O Cancer du sein et exposition au diéthylstilboestrol GYNÉCo Et SoCiÉtÉ

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Gynéco et société
Cancer du sein et exposition
au diéthylstilboestrol
M. Tournaire*
O
n sait depuis une quinzaine d’années que le
nombre de cancers du sein chez les “mères
DES” (diéthylstilboestrol, commercialisé
sous le nom de Distilbène®) augmente, avec un
risque relatif (RR) de 1,35, qui n’augmente pas avec
l’âge (1).
Une étude américaine de 2006 (2) a montré que les
“filles DES” avaient un risque plus élevé de cancer du
sein à partir de 40 ans que les femmes non exposées
(RR : 1,91 ; IC95 : 1,09-3,33). On n’observe pas de
risque accru pour les femmes de moins de 40 ans.
Concernant les femmes exposées de 50 ans et plus
(RR : 3 ; IC95 : 1,01-8,98), le faible nombre de cas
rend ce RR imprécis. Plusieurs études avaient été
publiées sur ce sujet et les résultats ont évolué avec
les années. En 1998 (3), le taux de cancers du sein
n'était pas augmenté. En 2002 (4), le risque était
en légère augmentation, mais le nombre de cas de
cancers n’était pas suffisant pour conclure.
Il a fallu attendre 2006 (2) et l'élévation de l’âge des
“filles DES” américaines, qui sont en moyenne plus
âgées qu’en France, pour que ce risque soit confirmé.
Effet des doses de DES
* Hôpital Saint- Vincent-de-Paul,
74, avenue Denfert-Rochereau, 75014
Paris.
En 2006, l’étude de Palmer (2) comparait le risque
selon la date de début de traitement en cours
de grossesse. Il n’y avait pas de différence entre
les groupes avec début de traitement avant la 9 e
semaine d’aménorrhée (SA), de la 9e à la 12e SA,
ou après la 12e SA.
La comparaison entre les traitements selon les doses
reçues montrait un RR de 1,63 pour les doses faibles
(IC95 : 0,87-3,08) alors qu il était de 2,17 pour les
doses fortes (IC95 : 1,18-3,08), le risque moyen pour
l’ensemble des traitements étant de 1,91. Dans cette
étude américaine, la majorité des traitements était
de type “forte dose”. On sait qu’en France, les traitements étaient en majorité de type “faible dose”,
8 | La Lettre du Gynécologue • n° 353 - juin 2010 donc avec un risque moindre. Cependant, cette
information est rarement disponible en pratique.
Le traitement de type “forte dose” était de 5 mg au
début, avec une augmentation progressive : 25 mg à
14 SA, 50 mg à 20 SA, 100 mg à 30 SA et 125 mg à
34 SA. Pour les faibles doses, le début était identique
(5 mg), puis l’augmentation était plus lente jusqu’à
des doses environ deux fois inférieures.
Particularité de ces cancers
Le cancer du sein chez les “filles DES” n’est pas différent de celui des femmes non exposées au DES en
ce qui concerne les récepteurs aux estrogènes et à
la progestérone ou le taux d’atteinte ganglionnaire.
Le RR est de 1,64 pour les tumeurs de moins de 2 cm
de diamètre (IC95 : 0,75-3,59) et de 3,25 pour les
tumeurs de 2 cm et plus (IC95 : 1,03-10,2).
Hypothèse pour expliquer
l’augmentation de ces cancers
Cette augmentation ne paraît pas corrélée à une
instabilité génomique (5). La survenue du cancer
du sein est liée, entre autres, à l’intensité et à la
durée d’exposition aux estrogènes et à certains
progestatifs. Il semble que l’exposition aux estrogènes pendant la vie intra-utérine ait un effet plus
marqué. Ainsi, on a observé une légère augmentation
du taux de cancers du sein chez les jumelles. Or, la
caractéristique des grossesses gémellaires est une
quantité d’estrogènes supérieure à celle des grossesses avec singleton.
L’hypothèse évoquée pour cette association est une
augmentation du nombre des cellules souches de la
glande mammaire, ce qui conduirait plus tard à un
accroissement du risque de transformation maligne.
Gynéco et société
Conclusion
En France, le DES a été prescrit de 1950 à 1977,
avec un pic de prescriptions entre 1966 et 1971. À
ce jour, ces femmes approchent ou ont déjà atteint
la quarantaine.
Les “filles DES” de plus de 40 ans, quelle que soit
la dose de DES reçue, ont un risque doublé, proche
de celui d'une femme dont une parente du premier
degré aurait eu un cancer du sein. Le type de
surveillance habituellement proposé à ces femmes
pourrait être appliqué aux “filles DES”. Un examen
clinique avec frottis annuel est déjà conseillé en
raison du risque doublé de dysplasie cervicale et
pour le risque d’adénocarcinome à cellules claires,
plutôt faible à ces âges. Outre cette consultation
avec examen des seins, une mammographie annuelle
pourrait s’y ajouter.
Une publication hollandaise récente (6) ne retrouve
pas d’élévation du taux de cancers du sein chez les
“filles DES”, même à 40 ans et plus. Pour expliquer
cette différence avec l’étude américaine, les auteurs
évoquent le fait que l’âge médian était inférieur et
que le nombre de cas dans la tranche d’âge élevée
était faible.
■
Références bibliographiques
1. Colton T, Greenberg ER, Noller K et al. Breast cancer in mothers prescribed diethylstilbestrol in pregnancy.
Further follow-up. JAMA 1993;269:2096-100.
2. Palmer JR, Wise LA, Hatch EE et al. Prenatal diethylstilbestrol exposure and risk of breast cancer. Cancer
Epidemiol Biomarkers Prev 2006;15:1509-14.
3. Hatch EE, Palmer JR, Titus-Ernstoff L et al. Cancer risk in women exposed to diethylstilbestrol in utero.
JAMA 1998;280:630-4.
4. Palmer JR, Hatch EE, Rosenberg CL et al. Risk of breast cancer in women exposed to diethylstilbestrol in
utero: preliminary results (United States). Cancer Causes Control 2002;13:753-8.
5. Larson PS, Ungarelli RA, de Las Morenas A et al. In utero exposure to diethylstilbestrol (DES) does not increase
genomic instability in normal or neoplastic breast epithelium. Cancer 2006;107:2122-6.
6. Verloop J, van Leeuwen FE, Helmerhorst TJ, van Boven HH, Rookus MA. Cancer risk in DES daughters. Cancer
Causes Control 4 mars 2010.
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La Lettre du Gynécologue • n° 353 - juin 2010 | 9
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