L’
hypertension intracrânienne est un syndrome redou-
table qui met en jeu le pronostic vital du patient à court
terme.
Le tableau de l’engagement temporal provoqué par des lésions
sustentorielles est le plus connu, mais il faut savoir que l’hydro-
céphalie aiguë est aussi dangereuse lorsqu’elle se décompense
brutalement chez un patient qui passe alors de la conscience au
coma profond.
Les troubles sont dus à une augmentation brutale du volume des
ventricules dont la taille dépend de la pathologie et de l’âge des
patients.
Ces tableaux d’hydrocéphalies à pression élevée sont constatés
dans de nombreuses pathologies sus- et sous-tentorielles, connues
ou inaugurales. Leur gravité est souvent mésestimée et peut
conduire au décès brutal du patient (1).
L’hydrocéphalie aiguë
Elle est habituellement due à un blocage du système ventri-
culaire qui se situe à des niveaux très variables.
Il peut s’agir d’une hydrocéphalie portant sur les deux ventri-
cules latéraux, lorsqu’un kyste colloïde, même de faible volume,
bloque les foramens de Monro.
Il peut également s’agir d’une hydrocéphalie triventriculaire inté-
ressant à la fois les ventricules latéraux et le troisième ventricule,
due à une tumeur du troisième ventricule, comme un pinéalome, ou
à une sténose de l’aqueduc en général congénitale (figure 1, p. 167).
MISE AU POINT
La Lettre du Neurologue - vol. X - n° 5 - mai 2006 167
* Service de neurochirurgie, hôpital Beaujon, Clichy.
Hydrocéphalies aiguës
Acute hydrocephaly
J.L. Berthelot*, C. Combes*
L’hydrocéphalie aiguë est dangereuse car, lorsqu’elle
décompense, le patient peut passer en quelques minutes de
la pleine conscience au coma profond.
La gravité des hydrocéphalies aiguës est mésestimée et
peut conduire au décès du patient, à l’origine de procédures
pénales.
Le blocage du système ventriculaire se fait à des niveaux
variables : sur les deux ventricules latéraux (kyste colloïde
bloquant les trous de Monro), sur les ventricules latéraux et
le troisième ventricule en cas de sténose de l’aqueduc ou de
pinéalome, sur l’ensemble du système ventriculaire en cas
de lésion de la fosse postérieure ou de dysfonctionnement
d’une valve de dérivation ventriculo-péritonéale.
L’hydrocéphalie s’installe le plus souvent progressive-
ment et se manifeste par des céphalées progressives, des
vomissements, puis peuvent apparaître des troubles visuels
ou une atteinte oculomotrice. La décompensation brutale
peut être responsable d’un coma profond et d’un arrêt cardio-
respiratoire en quelques minutes.
Le traitement efficace dans les formes aiguës ne peut être
qu’un drainage ventriculaire externe.
Mots-clés : Hydrocéphalie aiguë – Décès brutal – Drainage
ventriculaire.
POINTS FORTS
POINTS FORTS
Acute hydrocephaly is dangerous because, when it decompenses,
patients can cross in some minutes from full consciousness to
deep coma. Gravity of acute hydrocephaly is underestimated
and can lead to the death of the patient at the origin of penal
procedures. Blocking of the ventricular system is made at
variable levels: on both side ventricles (colloid cyst blocking
Monro’s holes), on the side ventricles and the third ventricle
in case of aqueductal stenosis or pineal tumor, on the whole
ventricular system in case of lesion of the posterior pit or
malfunction of a lumboperitoneal shunt. Hydrocephaly settles
down mostly gradually and shows itself by progressive head-
aches, vomiting, then visual confusions or oculo-driving
infringement can appear. Rough decompensation can be
responsible for deep coma and for cardiac arrest in some
minutes. The effective treatment in acute forms can only be
an external drainage.
Keywords: Acute hydrocephaly – Sudden death – External
drainage.
SUMMARY
SUMMARY
MISE AU POINT
La Lettre du Neurologue - vol. X - n° 5 - mai 2006
168
Enfin, la dilatation peut être quadri-ventriculaire lors d’une
lésion de la fosse postérieure comme un épendymome du qua-
trième ventricule ou un processus expansif cérébelleux, qui pro-
voque en plus une hypertension primitive dans la fosse postérieure.
La forme aiguë peut se voir dans les hydrocéphalies commu-
nicantes par défaut de résorption brutale du liquide cérébro-
spinal. C’est le plus souvent la conséquence d’une hémorragie
méningée, mais elle pose moins de problèmes de prise en charge,
car le patient est normalement hospitalisé en neurochirurgie.
CLINIQUE
L’hydrocéphalie s’installe le plus souvent progressivement, en
particulier dans les sténoses de l’aqueduc, qui peuvent êtres tolé-
rées, méconnues de nombreuses années et se décompenser chez
un adulte après 40 ou 50 ans à l’occasion d’un traumatisme
minime (1), d’une hémorragie ou d’un syndrome infectieux.
Ailleurs, il s’agit d’une lésion tumorale qui bloque progressive-
ment l’aqueduc dans un temps très variable.
L’hydrocéphalie se manifeste par une céphalée progressive, des
vomissements, puis apparaissent des troubles visuels ou une atteinte
d’un nerf oculomoteur, le plus fréquent étant l’abducens. Il faut
savoir que la décompensation est parfois extrêmement brutale ;
le patient peut être conscient, céphalalgique, puis présenter en
quelques minutes un coma profond avec arrêt cardio-respiratoire.
TRAITEMENT
Dans les formes aiguës, le traitement efficace, chez un patient
dans le coma, ne peut être qu’un drainage ventriculaire, excepté
dans le cas des hématomes extraduraux de la fosse postérieure,
ou si le patient n’est pas dans un coma profond.
Seule une ponction ventriculaire suivie d’une dérivation dans
le même temps peut faire régresser les troubles neurologiques,
souvent totalement et de manière spectaculaire.
Chez un patient porteur d’une dérivation, il est possible de
réviser la valve si les possibilités pratiques le permettent, en l’ab-
sence de toute notion d’infection.
Le traitement secondaire sera celui d’une tumeur, la pose
d’une dérivation interne ou une ventriculo-cisternostomie (2).
Les kystes colloïdes V3 (3) possèdent une symptomatologie
particulière, avec des céphalées paroxystiques positionnelles.
Ils peuvent parfois être traités en même temps que l’hydrocé-
phalie si l’on fait une ventriculo-cisternostomie. Ailleurs, ils
seront retirés ultérieurement par un abord chirurgical.
Il faut particulièrement se méfier des hydrocéphalies connues
anciennes qui ont été traitées par une dérivation interne ou une
ventriculo-cisternostomie.
La connaissance de ce traitement est une fausse sécurité, car
une panne de valve ou l’obstruction d’un orifice de ventriculo-
cisternostomie vont laisser se développer une hydrocéphalie pro-
gressive qui va se décompenser brutalement, pouvant conduire à
un coma ou au décès du patient (4).
Il faut donc surveiller les patients traités pour une hydrocé-
phalie, les prévenir que l’apparition d’une somnolence, d’une
céphalée progressive, d’une baisse des performances intellec-
tuelles, d’un trouble de la vision doit les amener à consulter un
neurochirurgien. Il faut demander un scanner au moindre signe
d’hypertension intracrânienne, voir si les ventricules ne se sont pas
dilatés et se poser le problème du fonctionnement de la dériva-
tion ou de la cisternostomie qui, dans certaines séries, n’est plus
fonctionnelle dans 20 % des cas après 2 ans (5). En cas de doute,
le patient doit être surveillé en neurochirurgie pour réviser le sys-
tème de dérivation interne si les troubles cliniques persistent.
C’est pour cela qu’il faut avoir un scanner de référence pour
chaque patient (réalisé lorsque tout va bien) pour le comparer
ensuite, quand tout va mal, en sachant que, dans les hydrocépha-
lies anciennes, les ventricules restent volumineux même après
dérivation.
PHYSIOPATHOLOGIE
La dilatation ventriculaire entraîne une hypertension intracrâ-
nienne sus-tentorielle avec une descente de la partie centrale de
l’encéphale dans le foramen de Pacchioni, ce qui provoque un
étranglement du tronc cérébral et du diencéphale, qui descendent,
entraînant des lésions de la réticulé mésencéphalique et des
centres végétatifs (6). Cette compression aiguë peut conduire à
un décès brutal (quelques minutes).
L’hydrocéphalie, même sans lésion sous-tentorielle, augmente le
volume du contenu sus-tentoriel, pousse l’ensemble des struc-
tures de la fosse postérieure vers le bas, entraînant une hyperten-
sion dans la fosse postérieure et un engagement des amygdales
cérébelleuses dans le trou occipital (figure 2). Celles-ci compri-
ment les centres végétatifs du bulbe, avec des risques immédiats
de troubles respiratoires ou d’arrêt cardiaque (7).
Figure 1. IRM en séquence T1 : volumineuse hydrocéphalie par sténose
de l’aqueduc qui sera traitée par ventriculo-cisternostomie en urgence.
La Lettre du Neurologue - vol. X - n° 5 - mai 2006 169
CAS CLINIQUES
Plusieurs cas cliniques permettent de comprendre
la difficulté du diagnostic
Kyste colloïde du troisième ventricule
M. M., âgé de 32 ans, consulte pour des céphalées apparues
brutalement il y a 24 heures. Elles sont intenses, rebelles aux
antalgiques usuels, et s’aggravent lorsqu’il se penche en avant.
À l’arrivée aux urgences, il se plaint de céphalées permanentes
avec renforcements paroxystiques de 2 à 3 minutes, entraî-
nant une alternance de périodes d’agitation et de somnolence.
L’examen neurologique ne montre pas de signe de localisation
neurologique. L’IRM cérébrale en urgence montre une dilata-
tion des ventricules latéraux et une hyperdensité spontanée du
troisième ventricule (figure 3A). Le patient est transféré en
grande garde de neurochirurgie, où une dérivation ventriculaire
externe est posée en urgence. Ce geste entraîne une amélioration
nette des céphalées et une diminution de l’hydrocéphalie au scan-
ner de contrôle (figure 3B). Quelques jours après, la dérivation
ventriculaire externe est internalisée. Le patient va très bien
depuis.
La décompensation d’une sténose de l’aqueduc
de Sylvius peut se voir à n’importe quel âge
Mme C., âgée de 70 ans, sans antécédents particuliers, présentait
depuis 15 jours des céphalées permanentes d’aggravation pro-
gressive. Le 18 janvier 2002, les céphalées s’exacerbent brutale-
ment, s’accompagnent de vomissements et de troubles de la
conscience. Lorsqu’elle est prise en charge par le SAMU, sa
conscience est fluctuante, avec un score de Glasgow compris
entre 5 et 8 ; sa pression artérielle est élevée. Elle est sédatée,
intubée et transférée aux urgences, où le scanner cérébral montre
une dilatation triventriculaire. Elle est transférée en grande garde
de neurochirurgie, où elle arrive dans un coma profond, avec un
Glasgow à 5. L’examen clinique montre une hémiplégie droite.
Une dérivation ventriculaire externe est réalisée immédiatement
à 6 heures. L’état neurologique s’améliore rapidement, avec un
Glasgow à 15 en 48 heures et la disparition de l’hémiplégie. L’IRM
confirme la dilatation ventriculaire ancienne et ne retrouve pas
de malformation vasculaire. Quelques jours après, une valve de
dérivation ventriculo-péritonéale est posée (figure 4, p. 170).
Mme C. va parfaitement bien et revient en consultation tous les
ans depuis 4 ans.
Le dysfonctionnement de valve peut être très mal
toléré à court terme
M. B., âgé de 35 ans, a dans ses antécédents une sclérose en
plaques de forme rémittente traitée par perfusions de corticoïdes
dans les années précédentes. Il présente, en mars 2001 et depuis
plusieurs mois, des céphalées paroxystiques d’abord déclenchées
par les efforts, puis permanentes. Elles s’associent ensuite à une
diplopie, pour laquelle le patient consulte un ophtalmologiste qui
constate un œdème papillaire au fond d’œil. M. B. est adressé
aux urgences pour une IRM, qui montre une hydrocéphalie tri-
ventriculaire due à une sténose de l’aqueduc avec des signes de
résorption transépendymaire. Il est transféré en neurochirurgie et
traité par une ventriculo-cisternostomie par voie endoscopique en
août 2001. En décembre 2001, il se plaint de céphalées chro-
niques. Une valve de dérivation ventriculo-péritonéale est posée
devant une suspicion de dysfonctionnement de la ventriculo-
cisternostomie. Les céphalées régressent.
En juin 2002, M. B. est adressé en urgence en neurochirurgie par
son médecin traitant pour tremblements diffus, sudation impor-
tante, instabilité, mutisme et difficultés de compréhension. Le
diagnostic de syndrome dépressif est évoqué, mais, en raison des
antécédents neurochirurgicaux, un avis chirurgical est demandé.
Figure 2. Scanner cérébral sans injection, engagement d’une amygdale
dans le trou occipital en rapport avec une tumeur de la fosse postérieure
avec hydrocéphalie. C’est un signe d’alarme à toujours rechercher.
B
Figure 3. A : IRM en séquence T1, kyste colloïde choisi pour son petit
volume ; B:scanner cérébral sans injection après pose d’une dérivation
externe dans les deux ventricules latéraux entraînant une diminution de
la taille des ventricules bien visible au niveau des cornes occipitales. Il
existe un hématome sous-dural après la dérivation externe droite.
A
MISE AU POINT
La Lettre du Neurologue - vol. X - n° 5 - mai 2006
170
L’examen neurologique ne montre pas de signes de localisation,
en dehors de tremblements diffus et d’un ralentissement idéo-
moteur associé à une anxiété. Le scanner cérébral en urgence ne
montre pas de dilatation ventriculaire (figure 5A). Le patient
rentre chez lui.
Il est réhospitalisé en urgence 3 jours plus tard pour coma, avec
un score de Glasgow à 5. Le scanner montre une dilatation tri-
ventriculaire (figure 5B). Une dérivation ventriculaire externe est
posée en urgence, puis la valve est changée. Le patient reste en
coma chronique végétatif et décède de complications de décubi-
tus un an plus tard.
Les tumeurs pinéales se révèlent le plus souvent
par une hydrocéphalie aiguë
Mlle C., âgée de 17 ans, sans antécédent, consulte son médecin
traitant pour des céphalées d’apparition progressive, matinales au
départ, associées ensuite à des vomissements, puis à une diplo-
pie. L’examen trouve un syndrome de Parinaud. Le scanner céré-
bral montre une hydrocéphalie triventriculaire avec une lésion de
la région pinéale (figure 6).
Mlle C. est alors adressée à la grande garde de neurochirurgie.
Elle passe une IRM qui confirme les données du scanner et subit
une ventriculo-cisternostomie en urgence par voie endoscopique.
En postopératoire, les céphalées ont disparu, mais les troubles
oculomoteurs persistent. L’exérèse subtotale de la tumeur est réa-
lisée 5 mois plus tard en raison d’une croissance rapide de la
lésion qui risque d’obstruer les trous de Monro.
CONCLUSION
Les accidents neurologiques graves de l’hydrocéphalie aiguë sont
rares, mais ils sont brutaux et mettent en jeu le pronostic vital
immédiat.
Il faut d’autant plus les suspecter et les traiter immédiatement
qu’ils s’observent dans de nombreuses pathologies intracrâ-
niennes, dont certaines sont bénignes, comme un kyste colloïde,
une hydrocéphalie par sténose due à l’aqueduc de Sylvius traitée
par une dérivation ou une ventriculo-cisternostomie dont le dys-
fonctionnement est à l’origine du décès.
Il ne faut pas hésiter à hospitaliser les patients durant 48 heures,
à faire un scanner et à le renouveler avant la sortie si la sympto-
matologie persiste, mais le plus prudent est d’adresser le patient
en neurochirurgie.
B
Figure 5. A : scanner cérébral sans injection, absence de dilatation
ventriculaire ; B: scanner cérébral sans injection, 3 jours plus tard ;
dysfonctionnement de valve entraînant une hydrocéphalie aiguë.
A
Figure 6. IRM avec injection de gadolinium. Tumeur de la région pinéale
située dans le troisième ventricule, hydrocéphalie aiguë.
Traitement : ventriculo-cisternostomie, puis abord direct.
Figure 4. Scanner après la dérivation : les ventricules sont dilatés mais il n’y
a plus d’hypertension intracrânienne (décollement du cerveau en frontal
et sillons visibles).
La Lettre du Neurologue - vol. X - n° 5 - mai 2006 171
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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Takeda N, Oikawa A, Aoki N. Extreme night bradycardia developing after mal-
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I. L’hydrocéphalie aiguë peut être la conséquence d’un
blocage du système ventriculaire par :
a. une obstruction des trous de Monro par un kyste colloïde
b. une sténose de l’aqueduc méconnue
c. le dysfonctionnement d’une ventriculo-cisternostomie
II. La symptomatologie d’une décompensation d’une
sténose de l’aqueduc de Sylvius est :
a. une céphalée d’apparition progressive avec apparition brutale
d’un coma possible par décompensation de l’hydrocéphalie
b. des céphalées chroniques sans autre signe de localisation
c. une paralysie oculomotrice isolée
III. L’hydrocéphalie aiguë se traite par :
a. une révision de la valve de dérivation ventriculo-péritonéale
si celle-ci montre des signes de dysfonctionnement
b. un drainage ventriculaire externe en urgence
c. l’exérèse chirurgicale de la lésion en cas de pinéalome
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