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La Lettre de l’Infectiologue - Tome XVII - n° 4 - avril 2002
MISE AU POINT
a richesse, le polymorphisme et la plasticité du
génome de Plasmodium falciparum (1), agent le plus
répandu du paludisme et responsable des formes cli-
niques pernicieuses, lui confèrent des capacités adaptatives
absolument remarquables. Elles lui permettent de développer,
extrêmement rapidement, des phénomènes d’échappement et
de résistance vis-à-vis des stress auxquels il est soumis. Cette
capacité du parasite lui est particulièrement bénéfique dans deux
domaines :
!L’évitement de la pression immunologique. Cela explique
l’inefficacité relative du système immunitaire contre lui (2) et
rend problématique la mise au point d’un vaccin.
!La résistance aux médicaments. Par exemple, les mutations
ponctuelles sur le gène de la dihydrofolate réductase (DHFR)
empêchent l’action de la pyriméthamine (3, 4), l’augmentation
du nombre de copies du gène pfmdr1 facilite l’expulsion de
la méfloquine ou de l’halofantrine (5, 6), les modifications
polygéniques sur le chromosome 7 (gènes cg2, crt) inhibent
l’action de la chloroquine (4).
Pour continuer à disposer d’armes thérapeutiques efficaces
contre le paludisme, médecins et scientifiques ont orienté leurs
travaux dans plusieurs directions :
!L’identification de métabolismes spécifiques a conduit à la
recherche de nouvelles molécules ciblant, par exemple, la syn-
thèse des phospholipides (7) ou les enzymes du système de
défense contre les espèces activées de l’oxygène (8, 9).
!L’amélioration des performances de médicaments existants
a abouti à la mise au point de dérivés pouvant, en particulier,
contrecarrer les mécanismes de résistance développés par le
parasite : exemple des dérivés ferrocéniques (10).
!La caractérisation des principes actifs contenus dans des
extraits naturels efficaces, issus de la pharmacopée tradition-
nelle, a amené, par exemple, à la découverte du quinghaosu (11).
!L’association synergique de molécules déjà connues pour
leurs activités antimalariques, afin d’éviter les phénomènes de
recrudescence et de limiter la sélection de souches résistantes.
À ce titre, Riamet®et Malarone®ont récemment été proposés.
RIAMET®
Le projet qui unit depuis 1994 l’Institut de microbiologie et
d’épidémiologie de Pékin, Kunmig Pharmaceutical Corpora-
tion, Cititech et Novartis a permis le développement du co-
artéméther (ou Riamet®) qui associe, pour l’administration par
voie orale, l’artéméther et la luméfantrine.
L’artéméther est un dérivé semi-synthétique de l’artémisinine
(ou quinghaosu), qui est le principe actif d’une plante, Artemi-
sia annua (ou quinghao). Les propriétés antipaludiques de cette
plante avaient été révélées en 1971 par les Chinois, qui l’utili-
saient depuis fort longtemps pour ses propriétés antipyrétiques.
L’artéméther est un endoperoxyde du groupe des sesquiterpènes-
lactones, appartenant à la famille des trioxanes, et qui, selon toute
probabilité, agit par la production de radicaux libres de l’oxy-
gène, à la suite de la fixation à l’hème et à son atome de fer (9-
12). Les espèces activées de l’oxygène provoquent chez le para-
site une dénaturation des protéines et la formation de ponts
amino-iminopropènes (AIP) par peroxydation lipidique au niveau
des membranes (12). L’artéméther est actif sur le parasite en situa-
tion intraérythrocytaire en raison de la formation du complexe
artémisinine-hème dans la vacuole digestive du parasite (12).
Il est clairement établi que la caractéristique essentielle de l’arté-
méther est sa rapidité d’action, par rapport à celle des autres anti-
Place des nouvelles associations dans la prophylaxie
et le traitement du paludisme : Riamet®et Malarone®
"
D. Camus*, E. Dutoit*, L. Delhaes*
*Faculté de médecine de Lille et Institut Pasteur de Lille, 59000 Lille.
RÉSUMÉ.
Le développement de la résistance de Plasmodium falciparum à de nombreux médicaments justifie la mise au point de nouveaux
traitements. Riamet®(association d’artéméther et de luméfantrine) et Malarone®(association d’atovaquone et de proguanil) se révèlent
efficaces vis-à-vis des souches parasitaires multirésistantes aux autres médicaments antipaludiques. Ils ont été testés, avec succès, chez des
sujets vivant dans diverses zones d’endémie palustre. Malarone®peut également être utilisé en prophylaxie avec l’avantage d’une part d’être
utilisable aussi bien dans les pays de la zone 2 que de la zone 3 et, d’autre part, avec une prescription limitée à une durée qui ne dépasse pas
7jours après avoir quitté la zone d’endémie.
Mots-clés :
Paludisme - Traitement - Chimioprophylaxie.
L
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XVII - n° 4 - avril 2002
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MISE AU POINT
malariques connus (13). Les études pharmacocinétiques montrent
que les doses plasmatiques maximales sont atteintes rapidement
(14), que la demi-vie est de l’ordre d’une quinzaine d’heures et
que le métabolisme aboutit à la formation de dihydro-artémisinine,
qui possède une activité antiparasitaire marquée (15).
La luméfantrine (ou benflumétol), synthétisée à l’origine par l’Aca-
démie militaire des sciences médicales de Pékin, comprend les
énantiomères dextrogyre et lévogyre du 2-dibutylamino-1-[2,7-
dichloro-9-(-4-chlorobenzylidène)-9H-fluoren-
4-yl]-éthanol. Sa conformation est proche de celle des aryl-amino-
alcools à propriétés antipaludiques, tels que la quinine, la méflo-
quine ou l’halofantrine. Sa structure laisse supposer que son méca-
nisme d’action serait assez proche de celui des autres antipaludiques
du même groupe, avec une demi-vie d’environ 4 à 5 jours (16).
Le bien-fondé du développement d’un médicament associant
artéméther et luméfantrine repose sur un enchaînement logique
d’arguments. Le paludisme à P. falciparum peut être mortel chez
les sujets non immuns, en particulier les enfants (17), et bien
souvent dans un délai relativement bref après l’admission à l’hô-
pital (18). Il est vrai que la quinine est souvent le médicament
de choix, mais elle agit relativement lentement et s’est avérée
inefficace dans un certain nombre de cas (19, 20). Dans certains
pays comme la Thaïlande, le problème de la résistance aux médi-
caments est crucial, avec la constatation de résistances impor-
tantes in vivo et in vitro vis-à-vis de la chloroquine, de la pyri-
méthamine-sulfadoxine, de la quinine, de l’halofantrine et de la
méfloquine (21). Pour répondre à ce besoin, de nouveaux médi-
caments, l’artémisinine et ses dérivés (artésunate et artéméther),
sont particulièrement intéressants, mais on a constaté qu’admi-
nistrés seuls, ces produits sont à l’origine d’un taux important
de rechutes à l’arrêt du traitement (22, 23). L’idée a donc été de
combiner ces molécules avec d’autres, capables d’assurer une
élimination totale de la population parasitaire portée par le sujet
infecté. L’association artémisinine-méfloquine répond à cet
objectif (23), mais devant la crainte de son inefficacité, en rai-
son d’une augmentation prévisible de la résistance des parasites
à la méfloquine, la recherche d’une nouvelle association s’est
trouvée justifiée. L’association artéméther-luméfantrine,
qui s’avère synergique (24), a ainsi été proposée et testée avec
succès dans les accès aigus non compliqués à P. falciparum en
Chine (25), Thaïlande (26), Tanzanie (27) et Gambie (28).
Les données bibliographiques regroupées dans le tableau I
permettent de tirer un certain nombre d’enseignements sur la
Tableau I. Efficacité de l’association artéméther-luméfantrine (AL) chez des sujets infectés par P. falciparum (Pf+). Analyse de données
bibliographiques.
Référence Caractéristique de l’étude Critère d’efficacité
Clairance Réapparition/ Données
parasitaire persistance des parasites complémentaires
29 "AL versus pyriméthamine-sulfadoxine (PS) à 3 j : Réapparition de parasites à 15 j : Génotypes différents dans 82,6 %
"287 enfants de 1 à 5 ans – 100 % avec AL 6,7 % avec AL ; 2,3 % avec PS des nouveaux accès
"Paludisme aigu, non compliqué, Pf+ – 93,4 % avec PS 2eaccès palustre à 3-4 semaines chez :
"Gambie 20 traités par AL ; 1 traité par PS
30 "AL (4 comprimés, 4 fois en 48 h) Mesure de la médiane : Réapparition de parasites à 28 j : Temps de clairance de la fièvre :
versus méfloquine (M) AL : 43 h AL : 30,7 % AL : 32 h ; M : 54 h
"Paludisme aigu, non compliqué, Pf+ – M : 66 h – M : 17,6 % Temps de clairance des gamétocytes :
"Thaïlande, 252 patients AL : 152 h ; M : 331 h
31 "AL : 4 comprimés, 4 fois en 48 h Mesure de la médiane : Persistance de parasites à 24 h : Temps de clairance de la fièvre :
versus halofantrine (H) AL : 32 h AL : 0,3 % ; H : 10,4 % AL : 24 h ; H : 32 h
"103 patients (adultes, non immuns) – H : 48 h Réapparition de parasites à 28 j
"Paludisme aigu, non compliqué, Pf+ (pas de typage) :
AL : 18 % ; H : 0 %
26 "AL versus artésunate-méfloquine (AM) à 3 j : 100 % Réapparition de parasites jusqu’à 63 j : Clairance de la fièvre
"617 patients (adultes et enfants) dans les deux groupes – 24,6 % avec AL dont 59 % de rechutes vraies entre 1 et 4 j dans les deux groupes
"Paludisme aigu, non compliqué, Pf+ – 12,2 % avec AM dont 32 % de rechutes vraies
"Thaïlande, zone de multirésistances
32 "AL versus artésunate-méfloquine (AM) Présence de parasites à 28 j : Posologie plus élevée :
"200 patients (adultes et enfants) – 2,3 % avec AL ; 0 % avec AM 6 doses versus 4 précédemment
"Paludisme aigu, non compliqué, Pf+ Absence de génotypage des souches
"Thaïlande
33 "AL à diverses doses : Mesure de la médiane : Réapparition de parasites (période de 9 à 23 j) : Temps de clairance de la fièvre :
A : 4 comprimés, 4 fois en 48 h ; A : 40 h A : 2 patients A : 27,8 h
B : 2 comprimés, 4 fois en 48 h ; – B : 41 h – B : 4 patients – B : 32 h
C : 4 comprimés, 3 fois en 24 h – C : 39,5 h – C : 3 patients – C : 24,5 h
"Paludisme aigu, non compliqué, Pf+ Absence de génotypage des souches
"Thaïlande, 39 patients
34 "AL : deux schémas à 6 comprimés Pas de différence Réapparition de parasites à 28 j : Clairance de la fièvre :
et 1 à 4 comprimés entre les trois groupes 3,1 et 0,9 % pour les 6 comprimés ; pas de différence
"Paludisme aigu, non compliqué, Pf+ 16,4 % pour les 4 comprimés entre les trois groupes
"Thaïlande, 359 patients Absence de génotypage des souches
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La Lettre de l’Infectiologue - Tome XVII - n° 4 - avril 2002
MISE AU POINT
valeur et les limites d’utilisation du Riamet®. Cette association,
contenant 20 mg d’artéméther et 120 mg de luméfantrine par
comprimé, réduit plus rapidement la parasitémie que la pyri-
méthamine-sulfadoxine (29), la méfloquine (30) ou l’halofan-
trine (31), et fait baisser la fièvre plus vite que la méfloquine
(30) ou l’halofantrine (31). En revanche, il n’y a pas de diffé-
rence notable par rapport à l’association artésunate-méfloquine
(26). Le suivi des patients pendant plusieurs semaines révèle
une plus grande fréquence de la réapparition de parasites chez
ceux traités par Riamet®que dans les autres cas (26, 29-32).
Les quelques expériences de génotypage qui ont pu être
réalisées montrent, en fait, que s’il y a de vraies rechutes, les
réapparitions de parasites sont, pour une large part, imputables
à une réinfection des sujets en raison d’une élimination relati-
vement rapide de la luméfantrine (26, 29). Une diminution de
la fréquence des rechutes est d’ailleurs observée lorsque les
doses sont augmentées (32-34). Le schéma consensuel optimal
correspond à la prise de 6 comprimés, répétée 4 fois en 48 h
(0, 8, 24 et 48eheure). Riamet®est proposé pour le traitement
des accès à P. falciparumrésistants aux autres médicaments sur
la base d’observations cliniques de son efficacité en Thaïlande,
où les souches plasmodiales sont connues pour être multi-
résistantes (26, 30, 32, 34), sans qu’il ait été démontré que les
patients impliqués dans les essais étaient porteurs de souches
résistantes. La présentation en comprimés réduit la prescrip-
tion aux formes non compliquées. Riamet®n’est pas proposé
en prophylaxie.
La neurotoxicité des dérivés de l’artémisinine (35, 36), d’une
part, et la crainte d’une cardiotoxicité de la luméfantrine en rai-
son de sa structure proche de celle de l’halofantrine, d’autre part,
ont conduit à rechercher spécifiquement ces paramètres dans plu-
sieurs études concernant l’innocuité de Riamet®. Des phéno-
mènes neurologiques anormaux (troubles de la démarche, pares-
thésies, tremblements, nystagmus, troubles de la coordination,
ataxie) ont été observés chez 3 % des 309 patients thaïlandais
traités, sans réaction neuropsychiatrique majeure, ni atteinte grave
du système nerveux central. Des vertiges ont été rapportés dans
15 % des cas et des troubles du sommeil dans 12 % des cas (26).
Globalement, les troubles observés n’apparaissent pas plus fré-
quents que ceux constatés chez des patients en pleine crise de
paludisme et traités par d’autres médicaments (26, 37). La fré-
quence des troubles ne semble pas augmentée entre les schémas
à 4 et 6 comprimés par prise (34). Par ailleurs, toutes les études
concordent pour affirmer une absence de cardiotoxicité de
l’association artéméther-luméfantrine (31, 37-39) [tableau II].
MALARONE®
Malarone®,initialement développé par GlaxoWellcome,
correspond à une association d’atovaquone et de proguanil.
L’atovaquone est une hydroxynaphtoquinone active sur Plas-
modium, mais également sur d’autres protistes (Pneumocystis,
Toxoplasma) (40). Elle inhibe le transport des électrons au
niveau mitochondrial en ciblant le complexe bc1du cytochrome
(41), elle diminue la biosynthèse des pyrimidines, car celle-ci
dépend du transport d’électrons via l’ubiquinone/ubiquinol
(42),et elle altère le potentiel de membrane au niveau des mito-
chondries (43). L’atovaquone agit sur les parasites en situation
intraérythrocytaire (44), y compris ceux résistants à d’autres
antimalariques (40, 45). Par ailleurs, il a été observé que l’ato-
vaquone était active sur les formes intrahépatiques de P. ber-
ghei et de P. falciparum (46), ce qui laissait entrevoir la possi-
bilité d’une utilisation de ce produit pour une prophylaxie
ciblant la première phase de développement du parasite chez
l’homme (prophylaxie “causale”).
Les essais expérimentaux sur animaux ont montré l’efficacité
de l’atovaquone sur des plasmodiums de rongeurs et sur
P. falciparum avec une absence de résistance croisée avec les
amino-4-quinoléines, les antifolates, la quinine et les amino-
alcools (40). Les premiers essais chez l’homme ont démontré
la rapidité d’action du produit, puisqu’une clairance parasitaire
et une nette régression des symptômes peuvent être obtenues
après la prise d’une dose unique de 500 mg. Toutefois, même
en augmentant les doses et la durée de prescription, un nombre
de rechutes important était observé (47). Il est maintenant éta-
bli que ce phénomène est imputable à l’apparition d’une résis-
tance du parasite à l’atovaquone (44), en relation avec des muta-
tions ponctuelles sur le gène du cytochrome b (48). Il était donc
évident que l’atovaquone ne pourrait être utilisée qu’en asso-
ciation.
Une série de tests réalisés in vitro ont montré que si l’atova-
quone et certains médicaments comme la méfloquine ou
l’artésunate pouvaient avoir un effet antagoniste, d’autres
associations révélaient un effet synergique, en particulier
avec le proguanil (49).
Le proguanil est un biguanide qui est métabolisé en un com-
posé particulièrement actif sur les parasites du genre Plasmo-
dium : le cycloguanil, un inhibiteur puissant de la dihydrofo-
late-réductase [DHFR] (50). Des mutations sur le gène de la
DHFR peuvent aboutir à une résistance des parasites au cyclo-
guanil (3, 4, 9) ; cependant, même dans ce cas, le proguanil
garde une activité antiparasitaire (51) suggérant que sa cible
d’action n’est pas limitée à la DHFR, mais pourrait également
impliquer un mécanisme de toxicité mitochondriale (52).
Le proguanil est actif non seulement sur les parasites en situa-
tion intraérythrocytaire, mais également sur le stade hépatique
et les gamétocytes (9, 46).
L’association atovaquone-proguanil a été testée à différentes
doses pour chacun des deux produits, ce qui a permis d’obser-
ver que les isolats de parasites, provenant de sujets présentant
une recrudescence de paludisme après traitement avec des doses
insuffisantes, n’étaient pas devenus systématiquement résis-
tants aux produits utilisés (44, 53).Aux doses retenues pour la
mise sur le marché de Malarone®(1 000 mg d’atovaquone et
400 mg de chlorhydrate de proguanil, 1 x/j, 3 jours de suite
chez l’adulte), l’efficacité thérapeutique globale est de plus
de 98 % chez des patients présentant des accès palustres non
compliqués à P. falciparum, infectés en Asie du Sud-Est, en
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XVII - n° 4 - avril 2002
117
MISE AU POINT
Amérique du Sud ou en Afrique. Dans les groupes contrôles
correspondants, l’efficacité de la méfloquine était de 86 %, de
l’amodiaquine de 85 % et de la chloroquine de 8 à 30 %. Par
contre, une efficacité comparable a été obtenue avec la sulfa-
doxine-pyriméthamine, la quinine, la tétracycline ou l’halo-
fantrine. Chez les patients traités par atovaquone-proguanil et
pour lesquels une rechute a été observée 19 à 25 jours après le
début du traitement, il ne peut être exclu qu’un certain nombre
d’entre eux aient été réinfectés (53). Lorsque l’étude est menée
chez des sujets qui ne peuvent être réinfectés après traitement,
il est intéressant de constater qu’aucun phénomène de recru-
descence n’a été observé (54).
Quelques essais ont pu être réalisés chez des sujets infectés par
Plasmodium vivax. Malarone®s’est révélé efficace, mais,
treize fois sur dix-neuf, une rechute a été observée dans les
19 à 28 jours suivant le début du traitement. Les auteurs attri-
buent ces rechutes soit à la reviviscence de parasites intra-
hépatiques, soit à une véritable reprise de l’infection à partir de
formes intraérythrocytaires qui auraient persisté (53).Les essais
pratiqués chez des sujets infectés par Plasmodium ovale ou
Plasmodium malariaecomportent des effectifs trop faibles pour
être interprétables. Quant aux effets indésirables, ils ont été
observés avec une fréquence comparable dans les groupes
correspondants traités avec d’autres médicaments (53). Toute-
fois, des troubles gastro-intestinaux ont été plus fréquemment
rapportés que lors de l’utilisation de l’halofantrine chez des
sujets infectés ne résidant pas en zone d’endémie (54).
Malarone®peut également être utilisé pour la chimioprophy-
laxie du paludisme. De nombreuses études ont d’abord été réa-
lisées chez des sujets vivant en zone d’endémie où, sur un
ensemble de 600 participants, l’efficacité prophylactique avoi-
sinait les 98 % (55). Ces études ont été complétées d’observa-
tions effectuées chez des voyageurs se rendant occasionnelle-
ment en zone d’endémie, avec comme objectifs de confirmer
Tableau II. Principales caractéristiques de la présentation et des conditions d’utilisation de Riamet
®
et de Malarone
®
.
Paramètre Riamet
®
Malarone
®
Co-artem
®
(dans certains pays)
Traitement Traitement Prophylaxie
Composition 20 mg artéméther 250 mg atovaquone
par comprimé 120 mg luméfantrine 100 mg chlorhydrate de proguanil
Autorisation de mise Oui Oui Oui
sur le marché en France
Indication Accès palustre simple à P. falciparum(a) Accès palustre simple Prophylaxie du paludisme
Adulte et enfant à P. falciparum(a) à P. falciparum
Adulte et enfant de plus de 12 ans Valable pour les zones 2 et 3
(> 40 kg)(b) Sujets d’au moins 40 kg(c)
Posologie "Adulte : 4 comprimés/j, 3 j À prendre au cours d’un repas(e)
6 comprimés à 0, 8, 24, 48 h 1 comprimé/j : la veille du départ,
en zm+; 4 comprimés en zm-(d) tout le séjour et 7japrès le retour
"Enfant :
– 5-14 kg : 1 comprimé à 0, 8, 24, 36, 48, 60 h
en zm+ 0,8, 24, 48 h en zm-
– 15-24 kg : 2 comprimés à 0, 8, 24, 36, 48, 60 h
en zm+ 0,8, 24, 48 h en zm-
– 25-35 kg : 3 comprimés à 0, 8, 24, 36, 48, 60 h
en zm+ 0,8, 24, 48 h en zm-
Contre-indication Hypersensibilité à l’un des composants Hypersensibilité à l’un des composants
Précautions d’emploi Aversion aux aliments, vomissements Diarrhée importante(f)
Risque de vertiges et de fatigue
Interactions Composés métabolisés par la CYP2D6 Rifampicine, métoclopramide(g),tétracycline :
(neuroleptiques, antidépresseurs tricycliques…) diminution significative des taux plasmatiques d’atovaquone
L’administration concomitante d’atovaquone et d’indinavir
entraîne une diminution de l’indinavir à des valeurs proches de la Cmin
Grossesse Pas d’effet malformatif Pas d’effet malformatif ou fœtotoxique connu
et allaitement ou fœtotoxique connu Prescription à évaluer en fonction du risque
Prescription à évaluer en fonction du risque Allaitement déconseillé pendant le traitement
Allaitement : absence de données
Effets Troubles du sommeil, céphalées, étourdissements, Vomissements, nausées, diarrhée, douleurs abdominales, céphalées
indésirables palpitations, douleurs abdominales, anorexie, Anomalies réversibles du bilan hépatique
vomissements, nausées, diarrhée, prurit,
éruption cutanée, toux, arthralgies, myalgies, asthénie
(a) Le bénéfice n’a pas été établi dans le traitement de l’accès pernicieux, grave ou compliqué . (b) En raison de l’absence de données chez l’enfant de moins de 12 ans.
(c) Les études chez les enfants sont actuellement en cours. (d) zm+: zone de multirésistance, zm-: zone sans multirésistance. (e) Amélioration sensible de l’absorption.
(f) Une étude récente montre cependant que la diarrhée n’affecte pas l’efficacité du médicament (58). (g) Malarone®reste cependant efficace dans 98 % des cas (53).
118
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XVII - n° 4 - avril 2002
MISE AU POINT
l’efficacité du médicament dans des populations non immunes,
mais surtout d’évaluer la compliance (56, 57). En effet, il est
bien connu que tout événement indésirable que le voyageur/tou-
riste impute à la prise d’une prophylaxie aboutit le plus sou-
vent à une suspension de celle-ci, et donc à un risque accru de
contracter un paludisme. Dans les deux études menées sur un
total de plus de 2 000 voyageurs, la tolérance de l’association
atovaquone-proguanil a été supérieure à celle de la méfloquine
(57) ou de l’association chloroquine-proguanil (56), avec une
efficacité de 100 %. Par ailleurs, l’activité “causale” de Mala-
rone®permet de suspendre la prise du produit 7 jours après avoir
quitté la zone d’endémie (et non 3 ou 4 semaines, comme dans
les autres chimioprophylaxies) [tableau II].
CONCLUSION
La diminution de l’efficacité des antipaludéens actuellement
disponibles et l’absence de perspectives vaccinales concrètes
dans un avenir immédiat incitent à privilégier la recherche de
nouveaux médicaments. Découvrir de nouveaux antipaludéens
est une priorité sanitaire mondiale affichée par de nombreux
organismes, et des efforts significatifs y ont été consacrés au
cours de ces dernières années. Riamet®et Malarone®sont deux
nouvelles associations commercialisées sous une même forme
galénique, répondant à cette demande. En effet, Riamet®et
Malarone®se présentent dans des formulations orales et sont
indiquées dans le traitement curatif des accès palustres simples
dus à des souches de P. falciparum résistantes aux autres anti-
paludiques. Tandis que l’utilisation de Riamet® est réservée au
traitement curatif, Malarone®peut également être prescrit en
chimioprophylaxie. Son activité reconnue contre les souches
multirésistantes rend Malarone®utilisable par les voyageurs
séjournant aussi bien en zone 2 qu’en zone 3, ce qui devrait
faciliter le travail du prescripteur. Par ailleurs, la durée du trai-
tement, limitée à 7 jours après le retour, rend cette présentation
attractive et devrait permettre d’améliorer la compliance.#
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