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L’insuffisance aortique (G Jondeau, JF Forissier)
L'insuffisance aortique se définit comme la perte de l'étanchéité des valves aortiques, entraînant un reflux de
sang de l'aorte vers le ventricule gauche.
Suivant que la fuite survient de façon progressive (permettant une adaptation du ventricule gauche sous forme
de dilatation) ou de façon aiguë, c'est à dire sans permettre une dilatation ventriculaire gauche, le tableau
clinique et les thérapeutiques sont très différentes.
Les 10 points forts
1. Dystrophie aorte ascendante ou valvulaire isolée = 1ère cause d’IAo chronique/pays occidentaux
2. Endocardite infectieuse = 1ère cause d’IAo aiguë
3. IAo chronique longtemps asymptomatique
4. Découverte de l’IAo chronique devant un souffle diastolique et/ou signes vasculaires périphériques : ! PAD
< 50 mmHg : signe en faveur d’une IAo importante
5. Paramètres ETT en faveur IAo chronique importante : diamètre du jet à l’origine > 12 mm, reflux
télédiastolique/crosse de l’aorte > 0,2 ms-1
6. PHT n’a d’intérêt que dans l’IAo aiguë importante où < 150 ms-1
7. Valeur dans l’IAo asymptomatique chronique des vasodilatateurs de type inhibiteur Ca 2+ (Adalate) ou IEC
8. Opérer au stade asymptomatique quand dysfonction systolique VG : DTS > 50 mm, FR < 50 %
9. Dans l’IAo aiguë, chirurgie souvent en semi urgence après traitement antibiotique de l’endocardite
infectieuse
10. Indication opératoire souvent portée sur dilatation aorte ascendante (> 50 mm) en cas d’IAo dystrophique.
Physiopathologie
L'importance de la fuite dépend de 3 facteurs: 1) la taille de l'orifice par lequel le sang reflue, 2) le temps
pendant lequel la fuite peut avoir lieu (c’est à dire la durée de la diastole qui diminue préférentiellement lors de
la tachycardie), et 3) le gradient de pression de part et d'autre de l'orifice aortique en diastole (si les pressions
aortique et ventriculaire gauche s'égalisent avant la fin de la diastole la fuite n'est pas holo-diastolique).
Sur le plan hémodynamique: Il y a une augmentation du volume éjecté à chaque systole par le VG, qui
correspond au débit qui va atteindre la périphérie + le débit régurgité dans le VG. Ceci est possible grace à la
dilatation du VG, et l'IAo réalise une surcharge volumétrique presque pure. Lors des insuffisances aortiques
aigues, lors desquelles le VG n'a pas le temps de se dilater, la pression ventriculaire gauche s'éleve en diastole,
parfois au delà de la pression auriculaire gauche (et la valve mitrale se ferme alors précocément), parfois jusqu'à
atteindre la pression diastolique aortique, annulant le gradient de pression Ao-VG et le reflux s'arrète.
L'organisme s'adapte à cette fuite
I Ao aigue
tachycardie (qui diminue le temps diastolique pendant lequel la régurgitation survient) et c'est tout.
I Ao chronique
augmentation de la compliance ventriculaire gauche qui peut se dilater sans que les pressions intra-VG
n'augmentent, et permet ainsi une augmentation du volume d'éjection systolique (responsable des signes
périphériques). Cette dilatation entraîne une augmentation du stress pariétal (stress=PxR/e; ici dilatation: R
augmente), qui induit une hypertrophie compensatrice (e augmente). Le coeur devient énorme ("coeur de
boeuf").
L'exercice physique est longtemps bien toléré, car la tachycardie diminue le temps diastolique (et donc le fuite),
et la vasodilatation du territoire musculaire actif diminue la fraction régurgitée.
Il peut exister une insuffisance coronaire fonctionnelle, car la pression artérielle est basse en diastole (période de
vascularisation myocardique), peut intervenir un effet Venturi (sang refluant à grande vitesse dans le VG), et les
besoins myocardiques en oxygène sont augmentés (du fait de la dilatation ventriculaire gauche et de
l'hypertrophie)
INSUFFISANCE AORTIQUE CHRONIQUE
Etiologies
Atteinte valvulaire
L'insuffisance aortique peut résulter d'une modification des valves.
Cette modification peut résulter d'un processus inflammatoire, comme dans le rhumatisme
articulaire aigu. Son incidence régresse. L'atteinte y est souvent pluri-valvulaire (mitro-aortique).
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La deuxième grande étiologie d'IA par atteinte valvulaire est infectieuse, secondaire à une
endocardite bactérienne (20 à 40%). Il est rare qu'une endocardite chronique se développe sur une
valve aortique normale, mais elle peut se développer sur une bicuspidie éventuellement méconnue.
La dissection aortique est une cause rare de fuite aortique chronique (2 à 5%), mais il faut
néanmoins la recherche systématiquement. On peut en rapprocher l'atteinte traumatique, rare
également (1 à 2%).
Les étiologies congénitales regroupent: la bicuspidie (2-3%), lors de laquelle, du fait d''une
hypertrophie ventriculaire gauche due à l'élément sténosant souvent associé, la dilatation
ventriculaire est modérée de même que la tolérance, la fuite sur valves myxoïdes, l'IA du syndrome
de Marfan, de la CIV sous-aortique (Pezzi-Laubry, lors desquelles, les valves sont attirées par le jet
de sang traversant la CIV à grande vitesse par un effet Venturi).
Un stress exagéré des valves peut également entraîner une IA à long terme (HTA, Insuffisances
rénales, CIV sous-aortiques, RA sous valvulaire).
Modification de l'aorte ascendante
L'insuffisance aortique peut également résulter d'une anomalie de l'aorte initiale.
L'anomalie peut être congénitale dans 15% des cas (dilatation idiopathique, Syndrome de Marfan,
et plus rares: Ehlers Danlos, Pseudo-xanthome élastique, Lobstein).
L'anomalie de l'aorte initiale peut également être inflammatoire: Syphilis (4%), SPA (1-5%),
Takayashu (<1%), Vascularites gros et moyens vaisseaux (LEAD, Behcet, Horton,PR)).
Clinique
Signes fonctionnels
Cette valvulopathie peut passer inaperçue pendant longtemps: l'exercice est bien toléré, du fait de la
diminution de la durée de la diastole, le souffle diastolique est dur à percevoir.
On peut retrouver un angor, surtout en cas d'atteinte syphilitique (plaque calcifiée obturant ± les
orifices coronariens, avec douleurs nocturnes lorsque le coeur est lent et la PA basse.
L'insuffisance cardiaque est de début progressif, et n'apparait que tardivement, alors que l'altération
ventriculaire est déjà majeure, et le risque chirurgical important.
Signes physiques
Palpation
Le choc de pointe est diffus à la palpation, hyperdynamique, latéral, et dévié vers le bas, le B3 peut
être palpable.
Auscultation
A l'auscultation, le souffle diastolique permet le diagnostic. Il est doux, aspiratif, souvent faible,
entendu au mieux avec le diaphragme du stéthoscope, le malade en position assise, penché en
avant, en expiration. Le souffle prédomine au 3°, 4° espace intercostal, le long du bord gauche du
sternum quand la pathologie est valvulaire, le long du bord droit du sternum quand il existe une
dilatation importante de l'aorte ascendante. Il augmente quand la post-charge augmente (action de
lever les bras par exemple).
En diastole également peut se percevoir le roulement de Flint, équivalent au RM sur le plan
auscultatoire, dû au flux trans-mitral à travers une valve dont l'ouverture est gênée par le flux de
fuite aortique. Il témoigne d'une IAo sévère, et est modifié comme les IAo et non comme les RM.
le B1 est normal ou diminué (en cas de fermeture précoce de la mitrale), il existe un souffle
systolique éjectionnel, de débit aortique, qui peut être frémissant, dû à l'augmentation du débit
trans-valvulaire aortique, avec parfois pistol shot (correspondant à la brusque distension de l'aorte
ascendante). La composante aortique du B2 est souvent diminuée.
Un B3 est présent en cas d'élévation de la PTDVG
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figure 1: projection des structures cardiaques sur le thorax
Le souffle diastolique fait vibrer la paroi aortique et s'entend donc sur le bord G du sternum en
l'absence de dilatation aortique importante, et sur le bord du bord droit en cas de dilatation aortique
importante.
Signes périphériques
L'élargissement de la différentielle est le meilleur moyen de quantifier la fuite aortique: elle résulte
d'une élévation de la systolique (reflet de l'augmentation du volume d'éjection systolique) et d'une
baisse de la diastolique (due au reflux de sang qui vide l'orte au profit du ventricule gauche
compliant): grossièrement, si la PA diastolique est supérieure à 70 mmHg ou à la moitié de la PAs,
l'IAo n'est pas sévère, alors que si la PA diastolique est inférieure à 60 mmHg, l’insuffisance
aortique peut justifier d’une attitude plus agressive. Les autres signes périphériques témoignent
également de l'élargissement de la différentielle: Pouls ample de Corrigan, Signe de la manchette,
Pouls capillaire de Quincke, Signes de Musset, ...
Enfin des signes cliniques peuvent être en rapport avec l'étiologie
ECG
la surcharge est d'abord une surcharge diastolique (augmentation de l'amplitude des QRS, mais les
ondes T restent positives en précordiales gauche), puis des signes de surcharge systolique (ondes T
négatives en dérivations latérales, reflet de la rotation de l'axe de T qui diverge de plus de 90° de
l'axe de QRS
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figure 2:
surcharge ventriculaire gauche diastolique (haut) et systolique (bas)
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Figure 3
Rx pulmonaire de face en cas de fuite aortique importante chronique (image à gauche) et
projection des structures cardiaques de face (schéma à droite)
.
Radiographie
La radiographie retrouve la dilatation parfois impressionnante du VG (arc inférieur gauche) et de
l'aorte ascendante (arc supérieur droit)
Echocardiographie-Doppler
L'echocardiographie permet de retrouver les modifications décrites lors de la physiopathologie: la
surcharge volumétrique du VG (dilatation VG), avec hypertrophie compensatrice des parois VG
(rapport "épaisseur de la paroi / rayon de la cavité VG" normal). Le fluttering mitral ou septal lié à
la mise en vibration de la valve mitrale (équivalent du roulement de Flint à l'auscultation) ou du
septum par le jet régurgitant peut être visualisé par échocardiographie de mode M ou
bidimensionnelle. La fermeture prématurée de la valve mitrale se rencontre surtout lors des fuites
aiguës et reflète l'augmentation des pressions dans le VG. L’aspect des valves aortiques peut être
précisé par l’échocardiographie bidimensionnelle et peut orienter le diagnostic étiologique.
Au Doppler, le flux régurgitant est souvent au mieux enrégistré en vue apicale 5 chambres. La
quantification de la fuite peut reposer sur la vitesse avec laquelle le gradient de pression Ao-VG
diminue (Doppler continu, le temps de demi-décroissance ou t1/2 qui est inférieur à 300 msec en
cas de fuite importante), à l'importance du reflux diastolique dans l'aorte descendante (Doppler
pulsé à l'abouchement de la sous-clavière gauche, retrouve une vitesse télédiastolique > 20 cm/sec
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