La Lettre du Neurologue • Vol. XVIII - no 2 - février 2014 | 47
Points forts
»
Les pathologies neurodégénératives sont nombreuses ; leur reconnaissance et leur prise en charge
constituent un enjeu de santé publique (maladies d’Alzheimer, de Parkinson, etc.).
»Les troubles oculomoteurs sont fréquents dans ces affections, et peuvent facilement être analysés au
moyen d’enregistrements oculomoteurs non invasifs et reproductibles.
»
Certains patterns (analyse des saccades, antisaccades, mouvements anormaux, exploration visuelle, etc.)
pourraient permettre une orientation clinique précoce vers certaines de ces affections. L’enregistrement
oculomoteur représente ainsi un nouveau marqueur clinique.
»
Aujourd’hui, si des résultats prometteurs se dégagent, et que ces explorations de l’oculomotricité
commencent à être plus largement utilisées (par exemple, dans les syndromes parkinsoniens), beaucoup
de travail reste à accomplir, afin d’en préciser et d’en valider les indications.
Mots-clés
Troubles
oculomoteurs
Mouvements
oculaires
Maladies
neurodégénératives
Démences
Syndromes
parkinsoniens
Highlights
»
Neurodegenerative disorders
are numerous; their correct
identification and manage-
ment constitutes a real public
health challenge (Alzheimer
and Parkinson diseases, etc.).
»
Oculomotor abnormali-
ties are common among
such patients, and can easily
be analyzed by oculomotor
noninvasive and reproducible
recordings.
»
Some patterns (analysis
of saccades, antisaccades,
abnormal movements, visual
exploration, etc.) could allow
an early clinical orienta-
tion towards some of these
diseases. The analysis of eye
movements represents a new
clinical marker.
»
Today, while promising find-
ings are emerging and these
oculomotor recordings are
more widely used (for instance,
in Parkinsonian syndromes),
much work remains to be done
in order to clarify and validate
their indications.
Keywords
Ocular motility disorders
Eye movements
Neurodegenerative disorders
Dementia
Parkinsonian disorders
l’examinateur évaluera l’effet sur celle-ci des réexes
oculocéphaliques (ROC) : une limitation qui disparaît
grâce aux ROC oriente vers une origine supranu-
cléaire du trouble ; il s’agit d’une approche clinique
simple et able des réexes oculovestibulaires (ROV)
testables lors d’épreuves caloriques, par exemple. La
poursuite peut être appréciée dans un second temps
en gardant à l’esprit qu’une poursuite anormale,
notamment saccadée, n’est pas localisatrice, mais
qu’une poursuite parfaite traduit l’intégrité globale
des systèmes oculomoteurs de poursuite, de stabili-
sation de l’image ainsi que des voies cérébelleuses. La
xation en position primaire du regard (droit devant)
d’une cible proche ou lointaine, normalement stable,
peut révéler l’existence d’intrusions de saccades,
notamment d’ondes carrées. La xation excentrée
peut permettre de révéler l’existence d’un nystagmus,
dont le type doit alors être précisé. La convergence
peut être appréciée. Enn, l’examen du jeu pupillaire
et des paupières (ouverture, fermeture, rétraction) ne
doit pas être oublié.
L’ensemble de ces éléments peut être étudié de
manière reproductible et quantifiable au moyen
d’enregistrements oculomoteurs (eye-tracker, vidéo-
nystagmographie). Ce type d’examens, initialement
réservé aux laboratoires de recherche, est désormais
devenu accessible en clinique grâce à la commercia-
lisation d’appareils dédiés. Les saccades, notamment,
pourront alors être décrites en fonction de leur latence
de déclenchement, de leur vitesse de réalisation,
de leur précision, de leur amplitude, de leur gain,
traduisant l’atteinte de réseaux de neurones corticaux
ou sous-corticaux et renseignant donc sur les struc-
tures et réseaux qui sont lésés, au-delà de l’étiologie.
Maladie de Parkinson
et syndromes parkinsoniens
“plus”
Maladie de Parkinson
Il s’agit de la première cause de syndrome parkin-
sonien, avec une prévalence avoisinant 1 à 2 %
de la population de plus de 65 ans. La maladie de
Parkinson fait partie des alpha-synucléinopathies.
En France, on estime le nombre de malades à environ
150 000. L’atteinte dégénérative des neurones
dopaminergiques explique une grande partie de la
symptomatologie clinique, notamment motrice. Par
extension, l’oculomotricité a fait l’objet d’études
particulières ayant pour objectif de déterminer
l’existence d’une atteinte précoce pouvant aider
au diagnostic positif ou différentiel (1), mais aussi
à évaluer l’impact des traitements (2). L’examen
des saccades réactives révèle essentiellement une
tendance aux saccades modérément hypométriques,
mais aussi une augmentation des latences, en parti-
culier en verticalité (1-3). Les saccades sur cibles,
mémorisées ou anticipées (le patient s’attend à ce
que la cible apparaisse à un endroit donné) semblent
plus clairement affectées (2-3). Cette dissociation
entre saccades réactives relativement préservées
et saccades mémorisées plus altérées suggère que
les réseaux oculomoteurs impliqués sont différents
faisant notamment relais dans les ganglions de la
base (2, 4). Il existe une latéralisation des décits
corrélée à la latéralisation du reste du syndrome
parkinsonien (2). Les antisaccades sont relativement
préservées, mais les données de la littérature sont
parfois contradictoires (3). La convergence est
souvent altérée, de même que la poursuite oculaire,
qui apparaît saccadée, ou que la xation prolongée,
qui peut révéler l’intrusion d’ondes carrées (2-3).
La question de la dopasensibilité des troubles
oculomoteurs est attendue, mais le nombre de
travaux sur ce sujet reste modeste. Certaines
études montrent effectivement une amélioration
de la plupart des anomalies des saccades lors de la
mise sous traitement, notamment l’amélioration
des saccades mémorisées (2). Curieusement, l’hypo-
métrie, notamment celle des saccades mémorisées,
ne se trouve pas signicativement améliorée par les
traitements (2). Des analyses portant sur les latences
des saccades ont montré que celles-ci pouvaient
augmenter sous L-dopa ce qui serait expliqué par
l’effet du traitement sur le niveau seuil nécessaire au
déclenchement effectif d’une réponse motrice (5). La
stimulation des noyaux sous-thalamiques a montré,
chez quelques patients, une réduction des latences
et de l’hypométrie, y compris pour les saccades
mémorisées (2, 6). À noter que la stimulation
elle-même peut être à l’origine de manifestations