Les troubles cognitifs induits par les anticholinergiques peuvent faire évoquer un MCI Les déficits cognitifs légers, autrement appelés MCI pour mild cognitive impairment, peuvent évoluer vers une démence authentique. Les causes de ces altérations cognitives lorsqu’elle ne semblent pas devoir être attribuées à une atteinte neuronale, ne sont pas parfaitement connues. La polymédication, dont la fréquence augmente avec l’âge, pourrait contribuer à la survenue de ces troubles. On sait en particulier que l’usage de substances anticholinergiques peut donner lieu à des perturbations cognitives modérées, même chez des personnes jeunes, comparables à celles observées lors de l’avancée en âge : trouble attentionnel, atteinte des praxies, modifications mnésiques, ralentissement psychomoteur avec préservation de la mémoire implicite, des capacités linguistiques et du raisonnement. Or de nombreux médicaments fréquemment prescrits chez les personnes âgées possèdent une activité anti-cholinergique, effet pouvant être exacerbé par une augmentation de la perméabilité de la barrière hémato-encéphalique ainsi que par une diminution du métabolisme et de l’élimination de ces substances. Un essai longitudinal a été réalisé dans la région de Montpellier dans le cadre du projet Eugéria, destiné à l’origine à étudier le vieillissement cognitif, afin d’analyser l’impact des médicaments à composante anticholinergique sur les fonctions cognitives, grâce à la collaboration de 63 généralistes. Les 372 participants de l’étude étaient tous en institution mais indemnes de démence, selon les critères du DSM-III-R, en début d’étude. Les patients ont été suivis annuellement pendant 2 ans et leurs performances cognitives évaluées en fonction de leurs scores obtenus aux tests suivants : temps de réaction, raisonnement, attention, mémoire immédiate verbale et spatiale, mémoire retardée, mémoire implicite, capacité visuo-spatiale, langage. Un examen neuropsychiatrique, basé sur le DSM-III-R, a été pratiqué au départ puis huit ans plus tard chez 80% des participants, afin de rechercher une démence. Un diagnostic de MCI était fondé sur les critères révisés du Stockholm Consensus Group. Le niveau d’imprégnation anticholinergique a été évalué en fonction de la concentration sérique de chaque molécule suspectée, de son mode d’administration, des interactions éventuelles et de la pénétration cérébrale des substances utilisées. Au sein de la cohorte, 14% des patients utilisaient au moins un médicaments ayant une composante anticholinergique et aucun ne prenait d’inhibiteur de cholinestérase. Au cours de la première année de suivi, 21 sujets ont cessé de prendre un médicament anticholinergique alors que 24 autres ont démarré un traitement comportant ce type de substance. Les utilisateurs réguliers de ces médicaments étaient surtout des femmes (77%), souvent plus âgés que ceux qui n’en faisaient pas usage (81 ans versus 75 ans). Leurs performances cognitives étaient significativement moins bonnes que celles des sujets qui n’en prenaient pas, en particulier en ce qui concerne le temps de réaction, l’attention, la mémoire visuo-spatiale immédiate et retardée et la fluence verbale. La mémoire implicite et le raisonnement logique n’étaient cependant pas modifiés. Après un an de suivi, 35% des sujets témoins répondaient aux critères de MCI alors qu’ils étaient 80% chez les patients traités par anticholinergiques. Après ajustement sur les autres facteurs de risque, les seuls facteurs prédictifs de MCI étaient la prise d’anticholinergiques (odds ratio = 5,12 ; IC à 95% = 1,9413,51) et l’âge (odds ratio = 1,09 ; IC à 95% = 1,06-1,13). A l’issue des 8 années de l’étude, il n’y avait aucune différence d’incidence des démences entre les deux groupes. Selon ces résultats, les patients qui reçoivent un traitement régulier incluant un anti-cholinergique ont un risque amplifié de présenter des troubles cognitifs de type MCI. Il est donc important de savoir dépister les troubles cognitifs associés à une prise médicamenteuse d’un MCI authentique, seul susceptible d’évoluer vers une démence, afin d’assurer une prise en charge adaptée à ces deux cas de figure et éviter l’association d’inhibiteurs de cholinestérase à des composés anticholinergiques. Non utilisateurs d’anticholinergiques (n= 297) Utilisateurs d’anticholinergiques (n=30) Temps de réaction 13,4 ± 5,9 19,4 ± 7,0 Attention (temps de réponse) 21,6 ± 5,6 27,5 ±10,2 Nombre de visages reconnus 7,7 ± 1,5 6,2 ± 1,8 Souvenirs narratifs 24,3 ± 8,6 16,8 ±8,9 4,1 ± 1,9 23,4 ± 2,1 3,1 ± 1,3 21,4 ± 4,4 9,3 ± 1,1 33,5 ± 11,4 8,3 ± 1,7 23,2 ± 11,6 Test cognitif Aptitude visuo-spatiale -Etendue visuo-spatiale -Construction Langage -Reconnaissance totale -Fluence verbale L. Teillet Hôpital Sainte-Périne, Paris. Performances cognitives des patients qui prenaient régulièrement des anticholinergiques, comparées à celles des patients non utilisateurs. Valeurs moyennes des scores aux divers tests. Ancelin ML, Artero S, Portet F, Dupuy A-M, Touchon J, Ritchie K. Non-degenerative mild cognitive impairment in elderly people and use of anticholinergic drugs: longitudinal cohort study. Brit Med J. 2006;332:455-459 ©2006 Successful Aging SA Af 405-2006