Éditorial Aller jusqu’au bout See it throught! L orsque le nutritionniste conseille son patient, il veille à l’équilibre alimentaire, à la composition des menus, au choix des aliments, à la balance énergétique, à la qualité des glucides ou des lipides, et il s’arrête là. Mais ne devrait-il pas aller jusqu’au bout… jusqu’à la cuisson, terme ultime de la préparation des aliments ? Cette dernière étape, souvent négligée, est pourtant fondamentale. La cuisson transforme l’aliment, elle en améliore la texture, peut en augmenter la digestibilité, et accroît la biodisponibilité de certains nutriments : le cru et le cuit se complètent ainsi harmonieusement sur les plans culinaire et diététique. Mais la cuisson peut aussi entraîner des pertes en micronutriments et dénaturer ou altérer l’aliment. Frédéric Tessier indique ainsi, avec beaucoup de précisions, les méthodes permettant de préserver au mieux les vitamines lors de la cuisson, selon les modes utilisés, afin d’accroître ainsi la densité nutritionnelle de l’alimentation, souvent déficitaire. Inès Birlouez, à l’occasion des 100 ans de la réaction de Maillard, montre quels en sont les effets dans l’aliment, au-delà du simple brunissement de la caramélisation. En AVIS AUX LECTEURS particulier, elle explique que les produits de la réaction de Maillard, néorformés dans les aliments, s’ajoutent aux advanced/glycation/end products (AGE) endogènes et exercent des effets biologiques. Ceux-ci semblent contribuer au stress oxydatif et à l’inflammation de bas-grade… facteurs métaboliques impliqués dans les complications microvasculaires du diabétique. Voilà de quoi rejoindre les préoccupations des nutritionnistes diabétologues… Dans un troisième article, je fais moi-même le point sur le lien entre cuisson et cancer : parmi les composés néoformés apparaissant lors de la cuisson des viandes et des poissons, les amines hétérocycliques sont en première ligne. Les données expérimentales et épidémiologiques suggèrent très fortement qu’elles sont impliquées dans la survenue de nombreux cancers, parmi lesquels le cancer du côlon-rectum, mais aussi ceux touchant d’autres localisations (poumon, sein, prostate, pancréas, vessie, etc.). Leur présence et/ou leurs effets peuvent être atténués par de nombreux facteurs nutritionnels, culinaire ou génétiques, à découvrir dans l’article. Enfin, l’article introductif de Pascal Picq nous entraîne dans une réflexion paléoanthropologique passionnante sur le rôle éventuel de la cuisson dans le développement de l’homme, de son cerveau et de sa vie sociale : qui l’eut “cru” ! Voici en tout cas de quoi conseiller utilement nos patients pour leur santé… à condition d’aller jusqu’au bout. Mais la part ultime revient au patient qui réapprendra à cuisiner et à se réapproprier son alimentation et sa santé. N’est-ce pas cela, l’éducation thérapeutique ? À table ! Bon appétit ! Et bonne lecture ! Les revues Edimark sont publiées en toute indépendance et sous l’unique et entière responsabilité du directeur de la publication et du rédacteur en chef. Le comité de rédaction est composé d’une dizaine de praticiens (chercheurs, hospitaliers, universitaires et libéraux), installés partout en France, qui représentent, dans leur diversité (lieu et mode d’exercice, domaine de prédilection, âge, etc.), la pluralité de la discipline. L’équipe se réunit 2 ou 3 fois par an pour débattre des sujets et des auteurs à publier. La qualité des textes est garantie par la sollicitation systématique d’une relecture scientifique en double aveugle, l’implication d’un service de rédaction/révision in situ et la validation des épreuves par les auteurs et les rédacteurs en chef. Notre publication répond aux critères d’exigence de la presse : · accréditation par la CPPAP (Commission paritaire des publications et agences de presse) réservée aux revues sur abonnements, · adhésion au SPEPS (Syndicat de la presse et de l’édition des professions de santé), · indexation dans les bases de données INIST-CNRS et Thomson Reuters, et partenariats avec les sociétés savantes (SFE, …), · déclaration publique de conflit d’intérêts demandée à nos auteurs, · identification claire et transparente des espaces publicitaires et des publirédactionnels en marge des articles scientifiques. 128 Jean-Michel Lecerf Institut Pasteur, Lille Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVI - nos 5-6 - mai-juin 2012