Du nouveau pour le cancer de la thyroïde ! dossier thématique Anomalies moléculaires et cytoponction d’un nodule thyroïdien Detection of molecular abnormalities in fine-needle aspiration cytology of thyroid nodule Léopoldine Bricaire-Dubreuil* »»Dans 10 à 40 % des cas, l’étude cytologique des produits de 10 to 40% of fine-needle aspiration cytology of thyroid nodules do not provide a definitive diagnosis of benign or malignant disease. This leads to unneeded operations in case of benign nodule, or to a second surgery in case of malignant nodule after lobectomy. »»La voie des MAPK joue un rôle central dans les cancers papillaires The MAPK signalling pathway is involved in Papillary Thyroid Carcinomas (PTC), the most frequent thyroid carcinomas. Molecular abnormalities constitutively activating this pathway in a mutually exclusive way are identified in PTC: RET/PTC rearrangement in 20% of cases, activating mutations of Ras in 10% of cases and activating mutations of B-Raf oncogene in 40-50% of cases. »»La recherche de ces anomalies dans le liquide de cytoponction Testing for those abnormalities in thyroid fine-needle aspiration materiel is feasible and provides helpful diagnosis informations in indeterminate cytology, especially in case of RET/PTC rearrangement or B-Raf mutation. thyroïdiens les plus fréquents. On retrouve des anomalies moléculaires activant constitutivement cette voie, et de façon mutuellement exclusive le plus souvent : réarrangements RET/ PTC dans 20 % des cas, mutations activatrices de Ras dans 10 % des cas et mutations activatrices de l’oncogène B-Raf dans 40 à 50 % des cas. d’un nodule thyroïdien est réalisable et permet, notamment pour les réarrangements RET/PTC et mutations B-Raf, d’en améliorer la puissance diagnostique en cas de lésion de signification indéterminée. »»L’identification d’une mutation activatrice de B-Raf dans le liquide de cytoponction d’un nodule thyroïdien présente également un intérêt pronostique (péjoratif ) et pourrait guider la prise en charge thérapeutique. Highlights p o i nt s f o rt s cytoponction des nodules thyroïdiens ne permet pas de conclure sur la nature de ces nodules. Cela conduit à des actes de chirurgie thyroïdienne par excès pour des nodules bénins ou nécessitant une seconde chirurgie en cas de malignité à l’histologie. Mots-clés : Carcinome papillaire de la thyroïde - Cytoponction thyroïdienne - B-Raf - RET/PTC. L * Service d’endocrinologie et médecine de la reproduction, hôpital Saint-Antoine, Paris. 182 es nodules thyroïdiens constituent une entité clinique très fréquente. Leur prévalence varie en fonction des méthodes de dépistage (clinique, échographique). Ils sont retrouvés chez 4 à 7 % de la population générale à la palpation et 19 à 67 % quand on utilise une méthode d’échographie haute résolution (1-5). La majorité de ces nodules sont bénins et asymptomatiques, mais 5 à 15 % sont malins (6-7). Le carcinome thyroïdien est le plus fréquent des cancers endocriniens et représente 1,3 % des nouveaux Detection of an activating mutation of B-Raf is associated with a worse prognosis and can help in the therapeutic management. Keywords: Papillary thyroid carcinoma - Thyroid fine-needle aspiration - B-Raf - RET/PTC. cancers diagnostiqués par an en France (8). Son incidence n’a cessé de croître au cours des dernières décennies ; le sex-ratio, quant à lui, reste de 3 femmes pour 1 homme (9). Des facteurs hormonaux ainsi qu’un indice de masse corporelle élevé chez la femme ont été rapportés comme directement associés à une augmentation de l’incidence du cancer thyroïdien (9, 10). Les nouvelles technologies diagnostiques jouent également un rôle dans l’augmentation de cette incidence (11). L’utilisation de l’échographie cervicale permet la détection de can- Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVI - n° 7 - septembre 2012 Anomalies moléculaires et cytoponction d’un nodule thyroïdien cers non palpables. L’augmentation de l’incidence des cancers thyroïdiens est principalement attribuée au carcinome papillaire de la thyroïde (CPT) [9]. La grande majorité des cancers thyroïdiens dérive des cellules folliculaires. Elle comporte les carcinomes papillaires bien différenciés – les plus fréquents, constituant 80 à 90 % des cancers thyroïdiens –, les carcinomes vésiculaires (10 à 15 %), les carcinomes peu différenciés (moins de 1 %) et les carcinomes anaplasiques (moins de 2 %) [12]. Le traitement standard des carcinomes thyroïdiens repose sur une thyroïdectomie totale chirurgicale suivie, en fonction du stade, d’une éventuelle ablation isotopique par l’iode 131 (13). Avec ces traitements, les patients présentant un CPT ont une mortalité très faible, puisqu’on observe plus de 90 % de survie à 10 ans (14). Mais cette maladie peut récidiver et progresser vers une forme incurable, inopérable et ne captant plus l’iode 131, définissant alors un cancer thyroïdien dit “réfractaire”. Les taux de récidive des CPT sont de 20 à 30 % après 15 à 20 ans de suivi (15). Les récidives de CPT sont associées à une augmentation de la morbidité et de la mortalité et à des coûts psychoéconomiques importants. L’impact sur la qualité de vie des patients chez lesquels un cancer thyroïdien a été diagnostiqué a été bien documenté (16, 17). L’outil diagnostique le plus fiable pour déterminer la nature d’un nodule thyroïdien est l’étude cytologique du produit de cytoponction de ce nodule, réalisée à l’aide d’une aiguille fine (4). Mais 10 à 40 % des prélèvements ne permettent pas de conclure et peuvent conduire à une chirurgie thyroïdienne pour obtenir un diagnostique histologique (18, 19). Différentes classifications cytologiques ont été proposées par différents auteurs. La plus récente, américaine, proposée par le National Cancer Institute au cours de la conférence de Bethesda, a défini, en 2007, la terminologie diagnostique cytologique des lésions thyroïdiennes (tableau I). Elle classe les cytologies “indéterminées” en 3 entités distinctes : lésion folliculaire de signification indéterminée, néoplasie folliculaire ou oncocytaire et lésion suspecte de malignité, ces 3 catégories ayant respectivement un risque de malignité de 5-10 %, 20-30 % et 50-75 % (20, 21). Parmi les nodules thyroïdiens opérés dont la cytologie appartient au groupe indéterminé, seuls 14 à 32 % s’avèrent effectivement malins après chirurgie (19, 22). Cela entraîne un risque de morbidité ainsi qu’un coût non négligeable pour une proportion importante de lésions en réalité bénignes. Par ailleurs, lorsque la cytologie est de nature indéterminée et qu’une chirurgie est entreprise, une lobectomie est souvent réalisée. Lorsqu’il est finalement établi à l’histologie que le nodule est malin, les patients doivent subir une seconde chirurgie Tableau I. Conférence de consensus du National Cancer Institute (Bethesda, 2007). Terminologie diagnostique cytologique des produits de cytoponction de nodules thyroïdiens. 1. Bénin 2. Lésion folliculaire de signification indéterminée ou atypie de signification indéterminée 3. Néoplasie folliculaire ou suspicion de néoplasie folliculaire 4. Suspect de malignité 5. Malin 6. Sans diagnostic de totalisation, également associée à un surcoût et à un risque de morbidité (7). Enfin, il faut garder à l’esprit que 1 à 3 % des nodules classés bénins en cytologie (faux négatifs) s’avèrent par la suite malins au cours du suivi, avec un retard à la prise en charge pouvant être source de progression de la maladie (6, 23). Ceci souligne l’intérêt d’outils diagnostiques complémentaires à la cytologie thyroïdienne pour en améliorer la sensibilité et la spécificité (7). La description d’événements moléculaires impliqués dans la tumorigenèse thyroïdienne semble désormais ouvrir des perspectives en matière diagnostique, pronostique et thérapeutique, et pourrait permettre de mieux guider la prise en charge des nodules thyroïdiens (24). Anomalies moléculaires et cancers thyroïdiens Les voies de signalisation des PI3K (Phosphoinositide 3-Kinase) et des MAPK (Mitogen-Activated Protein Kinase) sont 2 voies impliquées fréquemment en cancéro­ genèse. Leur rôle est bien démontré dans les carcinomes thyroïdiens. La voie des MAPK joue un rôle central dans les CPT (25). Les MAPK sont des protéines kinases impliquées dans divers programmes cellulaires comme la différenciation, la prolifération, l’apoptose (26). La cascade de phosphorylation débute après liaison d’un facteur de croissance à son récepteur, qui peut dimériser et être activé par autophosphorylation (figure, p. 184). Plusieurs acteurs centraux sont secondairement activés par phosphorylations successives. En premier lieu, la guanosine triphosphatase (GTPase) Ras, dont il existe 3 isoformes (H-Ras, N-Ras et K-Ras) et qui est ancrée à la membrane cytoplasmique. Une fois activée, elle recrute la kinase Raf. Il existe également 3 isoformes de Raf : A-Raf, B-Raf et C-Raf (ou Raf-1). Après activation, Raf phosphoryle la protéine MEK (ou MAP kinase kinase). Cette dernière active ERK (Extracellular signal-Regulated Kinases) par phosphorylation de sites tyrosine et thréo- Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVI - n° 7 - septembre 2012 183 Du nouveau pour le cancer de la thyroïde ! dossier thématique Voie MAPK Iode RET/PTC NIS P AKAP B-Raf Ras P P P P B-Raf MEK ERK TPO ERK P Récepteur tyrosine kinase Dédifférenciation Prolifération Figure. Schéma de la voie des MAP kinases et des principaux oncogènes impliqués dans le développement des carcinomes thyroïdiens papillaires. Des mutations ponctuelles activatrices de Ras ou B-Raf, des réarrangements chromosomiques de récepteurs à activité tyrosine kinase (RET/PTC) ou de l’oncogène B-Raf (AKAP/B-Raf) sont responsables d’une activation constitutive de la voie des MAPK traduite par une augmentation de la phosphorylation d’ERK. nine. ERK 1/2 phosphoryle à son tour de nombreux substrats cytoplasmiques, membranaires et nucléaires. ERK phosphorylé peut transloquer vers le noyau pour activer différents facteurs de transcription et ainsi réguler l’expression de gènes impliqués dans la prolifération, la différenciation et la survie cellulaires (27, 28). Des anomalies moléculaires conduisant à une activation constitutive de cette voie des MAPK ont été identifiées dans environ 70 % des CPT (28-30). Il peut s’agir soit de mutations ponctuelles, soit de réarrangements chromosomiques. La particularité de ces anomalies moléculaires est qu’elles sont le plus souvent mutuellement exclusives. Cela signifie qu’une seule anomalie est présente dans un carcinome donné. Ceci suggère qu’un événement moléculaire isolé de la voie suffit à l’activer de façon constitutive et conduit au développement tumoral (29, 31). Les 3 principales altérations génétiques caractérisées dans les CPT sont les suivantes (figure) : ✓✓ Réarrangements chromosomiques de type RET/PTC, retrouvés dans environ 20 % des CPT. Leur prévalence varie beaucoup selon les études, en fonction surtout des différences de sensibilité des techniques d’évaluation et des zones géographiques étudiées (12, 32). Il s’agit d’une recombinaison entre la partie C-terminale à activité tyrosine kinase du proto-oncogène RET et 184 la partie N-terminale d’une protéine de fusion dont la région promotrice assure l’expression de RET dans le thyréocyte, où il n’est normalement pas exprimé. L’homodimérisation de ce partenaire de fusion permet l’activation du domaine catalytique de RET, conduisant ainsi à l’activation constitutive de la voie des MAPK. Plus de 11 partenaires de fusion ont été identifiés à ce jour, les plus fréquents étant CPT1, retrouvé dans 60 à 70 % des cas, et CPT3, dans 20 à 30 % des cas (32-34). Ces réarrangements chromosomiques sont plus fréquemment observés dans les carcinomes papillaires radio-induits, anomalie moléculaire retrouvée dans 80 % des cas (35, 36), dans les carcinomes papillaires d’architecture classique, les carcinomes micropapillaires et lorsqu’ils surviennent chez des sujets jeunes (37-39). Certaines équipes ont retrouvé la présence de ces réarrangements dans des lésions thyroïdiennes bénignes et des adénomes thyroïdiens, mais de façon moins fréquente que dans les carcinomes (40, 41). ✓✓ Mutations ponctuelles du domaine GTPase des isoformes de Ras : H-Ras, N-Ras et K-Ras, retrouvées dans environ 10 % des CPT. Ces mutations bloquent l’activité GTPase de la protéine Ras-GTP et la rendent constitutionnellement active. Elles sont observées aussi bien dans les adénomes que les carcinomes bien ou peu Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVI - n° 7 - septembre 2012 Anomalies moléculaires et cytoponction d’un nodule thyroïdien différenciés, papillaires ou vésiculaires, ce qui suggère un rôle initiateur en tumorigenèse thyroïdienne (42). ✓✓ Mutations activatrices de l’oncogène B-Raf, événement génétique le plus fréquent dans les CPT, retrouvé dans 40 à 50 % des cas (29, 43). Ces mutations ne sont retrouvées que dans les néoplasies thyroïdiennes malignes (carcinomes papillaires, peu différenciés et anaplasiques), dans 25 % des cas, mais pas dans les carcinomes vésiculaires ni les adénomes bénins (44, 45). La mutation retrouvée de façon quasiment exclusive est une transversion de thymine en adénine T1799A au niveau de l’exon 15 (mutation V600E de B-Raf). Cette mutation rend la kinase constitutivement active par altération de liaisons hydrophobes au niveau du site de liaison de l’ATP (46, 47). Cette mutation est associée à une agressivité plus importante : invasion extra­thyroïdienne ganglionnaire plus fréquente, stade clinique plus avancé (III/IV), taux de récidive et de mortalité majorés (31, 48, 49). Elle est également associée à une perte d’avidité pour l’iode 131 et donc à une moins bonne réponse au traitement conventionnel qu’est l’ablation isotopique. Ceci est en relation avec une perte d’expression des gènes impliqués dans le métabolisme de l’iode, comme le symporteur de l’iode (NIS), le récepteur de la thyréostimuline (TSH), la thyroperoxydase, la thyroglobuline ou la pendrine (30, 50-52). Dans les cancers papillaires radio-induits, on retrouve, de façon plus rare, une activation de l’oncogène B-Raf liée au réarrangement chromosomique AKAP9B-Raf supprimant la portion N-terminale auto-inhibitrice de B-Raf (34). On retrouve donc dans les carcinomes papillaires thyroïdiens, de façon mutuellement exclusive, des anomalies moléculaires activant la voie des MAPK dans environ 2 cas sur 3. La plus fréquente est la mutation activatrice de l’oncogène B-Raf, la mutation V600E dans 99 % des cas, associée à des facteurs pronostiques péjoratifs et retrouvée uniquement dans les lésions thyroïdiennes malignes. Dans les carcinomes vésiculaires de la thyroïde, on retrouve aussi des anomalies moléculaires, dans environ 80 % des cas ; elles surviennent également de façon mutuellement exclusive (28). Il est à noter que les anomalies connues à l’heure actuelle dans les cancers vésiculaires ne sont pas spécifiques des cancers, car elles sont également présentes dans la pathologie bénigne. Des mutations de Ras sont décelées dans 40 à 53 % des cas (53). Celles-ci peuvent également être détectées dans les adénomes, les carcinomes papillaires de forme vésiculaire et les carcinomes peu ou non différenciés. On retrouve également des réarrangements de type PAX8/PPARγ dans environ 35 % des cas (28, 54). Là encore, cette anomalie moléculaire peut être identifiée dans des adénomes vésiculaires ou des CPT de forme vésiculaire (55). Cytoponction thyroïdienne et recherche d’anomalies moléculaires Intérêt diagnostique La cytoponction thyroïdienne est le meilleur outil diagnostique disponible à ce jour pour distinguer les nodules malins des nodules bénins. Sachant que, en moyenne, 30 % des résultats de cytologie ne permettent pas de trancher sur la nature histologique du nodule, les outils moléculaires ainsi décrits pourraient avoir un intérêt diagnostique majeur et éviter des chirurgies inutiles en cas de nodule bénin ou, au contraire, permettre de réaliser des chirurgies d’emblée larges en cas de cancer avéré. Plusieurs équipes ont pu, dans un premier temps, démontrer la faisabilité de cette recherche d’anomalies moléculaires dans le prélèvement de cytoponction thyroïdienne. Qu’il s’agisse de mutations de B-Raf ou de Ras à partir d’extraits d’ADN ou de réarrangements chromosomiques de type RET/PCT ou PAX8/PPARγ à partir d’extraits d’ARN, l’étude moléculaire peut se faire soit à partir du produit d’extraction du matériel cytologique récupéré directement sur les lames d’étalement pour l’ADN (3, 56, 57), soit directement à partir du produit de cytoponction frais ou congelé pour l’ADN et l’ARN. Les recherches d’anomalies moléculaires sur matériel cytologique sont parfaitement corrélées aux résultats obtenus à partir du tissu tumoral après chirurgie (58, 59). Ces études – bien que certaines soient rétrospectives et limitées à l’analyse d’une seule anomalie moléculaire – suggèrent l’intérêt diagnostique de la recherche de ces anomalies dans les nodules dont la cytologie ne permet pas de trancher entre bénignité et malignité, en améliorant la puissance diagnostique de cet examen (7, 56-58, 60-67). Plusieurs études prospectives récentes bien conduites, ayant porté sur de grands effectifs, semblent le confirmer (tableau II). ✓✓ Dans une première étude, l’équipe de Nikiforov a analysé de façon prospective, sur 470 échantillons Tableau II. Moyennes des sensibilités et spécificités selon les études (d’après Ferraz et al. [70]). Catégorie de cytologie Anomalie moléculaire recherchée (références) Indéterminée B-Raf, H−, N−, K− Ras, RET/PCT 1 et 3, PAX8/ PPAR (7, 67, 68, 72) RET/PCT (64, 73) B-Raf (3, 56, 61, 63) Sensibilité (%) 63,7 (38-85,7) 55 (50-60) 12,95 (0-37,5) Spécificité (%) 98 (95-100) 100 92,3 (75-100) Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVI - n° 7 - septembre 2012 185 Du nouveau pour le cancer de la thyroïde ! dossier thématique de cytoponction de nodules thyroïdiens issus de 328 patients, la présence de mutations de B-Raf ou de Ras ou de réarrangements chromosomiques de type RET/PTC ou PAX8/PPARγ (7). La recherche de l’ensemble de ces anomalies moléculaires améliore la puissance diagnostique de la cytoponction, avec un gain de sensibilité (44 à 80 %) et de puissance (93,3 à 97,4 %). Ils ont pu corréler les résultats préopératoires analysés sur la cytologie au résultat de la pièce d’histologie postopératoire ou au suivi clinique pour 86 prélèvements de cytoponction. La présence d’une anomalie moléculaire était un facteur prédictif fort de malignité, puisque, sur les 32 mutations identifiées, 31 nodules étaient en réalité malins à l’histologie (97 %), et un seul cas muté pour Ras correspondait à un adénome vésiculaire à l’histologie. Ils ont pu montrer que l’analyse moléculaire améliorait significativement la puissance diagnostique de la cytoponction, surtout pour les cytologies de nature indéterminée. Parmi ces cytologies, la probabilité de malignité sur l’évaluation cytologique seule était de 40 %, alors qu’elle était de 100 % en présence d’une anomalie moléculaire et de 14 % en l’absence d’anomalie moléculaire identifiée. La précision diagnostique était d’autant plus importante pour la sous-catégorie des lésions folliculaires de signification indéterminée (21 prélèvements de cytoponction étudiés), puisque, parmi celles qui présentaient une anomalie moléculaire, toutes (100 %) étaient malignes, et parmi celles n’en présentant pas, toutes (100 %) étaient bénignes. Dans cette étude, les mutations de B-Raf et les réarrangements chromosomiques de type RET/PTC ou PAX8/PPARγ avaient une valeur prédictive de cancer de 100 %. Les patients dont la cytoponction thyroïdienne révèle une de ces anomalies moléculaires sont donc des candidats à une thyroïdectomie totale quel que soit le résultat de l’étude cytologique. Les mutations de Ras dans cette étude avaient également une valeur diagnostique de malignité importante dans les prélèvements de cytologie, puisqu’elles conféraient un risque de malignité de 87,5 % (7, 43). Ces données ont ensuite été confirmées par la même équipe dans la catégorie de cytologie des lésions folliculaires de signification indéterminée (68). L’équipe de Nikiforov a recherché ces anomalies moléculaires sur 513 prélèvements cytologiques de cette catégorie, dont 117 ont pu être corrélés à l’histologie. Parmi ceux-ci, 20 étaient des carcinomes, et 12 anomalies moléculaires (mutations de B-Raf ou de Ras ou réarrangement PAX8/PPARγ) ont été retrouvées dans le produit de cytoponction : elles correspondaient toutes à des carcinomes à l’histologie. Les cytologies correspondant à des lésions folliculaires de signification 186 indéterminée dans lesquelles une anomalie moléculaire est identifiée ont donc une probabilité très élevée d’être des carcinomes. ✓✓ L’étude prospective italienne menée par l’équipe de Cantara (67) a porté sur 235 prélèvements cytologiques de nodules tous opérés. Soixante-sept anomalies moléculaires (28,5 % des échantillons), toutes confirmées sur l’analyse moléculaire histologique, ont pu être identifiées dans les prélèvements cytologiques (mutations de Ras, B-Raf ou réarrangements RET/PTC). L’analyse moléculaire sur les pièces d’histologie a pu identifier des anomalies dans 76 cas, soit un degré de concordance avec l’analyse cytologique de 88,2 %. Les 11,8 % de discordance étaient essentiellement en rapport avec la présence de réarrangements chromosomiques RET/ PTC, recherchés sur l’ARN. Parmi les 54 prélèvements classés suspects de malignité à l’examen cytologique, les 37 qui présentaient une anomalie moléculaire étaient tous des cancers à l’histologie. Parmi les 7 prélèvements présentant une anomalie moléculaire sur les 41 classés comme lésions indéterminées à l’examen cytologique, un seul, muté pour Ras, correspondait selon l’histologie à un adénome folliculaire. De même, dans la catégorie jugée inadéquate par l’examen cytologique (n = 53), l’analyse moléculaire a retrouvé 14 anomalies, dont 12 étaient des cancers à l’histologie. Enfin, parmi les cytologies interprétées comme bénignes (n = 87), 9 anomalies moléculaires ont été identifiées, dont 6 étaient en rapport avec des carcinomes papillaires. Les mutations de B-Raf et les réarrangements RET/PTC étaient toujours associés à un carcinome ; les mutations de Ras étaient associées dans 74 % des cas à un cancer et dans 26 % des cas à un adénome vésiculaire. Finalement, la présence d’une anomalie moléculaire sur le prélèvement cytologique était associée dans 91,1 % des cas à un cancer et dans 8,9 % des cas à un adénome vésiculaire. L’analyse moléculaire sur le prélèvement cytologique a permis de détecter 78,2 % des cancers, alors que l’analyse cytologique traditionnelle n’en dépistait que 58,9 %. Elle permet donc d’augmenter significativement la puissance diagnostique de la cytologie thyroïdienne classique de 83 à 93,2 %. ✓✓ Une troisième grande étude prospective menée par l’équipe de Nikoforov (59) sur une série de 1 056 prélèvements cytologiques a pu comparer les résultats de l’analyse moléculaire du matériel de cytoponction avec le matériel histologique pour 513 prélèvements de cytologie indéterminée. La détection d’une anomalie moléculaire dans le matériel de cytoponction confère un risque de malignité à l’histologie de 88 % pour les lésions folliculaires ou atypiques de signification indéterminée, 87 % pour les néoplasies folliculaires Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVI - n° 7 - septembre 2012 Anomalies moléculaires et cytoponction d’un nodule thyroïdien ou suspectes de néoplasie folliculaire et 95 % pour les lésions suspectes de malignité. Le risque de cancer dans ces lésions en cas d’absence de mutation détectée au cours de l’analyse sur prélèvement cytologique était respectivement de 6, 14 et 28 %. ✓✓ Enfin, l’équipe coréenne de Chung, dans une zone géographique où la prévalence des mutations activatrices de B-Raf est élevée – de 83 % – (63), a étudié de façon prospective, dans une très large série de 1 074 patients, la présence de mutations de B-Raf sur 961 prélèvements de cytoponction thyroïdienne et 268 nodules prouvés histologiquement (62). L’étude moléculaire a permis d’améliorer la sensibilité de la cytoponction thyroïdienne de 67,5 à 89,6 % et la puissance diagnostique de 90,9 à 96,6 %. Ces études montrent donc que la recherche d’événements moléculaires est réalisable et permet d’améliorer la puissance diagnostique de la cytoponction d’un nodule thyroïdien (tableau II, p. 185), particulièrement dans les situations de cytologies de nature indéterminée (69). Les mutations activatrices de l’oncogène B-Raf et les réarrangements chromosomiques de type RET/PTC dans ces études n’ont été retrouvés que dans des carcinomes, jamais dans des nodules bénins ni des adénomes vésiculaires (7, 58, 64, 67). Cela souligne l’intérêt majeur de les rechercher afin de guider le choix de la chirurgie et le geste qui en découlera. La présence d’une de ces anomalies moléculaires, notamment sur une cytoponction de nature indéterminée, conduirait à réaliser d’emblée une thyroïdectomie totale et non une lobectomie suivie d’une seconde chirurgie de totalisation une fois l’histologie obtenue. L’identification d’une mutation activatrice de l’oncogène B-Raf conduirait également à la réalisation d’un curage central ganglionnaire prophylactique (70). L’intérêt de rechercher des mutations activatrices de Ras semble plus discutable puisque cet événement est retrouvé également fréquemment dans les tumeurs bénignes (53). Néanmoins, l’équipe de Nikiforov, qui a montré une probabilité de malignité de 87,5 % en cas de mutation de Ras, suggère dans cette situation de proposer un geste opératoire étant donné le statut de précurseur probable, puisque les adénomes vésiculaires mutés pour Ras sont souvent précurseurs de carcinomes vésiculaires mutés pour Ras (7, 71). Par ailleurs, dans ces études, un nombre non négligeable de lésions malignes à l’histologie n’a pas pu être identifié grâce à la recherche de ces anomalies moléculaires dans les prélèvements de cytoponction. Cela peut être lié à des raisons techniques, particulièrement pour la recherche de réarrangements, qui se fait sur des extraits d’ARN et dont il est plus difficile d’obtenir des prélèvements de bonne qualité que pour des extraits d’ADN. Ceci implique donc la présence de possibles faux négatifs concernant les réarrangements RET/PTC et PAX8/PPARγ (67). L’autre raison est la présence dans ces carcinomes d’événements moléculaires encore non identifiés à ce jour. En effet, on connaît les anomalies moléculaires impliquées dans environ 75 % des cas des carcinomes papillaires de la thyroïde et environ 80 % des carcinomes vésiculaires de la thyroïde, mais l’identification d’autres événements serait nécessaire (7, 25). Les recommandations de l’American Thyroid Association révisées en 2009 précisent que l’utilisation de marqueurs moléculaires comme B-Raf/RAS/RET/PTC peut améliorer la prise en charge diagnostique préopératoire chez les patients dont la cytologie est indéterminée (4). Intérêt pronostique Les mutations activatrices de l’oncogène B-Raf sont fréquentes dans les carcinomes papillaires de la thyroïde et sont associées à des facteurs pronostiques péjoratifs (31, 49, 74) et à une perte de sensibilité au traitement par iode 131 (30, 50, 51). Il semblerait même que la valeur prédictive de récidive liée à la présence d’une mutation de B-Raf dans les cancers papillaires de la thyroïde soit plus élevée en cas de cancers estimés de façon conventionnelle à faible risque, de stade I ou II (31). La récidive d’un CPT altère fortement la qualité de vie des patients (15, 17). Les valeurs prédictives positive et négative de récidive en cas de mutation de B-Raf sont respectivement de 28 et 87 % (15). L’identification préopératoire de cette mutation pourrait donc constituer une information pronostique précieuse afin d’améliorer l’aide à la prise en charge thérapeutique et, notamment, de mieux guider le geste chirurgical (thyroïdectomie totale, curage ganglionnaire). L’équipe de Xing a évalué le statut mutationnel de l’oncogène B-Raf sur le prélèvement de cytopontion préopératoire de 190 patients opérés d’un carcinome papillaire de la thyroïde et a analysé les corrélations possibles avec les données clinicopathologiques de ces patients, sur un suivi médian de 3 ans (75). Ils ont montré une association significative entre la présence d’une mutation de l’oncogène B-Raf et une invasion extrathyroïdienne, une invasion de la capsule thyroïdienne, la présence de métastases ganglionnaires et la persistance ou la récidive de la maladie. En effet, 36 % des patients mutés pour B-Raf, versus 12 % des patients non mutés, présentaient une maladie persistante ou ayant récidivé sur un suivi médian de 3 ans. L’identification de mutations de l’oncogène B-Raf semble donc être un outil stratégique intéressant en matière d’évaluation pronostique. La présence d’une Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVI - n° 7 - septembre 2012 187 Du nouveau pour le cancer de la thyroïde ! dossier thématique mutation de B-Raf dans l’évaluation préopératoire, même en l’absence de ganglions cervicaux d’apparence pathologique, conduirait à réaliser un curage cervical central prophylactique dans ce contexte de haute probabilité de micrométastases ganglionnaires qui, de plus, pourraient être moins sensibles à un traitement ablatif par iode 131. Au contraire, l’absence de mutation de l’oncogène B-Raf conduirait, étant donné la forte valeur prédictive négative de récidive estimée à 90 %, à proposer une chirurgie moins agressive et donc à exposer à moins de risques de complications opératoires. De plus, même en l’absence de curage ganglionnaire cervical, les micrométastases de carcinomes papillaires ne présentant pas de mutation activatrice de l’oncogène B-Raf sont habituellement hautement sensibles au traitement par iode 131 et sont traitées efficacement par l’ablation isotopique (15). Conclusion Il apparaît donc que la recherche d’anomalies moléculaires dans les prélèvements de cytoponction d’un nodule thyroïdien, notamment les mutations activatrices de l’oncogène B-Raf et les réarrangements chromosomiques de type RET/PTC, est facilement réalisable et permet d’augmenter la puissance diagnostique de la cytologie, notamment lorsque celle-ci est classée indéterminée. Au-delà de son intérêt diagnostique, la recherche de mutations de B-Raf présente un intérêt pronostique démontré permettant de mieux guider la prise en charge thérapeutique du patient. La standardisation rapide des techniques de réalisation de cette recherche est nécessaire afin d’obtenir des résultats fiables, reproductibles, comparables entre les différents centres, et de façon à obtenir pour l’identification de ces événements moléculaires de bonnes spécificité et sensibilité. Par ailleurs, des études de coût sont également nécessaires pour confirmer l’intérêt de cette recherche. Une première étude menée par Li et al. semble démontrer un bénéfice clair en matière de réduction de coût en limitant le nombre de chirurgies (76). Par ailleurs, l’identification de nouveaux gènes impliqués dans la tumorigenèse thyroïdienne permettrait d’élargir l’intérêt de cette recherche. ■ Découvrez le nouveau lecteur de glycémie Contour® XT (2) de Bayer - Technologie novatrice qui élève les exigences de précision (1) - Simple, complet et évolutif - Guide vos patients pas-à-pas et tout au long de la gestion de leur diabète Pour que jour après jour, chiffre après chiffre, précision et simplicité s’allient pour de nouvelles victoires ® 1. Warchal-Windham ME, Castro R, Chu A. Accuracy evaluation of the Contour®XT blood glucose meter; Poster presented at the 5th International Conference on Advanced Technologies and Treatments for Diabetes, Barcelona, February 8-11, 2012. 2. Le lecteur de glycémie Contour®XT s’utilise avec les bandelettes réactives Contour®Next. Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVI - n° 7 - septembre 2012 AP-388x130-EXE.indd 1 Anomalies moléculaires et cytoponction d’un nodule thyroïdien Références 1. Gharib H, Papini E. Thyroid nodules: clinical importance, assessment, and treatment. Endocrinol Metab Clin North Am 2007;36(3):707-35, vi. 11. Leenhardt L, Grosclaude P, Chérié-Challine L. Increased 2. Hegedüs L. Clinical practice. The thyroid nodule. N Engl J incidence of thyroid carcinoma in France: a true epidemic or thyroid nodule management effects? Report from the French Thyroid Cancer Committee. Thyroid 2004;14(12):1056-60. 3. Kim SW, Lee JI, Kim JW et al. BRAFV600E mutation analysis predictors in thyroid cancer. Thyroid 2009;19(12):1351-61. Med 2004;351(17):1764-71. in fine-needle aspiration cytology specimens for evaluation of thyroid nodule: a large series in a BRAFV600E-prevalent population. J Clin Endocrinol Metab 2010;95(8):3693-700. 4. Cooper DS, Doherty GM, Haugen BR et al. 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Kimura ET, Nikiforova MN, Zhu Z, Knauf JA, Nikiforov YE, @ Retrouvez l’intégralité des références bibliographiques sur www.edimark.fr PP666985 - 03/2012 - Bayer Santé - 220 avenue de la Recherche - 59120 Loos - SIREN : 706 580 149 RCS Lille ration of papillary and follicular thyroid cancer cells is mediated by estrogen receptors α and β. Int J Oncol 2010;36(5):1067-80. 20. Baloch ZW, LiVolsi VA, Asa SL et al. Diagnostic terminology ® Bandelettes réactives Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVI - n° 7 - septembre 2012 ® Système d'autosurveillance glycémique 29/02/12 10:50