Contraception et cancer du sein DOSSIER THÉMATIQUE Contraception and breast cancer Contraception orale

6 | La Lettre du Sénologue 57 - juillet-août-septembre 2012
DOSSIER THÉMATIQUE Hormones avant et après cancer du sein
* Hôpital Saint-Louis, centre des
maladies du sein, Paris.
Contraception et cancer du sein
Contraception and breast cancer
Marc Espié*, Carole Nicolas*, Marjorie Lalloum*, Florence Coussy*
Contraception orale
Données épidémiologiques générales
La majorité des études publiées n’ont pas retrouvé,
toutes femmes confondues, d’élévation du risque
de cancer du sein liée à la contraception orale (CO).
Plusieurs études se sont particulièrement attachées
à l’élévation du risque de cancer du sein avant 45 ans.
Certaines ont montré une légère élévation du risque
pour une durée globale de la prise plus longue, en
particulier pour une longue durée avant la première
grossesse à terme. Pour les femmes plus âgées, aucune
élévation de ce risque liée à la CO n’a été évoquée,
certaines études montrant même une possible réduc-
tion.
C’est en 1996 qu’une méta-analyse regroupant les
principales publications antérieures a été publiée.
Le Collaborative group on hormonal factors in
breast cancer (1) a donc repris 54 études et a retrouvé
un risque relatif (RR) global de 1,07 (± 0,017). Le risque
semblait majoré pour les utilisatrices en cours de
contraception (RR : 1,24 ; IC
95
: 1,15-1,33) et pour les
10 ans qui suivaient. Il n’y avait plus d’élévation du
risque après 10 ans d’arrêt. Cette méta-analyse n’a
pas permis de répondre au risque en fonction de la
durée d’utilisation, du type ou de la dose de la pilule.
Le risque semblait plus important en cas de prise avant
20 ans (RR : 1,22 ± 0,04). Les tumeurs survenant sous
pilule ont été plus fréquemment localisées (RR : 0,88 ;
IC95 : 0,81-0,95) et s’accompagnaient moins souvent
de métastases (RR : 0,70). Cette méta-analyse suggé-
rait un éventuel phénomène promoteur de la CO sur
des tumeurs déjà présentes. Elle ne pouvait éliminer
les biais des études antérieures, notamment celui
d’une surveillance accrue permettant une avance
au diagnostic qui pourrait également expliquer le
stade plus précoce observé des tumeurs survenant
sous pilule. La CO pourrait cependant promouvoir
des tumeurs moins agressives. Elle évoquait égale-
ment la possibilité d’un rôle particulier des hormones
exogènes pendant l’adolescence, période où le sein
est le plus sensible à l’action des carcinogènes, ou
chez certaines femmes jeunes, plus susceptibles, et
éventuellement en cas de mutation de type BRCA1
ou BRCA2.
Depuis la méta-analyse de 1996 du Collaborative
group, Newcomb et al. (2) ont publié une étude cas-
témoins regroupant 6 751 femmes atteintes de cancer
du sein appariées à 9 311 témoins. Le RR observé a été
de 1,1 (1,0-1,2), il n’a pas été noté d’augmentation du
risque en fonction de la durée, mais le risque de cancer
du sein était à nouveau plus élevé chez les femmes
de moins de 45 ans en cas d’utilisation récente de la
pilule (RR : 2 ; IC95 : 1,1-3,9). En 1997, Brinton et al. (3)
ont rapporté les données d’une étude cas-témoins
concernant 1 647 femmes de moins de 45 ans atteintes
d’un cancer du sein appariées à 1 501 témoins. En cas
de prise de CO de plus de 6 mois, le RR est de 1,3
(IC95 : 1,1-1,5) et pour les cancers du sein survenus avant
35 ans, le RR est plus élevé de 1,8 (1,2-2,7). Hankinson
et al. (4) ont publié les résultats de la Nurses’ Health
Study. Sur 3 383 cas de cancers du sein observés de
1976 à 1992 (16 ans de suivi), aucune élévation du
risque lié à la prise de la pilule n’a été retrouvée (RR :
1,11 ; IC95 : 0,94-1,32), y compris en cas de prise de
plus de 10 ans. Cette étude n’a pas mis en évidence
d’élévation du risque chez les femmes de moins de
45 ans, y compris en cas de contraception d’une durée
supérieure à 10 ans (RR : 1,07 ; IC95 : 0,7-1,65), ni pour
5 ans ou plus d’utilisation avant une première gros-
sesse (RR : 0,57 ; IC95 : 0,24-1,31). Aucune différence n’a
été retrouvée en fonction de la parité. Une élévation,
jugée marginale, a été notée dans les 5 années suivant
l’utilisation (RR : 1,20 ; IC
95
: 1-1,44). Ursin et al. (5)
ont apparié 744 femmes de moins de 40 ans atteintes
d’un cancer du sein à des témoins en tenant compte
de leurs âge, parité, lieu de résidence et ethnie. Pour
une durée de CO supérieure ou égale à 12 ans, il n’y a
pas d’augmentation significative du risque de cancer
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Points forts
»La contraception orale, globalement, n’augmente pas le risque de développer un cancer du sein.
»Il n’y a pas de surrisque en cas d’antécédents familiaux.
»On observe parfois un surrisque chez les femmes jeunes, en cours utilisation.
Mots-clés
Contraception
Cancer du sein
Épidémiologie
BRCA1
BRCA2
Facteurs de risque
Highlights
»
Overall, oral contraceptive
does not increase the risk of
developing breast cancer.
»
There is no over risk in case
of family history.
»
We sometimes observe over
risks among young women in
course of treatment.
Keywords
Contraception
Breast cancer
Epidemiology
BRCA1
BRCA2
Risk factors
du sein (RR : 1,4 ; IC95 : 0,8-2,4). Marchbanks et al. (6),
en 2002, ont rapporté une étude menée chez 4 575
femmes de 35 à 64 ans atteintes d’un cancer du sein
appariées à 4 682 témoins. Aucune élévation du risque
n’a été retrouvée en cours d’utilisation (RR : 1 ; IC
95
:
0,8-1,3), ou après arrêt de la prise de CO (RR : 0,9
IC
95
: 0,8-1). Il n’a pas été retrouvé de lien avec la durée
d’utilisation ou les doses d’estrogènes, pas de risque
accru en cas d’antécédent familial de cancer du sein,
ni en cas d’utilisation à un jeune âge.
Il existe cependant des résultats discordants. Il faut
noter le travail de Kumle et al. (7) également publié
en 2002. Il s’agit d’une étude prospective menée
en Norvège et en Suède de 1991/1992 à 1999 sur
103 027 femmes. Elles ont rempli un questionnaire et
ont été suivies en prospectif : 1 008 cancers infiltrants
sont apparus au cours de ce suivi avec un RR en cas de
prise de pilule de 1,6 (IC
95
: 1,2-2,1). Les risques n’ont
pas été différents en fonction des types de pilule : pour
la CO estroprogestative le RR est de 1,5 (IC
95
: 1-2), pour
la CO progestative le RR est de 1,6 (IC
95
: 1-2,4). Les
auteurs ont mis en évidence un effet durée (p = 0,005).
Dumeaux et al. (8), en 2003, ont retrouvé une petite
élévation du risque avec un RR à 1,25 (1,07-1,46).
Une nouvelle méta-analyse a été menée en 2006,
cette fois consacrée au risque de survenue de cancers
du sein avant la ménopause (9). Seules les études
cas-témoins publiées après 1980 ont été reprises.
Sur 60 études recensées, 26 ont été exclues ainsi que
toutes les études prospectives. Les auteurs ont choisi de
retenir des odds-ratio (OR) non ajustés ! Ils retrouvent
une petite augmentation (OR : 1,19 ; IC95 : 1,09-1,29)
du risque, surtout en cas de prise de CO pendant plus
de 4 ans avant une première grossesse menée à terme
(OR : 1,52 ; IC95 : 1,25-1,82). Cette méta-analyse va
donc dans le sens d’un effet promoteur de la CO sur
des cancers préexistants.
Hunter et al. (10) ont repris l’étude des infirmières
nord-américaines et retrouvent à nouveau un risque
faiblement augmenté en cours d’utilisation (RR : 1,33 ;
IC
95
: 1,03-1,73) avec un risque attribuable estimé à
1,8 %, qui disparaît après 4 ans d’arrêt.
Cas particuliers
Antécédents familiaux de cancer du sein
Silvera et al. (11) ont rapporté une étude prospective
de cohorte canadienne portant sur 27 318 femmes
ayant des antécédents familiaux de cancer du
sein. Avec 16 ans de suivi, 1 707 cancers du sein
sont apparus, dont 795 avec des antécédents au
premier degré. Aucune augmentation du risque n’a été
observée (hazard-ratio [HR] : 0,88 ; IC95 : 0,73-1,07),
l’effet durée est significatif pour la réduction du risque
(p = 0,03 ; HR : 1,03 ; IC
95
: 0,78-1,38) en cas d’antécé-
dent au premier degré. Gaffield et al. (12) ont colligé
10 études et 1 méta-analyse publiées sur le même
sujet entre 1996 et 2008. Aucune augmentation du
risque n’a été retrouvée dans les études de cohorte ni
dans les études cas-témoins, avec cependant un doute
pour les pilules d’avant 1975. Pour l’Organisation
mondiale de la Santé (OMS), il n’y a pas de restriction
à l’usage de la CO en cas d’antécédent familial.
Mutations BRCA
En cas de mutation BRCA1/2, les études étaient
contradictoires, une méta-analyse a été effectuée
regroupant 18 études et 2 855 femmes avec un cancer
du sein. Elle ne retrouve pas d’augmentation signi-
ficative du risque (standardized relative risk [SRR] :
1,13 ; IC95 : 0,88-1,45). Il n’ y a pas de différence en
fonction du gène muté : pour BRCA1, le SRR est de
1,09 (IC
95
: 0,77-1,54) et pour BRCA2, il est de 1,15
(IC95 : 0,61-2,18). Il n’a pas été observé d’effet durée,
un surrisque a, en revanche, été noté pour les pilules
prescrites avant 1975 (effet dose ?) [13]. La pilule
n’est donc pas contre-indiquée en cas de mutation
BRCA, mais il est recommandé de l’utiliser à visée
contraceptive.
Le risque majoré concernerait-il certains types
de cancers du sein ?
Newcomer et al. (14) ont mené une étude cas-
témoins aux États-Unis en comparant 493 patientes
atteintes de cancers lobulaires à 5 510 patientes
atteintes de cancers canalaires et à 9 311 témoins.
Un risque accru pour les cancers lobulaires a été mis
en évidence (RR : 2,6 ; IC
95
1- 7,1), le risque semblant
plus net en cas d’utilisation récente (p = 0,017). Il n’a
pas été retrouvé d’association significative avec les
cancers canalaires infiltrants (RR : 1,2 ; IC
95
: 0,8-1,9).
Cependant, Nyante et al. (15) n’ont pas retrouvé
les mêmes résultats en comparant 100 patientes
atteintes de cancers lobulaires, 1 164 patientes
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DOSSIER THÉMATIQUE Hormones avant et après cancer du sein
atteintes de cancers canalaires et 1 501 témoins.
Ils n’ont pas mis en évidence de risque plus important
de survenue de cancer lobulaire (OR : 1,10 ; IC
95
: 0,68-
1,78) avec, pour les cancers canalaires infiltrants, un
OR égal à 1,21 (IC95 : 1,01-1,45). Ils ont donc conclu
qu’il n’y avait pas de différence notable liée à la CO.
Y aurait-il un risque plus important
pour les carcinomes in situ ?
Cette question est d’importance, car elle pourrait faire
évoquer un rôle précoce de la pilule dans la carcino-
genèse et pas uniquement un éventuel rôle promoteur
sur des cellules cancéreuses préexistantes. Claus et al.
(16) ont mené une étude cas-témoins chez 875 femmes
atteintes d’un carcinome canalaire in situ (CCIS) appa-
riées à 999 témoins aux États-Unis. Ils ne retrouvent
aucune élévation du risque (OR : 1 ; 0,8-1,2), ni d’effet
durée ou dose, ni même de différence en fonction du
type d’estrogène ou de progestatif. Il n’a pas non plus
retrouvé de différence en fonction de l’âge à la première
utilisation, ni en fonction des antécédents familiaux.
Les études de Gil et de Nichols (17, 18) ne retrouvent
pas non plus d’élévation significative de l’incidence
des CCIS sous pilule.
Qu’en est-il pour les cancers triple-négatifs ?
Phipps et al. (19) ont mené une étude rétrospective
dans le cadre de l’étude WHI. Parmi 155 723 femmes,
307 cancers du sein triple-négatifs ont été comparés
à 2 610 cancers RH+. Aucune élévation du risque n’a
été mise en évidence en association avec la pilule ni
d’effet durée.
La pilule augmente-t-elle le risque de survenue
d’un cancer du sein controlatéral ?
Figueiredo et al. (20) ont conduit une étude cas-
témoins en Californie : 708 patientes avec un cancer
du sein bilatéral asynchrone ont été comparées à
1 395 patientes avec un cancer du sein unilatéral.
L’utilisation de la pilule avant le diagnostic n’a pas
augmenté le risque (OR : 0,88 ; IC95 : 0,67-1,16). Ils
n’ont pas mis en évidence d’effet durée, ni de risque
majoré en cas d’utilisation à un jeune âge, ni de
risque accru en cas d’utilisation après le diagnostic
du premier cancer (OR : 1,56 ; IC95 : 0,71-3,45).
Contraception progestative
Skegg et al. (21) ont mené une étude cas-témoins chez
des femmes atteintes de cancer du sein qui avaient
pris une contraception par lévonorgestrel (LNG)
[0,03 mg] ou par noréthistérone (0,35 mg) et ont
retrouvé un RR non augmenté à 1,1 (IC95 : 0,73-1,5).
Ils ont observé cependant un risque plus élevé en cas
de contraception progestative prise avant 34 ans (RR :
2,3 ; IC95 : 1,2-4,3), le risque semblant lié à la durée
(p = 0,06), et en cas d’utilisation dans les 10 années
précédant le cancer (RR : 1,6 ; IC95 : 1-2,4). Le risque
était en revanche diminué si les progestatifs avaient
été utilisés plus de 10 ans auparavant (RR : 0,44 ; IC95 :
0,22-0,90). Il n’a pas été retrouvé d’effet protecteur lié
à la durée d’utilisation. Des résultats similaires avaient
été notés avec les progestatifs injectables (acétate
de médroxyprogestérone en dépôt [DMPA]). En effet,
Paul et al. (22) avaient retrouvé un risque de cancer
du sein multiplié par 2 en cas d’utilisation avant l’âge
de 34 ans et un RR de 1,7 si les progestatifs avaient
été utilisés dans les 5 ans précédant l’apparition du
cancer. La WHO (23, 24) avait noté un RR de 2 (IC95 :
1,5-2,8) en cas de prise avant 35 ans ou en cas d’uti-
lisation dans les 5 dernières années. Là encore, ces
études peuvent simplement refléter une surveillance
accrue chez ces femmes ou un éventuel effet promoteur
sur des cancers infracliniques. Shapiro et al. (25) ont
rapporté une étude cas-témoins menée en Afrique
du Sud sur 419 femmes atteintes d’un cancer du sein
appariées à 1 625 témoins avec le DMPA en injectable.
Les conclusions sont identiques : globalement pas
d’élévation du risque (RR : 0,9 ; IC
95
: 0,7-1,2), pas
d’effet durée, ni d’effet en fonction du délai depuis
la dernière utilisation. En revanche, il a observé en
cours d’utilisation un risque majoré entre 35 et 44 ans
(RR : 2,3 ; IC95 : 1,3-4,1). Strom et al. (26), en 2004,
ont comparé 4 575 cas de cancer du sein diagnosti-
qués entre 1994 et 1998 appariés à 4 682 témoins
en s’intéressant, là encore, à une contraception par
DMPA mais aussi par Norplant®. Ils n’ont pas retrouvé
d’élévation du risque (OR : 0,9 ; IC95 : 0,7-1,2), ni en
cas d’utilisation en cours (OR : 0,7 ; IC95 : 0,4-1,3) ni
dans les 5 ans après la prise (OR : 0,9 ; IC95 : 0,5-1,4).
Il n’ont pas retrouvé de différence en fonction de l’âge.
En cas de début de l’utilisation avant 35 ans, l’OR
est de 0,9 (IC95 : 0,6-1,3). Aucun effet durée n’a été
mis en évidence, ni augmentation du risque avec les
progestatifs implantables. Quant aux micropilules
progestatives, la méta-analyse de 1996 retrouvait
0,8 % d’utilisatrices et il était observé une tendance
à une augmentation du risque non significative (RR :
1,17 ; p = 0,06). Dans la publication de Kumle et al.
(27), le surrisque était identique entre estroprogesta-
tifs et progestatifs, dans celle de Dumeaux et al. (8),
aucun surrisque significatif n’a été mis en évidence.
Il n’y a donc pas, semble-t-il, de risque accru là la
contraception progestative, ni d’effet protecteur mis
en évidence. Nous n’avons aucune donnée quant à
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Références
bibliographiques
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La Lettre du Sénologue 57 - juillet-août-septembre 2012 | 9
DOSSIER THÉMATIQUE
la contraception macroprogestative per os, souvent
prescrite en France en préménopause.
Système intra-utérin, dispositif
intra-utérin et cancer du sein
Qu’en est-il du système intra-utérin
au LNG ?
Backman et al. (28) ont rapporté une étude portant
sur 17 360 femmes utilisatrices en Finlande, dont
l’incidence de survenue de cancer du sein a été
comparée à celle de ce même cancer dans la popula-
tion finlandaise par tranche d’âge. Ce type d’étude est
possible, notamment dans les pays scandinaves où il
existe un registre national du cancer et des données
détaillées sur les prescriptions médicales. Aucune
augmentation significative du risque de développer
un cancer du sein n’a été mise en évidence.
Dinger et al. (29) ont mené une étude cas-témoins sur
le dispositif intra-utérin (DIU) en Finlande et en Alle-
magne sur 5 113 patientes âgées de moins de 50 ans
lors du diagnostic, avec un cancer du sein diagnos-
tiqué entre 2000 et 2007. Elles ont été appariées avec
20 452 témoins. Il a été observé 1 085 utilisatrices
parmi les cas (22 %) et 1 130 (21 %) parmi celles d’un
DIU au cuivre (respectivement 4 261 et 4 298 chez les
témoins). Il n’y a donc pas d’augmentation du risque
par rapport aux utilisatrices d’un DIU au cuivre (OR :
0,99 ; IC95 : 0,88-1,12).
DIU et cancer du sein
Peu d’études se sont penchées sur un rôle éventuel,
mais peu probable, de ce mode de contraception. Une
étude sur la contraception a été menée à Shanghai
sur 79 942 femmes incluses entre 1997 et 2000 (30).
Sur les 2 250 cancers apparus, 558 étaient des cancers
du sein. Une tendance à la diminution du risque de
survenue d’un cancer du sein a été observée pour les
longues utilisatrices (≥ 14 ans) [HR : 0,80 ; IC
95
: 0,62-
1,02] et chez celles qui avaient commencé à utiliser
le DIU avant 30 ans (HR : 0,84 ; IC95 : 0,64 -1,09).
Mortalité, pilule
et cancer du sein
En 2010, 2 articles britanniques ont paru sur la
mortalité associée à la pilule. Il n’a pas été mis en
évidence de risque accru de mortalité par cancer,
mais dans l’étude du Royal College of General Prac-
titioners (31), une réduction de celle-ci (RR : 0,85 ;
IC95 : 0,78-0,93) et pas d’élévation de la mortalité
par cancer du sein (RR : 0 ,90 ; IC
95
: 0,74-1,08).
Dans l’étude de l’Oxford Family Planning Association
(32), là encore, on ne note pas d’augmentation de
la mortalité tous cancers confondus (HR : 0,9 ; IC
95
:
0,8-1,0) ni par cancer du sein (HR : 1,0 ; IC
95
: 0,8-1,2).
Contraception
après cancer du sein
La survenue d’une grossesse après cancer du sein
ne modifie pas le pronostic de la maladie. La gros-
sesse sera donc possible et la contraception doit
être parfaitement réversible.
Méthodes locales
On dispose actuellement d’un vaste choix de
crèmes et d’ovules spermicides, associés ou non à
un diaphragme, ou d’éponges imprégnées de crème.
S’y ajoutent les préservatifs masculins et même
les préservatifs féminins. Ces méthodes sont théo-
riquement séduisantes chez les femmes atteintes
d’un cancer du sein, car totalement inoffensives et
sans aucune interaction avec la maladie ni avec le
traitement. Leurs inconvénients sont réels : l’as-
treinte d’utilisation est parfois mal acceptée par les
femmes ; l’efficacité n’est pas suffisante, en particu-
lier dans ce contexte ; elles sont souvent onéreuses
et non remboursées par la Sécurité sociale. On les
choisira à condition de bien en expliquer l’utilisation
(utilisation systématique, règles d’hygiène, etc.), si
la femme les réclame, si ses rapports sexuels sont
peu fréquents, si elle a plus de 40 ans et surtout si
les autres méthodes sont contre-indiquées.
DIU et SIU
Les DIU au cuivre sont la contraception, en règle
générale, la plus adaptée aux femmes atteintes d’un
cancer du sein. Leur utilisation est en effet facile
et généralement bien tolérée, sans répercussion
sur le cycle hormonal et sans interaction avec les
traitements proposés.
La question de savoir si on peut utiliser un SIU-LNG
après avoir eu un cancer du sein est souvent posée
et s’il faut l’enlever chez une patiente en ayant un
lors du diagnostic. Nous n’avons malheureusement
qu’une étude (33) sur le sujet et méthodologique-
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bibliographiques
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10 | La Lettre du Sénologue 57 - juillet-août-septembre 2012
DOSSIER THÉMATIQUE Hormones avant et après cancer du sein
ment très limitée. Il s’agit d’une étude rétrospective
menée en Belgique comparant 79 patientes utili-
sant un SIU-LNG avec 120 non utilisatrices. Deux
sous-groupes ont été étudiés : les patientes qui
ont continué à l’utiliser après le diagnostic (groupe
1) et celles qui ont commencé l’utilisation après le
diagnostic (groupe 2). La moyenne de suivi a été de
2,8 ans. Globalement, il a été observé 17 rechutes
parmi les 79 utilisatrices et 20 rechutes parmi les 120
non utilisatrices (HR : 1,86 ; IC95 : 0,86-4,00) [non
significatif] (HR : 1,47 ; IC
95
: 0,77-2,80 en données
brutes). L’analyse des sous-groupes a été effectuée a
posteriori : pour le groupe 1 (38 patientes, utilisatrices
au moment du diagnostic et ayant poursuivi l’utili-
sation), on retrouve un risque augmenté (HR : 3,39 ;
IC
95
: 1,01-11,35). Il n’y a pas d’élévation significative
dans le groupe 2 (41 patientes, utilisatrices après le
diagnostic) [HR : 1,48 ; IC95 : 0,62-3,49]. Il est donc
impossible d’avoir des certitudes en se fondant sur
cette étude (nombre trop limité de patientes, inter-
valle de confiance très large, etc.). Quoi qu’il en soit, le
principe de précaution a inspiré les autorités de santé
et l’utilisation d’un SIU-LNG est contre-indiqué tant
pour l’OMS que pour les autorités françaises. Il ne
faut pas se précipiter pour retirer un SIU-LNG à une
patiente, en cours par exemple de chimiothérapie pour
un cancer du sein, une contraception efficace étant
indispensable. Il sera toujours temps de discuter avec
elle de son retrait une fois la chimiothérapie terminée.
Contraception hormonale
Elle reste contre-indiquée après cancer du sein,
même si la preuve de sa nocivité n’a jamais été
démontrée. Le GERM (Groupe d'étude de réflexion
sur les mastopathies), la Société française de gy-
cologie et la Fédération nationale des collèges de
gynécologie médicale ont mené une enquête de
pratique en France, qui n’a pas retrouvé d’élévation
du risque en cas d’utilisation de macroprogestatifs,
mais les données sont numériquement limitées (34).
Stérilisation, encore appelée
contraception définitive
La contraception définitive peut être envisagée chez
une patiente ayant eu un cancer du sein, comme
chez les autres femmes. Une période de réflexion
est conseillée, comme chez toutes les femmes, et
on choisira actuellement de manière préférentielle
la méthode Essure®.
Conclusion
Ces données sont donc globalement rassurantes,
mais il existe cependant des sous-groupes pour
lesquels des données supplémentaires sont néces-
saires, plus particulièrement chez les femmes jeunes.
La petite élévation du risque parfois observée est
peut-être uniquement liée à un biais de dépistage,
mais on ne peut éliminer un effet promoteur sur
d’éventuelles cellules précancéreuses préexistantes
ou un surrisque chez certaines jeunes femmes, par
exemple en cas de polymorphismes génétiques
(NADPH quinone oxoréductase NQO1) orientant
l’éthynilestradiol vers des dérivés quinones (35),
comme cela a pu être mis en évidence après la méno-
pause (36).
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