R E V U E D E P R E S S E Dirigée par le Pr P. Amarenco Arrêtez de dessiner ! ■ Les auteurs rapportent le cas d’un patient de 19 ans présentant une épilepsie réflexe exceptionnelle déclenchée non pas par l’écriture mais électivement par le dessin. Le foyer épileptique de ce patient a été localisé dans le lobe frontal droit avec une propagation des décharges vers le lobe pariétal. Les anomalies EEG n’apparaissaient que lorsque le patient se servait de sa main non dominante (main gauche) pour dessiner, mais aussi, curieusement, lorsqu’il utilisait son pied droit ou son pied gauche. Ce cas rare permet aux auteurs de vérifier les théories cognitives de dissociation des circuits neuronaux supportant l’écriture et le dessin. L’écriture serait une fonction acquise développée au cours de l’évolution, avec une base culturelle et latéralisée dans l’hémisphère dominant pour le langage. Le dessin serait une fonction plus archaïque, présente dès le début de l’évolution (grottes de Lascaux) et non latéralisée, dépendant de la combinaison de trois systèmes : la perception visuelle, l’imagerie visuelle et la production graphique, impliquant également une programmation de l’action. Commentaire. Les épilepsies réflexes sont rares. Les stimuli déclenchants habituels sont la lumière (épilepsies photosensibles), la lecture, plus rarement l’écriture ou la parole… On pense que les crises sont déclenchées par le recouvrement partiel entre des circuits neuronaux normaux supportant une fonction déterminée : vision, écriture, parole, etc., et un circuit épileptique dysfonctionnant. Ce cas passionnant illustre bien à quel point l’observation de cas uniques peut encore apporter des enseignements, notamment dans le cadre de la neuropsychologie. S. Dupont, unité d’épileptologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris. ✔ Kho KH, Van den Bergh WM, Spetgens WP et al. Figuring out drawing-induced epilepsy. Neurology 2006;66:723-6. Avec des bulles, c’est encore mieux ! ■ Récemment, l’étude CLOTBUST a démontré que la sono-thrombolyse, i.e. le monitorage par DTC à haute fréquence (2-MHz) de l’artère sylvienne occluse, augmentait le taux de recanalisation au cours de la thrombolyse i.v. [46 versus 18 %, p < 0,001] (1). L’administration de micro-bulles (Levovist®), associée au monitorage continu par Doppler transcrânien (DTC) de l’artère occluse, pourrait améliorer l’efficacité de la thrombolyse au cours de l’accident vasculaire cérébral [AVC] (2). Cent onze patients avec un AVC par occlusion de l’artère sylvienne et traités par rt-PA i.v. dans les trois heures suivant le début des symptômes ont été évalués en trois groupes : – groupe rt-PA/DTC/MB : rt-PA + monitorage Doppler + injection de Levovist® ; – groupe rt-PA/DTC : rt-PA + monitorage Doppler ; – groupe rt-PA seul. Le taux de recanalisation complète de l’artère sylvienne était significativement augmenté dans le groupe rt-PA/DTC/MB (54,5 %) par rapport aux groupes rt-PA/DTC (40,8 %) et rt-PA seul (23,9 %) [p < 0,038]. De plus, le nombre de patients dont l’état s’est amélioré cliniquement à 24 heures (mesuré par une diminution de 4 points au NIHSS), ou indépendants à 3 mois (score de Rankin ≤ 2), était plus important dans le groupe rt-PA/DTC/MB que dans les deux autres groupes, avec une forte tendance statistique (respectivement p = 0,065 et p = 0,073). Quatre patients (3,6 %) ont eu une transformation hémorragique (TH) symptomatique, sans différence entre les groupes ; mais le taux de TH asymptomatique était plus élevé dans le groupe rt-PA/DTC/MB (23 %, versus 19 % dans le groupe rt-PA/DTC et 16 % dans le groupe rt-PA seul). Commentaire. Il s’agit d’une étude non randomisée, avec inclusion des patients à deux temps différents (les groupes rt-PA et rt-PA/DTC provenant de l’étude CLOTBUST). A. Viguier et al. ont rapporté une expérience similaire chez un petit nombre de patients, tant sur le plan de l’efficacité que sur celui du nombre élevé de transformations hémorragiques (3) ! Deux études de phase II sont en cours pour évaluer l’intérêt et la tolérance d’un tel traitement. À suivre. B. Lapergue, service de neurologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris. 3. Viguier A, Petit R, Rigal M, Cintas P, Larrue V. Continuous monitoring of middle cerebral artery recanalization with transcranial color-coded sonography and Levovist. JThrombThrombolysis 2005;19(1):55-9. Spectroscopie IRM et MCI amnésique ■ Le MCI (mild cognitive impairment) se caractérise par des troubles cognitifs légers sans démence, pouvant marquer le début d’une maladie d’Alzheimer (MA). Les études en imagerie cérébrale pourraient apporter des arguments en faveur ou non d’un processus lésionnel débutant. L’analyse IRM en spectroscopie (1H MRS) permet de mesurer des anomalies métaboliques au sein de régions d’intérêt anatomique déterminé. La mesure de la réduction du NAA est un marqueur de perte neuronale ou d’anomalie de fonctionnement neuronal, alors que la mesure du myositol est un marqueur d’anomalie gliale. Les auteurs ont comparé les mesures spectroscopiques dans la région pariétale et dans l’hippocampe chez 19 patients MCI (MMS = 29,2 ± 1,1), 18 patients MA (MMS = 23,5 ± 4,4) et 22 sujets témoins appariés en âge et en niveau d’éducation. Le rapport NAA/Cr hippocampique est diminué chez les sujets MCI et chez les patients MA par rapport aux sujets témoins (p < 0,05). Au niveau de la région pariétale, aucune différence n’a été observée entre les groupes MCI et témoins, alors qu’une différence a été observée entre les MA et les témoins avec une augmentation du myositol et une réduction du NAA/Cr. Commentaire. Les groupes MCI et MA présentent des anomalies métaboliques pouvant être observées par spectroscopie IRM dans l’hippocampe. Le groupe MCI n’a pas d’anomalie observable dans la région pariétale, contrairement au groupe MA. Ces résultats confortent l’hypothèse selon laquelle le MCI-amnésique représente un stade débutant de MA. Un suivi longitudinal des patients devrait aider à l’analyse de ces résultats. 1. Alexandrov AV, Molina CA, Grotta JC et al. CLOTBUST Investigators. Ultrasound-enhanced systemic thrombolysis for acute ischemic stroke.N Engl J Med 2004;351(21):2170-8. M. Sarazin, Fédération des maladies du système nerveux, centre de neuropsychologie et du langage, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris. 2. Molina CA, Ribo M, Rubiera M et al. Microbubble administration accelerates clot lysis during continuous 2-MHz ultrasound monitoring in stroke patients treated with intravenous tissueplasminogen activator. Stroke 2006;37(2):425-9. ✔ Ackl N, Ising M, Schreiber YA et al. Hippocampal metabolic abnormalities in mild cognitive impairment and Alzheimer’s disease. Neurosci Lett 2005;384:23-8. La Lettre du Neurologue - vol. X - n° 5 - mai 2006 179 R E V U E D E P R E S S E Dirigée par le Pr P. Amarenco Progression de l’atrophie corticale mesurée par VBM en IRM chez des sujets MCI : étude longitudinale sur 18 mois nique de la VBM (voxel-based morphometry), qui permet une mesure de la perte en matière grise (MG) voxel par voxel, sans a priori régional. Parmi les patients MCI, certains évoluent rapidement vers une maladie d’Alzheimer (MA), alors que d’autres restent stables. La neuro-imagerie permettrait de distinguer ces deux sous-groupes de patients. L’analyse de l’atrophie corticale se fait habituellement par des méthodes semiautomatiques manuelles centrées sur des régions d’intérêt. Elles ont montré que l’atrophie initiale du cortex temporal, hippocampique et entorhinal était associée à un risque accru de développement d’une MA. Les auteurs ont suivi 18 sujets MCI amnésiques (déficit de la mémoire épisodique sans autre atteinte cognitive détectée [MMS = 27,3]) pendant 18 mois. Sept ont évolué vers une MA (dits déclineurs rapides [MMS final = 23]) et 11 sont restés stables. L’étude IRM a reposé sur la tech- La comparaison des IRM initiales montre une atrophie plus marquée chez les sujets MCI déclineurs rapides dans l’hippocampe, le cortex parahippocampique, le gyrus lingual et fusiforme droit. La progression de l’atrophie durant le suivi est plus marquée dans la région frontale, la région temporale et le cortex cingulaire ; la progression de l’atrophie la plus importante concerne le cortex entorhinal chez les MCI déclineurs rapides. ■ 180 La comparaison de la progression de l’atrophie entre les MCI déclineurs et les MCI stables montre une perte de la MG accrue chez les MCI déclineurs dans le néocortex temporal (gyrus moyen et inférieur), l’hippocampe, le cortex parahippocampique, le gyrus fusiforme, le cingulum postérieur et le précunéus, sans asymétrie droite-gauche. Commentaire. Une progression de l’atrophie est détectable chez les sujets MCI sur une période de 18 mois. Les sujets MCI déclineurs rapides (évolution vers une MA durant le suivi) se distinguent des MCI stables par une progression de l’atrophie dans le lobe temporal et la région du cingulum postérieur/précunéus. Ce pattern évolutif d’atrophie corticale reflète sans doute la progression lésionnelle histologique de la maladie et/ou de mécanisme de déafférentation fonctionnelle (mécanisme discuté en particulier pour le cingulum postérieur). MS ✔ Chetelat G, Landeau B, Eustache F et al. Using voxel-based morphometry to map the structural changes associated with rapid conversion in MCI: A longitudinal MRI study. Neuroimage 2005; 27(4):934-46. La Lettre du Neurologue - vol. X - n° 5 - mai 2006