CANCÉROLOGIE 33 Alimentation Un rôle de plus en plus étudié I l n’y a pas, pour le moment, d’éléments précis indiquant qu’un aliment donné, couramment consommé dans les pays économiquement développés, peut être un carcinogène en soi-même. En revanche, une consommation excessive de viande (cancer de l’intestin), de sel (cancer de l’estomac) ou d’alcool (cancers ORL, de l’estomac, du sein) est susceptible d’en favoriser l’émergence. Par ailleurs, des équilibres alimentaires différents peuvent avoir des conséquences favorables ou “freinantes” dans le développement de certains cancers. Quelles relations entre alimentation et cancer ? La communauté médicale et scientifique est très prudente en raison des difficultés d’évaluer avec précision les conséquences des habitudes alimentaires. Deux certitudes émergent cependant. Quelles que soient les pratiques alimentaires, elles ont, en France, une influence relativement faible sur le développement des cancers par rapport à des carcinogènes puissants tels que le tabac ou la consommation élevée d’alcool. En revanche, la consommation élevée de fruits et de légumes entraîne une réduction du risque de développer un cancer. Des études menées depuis plus de 50 ans démontrent que les sujets consommant davantage de fruits, de légumes, de poisson, et, dans une moindre mesure, de céréales, développent moins de cancers des voies digestives. Au contraire, deux études randomisées menées sur 55 000 volontaires, l’une aux États-Unis (pen- dant 4 ans) et l’autre en Finlande (pendant 7 ans) ont montré que les fumeurs prenant du bêtacarotène à dose élevée avaient entre 18 % et 28 % de risques supplémentaires de développer un cancer du poumon par rapport aux fumeurs n’en prenant pas. De même, l’excès de poids constitue un facteur de risque non négligeable. Ainsi, chez les femmes ménopausées, la fréquence des cancers du sein et de l’endomètre est sensiblement supérieure quand il y a obésité. Une hypothèse : au moment de la ménopause, les ovaires cessent de produire des estrogènes. Ils continuent cependant de créer des hormones androgènes, susceptibles de se transformer en estrogènes dans les tissus adipeux. Un côté multifactoriel Néanmoins, si nos connaissances scientifiques restent imparfaites, l’importance de la consommation de légumes et de fruits pour la prévention des cancers est donc unanimement reconnue depuis que cette idée a été confirmée par l’étude européenne EPIC dans 10 pays et les données épidémiologiques du World Cancer Research Fund International. Parmi les substances présentes dans les fruits et les légumes qui agissent comme des agents antioxydants ou celles qui pourraient réduire la prolifération cellulaire, stimuler des enzymes protectrices ou encore empêcher les carcinogènes de rejoindre leurs cibles. À titre d’exemple, d’après des travaux américains le sulforaphane contenu dans les plantes crucifères et, en particulier, le brocoli, inhiberait les souches de Helicobacter pylori et aurait des vertus antitumorales. Certes, il faut modifier les habitudes alimentaires puisqu’il existe une relation étroite entre la consommation de fruits et de légumes et la diminution de l’incidence de différents cancers, mais aussi éviter l’obésité, augmenter l’activité physique (et essayer de se protéger contre les facteurs de risque environnementaux). L’alimentation riche en graisses animales augmente le risque de cancer de la prostate et il en va de même pour la fréquence des récidives de ce cancer. En ce qui concerne le cancer du sein, les données disponibles suggèrent que la consommation excessive des graisses favoriserait le développement d’une tumeur déjà présente. L’utilisation du soja qui contient des isoflavones fait l’objet d’un engouement à l’heure actuelle, mais il convient de rappeler que certaines de ses substances ont des actions hormonales opposés : estrogéniques et anti-estrogéniques. Certaines études récentes sont en faveur de l’utilisation d’aliments enrichis en oméga 3 dans la pathologie cancéreuse. Elles ont montré notamment une amélioration du pronostic en termes de survie pour certains cancers à un stade évolué et en termes de diminution de la cachéxie cancéreuse pour le cancer du pancréas. Autre aliment en vogue : le thé, riche en polyphénols et dont la consommation en quantité modérée est également recommandée à la fois pour la prévention du cancer et pour les patients ayant déjà un cancer déclaré. LC >> DOSSIER Peu de données existent sur le rôle de l’alimentation sur le pronostic et la récidive une fois le cancer déclaré. Toutefois quelques règles d’hygiène alimentaire ont montré leur efficacité. Par ailleurs, il n’y a pas pour le moment d’éléments précis indiquant qu’un aliment donné peut être un carcinogène en soi-même. Ligue contre le cancer. Conférences Dietecom Professions Santé Infirmier Infirmière N° 64 • juin-juillet 2005