La conjecture abc et quelques

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La conjecture abc et quelques-unes de ses conséquences
§1. Introduction
La conjecture abc est le fruit d’une discussion, en 1985 à Bonn, entre D.W. Masser et
J. Oesterlé. En effet, Oesterlé s’interrogeait sur la possibilité de trouver le plus petit exposant
possible α tel que, pour tout triplet d’entiers positifs (a, b, c), premiers entre eux et vérifiant
a + b = c, on ait


α
c<

Y
p|abc
p
,
où le produit parcourt tous les facteurs premiers p de abc. De là est née la conjecture abc
formulée comme suit en 1985 par Masser et Oesterlé:
Soit ε > 0. Il existe une constante positive M = M(ε) telle que, pour tout triplet
d’entiers (a, b, c) premiers entre eux et vérifiant les conditions 0 < a < b < c et
a + b = c, on ait


1+ε
(1)
c<M ·
Y
p|abc
p
.
Une formulation équivalente est la suivante:
Soit ε > 0. Il existe une constante positive M = M(ε) telle que, pour tout triplet
d’entiers (a, b, c) premiers entre eux et satisfaisant a + b = c, on ait
(2)

max{|a|, |b|, |c|} < M · 
Y
p|abc
1+ε
p
.
Ainsi, essentiellement, la conjecture abc nous indique que si 3 nombres sont liés par une
relation additive, leurs facteurs premiers ne peuvent pas tous être petits. C’est pourquoi,
comme on le verra, la conjecture abc peut jeter beaucoup de lumière sur certains problèmes
comme les équations diophantiennes dont par exemple le grand théorème de Fermat.
Dans sa thèse de doctorat intitulée “Conséquences et aspects expérimentaux des conjectures abc et de Szpiro” et présentée en 1994 à l’Université de Caen, Abderrahmane Nitaj
montre en particulier comment une foule de conjectures de la théorie des nombres, dont la
plupart sont liées à la résolution d’équations diophantiennes fameuses, peuvent être élucidées
en supposant que la conjecture abc est vraie. Il fait également état de plusieurs résultats
analogues obtenus par d’autres mathématiciens entre 1985 et 1994.
Nous allons reprendre ici quelques-uns de ces résultats en donnant à l’occasion un peu
plus de détails et en ajoutant parfois des données et des calculs numériques.
1
§2. La nécessité d’avoir ε > 0
La première question qui nous vient à l’esprit en analysant l’inégalité (??) est “pourquoi
pas ε = 0 ?”.
Auparavant, explorons quelques exemples numériques. Considérons d’abord un exemple
donné par Nitaj, soit la suite des triplets (an , bn , cn ) d’entiers positifs définis par
(3)
n
bn = 52 − 1,
an = 1,
n
cn = 5 2
(n = 1, 2, 3, . . .).
On a bien que les nombres an , bn , cn sont premiers deux à deux et que
an + bn = cn
(n = 1, 2, 3, . . .).
D’après la conjecture abc, on doit avoir
1+ε
p
= M(2 · 3 · 5)1+ε = M · 301+ε ,
54 < M · 
Y
p|a2 b2 c2
1+ε
p
= M(2 · 3 · 5 · 13)1+ε = M · 3901+ε ,
58 < M · 
Y
1+ε
p
= M(2 · 3 · 5 · 13 · 313)1+ε = M · 1220701+ε ,

52 < M · 
Y
p|a1 b1 c1


p|a3 b3 c3
et ainsi de suite. Si on désigne par r(m) le radical de m, c’est-à-dire le produit des facteurs
premiers de m, une autre manière d’écrire l’inégalité (??) dans ce cas est
n
(4)
M(ε) >
52
[5 · r(52n − 1)]1+ε
.
Ainsi, en posant ε = 1/100, on observe que le membre de droite de (??) vaut 1.5 si n = 2,
2.84 si n = 3, 5.03 si n = 4 et 7.84 si n = 5. Donc à cause de ce cas particulier, il est clair
que M = M(1/100) ≥ 7.84.
Si au lieu de considérer le triplet (??), on considère plutôt le triplet
(5)
an = 1,
n
n
bn = 72 − 1,
cn = 7 2
(n = 1, 2, . . .),
lequel satisfait bien les hypothèses de la conjecture abc, on trouve, pour n = 5, que
M(ε) >
732
732
=
[7 · r(732 − 1)]1+ε
[7 · r(28 · 32 · 52 · 17 · 353 · 1201 · 169553 · 47072139617)]1+ε
et ainsi que M(1/100) > 51.317 . . ..
Avec un autre exemple, on arriverait peut-être à trouver une plus grande borne inférieure
pour M(1/100).
Quoiqu’il en soit, nous allons maintenant montrer que M = M(ε) grandit indéfiniment
au fur et à mesure que ε devient de plus en plus petit.
2
Théorème 1. On a
(6)
lim inf M(ε) = +∞.
ε→0
Démonstration. Pour obtenir ce résultat, nous allons encore considérer un cas particulier,
celui-là fourni par les solutions de l’équation de Pell x2 − 2y 2 = 1. Il est bien connu que
cette équation
√ possède une infinité de solutions qu’on peut obtenir à partir de la fraction
continue de 2 ou encore en observant que la plus petite solution positive de x2 − 2y 2 = 1
est (x1 , y1 ) = (3, 2) et que toutes les autres solutions (xn , yn ) non triviales sont données
implicitement par la relation
√
√
xn + yn 2 = (3 + 2 2)n
(7)
(n = 1, 2, . . .).
On s’intéresse aux indices n qui sont des puissances de 2. D’abord, il est facile de démontrer
par induction que
(8)
(m = 1, 2, . . .).
2m+1 |y2m
En effet, posons n = 2m , auquel cas d’après (??) on a
√ 2
√
√
√
x2n + y2n 2 = (3 + 2 2)n = (xn + yn 2)2 = x2n + 2yn2 + 2 · 2 · xn yn ,
de sorte que y2n = 2xn yn . Il s’ensuit que
2m+1 |y2m =⇒ 2m+1+1 |y2m+1 ,
ce qui complète le raisonnement par induction.
On applique alors la conjecture abc à l’équation
1 + 2yn2 = x2n
pour n = 2m
(m = 1, 2, . . .).
On obtient alors, pour n = 2m , et comme yn < xn ,
x2n
≤ M(ε) (r(2xn yn ))
1+ε
yn
≤ M(ε) xn m
2
1+ε
xn2(1+ε)
< M(ε) m(1+ε) .
2
Il s’ensuit que
2m(1+ε)
.
M(ε) >
x2ε
n
D’où en gardant n fixe (et donc m fixe) et en faisant tendre ε vers 0, on peut conclure que
lim inf M(ε) ≥ 2m ,
ε→0
ce qui prouve (??).
La deuxième question naturelle qu’on peut se poser est “quel type de majoration effective
peut-on réellement obtenir pour c ?” Voici deux résultats à cet effet.
En 1986, Stewart et Tijdeman ont obtenu le résultat suivant:
3
Il existe une constante effectivement calculable k > 0 telle que pour tout triplet
(a, b, c) d’entiers positifs vérifiant (a, b, c) = 1 et a + b = c, on ait
c < exp{k · r(abc)15 }.
(9)
Un résultat tant soit peu meilleur a été obtenu en 1990 par Stewart et Yu:
Il existe une constante effectivement calculable k > 0 telle que pour tout triplet
(a, b, c) d’entiers positifs vérifiant (a, b, c) = 1 et a + b = c, on ait
(10)
2
k
c < exp{r(abc) 3 + log log r(abc) }.
Remarque: On ne connaı̂t pas de contre-exemple à (??) avec k = 0. En d’autres mots, on
n’a pas trouvé de contre-exemple à l’inégalité
2
log log c
< .
log r(abc)
3
Le meilleur exemple connu dans cette direction est celui avec a = 1, b = 2 · 37 , c = 54 · 7 qui
donne
2
log log c
= 0.39765 . . . < ,
log r(abc)
3
et on ne connaı̂t pas d’autre exemple avec une valeur plus grande que 0.39765. . .
§3. Les nombres de Wieferich
Selon le petit théorème de Fermat, si p est un nombre premier et si a est un nombre entier
relativement premier avec p, alors
ap−1 ≡ 1 (mod p).
Un nombre premier p est dit nombre premier de Wieferich s’il satisfait la congruence
(11)
ap−1 ≡ 1 (mod p2 )
avec a = 2. On connaı̂t seulement deux nombres premiers de Wieferich: p = 1093 et
p = 3511. Il n’y en a pas d’autre < 1012 . En 1909, Wieferich a démontré que si le premier
cas du théorème de Fermat est faux pour un certain nombre premier p (i.e. si l’équation
xp + y p = z p admet une solution entière (x, y, z) non triviale avec p 6 |xyz), alors p est
nécessairement un nombre premier de Wieferich. Nous allons montrer le résultat suivant.
Théorème 2. Soit a ≥ 2 un entier fixe. Alors la conjecture abc implique qu’il existe une
infinité de nombres premiers p ne vérifiant pas la congruence (??).
Démonstration. Nous allons d’abord démontrer le résultat préliminaire suivant:
Soit p un nombre premier pour lequel il existe des entiers positifs a et n tels que
an ≡ 1 (mod p) et an 6≡ 1 (mod p2 ). Alors ap−1 6≡ 1 (mod p2 ).
4
Pour démontrer ce résultat préliminaire, on désigne d’abord par d l’ordre de a dans le groupe
des éléments inversibles de Z/pZ. Alors d est un diviseur de p − 1 et le plus petit nombre
positif tel que ad ≡ 1 (mod p). Il existe donc un entier positif m tel que ad = 1 + pm.
Comme an ≡ 1 (mod p) et an 6≡ 1 (mod p2 ), alors d|n et ad 6≡ 1 (mod p2 ), auquel cas
on doit avoir (p, m) = 1. On a donc
pm(p − 1)
(mod p2 ),
d
6≡ 1 (mod p2 ), ce qui termine la preuve du
ap−1 = (ad )(p−1)/d = (1 + pm)(p−1)/d ≡ 1 +
avec (p, m(p − 1)/d) = 1. Il en résulte que ap−1
résultat préliminaire.
Nous sommes maintenant en mesure de compléter la preuve du théorème 2. La preuve
qui suit est essentiellement due à Silverman [ ]. On procède par contradiction en supposant
qu’il existe seulement un nombre fini de nombres premiers q tels que aq−1 6≡ 1 (mod q 2 ).
Pour chaque entier positif n, on pose
an − 1 =
Y
qα
Y
r β = A · B,
où A = An est le produit des puissances de nombres premiers q α tels que aq−1 6≡ 1 (mod q 2 )
et où B = Bn = (an − 1)/A. Par cette construction, si p|B, alors p vérifie ap−1 ≡ 1
(mod p2 ), de sorte que d’après le résultat préliminaire ci-dessus,
on doit nécessairement avoir
√
2 n
2
que p |a − 1. Il s’ensuit que p |B et donc que r(B) ≤ B. En appliquant la conjecture abc
au triplet (1, an − 1, an ), on obtient, sachant que r(A) est borné (c’était notre hypothèse de
départ),
AB = an −1 ≤ M(ε)·(r((an −1)an )))1+ε = M(ε)·(r(aAB))1+ε ≤ M0 (ε)r(B)1+ε ≤ M0 (ε)B (1+ε)/2 ,
pour une certaine constante M0 = M0 (ε, a, A) et ainsi
AB (1−ε)/2 ≤ M0 (ε).
Si ε est assez petit, cette dernière inégalité ne peut plus tenir lorsque n est assez grand, et
le théorème suit.
§4. Le dernier théorème de Fermat
Probablement la conséquence la plus spectaculaire de la conjecture abc (avant l’annonce
faite par Wiles en 1993) fut le fait qu’elle implique que si n est suffisamment grand, l’équation
xn + y n = z n n’a pas de solution entière (x, y, z) non triviale.
Théorème 3. Si la conjecture abc est vraie, alors si n est suffisamment grand, l’équation
xn + y n = z n n’a pas de solution entière (x, y, z) non triviale.
Démonstration. Supposons qu’il existe n ≥ 4 et des entiers 0 < x < y < z, relativement
premiers entre eux tels que
xn + y n = z n .
Posons a = xn , b = y n et c = z n . D’après la conjecture abc,
n
n

n
x <y <z <M
Y
p|xyz
5
1+ε
p
,
ce qui implique que

(xyz)n < M 3 
En prenant les logarithmes, on obtient
Y
p|xyz
3+3ε
p
.

n log(xyz) < 3 log M + (3 + 3ε) log 
Y
p|xyz
D’où

p .
n log(xyz) < 3 log M + (3 + 3ε) log(xyz),
et ainsi
On en conclut que
(n − 3 − 3ε) log(xyz) < 3 log M.
n − 3 − 3ε <
3 log M
3 log M
≤
,
log(xyz)
log 6
et ainsi que n est borné.
§5. Les nombres puissants
Un entier positif n est appelé nombre puissant si r(n)2 |n. Il est facile de montrer que tout
nombre puissant n peut s’écrire sous la forme n = a2 b3 , où
√ b est libre de carrés. Par ailleurs,
il est clair que si n est un nombre puissant, alors r(n) ≤ n. Il est facile de démontrer (voir
288 dans ce document) qu’il existe une infinité de paires de nombres puissants consécutifs.
En utilisant un logiciel de calcul, on observe qu’il y a exactement 8 paires (n, n + 1) d’entiers
puissants consécutifs avec n < 106 , soient ceux avec n = 8, 288, 675, 9800, 12867, 235224,
332928 et 465124.
Erdös, Mollin et Walsh ont fait la conjecture suivante.
Conjecture A. Il n’existe aucun triplet de nombres puissants consécutifs.
Cette conjecture a une conséquence surprenante: en effet, si elle est vraie, alors il existe
une infinité de nombres premiers qui ne sont pas des nombres premiers de Wieferich.
La conjecture A ne découle pas de la conjecture abc, mais presque! En fait, nous allons
montrer que si la conjecture abc est vraie, alors il ne peut exister qu’un nombre fini de triplets
de nombres puissants consécutifs.
Théorème 4. Si la conjecture abc est vraie, il ne peut exister qu’un nombre fini de triplets
de nombres puissants consécutifs.
Démonstration. Pour démontrer ce résultat, on observe d’abord que si 1 < a < b < c sont
trois entiers consécutifs, alors ac + 1 = b2 . Supposons que les nombres a, b, c sont puissants
et appliquons la conjecture abc aux trois nombres ac, 1 et b2 pour conclure que
1+ε
√
abc
b2 < M(ε) (r(abc))1+ε ≤ M(ε)
(12)
≤ M(ε)b3(1+ε)/2 ,
6
où on a utilisé le fait que ac < b2 . Il découle alors de (??) que
b(1−3ε)/2 < M(ε).
En prenant ε suffisamment petit, il suit que b de même que a et c sont bornés, ce qui prouve
le résultat.
n
La prochaine conjecture est liée de près aux nombres de Fermat 22 + 1 et aux nombres
de Mersenne 2n − 1.
Conjecture B. Pour tout entier k ≥ 2, soit nk le1 nombre puissant le plus proche de 2k
avec nk 6= 2k . Alors
lim |2k − nk | = +∞.
k→∞
Les nombres |2k − nk |, pour 3 ≤ k ≤ 35, sont 1, 7, 4, 8, 3, 13, 12, 24, 23, 96, 89, 184,
7, 317, 28, 56, 112, 224, 448, 896, 1792, 3584, 4417, 10489, 5503, 17413, 22012, 44024, 4633,
76675, 18532, 14139 et 74128.
Nous allons montrer que la conjecture abc implique la conjecture B.
Théorème 5. Si la conjecture abc est vraie, alors pour tout entier k ≥ 2,
lim |2k − nk | = +∞.
k→∞
Démonstration. Soit k ≥ 2. On écrit nk sous la forme nk = 2s n′k , où s ∈ {0, 2, 3, . . . , k−1}
et où n′k est un nombre puissant impair. Soit alors
z := 2k−s −
nk
= 2k−s − n′k ,
2s
et suppossons que z > 0 (sinon on considère z = nk /2s − 2k−s ). En faisant appel à la
conjecture abc, on obtient successivement
!1+ε
nk
2k
nk
<
M
·
r
·
z
·
,
2s
2s
2s
1+ε
nk
s
,
nk < M · 2 · r s · z · 2
2
1+ε
nk
,
nk < M · 21+ε · 2s · r s · z
2
1+ε
nk
′
s
1+ε
,
nk < M · 2 · z
·r s
2
nk < M ′ · [2s zr(nk /2s )]1+ε ,
(1+ε)/2
nk < M ′ · |nk − 2k |1+ε nk
Il s’ensuit que
(1−ε)/2
nk
1
< M ′ |2k − nk |1+ε .
S’il y en a 2, on prend le plus petit.
7
.
Comme nk → ∞ lorsque k → ∞, en gardant ε fixe, le résultat suit.
Définition. Un entier positif n est dit k-puissant si r(n)k |n.
Conjecture C (Erdös). L’équation x + y = z n’admet qu’un nombre fini de solutions en
entiers positifs 4-puissants x, y, z premiers entre eux.
Remarque: Bien qu’on n’ait jamais trouvé d’entiers positifs 4-puissants x, y, z tels que
x + y = z, il en est autrement pour les nombres 3-puissants comme en fait foi l’exemple
trouvé par Nitaj:
2713 + 23 35 733 = 9193 .
Théorème 6. La conjecture abc implique la conjecture C.
Démonstration. Supposons que x, y, z sont 3 nombres 4-puissants relativement premiers
et vérifiant x + y = z. On applique la conjecture abc au triplet (x, y, z) et on obtient
z < M(r(xyz))1+ε ≤ M(xyz)(1+ε)/4 ≤ Mz 3(1+ε)/4 .
Il s’ensuit que
z (1−3ε)/4 < M
et ainsi que z est borné, de même que x et y.
§6. Le problème de Brocard
En 1876, H. Brocard s’est interrogé sur les solutions entières de l’équation
x! + 1 = y 2.
(13)
Il est facile de voir que (x, y) = (4, 5), (5,11), (7,71) sont des solutions. On n’en connaı̂t pas
d’autres (certes pas avec x < 500).
On peut généraliser le problème de Brocard en considérant l’équation diophantienne
(14)
(x!)n + 1 = y m
Théorème 7. Si la conjecture abc est vraie, alors l’équation (??) n’a qu’un nombre fini de
solutions en entiers positifs x, y, n et m ≥ 2.
Démonstration. Nous allons utiliser deux estimations bien connues valables pour chaque
nombre entier x ≥ 2:
Y
x! > (x/e)x
et
(15)
p < 4x .
p≤x
n
m
On applique la conjecture abc au triplet ((x!) , 1, y ). On obtient alors
(x!)n ≤ M(r(y · x!))1+ε ≤ M(yr(x!))1+ε .
Puisque y m ≤ 2(x!)n et comme r(x!) ≤
Q
p≤x
p, on obtient
(x!)n ≤ 2M (x!)n/m
8
1+ε


Y
p≤x
1+ε
p
.
On a donc
((x!)n )
1− 1+ε
m

≤ 2M 
Y
p≤x
En utilisant les inégalités (??), il suit que
((x/e)nx )1−
1+ε
p
1+ε
m
≤ 2M4x(1+ε)
1+ε
m
≤ 2M41+ε .
et c’est pourquoi
((x/e)n )1−
.
En prenant ε assez petit, on peut donc conclure que x est borné. De même, on a que m et
n sont bornés.
§7. Un problème de Ghandi
J.M. Ghandi s’est demandé si l’équation
(16)
xn + y n = n!z n
admet des solutions en entiers x, y, z et n ≥ 3.
Mentionnons d’abord que si n = 2, l’équation (??) admet une infinité de solutions. En
effet, posons x1 = y1 = 1 et définissons implicitement xk et yk pour chaque entier k ≥ 2 par
la relation
√
√
xk + yk 2 = (1 + 2)k .
Il est alors facile de voir que pour tout entier k ≥ 1, on a x2k − 2yk2 = (−1)k de sorte que si k
est impair on a 1 + x2k = 2yk2 , ce qui fournit une infinité de solutions de l’équation (??).
Dans le cas où n = 3, on peut également construire une infinité de solutions par les
relations de récurrence
(17)
x0 = 37, y0 = 17, z0 = 21,
xk+1 = xk (x3k + 2yk3), yk+1 = −yk (2x3k + yk3),
zk+1 = zk (x3k − yk3)
(k ≥ 0).
On ne connaı̂t pas de solution de (??) pour les cas n ≥ 4. On a le résultat suivant.
Théorème 8. Si la conjecture abc est vraie, alors l’équation (??) n’a qu’un nombre fini de
solutions en entiers positifs x, y, z et n ≥ 4.
Démonstration. Supposons qu’une telle solution x, y, z avec n ≥ 4 existe. Sans perdre la
généralité, on peut supposer que (x, y, z) = 1. De même, on a d = (xn , n!) = 1; en effet, si
d > 1, alors d = dn0 pour un certain d0 > 1, auquel cas dn0 |n!, ce qui n’est pas possible. On
peut donc appliquer la conjecture abc à l’équation xn + y n = n!z n , et on obtient
n!z n ≤ M · (xyz)1+ε r(n!)1+ε .
En utilisant les majorations triviales x, y, z ≤ (n!z n )1/n , il suit que
n!z n ≤ M · (n!z n )3(1+ε)/n r(n!)1+ε .
9
En faisant appel aux deux inégalités de (??), on obtient
(nz/e)n(1−3(1+ε)/n ≤ (n!z n )1−3(1+ε) ≤ M · 4n(1+ε) ,
soit
(nz/e)1−3(1+ε) ≤ M0 · 41+ε ,
pour une certaine constante M0 = M0 (ε). Il découle de cette inégalité que n et z sont bornés
et ainsi que l’équation (??) n’a qu’un nombre fini de solutions avec n ≥ 4.
§8. Le plus grand facteur premier de 2p − 1
Il arrive que la conjecture abc ne fait que confirmer un théorème existant ou même ne livrer
moins qu’un résultat existant. C’est le cas en particulier d’un théorème dû à C.L. Stewart.
Pour chaque entier n ≥ 2, désignons par P (n) le plus grand facteur premier de n. En
19??, C.L. Stewart a démontré le résultat suivant.
Théorème 9. (Stewart) Il existe une constante positive c effectivement calculable telle
que pour tout nombre premier p > c, on a
p
P (2p − 1) ≥ (log p)1/4 .
(18)
2
En particulier il découle de (??) que lim P (2p − 1) = +∞. Nous allons ici montrer que
p→∞
cette dernière limite est une conséquence de la conjecture abc.
Théorème 10. La conjecture abc implique que lim P (2p − 1) = +∞ et de plus que, pour
p→∞
tout ε > 0 et tout nombre premier p,
P (2p − 1) ≥ M(ε)p.
(19)
Démonstration. On applique la conjecture abc à la relation 1 + (2p − 1) = 2p , auquel cas
on obtient
(20)
2p ≤ M · r(2p − 1)1+ε ,
ce qui implique que lim r(2p − 1) = +∞ et en particulier que lim P (2p − 1) = +∞. Pour
p→∞
p→∞
démontrer (??) (qui, en fait, est moins fort que le résultat de Stewart), on utilise (??) et
l’inégalité triviale r(n) < 4P (n) valable pour tout entier n ≥ 2, et ainsi obtenir
p −1)·(1+ε)
2p ≤ M · r(2p − 1)1+ε < M · 4P (2
,
ce qui implique en particulier (??).
§9. Les meilleurs calculs numériques
Étant donné 3 entiers relativement premiers a, b, c tels que a + b = c, on définit les
expressions
(21)
(22)
log c
,
log r(abc)
log abc
;
ρ = ρ(a, b, c) =
log r(abc)
α = α(a, b, c) =
10
alors la conjecture abc implique que les quantités α et ρ sont bornées, auquel cas on a bien
sûr
α < ρ < 3α.
Les plus grandes valeurs de α, avec leurs nombres correspondants a, b, c, sont données
dans le tableau ci-dessous:
α
a
b
c
10
1.629912
2
3 · 109
235
2
2
6
3
21
1.625991
11
3 ·5 ·7
2 · 23
1.623490 19 · 1307 7 · 292 · 318 28 · 322 · 54
1.580756
283
511 · 132
28 · 38 · 173
7
1.567887
1
2·3
54 · 7
auteur
Reyssat
de Weger
Browkin-Brzezinski
Browkin-Brzezinski-Nitaj
Lehmer
Il est intéressant d’observer que la plus grande valeur de α, soit celle obtenue par Reyssat,
est liée à l’approximation
2.5555555556... =
23
≈ 1091/5 = 2.555555397...,
9
laquelle vient de l’équation
109 · 95 + 2 = 235 .
§10. La n-conjecture abc
La conjecture abc possède la généralisation suivante:
Étant donné un entier k ≥ 2, alors pour tout ε > 0 il existe une constante
M = Mk (ε) > 0 telle que, si a1 , . . . , ak sont des entiers vérifiant les 3 conditions:
(i) a1 + a2 + . . . + ak = 0,
(ii) (a1 , a2 , . . . , ak ) = 1,
(iii) aucune sous-somme n’est nulle,
alors
max(|a1 |, |a2|, . . . , |ak |) ≤ M · r(a1 a2 . . . ak )2k−5+ε .
JMDK, le 24 mai 2004; fichier: abc2004.tex
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