A Prévention nutritionnelle des cancers Actualités sur

La Lettre du Cancérologue Vol. XXIII - n° 6 - juin 2014 | 195
Actualités sur
la PRÉVENTION
Prévention nutritionnelle
des cancers
Nutrition and cancer prevention
R. Ancellin*
* Département de prévention,
Institut national du cancer, Boulogne-
Billancourt.
A
u cours des dernières années, la mise en
place d’une politique nutritionnelle en France
est apparue comme une priorité de santé
publique. Lancé en 2001, le Programme national
nutrition santé (PNNS1 : 2001-2005 ; PNNS2 :
2006-2010, et PNNS3 : 2011-2015) a pour objectif
l’amélioration de l’état de santé de l’ensemble de
la population, en agissant sur l’un de ses princi-
paux déterminants, la nutrition. Le rôle joué par
les facteurs nutritionnels dans l’apparition des
pathologies les plus répandues ou dans la protec-
tion contre celles-ci est de mieux en mieux compris.
Les recherches des 40 dernières années ont montré
l’infl uence de la nutrition sur la survenue de certains
cancers. Source de facteurs de risque et de facteurs
protecteurs, la nutrition, qui englobe à la fois l’ali-
mentation, y compris l’alcool, le statut pondéral et
l’activité physique, fait partie des facteurs compor-
tementaux sur lesquels il est possible d’agir pour
accroître la prévention des cancers. C’est ce que
montre le rapport du World Cancer Research
Fund (WCRF) et de l’American Institute for Cancer
Research (AICR) [1], qui est actuellement le rapport
d’expertise collective scientifi que de référence à
l’échelle internationale. Depuis 2007, le WCRF/
AICR actualise ses données et publie des rapports
pour chaque type de localisation (2-6). Les données
concernant l’épidémiologie, les mécanismes et le
niveau de preuve
a
présentées ci-après reposent
sur l’évaluation scientifi que établie par le WCRF/
AICR (1-6) [tableau I, p. 196].
Facteurs nutritionnels
augmentant le risque de cancer
Il a été prouvé de façon convaincante ou probable
que le risque de cancer est augmenté par la
consommation de boissons alcoolisées, le surpoids
et l’obésité, l’excès de viande rouge ou de char-
cuterie, le sel et les aliments salés et les complé-
ments alimentaires contenant du bêta-carotène.
La consommation de boissons alcoolisées (vin,
bière, spiritueux, etc.) augmente le risque de
plusieurs cancers. Le risque s’accroît avec la dose
totale d’alcool consommée. L’augmentation du
risque de cancer pour 1 verre de boisson alcoolisée
consommé par jour est estimée à 10 % pour le
cancer colorectal (3) et à 10 % pour le cancer du
sein (2). Pour le cancer de l’œsophage et celui de
la bouche, du pharynx et du larynx, l’augmenta-
tion pour 1 verre de boisson alcoolisée consommé
par semaine est estimée à 4 et à 24 %, respecti-
vement (1).
Divers mécanismes ont été identifiés. Certains
sont probablement communs à toutes les loca-
lisations de cancer : effet génotoxique de l’acétal-
déhyde (principal métabolite de l’éthanol) et/ ou
des radicaux libres produits ; défi cits nutritionnels,
notamment en folates et autres vitamines. D’autres
mécanismes semblent plus spécifi ques de la loca-
lisation, comme la modifi cation de la perméabilité
de la muqueuse favorisant l’absorption d’autres
cancérogènes tels que le tabac (bouche, larynx,
pharynx et œsophage). La consommation de bois-
sons alcoolisées est le premier facteur de risque
nutritionnel de cancer et, plus globalement, la
a. La qualification du niveau de
preuve prend en compte différents
types d’études épidémiologiques
(études cas-témoins, cohortes,
essais contrôlés randomisés, etc.),
la quantité, la qualité et la nature des
données, l’absence d’hétérogénéité
et la plausibilité biologique (études
mécanistiques). Les différents
qualificatifs du niveau de preuve
sont les suivants : “convaincant”,
“probable”, “limité mais évocateur”
et “effet substantiel sur le risque peu
probable”. Les relations qualifi ées de
“convaincantes” ou “probables” ont
donné lieu à des recommandations de
santé publique à l’échelle mondiale.
Le présent article est publié par
l’Institut national du cancer, qui en
détient les droits. Sa réutilisation
est possible dès lors qu’elle entre
dans le champ d’application
de la loi no 78-753 du 17 juillet
1978 et qu’elle en respecte les
conditions (absence d’altération, de
dénaturation de son sens et mention
de la source et de la date de sa
dernière mise à jour éventuelle).
L’Institut national du cancer (INCa) est l’agence
sanitaire et scientifi que de l’État chargée de
coordonner les actions de lutte contre le cancer.
Créé par la loi de santé publique du 9 août
2004, il est placé sous la tutelle conjointe du
ministère des Affaires sociales et de la Santé
et du ministère de l’Éducation nationale, de
l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
L’INCa a pour ambition de jouer un rôle d’accé-
lérateur de progrès au service des personnes
malades, de leurs proches, des usagers du
système de santé, de la population générale, des
professionnels de la santé, des chercheurs, des
experts et des décideurs. Ses missions sont de :
coordonner les actions de lutte contre le
cancer ;
initier et soutenir des projets de
recherche et l’innovation médicale,
technologique et organisationnelle ;
agir sur l’organisation des dépistages, des
soins et de la recherche ;
produire des expertises sous forme de
recommandations nationales, de référentiels,
de rapports et d’avis ;
produire, analyser et évaluer des données
dans tous les domaines de la cancérologie ;
favoriser l’appropriation des connaissances
et des bonnes pratiques par les différents
publics.
Retrouvez les publications de l’INCa
sur
www.e-cancer.fr
196 | La Lettre du Cancérologue Vol. XXIII - n° 6 - juin 2014
Résumé
Certains facteurs nutritionnels sont pertinents pour la prévention des cancers en France. Le surpoids et
l’obésité, les boissons alcoolisées, l’excès de viande rouge ou de charcuterie, le sel et les aliments salés
ainsi que les compléments alimentaires contenant du bêta-carotène augmentent le risque. Les fruits et
légumes, l’activité physique et l’allaitement le diminuent.
Mots-clés
Alimentation
Alcool
Activité physique
Cancer
Prévention
Summary
Some nutritional factors are
relevant for cancer prevention
in France. Overweight and
obesity, alcoholic beverages,
red and processed meat, salt
and salty foods as well as
dietary supplements with beta-
carotene increase cancer risk.
Fruits and vegetables, physical
activity and breastfeeding
decrease cancer risk.
Keywords
Diet
Alcohol
Physical activity
Cancer
Prevention
deuxième cause évitable de décès par cancer, après
le tabac (7). En 2009, elle était responsable de plus
de 15 000 décès par cancer, soit 9,5 % de la morta-
lité due au cancer (8). Il a été également estimé que,
en France, la consommation quotidienne de bois-
sons alcoolisées concerne 12 % des individus âgés
de 18 à 75 ans (9). Elle est plus fréquente chez les
hommes que chez les femmes et touche essentiel-
lement les plus âgés (plus de 45 ans). En revanche,
la consommation des plus jeunes, bien que moins
régulière, est plus excessive.
L’augmentation du risque de cancer est signifi cative
dès une consommation moyenne de 1 verre par jour,
qu’elle soit quotidienne ou concentrée sur certains
jours de la semaine. En France, il est important d'inciter
la population à réduire sa consommation de boissons
alcoolisées toujours élevée et de prendre en charge
les buveurs dépendants.
Tableau I. Principales relations concluantes entre des facteurs alimentaires ou nutritionnels et le risque de cancer mention-
nées dans le rapport WCRF/AICR (1-6).
Augmentation du risque de cancer
Facteurs alimentaires
ounutritionnels
Localisation de cancer
Surpoids et obésité Œsophage
Pancréas
Côlon, rectum
Sein (postménopause)
Endomètre
Rein
Vésicule biliaire
Boissons alcoolisées Bouche
Pharynx
Larynx
Œsophage
Côlon, rectum (hommes)
Sein
Foie
Côlon, rectum (femmes)
Viande rouge Côlon, rectum
Charcuterie Côlon, rectum
Sel Estomac
Aliments salés Estomac
Compléments alimentaires
àbase de bêta-carotène
Poumon
Diminution du risque de cancer
Facteurs alimentaires
ounutritionnels Localisation de cancer
Activité physique Côlon, rectum
Sein (postménopause)
Endomètre
Fruits Bouche
Pharynx
Larynx
Œsophage
Poumon
Estomac
Légumes non féculents Bouche
Pharynx
Larynx
Œsophage
Estomac
Aliments contenant
desfi bres Côlon, rectum
Allaitement Sein
Couleurs foncées : niveau de preuve convaincant ; couleurs claires : niveau de preuve probable.
La Lettre du Cancérologue Vol. XXIII - n° 6 - juin 2014 | 197
Actualités sur
la PRÉVENTION
Le surpoids et l’obésité augmentent le risque
de nombreux cancers. Pour une augmentation de
l’indice de masse corporelle (IMC)
b
de 5 kg/ m
2
,
l’augmentation du risque est estimée à 13 % pour
le cancer du sein en postménopause (2), à 10 % pour
le cancer du pancréas (4), à 10 % pour le cancer
colorectal (3), à 31 % pour le cancer du rein, à 50 %
pour le cancer de l’endomètre et à 55 % pour le
cancer de l’œsophage (1). Les principaux méca-
nismes mis en jeu sont des dérégulations méta-
boliques (syndrome métabolique, hyper insulinémie,
résistance à l’insuline) conduisant à la synthèse
d’IGF-1 ou à des altérations de sa régulation,
ainsi que des perturbations hormonales concer-
nant l’ensemble des cancers hormono dépendants
(augmentation du taux d’hormones sexuelles
actives), ou, spécifiquement, le cancer du sein
(augmentation de l’activité aromatase dans le tissu
adipeux). Il a été estimé que, en France, pour l’année
2000, le surpoids et l’obésité ont été responsables
d’environ 2 300 décès par cancer (7). En 2012, le
surpoids concernait 32 % de la population adulte en
France, et l’obésité, 15 % (10). Le risque de surpoids
ou d’obésité est diminué de manière convaincante
par la pratique d’une activité physique et de manière
probable par la consommation d’aliments de faible
densité énergétiquec (1).
Le risque de cancer est minimal lorsque l’IMC est main-
tenu entre 18,5 et 25 kg/m2. Étant donné la prévalence
élevée de la surcharge pondérale observée actuel-
lement en France chez les adultes, il est important
de développer la prévention et la prise en charge de
l’obésité.
La consommation excessive de viande rouge
(bœuf, porc, veau, agneau, cheval) et de charcu-
terie augmente le risque de cancer colorectal. Les
données permettent d’estimer que le risque de
cancer colorectal augmente de 17 % pour chaque
portion de 100 g de viande rouge consommée par
jour et de 18 % pour chaque portion de 50 g de
charcuterie (3). Plusieurs raisons peuvent expliquer
cette augmentation : apports en sels nitrités de
certaines charcuteries ; production de composés
N-nitrosés cancérogènes dans l’estomac et par
les bactéries de la flore intestinale ; production
de radicaux libres et de cytokines pro-inflamma-
toires liée à un excès de fer héminique ; production
d’amines hétéro cycliques lors de la cuisson à forte
température. Un quart de la population (39 % des
hommes et 13 % des femmes) consomme plus de
viande rouge que la quantité maximale recom-
mandée, qui est de moins de 500 g par semaine,
et plus de 1/4 de la population consomme au
moins 50 g de charcuterie par jour (11). Il convient
d’inciter la population à réduire cette forte consom-
mation.
La consommation de sel et d’aliments salés
augmente de manière probable le risque de cancer
de l’estomac. Les principaux mécanismes impli-
qués sont les altérations de la muqueuse gastrique
(atrophie et métaplasie intestinales) et la synergie
avec des cancérogènes (composés N-nitrosés) et
d’autres facteurs de risque de cancer de l’estomac
(infection par Helicobacter pylori). Les forts consom-
mateurs (apports totaux en sel supérieurs à 12 g/j)
représentent près de 25 % des hommes et 5 % des
femmes (11). Il est important de les inciter à réduire
leur consommation.
Les données actuelles concernant les complé-
ments alimentaires incitent à la prudence, car
leur utilisation peut présenter plus de risques que
de bénéfi ces. Par exemple, il a été observé, chez
des fumeurs ayant consommé des compléments
alimentaires à base de bêta-carotène à forte dose
(20 à 30 mg/j), un accroissement du risque de
cancer du poumon. Celui-ci peut s’expliquer par
les mécanismes suivants : effet cocancérogène
du bêta-carotène, qui augmente l’activation de
pro cancérogènes du tabac en molécules cancéro-
gènes via l’activation des enzymes de phase I du
métabolisme des xénobiotiques, effet pro-oxydant
lié à l’activation de ces enzymes, avec production
de radicaux libres. D’après une étude conduite
en France, 25 % des adultes consommaient des
compléments alimentaires en 2012, dont 7 % à
base de bêta-carotène (12).
Facteurs nutritionnels
diminuant le risque de cancer
Parmi les facteurs qui diminuent le risque de cancer
avec un niveau de preuve jugé convaincant ou
probable, il faut retenir l’activité physique, l’allai-
tement et la consommation de fi bres et de fruits
et légumes.
En plus de son implication dans la réduction
du risque de surcharge pondérale (facteur de
risque convaincant de plusieurs cancers), l’activité
physique a une action propre protectrice sur le risque
de développer un cancer. Elle est associée à une dimi-
nution du risque de cancer du côlon, du sein après la
ménopause et de l’endomètre. Dans le cas du cancer
du côlon, pour lequel la relation est jugée convain-
cante, la pratique d’une activité physique réduit
le risque de 8 % pour une augmentation d’activité
b. La corpulence est généralement
estimée par l’IMC calculé par le
rapport du poids (kg) sur la taille
au carré (m2). Le surpoids corres-
pond à un IMC compris entre 25 et
29,9 kg/ mg2 ; l’obésité, à un IMC
supérieur à 30 kg/mg
2
, et un poids
normal, à un IMC compris entre 18,5
et 24,9 kg/ mg2. Une augmentation
de l’IMC de 5 kg/ m
2
correspond ainsi
approximativement à un changement
de catégorie.
c. Les aliments à faible densité éner-
gétique (légumes, la plupart des
fruits, etc.) apportent, à poids égal,
moins de calories que les aliments
à forte densité énergétique (huile,
beurre, aliments gras et sucrés, etc.).
198 | La Lettre du Cancérologue Vol. XXIII - n° 6 - juin 2014
Prévention nutritionnelle descancers
Actualités sur
la PRÉVENTION
physique totale de 5 MET-h/sem.d (3). Pour le cancer
du sein en postménopause, la diminution du risque a
été estimée à 3 % pour une augmentation d’activité
physique de 7 MET-h/sem. (2). Les principaux méca-
nismes qui pourraient expliquer l’effet bénéfi que de
l’activité physique sur le risque de cancer seraient
liés à la diminution des taux circulants de divers
facteurs de croissance et hormones (insuline, IGF-1,
etc.). D’autres mécanismes semblent plus spécifi ques
de certaines localisations : accélération du transit
intestinal réduisant l’exposition de la muqueuse
digestive aux cancérogènes d’origine alimentaire
pour le cancer du côlon ; diminution de la concen-
tration d’estrogènes et stimulation de l’immunité
pour les cancers du sein en postménopause et de
l’endomètre. Pour l’année 2000, il a été estimé que,
en France, environ 2 200 décès par cancer étaient
attribuables à l’inactivité (7). En France, entre 6 et
8 adultes sur 10 ont un niveau d’activité physique
équivalent à au moins 30 minutes d’activité physique
“modérée” par jour au moins 5 fois par semaine.
Cette proportion est similaire chez les hommes et
chez les femmes. En revanche, pour le niveau d’acti-
vité physique “élevé”, le chiffre est de 3 à 5 sur 10,
niveau atteint par un plus grand nombre d’hommes
que de femmes (13). Il est important d’inciter à la
pratique d’une activité physique régulière.
La consommation de fruits et légumes a un
effet protecteur jugé comme probable contre
les cancers des voies aérodigestives supérieures
(cavité buccale, pharynx, larynx et œsophage) et
les cancers de l’estomac et du poumon (pour les
fruits seulement). L’effet protecteur des fruits et
légumes serait dû à leur teneur en divers micro-
nutriments et microconstituants, capables d’agir
sur des mécanismes potentiellement protecteurs :
activités antioxydantes, modulation du métabolisme
des xénobiotiques, stimulation du système immuni-
taire, activités antiprolifératives, modulation de la
concentration des hormones stéroïdes et du méta-
bolisme hormonal, etc. De plus, faibles en calories,
les fruits et légumes participent au maintien d’un
poids corporel normal et à la prévention du surpoids
et de l’obésité. Une alimentation riche en bres
(céréales complètes, fruits, légumes, légumineuses)
est associée à un moindre risque de développer un
cancer colorectal (niveau de preuve : convaincant).
La consommation de fruits et légumes des adultes
est actuellement, en moyenne, de 283 g/j (144 g
de fruits et 139 g de légumes) (11). Une proportion
élevée de la population adulte a une consommation
insuffi sante de fruits et légumes : 57 % des adultes
consomment moins de 5 fruits et légumes par jour,
et 35 % sont de petits consommateurs (moins de
3,5 portions par jour) [13]. Il convient de les encou-
rager à augmenter leur consommation.
L’allaitement a, chez la mère, un effet protecteur
jugé convaincant contre le cancer du sein. Les princi-
paux mécanismes mis en jeu seraient, d’une part, la
diminution des concentrations sanguines d’hormones
sexuelles (estrogènes, androgènes) pendant la période
d’aménorrhée liée à l’allaitement, réduisant, chez les
femmes ayant allaité, l’exposition au cours de la vie à
ces hormones, facteurs de risque connus du cancer du
sein ; d’autre part, l’involution de la glande mammaire
en n de lactation, contribuant à l’élimination de
cellules porteuses de lésions de l’ADN. En 2012, plus
des 2/3 des nourrissons (69 %) étaient allaités à la
maternité (60 % de façon exclusive). À 1 mois, le taux
d’allaitement était de 54 % (35 % exclusif) [14]. Il est
important de sensibiliser les femmes enceintes et les
jeunes mamans aux bénéfi ces de l’allaitement.
Quelques facteurs
pour lesquels la relation
est à éclaircir
Concernant la consommation des aliments
préparés par des méthodes de cuisson à haute
température (grillades, barbecue, etc.), en parti-
culier des viandes et des poissons, plusieurs études
indiquent une association positive avec le cancer
de l’estomac. Ces données sont cependant limitées
et ne permettent pas de conclure défi nitivement.
Certaines études épidémiologiques suggèrent
un rôle protecteur des phytoestrogènes (essentiel-
lement apportés par le soja) contre divers cancers,
mais le niveau de preuve de ces associations est
limité et ne permet pas d’émettre une recomman-
dation. Les données scientifiques concernant le lien
entre la consommation d’acide gras transe et le
risque de cancer sont actuellement peu nombreuses
et ne permettent pas de conclure. La consomma-
tion de lait ou de calcium diminue avec un niveau
de preuve probable le risque de cancer colorectal
chez l’homme et chez la femme. Cependant, chez
l’homme, un excès de produits laitiers
f
et d’aliments
riches en calcium (apports en calcium équivalents
ou supérieurs à 1,5 g/j, ce qui correspond approxi-
mativement à 2 fois les apports nutritionnels
conseillésg) augmente avec un niveau de preuve
probable le risque de cancer de la prostate. Un
apport élevé en calcium a donc un effet ambivalent
chez l’homme.
d. L’équivalent métabolique (Meta-
bolic Equivalent of Task [MET]) est le
rapport du coût énergétique d’une
activité donnée sur la dépense éner-
gétique au repos. Le MET est utilisé
comme unité de mesure de l’inten-
sité d’une activité physique : 1 MET
correspond au niveau de dépense
énergétique au repos ; moins de
3 MET, à une activité d’intensité
légère ; 3 à 6 MET, à une activité
d’intensité modérée (métabolisme
3 à 6 fois plus élevé que le métabo-
lisme au repos, ce qui équivaut à la
marche rapide), et plus de 6 MET,
à une activité intense (équivalente
à la course à pied).
e. Les acides gras trans sont des
acides gras insaturés naturellement
présents dans le lait, les produits
laitiers et la viande de ruminants. Ils
sont aussi formés lors de processus
technologiques (par exemple hydro-
génation partielle des huiles végé-
tales) et sont retrouvés dans les
margarines, biscuits, viennoiseries,
etc.
f. Le PNNS recommande 3 portions
quotidiennes chez l’adulte.
g. Les apports nutritionnels conseillés
en calcium sont de 900 mg/ j chez
l’adulte.
La Lettre du Cancérologue Vol. XXIII - n° 6 - juin 2014 | 199
Actualités sur
la PRÉVENTION
Recommandations
nutritionnelles
pour la prévention primaire
des cancers
Seuls les niveaux de preuve convaincant et probable
sont concluants pour la prévention des cancers et
conduisent à des recommandations de santé publique.
Les recommandations émises dans une perspec-
tive mondiale par le WCRF et l’AICR, adaptées au
contexte nutritionnel français, ont fait l’objet d’un
travail d’expertise collective en 2008, qui a produit
des recommandations qui ont été intégrées à celles
du PNNS (tableau II) [15]. Il est important de souli-
gner que les recommandations nutritionnelles pour la
prévention primaire des cancers reposent sur l’expertise
collective et l’analyse de l’ensemble de la littérature
scientifi que disponible. Il faut donc faire preuve d’esprit
critique à l’égard de recommandations ou de conseils
qui ne seraient fondés que sur une étude scientifi que
unique ou sur une opinion personnelle. Par ailleurs, le
terme “anticancer”, souvent utilisé dans les ouvrages
et par les médias, est un raccourci abusif et trompeur.
Il peut laisser supposer que la consommation d’un
aliment particulier va guérir les personnes atteintes
d’un cancer, ce qui est scientifi quement et clinique-
ment infondé. Il peut aussi laisser penser que manger
un aliment donné va protéger du cancer. Le cancer est
une pathologie multifactorielle (facteurs environne-
mentaux, comportementaux et génétiques). Si une
alimentation équilibrée peut contribuer à réduire le
risque de certains cancers, aucun aliment à lui seul ne
peut s’opposer au développement de cette pathologie.
Nutrition et prévention tertiaire
des cancers
Le surpoids et l’obésité, l’insuffisance d’activité
physique, la consommation d’alcool peuvent
majorer, chez les patients atteints de cancer, les
risques de récidive et de second cancer et la mortalité
globale ou due au cancer (16). Renforcer l’adhésion
de ces patients à la prévention, afi n qu’ils suivent les
recommandations de prévention primaire, est donc
important pour réduire la morbimortalité.
Conclusion
L’analyse systématique et exhaustive des résultats
des études épidémiologiques, cliniques et expéri-
Tableau II. Recommandations pour la prévention primaire des cancers.
Activité physique
Limiter les activités sédentaires (ordinateur, télévision, etc.).
Chez l’adulte, pratiquer au moins 5jours par semaine au moins 30minutes d’activité physique
d’intensité modérée (comparable à la marche rapide) ou pratiquer 3jours par semaine 20minutes
d’activité physique d’intensité élevée (comparable au jogging).
Chez l’enfant et l’adolescent, pratiquer un minimum de 60minutes par jour d’activité physique
d’intensité modérée à élevée, sous forme de jeux, d’activités de la vie quotidienne ou de sport.
Fruits et légumes
Consommer chaque jour au moins 5 fruits et légumes variés (quelle que soit la forme : crus, cuits,
frais, en conserve ou surgelés) pour atteindre au minimum 400 g/j.
Consommer aussi chaque jour d’autres aliments contenant des fi bres tels que les aliments céréaliers
peu transformés et les légumes secs.
Satisfaire les besoins nutritionnels par une alimentation équilibrée et diversifi ée sans recourir aux
compléments alimentaires.
Allaitement
Pour le bénéfi ce de la mère et de l’enfant, allaiter son enfant.
Allaiter si possible de façon exclusive et, idéalement, jusqu’à l’âge de 6 mois.
Boissons alcoolisées
La consommation d’alcool est déconseillée, quel que soit le type de boisson (vin, bière, spiritueux, etc.).
Ne pas inciter les personnes abstinentes à une consommation d’alcool régulière, même modérée,
car toute consommation d’alcool régulière présente un risque.
En cas de consommation d’alcool, afi n de réduire le risque de cancer, limiter la consommation autant
que possible, tant en termes de quantités consommées que de fréquence de consommation. En cas
de diffi culté, envisager un accompagnement et éventuellement une prise en charge.
Les enfants et les femmes enceintes ne doivent pas consommer de boissons alcoolisées.
Surpoids et obésité
Maintenir un poids normal (IMC entre 18,5 et 25 kg/m2).
Pour prévenir le surpoids et l’obésité :
pratiquer au moins 5 jours par semaine au moins 30 minutes d’activité physique d’intensité
modérée (comparable à la marche rapide) ou pratiquer 3 jours par semaine 20 minutes d’activité
physique d’intensité élevée (comparable au jogging), et limiter les activités sédentaires (ordinateur,
télévision, etc.) ;
consommer peu d’aliments à forte densité énergétique et privilégier les aliments à faible densité
énergétique tels que les fruits et légumes.
Surveiller le poids de façon régulière (1 fois par mois).
Pour les sujets présentant un surpoids (IMC > 25 kg/m2), une obésité (IMC > 30 kg/m2) ou une prise
de poids rapide et importante à l’âge adulte, un accompagnement et, éventuellement, une prise en
charge sont à envisager.
Viande rouge et charcuterie
Limiter la consommation de viande rouge à moins de 500 g par semaine. Pour compléter les apports en
protéines, il est conseillé d’alterner avec de la viande blanche, du poisson, des œufs et des légumineuses.
Limiter la consommation de charcuterie, en particulier celle des charcuteries très grasses ou très salées.
En cas de consommation de charcuterie, afi n de diminuer le risque de cancer, réduire autant que
possible la taille des portions et la fréquence de consommation.
Sel et aliments salés
Limiter la consommation de sel en réduisant la consommation d’aliments transformés salés (charcuterie,
fromage, etc.) et l’ajout de sel pendant la cuisson comme dans l’assiette.
Compléments alimentaires à base de bêta-carotène
Ne pas consommer de compléments alimentaires à base de bêta-carotène.
Sauf cas particuliers de défi ciences et sous le contrôle d’un médecin, la consommation de compléments
alimentaires n’est pas recommandée. Il est conseillé de satisfaire les besoins nutritionnels par une
alimentation équilibrée et diversifi ée sans recourir aux compléments alimentaires.
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