Éditorial Quelle place pour la capsule endoscopique

publicité
Quelle place pour la capsule endoscopique
dans l’exploration d’une anémie ferriprive ?
S. Nahon*
Environ 30 à 50 % des anémies ferriprives (AF)
restent inexpliquées après une exploration
endoscopique classique comprenant une
coloscopie et une endoscopie œsogastroduodénale
(1). Le transit du grêle et l’entéroscanner ont une
place marginale pour le diagnostic étiologique
des AF (1). Plus récemment, la vidéo-entéroscopie
poussée a permis l’exploration d’une partie de
l’intestin grêle (environ 120 cm de jéjunum par
voie haute et 50 cm d’iléon par voie rétrograde).
En cas d’AF sans saignement macroscopique
associé,
la rentabilité de l’entéroscopie haute est variable.
D’après les principales séries de la littérature,
elle permettait de trouver des lésions localisées
uniquement au niveau du jéjunum dans 6 à 42 %
des cas (2). Cependant, l’entéroscopie est limitée,
d’une part, par l’impossibilité de visualiser
la totalité du grêle et, d’autre part, la nécessité
d’une nouvelle anesthésie générale associée
à la pose d’un surtube pour en augmenter
la rentabilité (2).
Développement de la capsule M2A
En 2000, à la Digestive Disease Week, la société
Given Imaging® a présenté la capsule endoscopique
(capsule M2A), seul examen permettant
la visualisation de l’ensemble de l’intestin grêle.
Les images sont transmises par fréquence radio
(2 images/seconde) à un enregistreur porté à la
taille par le patient. L’analyse des images se fait
sur une station de travail par l’intermédiaire
d’un logiciel nécessitant une à deux heures
de travail pour l’examinateur. La capsule
est facilement ingérée par le patient, et progresse
le long du tractus digestif grâce au péristaltisme
intestinal.
* Centre hospitalier intercommunal Le RaincyMontfermeil.
Quels sont les résultats ?
La capsule endoscopique a été évaluée
dans le diagnostic étiologique des AF essentiellement
en comparaison avec l’entéroscopie poussée.
D’après les principales études publiées, la capsule
permet d’identifier une lésion dans 40 à 68 % des
cas, fréquence significativement supérieure
à l’entéroscopie, puisque chez ces mêmes malades
sa rentabilité était de 28 à 37 % (2-6). Il s’agit,
par ordre de fréquence : d’angiodysplasies
dans environ 40 % des cas, d’ulcères iléaux
ou jéjunaux dans environ 20 % des cas,
puis de varices du grêle, de lésions évoquant
une maladie de Crohn, de lymphomes du grêle,
de tumeurs du grêle, d’atrophies villositaires
et d’hémorragies du grêle (3).
Tolérance et acceptabilité
Un travail a évalué les inconvénients liés
à la capsule comparés à ceux de l’entéroscopie ;
les patients (sans surprise…) préféraient la capsule
(p < 0,001) (6). Les effets secondaires semblent
mineurs. Ainsi, parmi les 40 000 patients ayant déjà
eu un examen par capsule, on notera essentiellement
l’absence d’évacuation de la capsule dans environ
1 % des cas en raison d’une sténose du grêle
non identifiée par les explorations radiologiques.
Limites
Cet examen est limité par l’interprétation des images
et son prix.
Interprétation des images
Une étude récente a montré que la concordance
interobservateur était globalement moyenne
à bonne pour le diagnostic d’angiodysplasie
et la présence de sang alors qu’elle était faible
à moyenne pour le diagnostic d’ulcère ou de tumeur
du grêle (7). Cependant, la concordance
interobservateur était meilleure entre endoscopistes
seniors (experts en entéroscopie) qu’entre
Supplément à La Lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 1 - vol. VII - janvier-février 2004
É d i t o r i a l
Éditorial
4
endoscopistes juniors, ce qui souligne la nécessité
de la formation spécifique à la lecture des images
obtenues par la capsule (7).
Qualité des images
La qualité des images est encore moyenne
et devrait augmenter grâce à un nombre d’images
recueillies à la minute plus important.
Prix et non remboursement
Actuellement, les caisses d’assurance maladie
ne prennent pas en charge le remboursement
de la capsule endoscopique. Environ 610 €
sont à la charge du patient ou de l’établissement
hospitalier. Le prix d’une station de lecture ainsi
que du logiciel d’interprétation des images
est d’environ 38 000 €. Il s’agit d’un investissement
important que tous les établissements de soins
ne pourront supporter en période de restriction
budgétaire.
En pratique
Cette technique vient s’ajouter à l’arsenal
des moyens diagnostiques des AF. Son innocuité
et surtout la possibilité d’explorer la quasi-totalité
de l’intestin grêle sont ses principaux atouts.
Des études sont encore nécessaires pour définir
sa place exacte dans la démarche diagnostique
des anémies occultes mais il semble qu’elle vienne
juste après l’endoscopie digestive haute
et la coloscopie, l’entéroscopie gardant un rôle
thérapeutique en cas, par exemple, d’angiodysplasies
duodénales ou jéjunales.
■
Références
1. American Gastroenterological Association.
Technical review on the evaluation and management of occult and obscure gastrointestinal
bleeding. Gastroenterology 2000 ; 118 : 201-21.
2. Nahon S, Agret F. Bilan digestif des patients
ayant une anémie ferriprive. Hépato-gastro
2003 ; 10 : 353-9.
3. Barouk J, Sacher-Huvelin S, Le Rhun M,
Galmiche JP. La capsule endoscopique : une
technique d’avenir ? Gastroenterol Clin Biol
2002 ; 26 : 879-82.
4. Ell C, Remke S, May A et al. The first prospective controlled trial comparing wireless capsule endoscopy with push enteroscopy in chronic
intestinal bleeding. Endoscopy 2002 ; 34 : 685-9.
5. De Leusse A, Landi B, Cellier C et al.
Faisabilité et rentabilité diagnostique de la capsule endoscopique dans l’exploration des saignements digestifs inexpliqués. Gastroenterol Clin
Biol 2003 ; 27 : A1.
6. Mylonaki M, Fritscher-Ravens A, Swain P.
Wireless capsule endoscopy : a comparison with
push enteroscopy in patients with gastroscopy
and colonoscopy negative gastrointestinal bleeding. Gut 2003 ; 52 : 1122-6.
7. De Leusse A, Landi B, Lecomte T et al.
Concordance interobservateurs pour l’interprétation des images obtenues par capsule endoscopique. Gastroenterol Clin Biol 2003 ; 27 : A2.
Supplément à La Lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 1 - vol. VII - janvier-février 2004
É d i t o r i a l
Éditorial
5
Téléchargement