JFR 2007 IMAGERIE DES PARAGANGLIOMES METASTATIQUES M. Bienvenu-Perrard, M. Guesmi, T. Plantier, F. Thévenin, F. Tissier, A. Ayiffon, R. Libè, J. Bertherat, X. Bertagna, P. Legmann Hôpital COCHIN - Paris Définitions et généralités •Le terme paragangliome est utilisé pour les tumeurs développées à partir des résidus embryonnaires chromaffines extrasurrénaliens. •Ces tumeurs sont identiques histologiquement aux phéochromocytomes développés à partir de cellules chromaffines de la médullo-surrénale. •Microscopiquement, les cellules sont polyédriques de grande taille (« zellballen ») avec un cytoplasme éosinophile ou basophile au sein d ’un stroma richement vascularisé. Définitions et généralités •Le diagnostic anatomopathologique est conforté par l ’étude en immunohistochimie qui met en évidence la présence intracytoplasmique de chromogranine. •Dans 10% des cas, il s ’agit d ’une maladie familiale pouvant s’intégrer dans le cadre d’une néoplasie endocrinienne multiple (NEM IIA et IIB), d’une neurofibromatose, d’une maladie de Von Hippel Lindau ou d’un complexe de Carney. Dans 35-50% des cas de paragangliomes familiaux, ces tumeurs sont multiples. • Les formes malignes de paragangliomes sont rares (3%) et le diagnostic est basé sur la présence de métastases locorégionales ou à distance. Un suivi régulier des patients opérés est donc nécessaire. Localisations des paragangliomes Les paragangliomes de la tête et du cou (aussi appelés tumeurs glomiques ou chémodectomes) ont 4 localisations typiques: • bifurcation carotidienne • fenêtre aortico-pulmonaire • jugulotympanique • le long du trajet du nerf vague APP: aorticopulmonary paraganglia CBP: carotid body paraganglia JTP: jugulotympanic paraganglia VP: vagal paraganglia D’après Lee et al AJR:187, août 2006 Localisations des paragangliomes D’après Lee et al AJR:187, août 2006 Présentation clinique Les signes cliniques sont très variables: • HTA paroxystique ou permanente • Céphalées, sueurs, palpitations: triade de Ménard • Flush • Palpation d ’une masse • Plus rarement: tremblements, troubles neurologiques, amaigrissement, troubles digestifs, troubles métaboliques. Il existe des paragangliomes non sécrétants, leur découverte est fortuite. Aspect en imagerie des paragangliomes TDM: lésion prenant fortement le contraste après injection ou lésion volumineuse, se réhaussant de façon hétérogène avec des zones hypodenses correspondant à des remaniements nécrotiques. IRM: lésion en hyposignal T1, hypersignal T2 ( avec parfois un « aspect poivre et sel ») les séquences d ’angioIRM mettent en évidence un refoulement des structures vasculaires, un élargissement des bifurcations (carotide, aorte) caractéristique. Donc: une lésion hypervasculaire, en hypersignal T2, dans une localisation caractéristique, refoulant les structures vasculaires doivent faire évoquer le diagnostic de PARAGANGLIOME. Localisation rare: paragangliome sacré Patient âgé de 79 ans, découverte fortuite d’une lésion sacrée lors d’un traumatisme. La biopsie de la lésion est en faveur d ’un paragangliome. Paragangliome vésical D’après Sahdev et al Eur Radiol (2005) Paragangliome intracardiaque D’après Sahdev et al Eur Radiol (2005) Objectifs •Illustrer à partir de plusieurs observations l ’aspect au scanner et en IRM des métastases des paragangliomes. •Définir l ’ apport respectif de ces deux techniques dans le suivi des patients et dans l ’évaluation de la réponse aux traitements. Observation 1 Mr R., âgé de 46 ans. Découverte en février 2006 d ’un paragangliome de la bifurcation aortique. Clinique: HTA, sueurs, céphalées, tremblements, palpitations. Biologie: élévation des catécholamines plasmatiques et urinaires élévation des dérivés méthoxylés urinaires chromogranine A=7N NSE=7N TDM: formation tissulaire de 8cm à centre nécrotique centrée sur la bifurcation aortique, élargissant la bifurcation et refoulant l ’aorte en avant. Présence d ’adénopathies lomboaortiques et d ’une adénopathie sus claviculaire gauche. Scintigraphie au MIBG: hyperfixation de la lésion de la bifurcation et sus claviculaire gauche. Observation 1 TDM thoraco-abdomino-pelvien: février 2006 Remerciements au Dr JP Convard Observation 1 TDM thoraco-abdomino-pelvien: reconstructions 3D Observation 1 IRM et angioIRM: février 2006 T2 T1+gado artériel T1+gado portal Observation 1 Chirurgie Le patient est opéré. L’examen anatomopathologique confirme le diagnostic de PARAGANGLIOME METASTATIQUE (métastases ganglionnaires) Observation 1 Novembre 2006 : apparition d ’une tuméfaction de la voûte du crâne et de douleurs osseuses diffuses Scanner cérébral Observation 1 IRM cérébrale séquence 3D T1 avec injection de gadolinium Observation 1 IRM du rachis lombaire sag T1 sag T1 gado Lésions secondaires osseuses étagées au niveau du rachis dorsolombaire et au niveau du bassin Observation 1 IRM du bassin Axial STIR Observation 1 Traitement Radiothérapie au niveau de la lésion de la voûte du crâne et de la tête fémorale gauche. Chimiothérapie: Déticène-Endoxan-Vincristine (1ère cure en janvier 2007) associé à des perfusions de Zometa Amélioration de l’état général et des douleurs osseuses Normalisation des dérivés méthoxylés urinaires Diminution significative de la taille et du nombre de lésion. Observation 1 Suivi sous traitement Novembre 2006 Avril 2007: contrôle Observation 1 Nov 2006 Multiples adénopathies au niveau de l’espace inframédiastinal postérieur, rétropéritonéales Lymphocèle iliaque gauche Observation 1 Suivi sous traitement Nov 2006 Avril 2007 Observation 2 Mme C., âgée de 38 ans, consulte pour douleur de l ’hypochondre gauche et masse palpable. Un scanner abdominopelvien est réalisé et montre une volumineuse masse (13x11 cm) refoulant les organes de voisinage. Observation 2 La patiente est opérée en 2003, la masse est développée au niveau du mésentère et le diagnostic est PARAGANGLIOME. L’étude génétique révèle une mutation sur le gène SDHB. Un suivi régulier est réalisé avec, sur le plan de l ’imagerie, un scanner thoraco-abdomino-pelvien annuel. En 2005, apparition de lésion hépatiques hypervasculaires au niveau du segment VIII → biopsie: métastase du paragangliome → segmentectomie VIII Observation 2 En 2006, le scanner de contrôle montre une petite formation infracentimétrique latéro-aortique gauche au niveau de l ’artère rénale, prenant le contraste au temps artériel. Scintigraphie au MIBG: foyer de fixation latéro-aortique gauche. PET scanner: foyer de fixation latéro-aortique gauche et au niveau de la vertèbre D9. Dopa PET scanner: fixation latéro-aortique gauche, pas de fixation pathologique au niveau de D9. → surveillance Observation 2 IRM du rachis Observation 3 Mme R., âgée de 56 ans, opérée en 1966 d’un phéochromocytome surrénalien gauche. Apparition en 1992 de signes cliniques évocateurs de récidive (HTA, flush) avec sur l’imagerie une récidive au niveau de la loge surrénalienne gauche. La patiente est opérée (tumorectomie et néphrectomie gauche) → paragangliome de la loge surrénalienne gauche. En 1996, apparition de lésions hépatiques et osseuses Observation 3 Scintigraphie à la MIBG ANTERIEURE Vue postérieure Multiples hyperfixations osseuses: fémur droit, sacrum, côtes, rachis Un traitement par MIBG (3 doses) puis par Sandostatine et radiothérapie sur les principales lésions osseuses est réalisé sans effet bénéfique. Observation 4 Mme F., âgée de 52 ans, consulte en 2004 devant la découverte de multiples nodules pulmonaires (lâcher de ballons) sur une radiographie de thorax réalisée dans le cadre d ’un bilan systématique de médecine du travail. Parmi ses antécédents, on note l ’exérèse chirurgicale d ’un paragangliome carotidien (chémodectome) en 1981. Observation 4 Des biopsies d’un nodule pulmonaire sont réalisées et sont en faveur de localisations pulmonaires du paragangliome. L ’exérèse chirurgicale d ’un des nodules confirme ce diagnostic. Un Octreoscan In 111 montre de nombreuses fixations au niveau des deux champs pulmonaires sans autre localisation. Observation 4 L’étude génétique ne retrouve pas de mutation Un traitement par AVASTIN (anti-VEGF) est débuté en 2005 entraînant une stabilité des lésions mais une absence de réduction de la taille ou du nombre des lésions. En janvier 2007, un traitement par SUTENT (inhibiteur de proteine-tyrosine kinase) est mis en route permettant une diminution significative de la taille et du nombre de nodule. Le suivi en imagerie a comporté des radiographies de thorax régulières et un scanner thoracique de contrôle 9 mois après le début du traitement. Un Octréoscan de contrôle est prévu compte tenu de la présence d’une fixation initiale des lésions secondaires. Observation 4 Radiographie de thorax de face Janvier 2007 Février 2007 Avril 2007 Observation 4 Scanner thoracique: août 2006 Observation 4 Scanner thoracique: septembre 2006 Diminution significative du nombre et de la taille des nodules pulmonaires Résultats et discussion Age au diagnostic 1 2 45 34 Sexe Signes cliniques et localisation du paragangliome Localisation des métastases Poumon Os Foie M •HTA, sueurs, céphalées, tremblements, palpitations •Bifurcation aortique Rachis, voûte du crâne, bassin F •Douleur de l ’hypochondre gauche et masse palpable •Mésentère Doute oui Rachis, fémur, côtes oui 3 16 F •HTA, flush •Loge surrénalienne gauche 4 29 F •HTA •Bifurcation carotidienne oui Ganglion oui oui Résultats et discussion Les manifestations cliniques et biologiques lors des rechutes sont donc très variables d’un patient à l’autre. Les modalités de suivi en imagerie seront adaptées à chaque patient en fonction des localisations. Une scintigraphie initiale (MIBG, Octréoscan, PET scan) pourra orienter les autres examens d’imagerie et sera utile pour l’évaluation de la réponse aux traitements. En cas de localisations pulmonaires isolées, un suivi par radiographies de thorax et scanner thoracique peut être proposé. Pour les atteintes ganglionnaires et hépatiques, un scanner abdominopelvien permettra une évaluation précise de la réponse au traitement. Enfin, en cas d’atteinte osseuse ou hépatique isolée, l’IRM semble l’examen de choix. IRM corps entier L’IRM corps entier, non irradiante, peut être utile pour le diagnostic de métastases de paragangliome et le suivi des patients sous traitement. Conclusion •Le diagnostic de paragangliome doit être évoqué en imagerie devant une lésion hypervasculaire et/ou en hypersignal T2, dans une localisation évocatrice, refoulant les structures vasculaires de voisinage. •Les signes cliniques et biologiques sont très variables. •Les paragangliomes métastatiques sont rares et les métastases peuvent survenir de nombreuses années après le traitement de la lésion initiale. Les manifestations cliniques sont les plus souvent peu marquées. Un suivi régulier en imagerie est donc nécessaire et une méthode d’imagerie peu irradiante doit être privilégiée chez ces patients.