DOSSIER THÉMATIQUE
La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 6 - vol. II - décembre 1999246
rales du rectum, par des points non transfixiants, des bandelettes
de tissu prothétique non résorbable. Ces bandelettes sont ensuite
tendues et fixées sur le ligament longitudinal antérieur du pro-
montoire de part et d’autre de la ligne médiane. Le bon degré de
tension est celui qui permet au rectum et à son méso de venir
épouser la concavité sacrée sans être tendus comme une corde.
La fixation sur le promontoire doit être la plus latérale possible
pour ne pas étrangler le rectum et limiter la constipation post-
opératoire. Le péritoine pelvien, présent en excès du fait de la
profondeur du cul-de-sac de Douglas, est réséqué pour favoriser
les adhérences postopératoires et diminuer le risque de récidive.
Le taux de récidive est de 5,7 % sur une série de 257 malades
avec un long recul (3).
• Résection colique et colorectale
Les résections-anastomoses ont été proposées pour réduire l’ex-
cédent de côlon et permettre d’aligner côlon et rectum sans angu-
lation, ce qui réduirait le risque de constipation postopératoire.
Les adhérences péri-anastomotiques réalisent une sorte de pexie
naturelle, sans matériel prothétique.
La résection sigmoïdienne avec anastomose colorectale au-dessus
du promontoire peut être associée à une fixation des ailerons laté-
raux du rectum à l’aponévrose présacrée. Cette intervention, très
en vogue aux États-Unis, comporte un taux de récidive de 1,9 %
et un risque de fistule anastomotique de 4 %. Cette technique de
sigmoïdectomie-rectopexie semble donner des résultats compa-
rables à ceux de la rectopexie postérieure prothétique de type
Wells sur le prolapsus et l’incontinence mais diminue l’aggrava-
tion ou l’apparition d’une constipation postopératoire (6).
L’équipe de la Mayo Clinic (7) a proposé de réaliser une résec-
tion du sigmoïde et du haut rectum, avec une mortalité de 1 % et
une morbidité de 29 %, d’autant plus importante que l’anasto-
mose était basse. La récidive du prolapsus est survenue dans 9 %
des cas après un suivi moyen de sept ans, et la continence n’a été
améliorée que dans 50 % des cas. Il est possible que la réduction
de la capacité du réservoir rectal soit la cause de ces moins bons
résultats sur la continence.
Intervention par voie périnéale
• Le cerclage de l’anus, d’exécution simple, a été abandonné
devant la fréquence des récidives et les mauvais résultats fonc-
tionnels (persistance de l’incontinence, aggravation de la dys-
chésie, ulcérations cutanées).
• L’opération d’Altemeier, qui consiste à réaliser une recto-
sigmoïdectomie par voie basse, donne des résultats discordants
avec des récidives dans 0 à 60 % des cas et de moins bons résul-
tats fonctionnels que les rectopexies avec résection, dus à la réduc-
tion de la capacité et de la compliance rectale.
• L’intervention de Delorme reste la référence pour les voies
basses. Réalisée par voie transanale, elle consiste en une résec-
tion limitée à la muqueuse du rectum prolabé suivie d’une ana-
stomose coloanale muco-muqueuse, associée à une plicature hori-
zontale et circulaire de la paroi musculaire rectale précédemment
dépouillée de sa muqueuse. Ce geste chirurgical court (de 45 à
90 mn) est réalisable sous anesthésie locale ou locorégionale. La
morbidité postopératoire est faible, de 6 à 25 %, et la mortalité
de 0 à 2,4 %. La complication principale est la sténose de la suture
muqueuse qui cède facilement à la dilatation digitale. La fré-
quence des récidives reste supérieure à 10 %.
L’opération de Delorme élargie (8) associe la cure de l’hédro-
cèle (douglassectomie, myorraphie rétroanale des releveurs) et
la cure de la rectocèle permettant de diminuer les récidives de
22 à 5 %.
En raison de la fréquence des récidives, l’intervention de Delorme
reste, pour beaucoup, réservée aux patients âgés présentant des
contre-indications à une laparotomie ou un risque anesthésique
majeur. Cependant, les promoteurs de la technique de Delorme
modifiée en ont élargi les indications aux patients plus jeunes (21
à 55 ans), avec un taux de récidive de 5 %.
LES RÉSULTATS FONCTIONNELS DU TRAITEMENT
CHIRURGICAL
La constipation
La constipation, présente chez 40 à 60 % des malades avant toute
intervention, est incriminée dans la genèse des prolapsus rectaux.
Son aggravation ou son apparition de novo doit être considérée
comme une complication des rectopexies. Cette plainte fonc-
tionnelle peut revêtir différentes formes allant de l’émission de
moins de trois selles par semaine, la nécessité d’effort ou de
manœuvres digitales pour émettre les selles, jusqu’à la sensation
d’exonération incomplète. Dans notre série de 33 patients, cette
constipation “ressentie” s’était aggravée après la rectopexie ou
était apparue de novo chez 50 % d’entre eux. Elle avait en
revanche disparu ou régressé chez 26 %. Cette constipation était
surtout marquée par une fragmentation des selles et des difficul-
tés d’évacuation (dyschésie rectale), traduisant une diminution
de la compliance rectale. Les examens préopératoires, comme la
manométrie anorectale ou le temps de transit colique, ne peuvent
prédire l’apparition ou l’aggravation d’une constipation post-
opératoire (9). Afin de limiter la constipation postopératoire, il
est recommandé de ne pas trop tendre le rectum, pour ne pas dimi-
nuer sa souplesse et sa compliance, et de ne pas trop serrer les
bandelettes ou la prothèse autour du rectum, afin de ne pas rétré-
cir son calibre. Il faut également éviter que le sigmoïde ne fasse
une coudure au niveau de sa jonction avec le rectum.
Les troubles de l’évacuation rectale seraient secondaires à la dis-
section poussée du rectum, responsable de la dénervation des
rameaux sympathiques postérieurs. Speakmann et coll. (5) sug-
gèrent de ne pas disséquer les faces latérales du rectum où che-
minent, dans les ailerons latéraux, les branches nerveuses à des-
tinée rectale, issues des plexus pelviens latéraux. Une dissection
plus limitée s’accompagne d’une diminution de la fréquence de