolTip® RESULTATS J1 post-RF TDM sans et avec injection: masse hypodense, disparition du nodule pariétal C1 (4 mois) TDM (sans IV & temps artériel, veineux et tardif) : masse résiduelle de 30mm hypodense, avec paroi épaisse et petite prise de contraste punctiforme : vaisseau ? RESULTATS C3( 1an) TDM sans injection, artériel et veineux résidus cicatriciel de 19mm, microcalcifications C4 (1 ans 6 mois) IRM T2, T1 EG après injection , à 1, 3 et 5mn C4 (2ans et 4mois) TDM sans injection, artériel et veineux: calcifications séquellaires RESULTATS Patiente âgée de 71 ans, tumeur du greffon rénal, insuffisance rénale évoluée Echographie Rénale IRM T2, T1 EG après injection à 1 et 3min Masse de 24 mm en hypersignal T2 avec composante charnue tissulaire rehaussée RESULTATS Traitement par RF avec une électrode CoolTip® J1 post-RF, loge de radiofréquence en hyposignal T2, hypersignal T1 homogène, non rehaussée à 1, 3 et 5min RESULTATS C2 ( 6 mois) : IRM T2,T1 EG après injection à 1 et 3min: loge de radiofréquence diminuée de taille, en discret hypersignal T2 sans rehaussement après injection Pyélonéphrite aiguë sévère entrainant une insuffisance rénale terminale Détransplantation à 9 mois de la RF pour nouvelle tumeur infracentimétrique du greffon RESULTATS Patiente âgée de 40 ans, rein unique et VHL TDM (sans IV, temps artériel, veineux et tardif) Masse hypodense spontanément mesurant 49mm, présentant des cloisons fines multiples et une fine paroi rehaussées Masse kystique de type III de Bosniak RESULTATS Traitement par RF avec une électrode CoolTip® Trois cycles de traitement TDM (sans IV, temps artériel, veineux et tardif) : masse kystique avec rehaussement périphérique 2ème RF prévue 4 mois après RESULTATS TDM (temps artériel et veineux à 4 mois) : diminution de la taille de la masse (36mm) mais persistance de cloisons et d’une paroi rehaussées C2 2nde procédure, TDM avec injection. Diminution de taille de la masse tumorale antéro-médiane ( 24mm) avec rehaussement des cloisons et de la paroi: échec thérapeutique pour traitement de la masse kystique Bosniak III RESULTATS Patient âgé de 67 ans, atrophie rénale gauche IRM T2, masse de 34mm en hypersignal T2 intra-parenchymateuse, avec un nodule central où convergent des cloisons. TDM (sans puis avec IV) : le nodule et les cloisons se rehaussent (masse kystique type IV) RESULTATS Traitement par RF avec une électrode CoolTip® J1 post-RF: loge de radiofréquence hyperdense quasi homogène, absence de rehaussement des cloisons ou de la paroi. RESULTATS C1, IRM (sans et IV), loge de radiofréquence en hypersignal T2, non rehaussée aux temps artériel et veineux C1 ,TDM (temps artériel) Masse hypodense non rehaussée RESULTATS C2 (6 mois), IRM T2 T1 EG après injection de gadolinium (temps artériel et veineux); TDM après injection de produit de contraste temps artériel: loge de radiofréquence de 17mm sans rehaussement RESULTATS C4 ( 2ans), IRM T2, T1 EG après injection de Gadolinium à 1 et 3 min TDM (temps artériel et tardif) zone d’atrophie rénale séquellaire : succès thérapeutique Discussion Points faible de l’étude : Délai de suivi insuffisant pour certains patients, à l’origine de l’exclusion de certains patients de l’étude Biais de sélection pour les tumeurs nécrosées La faible population tumorale ayant bénéficié d’une biopsie Discussion • Points forts : – Sujet innovant, faible nombre de publications – Malgré le faible échantillon la RF des tumeurs kystiques du rein est un traitement efficace – Pour Byung Kwan Park, le traitement des tumeurs kystiques nécessite un dépôt d’énergie inférieur à celui des tumeurs solides – Dans notre étude, celle-ci est équivalente à celle des tumeurs solides (durée jusqu’à 16 min, puissance 240 W en fin de procédure) – Elle doit être délivrée progressivement Discussion L’ARF des tumeurs kystiques n’est pas limitée par les facteurs de comorbidité et en particulier l’âge L’une des indications principales est le cancer du rein héréditaire (et en particulier la maladie de von Hippel Lindau) Parmi les techniques adjuvantes, il faut souligner l’intérêt de l’hydrodissection (pour repousser une structure sensible), de l’aspiration (pour diminuer le volume tumoral) et des agents anti angiogéniques (pour diminuer la taille et la néoangiogénèse) DISCUSSION Chez les patients sans néphropathie sous jacente, la fonction rénale évaluée après ARF n’est pas différente celle mesurée avant la procédure En cas de néphropathie sous jacente, la fonction rénale se dégrade peu à peu mais le rôle de l’ARF est difficile à affirmer, car les chiffres de créatininémie post RF sont comparables à ceux mesurés avant l’ARF Discussion La technique de radiofréquence doit être adaptée en fonction du système utilisé Pour des tumeurs de plus ≥ 3 cm de diamètre, deux électrodes sont nécessaires L’administration de la puissance électrique doit se faire progressivement en contrôlant soigneusement la température pour ne pas entraîner d’ébullition du contenu liquidien Les tumeurs Bosniak III semble plus difficiles à traiter que celle Bosniak IV Discussion L’imagerie de référence pour le diagnostic le guidage et le suivi reste le scanner, amélioré par l’IRM et l’échographie de contraste pour les tumeurs uniques Le principale critère d’imagerie reste le rehaussement de la portion tumorale viable (reliquat ou récidive) Certaines prises de contraste à J1 de la procédure ou à 2 mois peuvent disparaître ultérieurement et ne témoignent pas nécessairement de la présence d’un tissu tumoral viable Discussion Le véritable problème est celui de l’indication thérapeutique, et de l’alternative que constitue la surveillance « armée » En effet, les tumeurs kystiques sont volontiers de bas grade, de croissance lente et avec un volume tumoral faible par rapport à celui d’une tumeur solide Le résultat de la biopsie étant limité, une simple surveillance peut être recommandée. L’ARF est proposée en cas de croissance manifeste, de modification de l’aspect de la lésion, et en fonction du terrain CONCLUSION Notre étude montre que l’ARF des tumeurs kystiques ou nécrosées du rein est une alternative à la chirurgie, faisable dans la totalité des cas : Elle n’entraîne pas de complication majeure Elle est efficace avec un taux de succès à 92% Elle doit être proposée aux patients qui présentent plusieurs facteurs de comorbidités ou qui nécessite une prise en charge itérative L’indication doit être approuvée en réunion multidisciplinaire, car la surveillance et la chirurgie peuvent aussi se discuter