ÉDITORIAL Le généticien, partenaire essentiel de la prise en charge des paragangliomes The geneticist, an essential partner for paraganglioma management “ L Pr Anne-Paule Gimenez-Roqueplo Consultation multidisciplinaire d’oncogénétique, service de génétique, hôpital européen Georges-Pompidou, Paris. 1. Favier J, Amar L, Gimenez-Roqueplo AP. Paraganglioma and ­phaeochromocytoma: from genetics to personalized medicine. Nat Rev Endocrinol 2015;11(2):101-11. 2. Lenders JW, Duh QY, Eisenhofer G, ­Gimenez-Roqueplo AP, Grebe SK, Murad MH, Naruse M, Pacak K, Young WF Jr; ­Endocrine Society. ­Pheochromocytoma and paraganglioma: an ­endocrine society clinical ­practice ­guideline. J Clin Endocrinol Metab 2014;99(6):1915-42. 3. Castro-Vega LJ, Lepoutre-Lussey C, ­Gimenez-Roqueplo AP, Favier J. Rethinking pheochromo­ cytomas and ­paragangliomas from a genomic perspective. Oncogene 2015. [Epub ahead of print] e généticien est désormais le partenaire indispensable de l’oto-­rhino-laryngologiste pour la prise en charge du patient atteint de paragangliome. Depuis février 2001, en effet, date de la ­publication de l’identification du premier gène de prédisposition ­héréditaire au p ­ aragangliome (le gène SDHD), plus d’une douzaine de gènes de ­prédisposition ont été découverts, et on estime qu’environ 40 % des patients atteints d’un paragangliome sont porteurs d’une mutation ­constitutionnelle sur l’un de ces gènes. Les patients ayant une histoire personnelle ou familiale de paragangliomes multiples, ou de ­paragangliome et de phéochromocytome, ou ayant développé leur première tumeur avant l’âge de 40 ans ont un risque important d’être porteurs d’une forme héréditaire. Cependant, 12 à 16 % des patients atteints d’un paragangliome d’apparence sporadique (tumeur unique, apparue après l’âge de 40 ans sans antécédent familial de paragangliome ou de phéochromocytome) peuvent aussi être porteurs d’une mutation. Ainsi, les recommandations actuelles préconisent qu’un test génétique soit proposé à tous les patients chez lesquels le diagnostic de paragangliome a été posé, quelle que soit la présentation clinique (1, 2). L’identification d’une mutation sur un gène de prédisposition permet d’adapter la prise en charge au risque génétique. Des examens ­d’imagerie à la recherche d’une autre localisation paraganglionnaire dans le thorax, l’abdomen et le pelvis devront être réalisés ainsi que des examens hormonologiques à la recherche d’une sécrétion ­catécholaminergique. La décision thérapeutique devra tenir compte de la possibilité d’une autre localisation synchrone ou métachrone, parfois controlatérale, et prioriser la prise en charge des localisations sécrétantes, qui, ­lorsqu’elles sont méconnues, peuvent être responsables de complications ­cardiovasculaires durant l’anesthésie. La surveillance du patient devra être poursuivie au long cours afin de dépister ­précocement des petites tumeurs asymptomatiques ou d’éventuelles localisations secondaires qui pourraient apparaître, notamment si le gène muté est SDHB ou FH. Enfin, un test génétique positif offre la possibilité d’un dépistage familial de la maladie chez les apparentés du patient atteint. Les études de génomique intégrative menées récemment sur les paragangliomes ont montré que les gènes de prédisposition étaient 4 | La Lettre d'Oto-Rhino-Laryngologie • No 343 - octobre-novembre-décembre 2015 0004_LOR 4 08/12/2015 10:15:33 ÉDITORIAL les acteurs clés de la tumorigenèse. Les gènes les plus fréquemment mutés dans les formes cervicales sont SDHD, SDHC et SDHB, qui codent pour la succinate déshydrogénase. Il s’agit d’une enzyme du cycle de Krebs qui, lorsqu’elle est inactivée, induit une accumulation de succinate dans la cellule tumorale. Le succinate est un o ­ ncométabolite qui intervient dans la régulation des voies de réponse à l­’hypoxie et l’expression des gènes. Lorsqu’il est en excès, il induit de façon inadaptée l­’activation des voies de l’angiogenèse, alors que la cellule est dans un état d’oxygénation normale. Ce phénomène explique ­l’hypervascularisation anarchique des paragangliomes, parfois à ­l’origine des complications vasculaires qui peuvent survenir lorsque l’équipe chirurgicale n’est pas experte dans cette chirurgie à risque. Le succinate agit aussi sur la méthylation de l’ADN et des histones en les maintenant dans un état hyperméthylé. Cette hyperméthylation induit la répression de l’expression de certains gènes et participe à la cancérogenèse et à la réponse spécifique à certaines chimiothérapies, comme le ­témozolomide qui peut être utilisé dans les formes métastatiques SDHB déterminées (3). Ainsi, en 2015, du dialogue entre ­l’oto-rhino-laryngologiste et le généticien peut découler une prise en charge personnalisée du patient atteint de paragangliome. AVIS AUX LECTEURS ” Les revues Edimark sont publiées en toute indépendance et sous l’unique et entière responsabilité du directeur de la publication et du rédacteur en chef. Le comité de rédaction est composé d’une dizaine de praticiens (­chercheurs, hospi­taliers, universitaires et libéraux), installés partout en France, qui représentent, dans leur diversité (lieu et mode d’exercice, domaine de prédilection, âge, etc.), la pluralité de la discipline. L’équipe se réunit 2 ou 3 fois par an pour débattre des sujets et des auteurs à publier. La qualité des textes est garantie par la sollicitation systématique d’une relecture scientifique en double aveugle, l’implication d’un service de rédaction/ révision in situ et la validation des épreuves par les auteurs et les rédacteurs en chef. Notre publication répond aux critères d’exigence de la presse : · accréditation par la CPPAP (Commission paritaire des publications et agences de presse) réservée aux revues sur abonnements, · adhésion au SPEPS (Syndicat de la presse et de l’édition des professions de santé), ·indexation dans la base de données i­nternationale ICMJE (International Committee of Medical Journal Editors), · déclaration publique de liens d’intérêts demandée à nos auteurs, · identification claire et transparente des espaces publicitaires et des publi-rédactionnels en marge des articles scientifiques. Grandir ensemble, c’est magique… Continuons en 2016 ! Bonnes fêtes de fin d’année à tous Claudie Damour-Terrasson Directeur de la publication La Lettre d'Oto-Rhino-Laryngologie • No 343 - octobre-novembre-décembre 2015 | 5 0005_LOR 5 08/12/2015 10:15:34