ÉDITORIAL Les maladies HPV induites (human papillomavirus) ou l’évidente sous-évaluation de l’impact de la prévention HPV infections or the under evaluation of the prevention impact D. Riethmuller* e caractère viro-induit du cancer du col de l’utérus est formel, et le virus HPV oncogène (une quinzaine de génotypes différents) est le seul facteur de risque indépendant (nécessaire mais non suffisant). La force d’association entre ce cancer et cet agent viral est un exemple, à part en pathologie humaine, et il est tel qu’il ne peut y avoir de cancer du col sans HPV oncogène. Ce cancer fait suite à la progression non obligatoire de lésions précancéreuses, qui sont toutes la conséquence d’un portage persistant en HPV oncogène. Ces états précancéreux relèvent d’une prévention secondaire, mais, malgré le dépistage par frottis cervico-utérin, le cancer du col reste fréquent avec une incidence moyenne estimée en 2005 en France à 7,1 pour 100 000 femmes. De nombreuses études, randomisées et contrôlées pour certaines, démontrent que l’intégration de la biologie moléculaire pour la recherche du virus HPV améliore le dépistage en diminuant notablement les faux négatifs. Deux vaccins HPV prophylactiques extrêmement efficaces sont disponibles, l’un quadrivalent dirigé contre les HPV-6, 11, 16 et 18, l’autre bivalent dirigé contre les HPV-16 et 18. Ils sont recommandés en France par le Haut Conseil de la santé publique (HCSP), avec comme population cible les jeunes filles de 14 ans et un rattrapage possible chez les 15-23 ans. Si les outils pour une excellente prévention du cancer du col existent aujourd'hui, son impact a été largement sousévalué. En effet, le taux de cancers du col évité grâce à la vaccination a été calculé sur la base d’une responsabilité à l’échelon mondial à hauteur de 70 % pour les HPV-16 et 18, alors qu’en France, ces 2 génotypes sont responsables à eux seuls de plus de 80 % des cas. De même, les condylomes acuminés sont évités par la vaccination quadrivalente plus de 9 fois sur 10. Mais la carcinogenèse HPV induite ne se limite pas au col de l’utérus, et même si les forces d’association des * Service de gynécologie obstétrique, hôpital Saint-Jacques, 2, place Saint-Jacques, 25030 Besancon Cedex. autres sites n’atteignent pas les 100 %, elles n’en sont pas moins importantes. En effet, au niveau du tractus génital, d’autres cancers peuvent être dus à l’HPV : le cancer du vagin pour 90 % des cas, de la vulve pour 40 % des cas et du pénis pour 40 % des cas. De même et plus fortement lié, le cancer de l’anus est dû à l’HPV dans plus de 90 % des cas et c’est très majoritairement l’HPV-16 qui est en cause (plus que pour le col). Enfin, les cancers ORL, en particulier de l’oropharynx, sont clairement en relation avec les HPV oncogènes. Tout cela montre, d’une part, que les impacts réels de la prévention primaire que sont les vaccins ont été totalement sous-évalués et, d’autre part, qu’il faudra réfléchir prochainement à l’extension de la vaccination à l’homme. La prévention secondaire du cancer du col de l’utérus, qui a pour but d’éviter l’invasion, nécessite des méthodes de dépistage sensibles pour prendre en charge efficacement les lésions précancéreuses. La difficulté post-thérapeutique réside dans notre capacité à affirmer la guérison dans cette population à risque réel et prolongé d’invasion ; là encore, les tests HPV sont très utiles. Ces tests permettraient également une optimisation du dépistage dans des populations à risque majoré comme les immunodéprimés iatrogènes. Il faut donc poursuivre la promotion de la prévention en proposant activement la vaccination dans le cadre des recommandations afin d’améliorer la couverture vaccinale et son observance, et militer pour une organisation du dépistage avec une intégration logique et raisonnée des nouvelles technologies. Ce dossier de La Lettre du Gynécologue, rédigé par des experts reconnus de la question, a pour but de faire le point, au travers d’une approche de certaines populations, sur l’infection et les pathologies dues aux HPV et de reparler de la prévention au sens large. 6 | La Lettre du Gynécologue • n° 362 - mai 2011 LG 2011-05 bonne version.indd 6 17/05/11 16:41