A C T U 5èmes Journées de MEDECINE FOETALE M O R Z I N E 23 au 26 Mars 2000 Sous la présidence du Professeur Claire NIHOUL-FEKETE Inscription : J.P. COM. B. 4, avenue de Tsukuka, CITIS 14200 HEROUVILLE Tél. 02 31 44 88 01 Fax 02 31 44 88 02 e-mail : jpcomb@ wanadoo.fr Hypoplasie pulmonaire Malformations broncho-pulmonaires Épanchements thoraciques Pronostics des cardiopathies Information, médias et diagnostic anténatal A L I T É Pathologie bronchopulmonaire fœtale Compte-rendu des Ves Journées de médecine fœtale de Morzine, 23-26 mars 2000 ● F. Audibert* Les Ves Journées de médecine fœtale étaient consacrées à la pathologie thoracique. L’HYPOPLASIE PULMONAIRE FŒTALE La première session débuta par un rappel sur le développement du poumon fœtal (Pr D. Gaillard, Reims), caractérisé par différents stades : pseudo-glandulaire, canaliculaire, puis alvéolaire. L’hypoplasie pulmonaire (HP) (Pr A. Labbé, Clermont-Ferrand) est définie par l’étude du rapport poids pulmonaire/poids corporel, le compte radial alvéolaire et l’étude histologique. Les principales causes sont la hernie diaphragmatique, les épanchements pleuraux, les dystrophies du squelette, les neuromyopathies, les tumeurs intrathoraciques, les malformations du poumon, les anomalies rénales et uropathies malformatives, les ruptures des membranes et certains toxiques. Les facteurs biologiques sont souvent associés aux facteurs mécaniques : modification des mouvements respiratoires fœtaux, modification de l’équilibre pression/volume fœtal, modification entre le volume aérien et le volume fœtal. Le diagnostic anténatal de l’HP reste complexe et décevant. Plusieurs voies de recherche ont toutefois été présentées : l’échographie 3D (Dr D. Moeglin, Grasse) permet surtout de mesurer avec précision les volumes inférieurs au 10e percentile et d’affiner le coefficient multiplicateur utilisé en 2D. Le doppler énergie permet d’évaluer la vascularisation pulmonaire, toujours diminuée en cas d’HP. L’HP s’accompagne d’une modification du spectre des artères pulmonaires avec un deuxième pic mésosystolique, une diminution de la vitesse maximale en systole et une augmentation de l’index de pulsatilité. Une des difficultés est le risque de mesurer des flux de vaisseaux plus périphériques. La quantification des mouvements respiratoires fœtaux (Dr R. Jeny, Saint-Maurice) apporte des images séduisantes, mais la valeur prédictive de l’HP reste à établir. L’IRM pulmonaire (Dr P. Sonigo, Paris ; * Hôpital Antoine-Béclère, 157, rue de la Porte-de-Trivaux, 92141 Clamart cedex. La Lettre du Gynécologue - n° 253 - juin 2000 Dr F. Rypens, Bruxelles) appliquée au diagnostic de l’HP fait l’objet d’une étude prospective multicentrique dans la hernie de coupole diaphragmatique, dont les premiers résultats paraissent très prometteurs. La qualité des images obtenues est impressionnante. La prise en charge anténatale était présentée par les Drs P. Vergani et A. Cappellini (Monza). En cas de rupture très prématurée des membranes (< 26 SA), il existe une étroite corrélation entre l’existence d’un oligoamnios après la rupture (citerne < 2 cm) et la survenue secondaire d’une HP. Selon cette équipe italienne, l’amnio-infusion transabdominale permettrait d’améliorer le pronostic postnatal de ces formes précoces et sévères. Ces résultats mériteraient d’être confirmés par une étude prospective randomisée. Le devenir postnatal des ruptures des membranes au deuxième trimestre (Dr F. Audibert, Clamart) est marqué (en dehors des IMG, proposées dans 30 % des cas environ) par un pronostic encore réservé (mortalité de 30 % et complications sévères chez 25 % des survivants), bien qu’amélioré par les progrès de la prise en charge périnatale. Parmi les nouveau-nés vivants, la mortalité secondaire est plus souvent liée aux complications neurologiques de la grande prématurité qu’à l’hypoplasie pulmonaire. HERNIES DE COUPOLE DIAPHRAGMATIQUE Le diagnostic échographique (Dr A. Potier, Marseille) reste difficile, en particulier dans les formes droites, représentant 10 % des hernies de coupole diaphragmatique (HCD). En routine, c’est en premier lieu un diagnostic d’exclusion qui devra être fait : position cardiaque par rapport au rachis, veine ombilicale normale, étude des vaisseaux sus-hépatiques, avec recherche d’un angle aigu entre le canal d’Arantius et le plan sagittal. Ce n’est qu’après que l’on recherchera des signes thoraco-abdominaux : recherche d’un péristaltisme intestinal au niveau thoracique, présence de l’estomac ou d’une masse dense en intrathoracique. Enfin, la recherche de signes de gravité (hydramnios, anasarque…) et de malformations associées 7 A C T U A L (50 % des cas, dont 30 % de cardiopathies de diagnostic difficile) est impérative. Les anomalies chromosomiques (Dr A. Bazin, Cergy-Pontoise) doivent être systématiquement recherchées devant une HCD. Lorsqu’elle est isolée, la hernie diaphragmatique s’accompagne exceptionnellement d’une anomalie chromosomique. La trisomie 18 est la plus souvent retrouvée. Viennent ensuite la trisomie 13, le Turner, la trisomie 21 étant exceptionnelle. Certains syndromes plus rares peuvent être associés à une hernie diaphragmatique : – délétion 4p ou syndrome de Wolf-Hirschhorn, qui associe une dysmorphie faciale en “casque de guerrier grec”, un micrognatisme et un retard mental sévère ; – délétion 8p 23.1. Le phénotype est peu évocateur, avec un RCIU, parfois une cardiopathie, un retard mental variable. Le diagnostic est fait dans l’enfance ; – tétrasomie 12p ou syndrome de Pallister-Killian. Il s’agit le plus souvent d’une mosaïque, avec une duplication en miroir du bras court du chromosome 12. On retrouve une dysmorphie avec anomalies des membres, une pigmentation cutanée. Le retard mental est très sévère, avec des anomalies organiques associées. Les syndromes polymalformatifs (Dr N. Philip, Marseille) pouvant comporter une HCD et de cause non chromosomique sont nombreux (58 répertoriés) ; leur diagnostic est nécessaire pour fournir un conseil génétique éclairé. Il faut connaître le syndrome de Fryns, récessif autosomique, associant une HCD avec hypoplasie pulmonaire, une dysmorphie (traits grossiers), une hypoplasie des ongles et des phalanges terminales, ainsi que des anomalies viscérales. Il évolue vers un retard mental sévère et est en général létal. Le syndrome de Cornelia de Lange est de survenue sporadique. Le retard mental profond et la dysmorphie faciale, les anomalies des extrémités permettent en règle générale le diagnostic. Il n’y a pas de possibilité actuelle de recherche moléculaire. Citons également le syndrome facio-oculo-acoustico-rénal, récessif autosomique, et le syndrome thoraco-abdominal, lié au chromosome X. Les nouveaux critères pronostiques (Dr D. Mahieu, Paris) de la HCD sont nécessaires pour préciser les cas où la proposition d’IMG est licite. À côté des critères classiques de mauvais pronostic (hydramnios, estomac intrathoracique, déviation médiastinale), on s’intéresse à l’étude du déséquilibre des cavités cardiaques au profit du ventricule droit (rapport VG/VD < 0,8 de bon pronostic), du rapport surface pulmonaire/surface thoracique (un rapport > 12 % s’accompagne d’une survie de 93 %), ou encore de la surface pulmonaire controlatérale rapportée au périmètre crânien (mortalité constante si rapport < 0,6 et survie de 100 % si rapport > 1,35). L’étude du foie est plus complexe. Sa présence intra-abdominale est corrélée à un taux de survie de 100 %. Beaucoup plus intéressante est la recherche d’une déviation de la veine ombilicale, qui, si elle est majeure, s’accompagne d’une mortalité très élevée. L’appréciation du volume pulmonaire par IRM dans le cadre de la hernie diaphragmatique a déjà été évoquée. Elle fait l’objet d’une étude multicentrique et ne peut actuellement être utilisée en pratique clinique. 8 I T É La prise en charge postnatale (Dr P. Jouvet, Paris) doit lutter contre l’hypoplasie pulmonaire grâce à la ventilation par oscillation à haute fréquence en utilisant de petits volumes. Le délai de l’intervention est fonction de la qualité pulmonaire. Si celle-ci le permet, la chirurgie a lieu dans un délai de trois jours. Si l’état respiratoire est mauvais, l’enfant sera opéré en réanimation à six jours de vie. Devenir à long terme (Dr M. Fayon, Bordeaux) : l’avenir de ces enfants est grevé d’un nombre élevé de complications, incluant le risque de dysplasie bronchopulmonaire oxygénodépendante, avec son risque additionnel d’évolution à l’âge adulte vers la bronchopneumopathie obstructive, le problème des malformations associées, et les pathologies acquises après la naissance (reflux gastro-œsophagien, bronchiolite, asthme ou allergie). PATHOLOGIE BRONCHOPULMONAIRE FŒTALE Après une revue nosologique de ces malformations relativement rares (Pr D. Gaillard, Reims), les critères diagnostiques et pronostiques ont été présentés. La maladie adénomatoïde (Dr B. Broussin, Bordeaux), de type micro- ou macrokystique, a une évolution anténatale capricieuse, allant de la régression spontanée à l’évolution vers l’anasarque par compression médiastinale, de mauvais pronostic. La séquestration pulmonaire (Dr M.F. Sarramon) est définie par la présence de parenchyme pulmonaire non fonctionnel, isolé par rapport à l’arbre bronchique et vascularisé par un système aberrant venant de l’aorte. Elle peut être intra- ou extralobaire, et son évolution anténatale est également variable (régression, stagnation, évolution vers la compression et l’anasarque). L’anomalie se présente comme une plage bien circonscrite, hyperéchogène, le plus souvent inférieure à 4 cm, unilatérale. Elle est gauche dans 90 % des cas, et développée aux dépens du lobe inférieur. Le doppler couleur peut visualiser la vascularisation aberrante. Une masse hyperéchogène avec un vaisseau aberrant est pathognomonique de la séquestration pulmonaire. La recherche des signes de compression (hydramnios, œdème sous-cutané) est impérative. Les malformations kystiques intrathoraciques (Pr P. Barbarino, Nancy) sont très rares, représentées par le kyste bronchogénique, le kyste neuro-entérique et le kyste gastro-entérique. D’autres malformations rares ont été évoquées par le Dr C. Talmant (Nantes). L’atrésie laryngée ou trachéale est exceptionnelle et constamment létale, entraînant une rétention de liquide pulmonaire, avec une augmentation de la surface alvéolaire. L’hamartome pulmonaire est également exceptionnel et de diagnostic difficile. Quand une prise en charge fœtale est-elle nécessaire ? (Pr P. Gaucherand, Lyon) Les indications de drainage pleuroamniotique anténatal, voire de chirurgie in utero, sont réservées aux formes compressives (anasarque) des MKAP ou séquestrations, avant 30 semaines d’aménorrhée. La prise en charge postnatale passe, pour le Pr Y. Revillon (Paris), par une exploration systématique par scanner thoraLa Lettre du Gynécologue - n° 253 - juin 2000 cique vers l’âge de six semaines, y compris pour les lésions ayant apparemment régressé en échographie. La maladie adénomatoïde doit, selon J.M. Laberge (Montréal), être systématiquement opérée, en raison surtout du risque infectieux, mais aussi d’un risque non négligeable de dégénérescence maligne. L’intervention est le plus souvent programmée vers l’âge de six mois, comme pour les séquestrations pulmonaires. Il existe toutefois, pour cette lésion, deux alternatives : la thoracoscopie avec mise en place d’un clip sur l’artère nourricière, ou encore l’embolisation radiologique, dont les résultats paraissent satisfaisants. Grâce à cette prise en charge, le devenir des enfants opérés (Dr M. Le Bourgeois, Paris) est de bon pronostic, avec généralement un excellent résultat fonctionnel à long terme. LES ÉPANCHEMENTS THORACIQUES Le diagnostic anténatal (Dr Y. Aubard, Limoges) de cette pathologie rare (de 1/10 000 à 1/15 000 grossesses) ne pose pas de difficulté particulière. Il peut s’agir d’une forme primitive (chylothorax congénital) ou d’un épanchement séreux secondaire à une autre pathologie. Le risque principal est la compression, qu’elle soit médiastinale (hydramnios par compression œsophagienne, anasarque par compression cardiaque) ou pulmonaire (hypoplasie pulmonaire). La recherche d’une anomalie chromosomique (6 % des cas) est nécessaire, de même qu’un bilan échographique complet à la recherche d’une cause. Le drainage thoracique (Pr D. Lemery, Clermont-Ferrand) a été proposé par Rodeck en 1982, et consiste en la mise en place de drains pleuroamniotiques à l’aide d’un trocart spécial. Les indications sont limitées aux formes compressives et précoces, en l’absence de malformation associée. Ce geste nécessite une bonne expérience des actes échoguidés et expose à des complications : migration secondaire du drain, rupture prématurée des membranes. La naissance doit avoir lieu à proximité d’une unité de réanimation néonatale. La prise en charge néonatale (Dr L. Desfrère, Paris) comporte une part respiratoire (ablation immédiate des drains pour éviter un pneumothorax, éventuels drainages complémentaires, voire symphyse pleurale à la Bétadine®), et une part nutritionnelle : nutrition parentérale exclusive dans le but de tarir toute sécrétion de chyle. Le traitement médical donne de bons résultats, avec 73 % de survie chez les enfants nés vivants, mais seulement 46 % chez les fœtus ayant nécessité un drainage anténatal. Il existe cependant un certain nombre de problèmes, dont de fréquents pneumothorax et des associations qui viennent grever le pronostic : hypoplasie pulmonaire, lymphangiectasie, récidive de l’épanchement. LES ANOMALIES DE LA PAROI THORACIQUE (Dr M. Le Merrer, Dr M.C. Aubry, Dr G. Finidori, Paris) Elles sont très rares et s’intègrent dans des cadres très variables. La Lettre du Gynécologue - n° 253 - juin 2000 ● Le syndrome de Poland associe une agénésie du grand pectoral et une symbrachydactylie, qui permet le diagnostic. Il est très sporadique. Il n’y a pas d’anomalie du thorax proprement dit, mais une hypoplasie du membre supérieur. La gravité de cette pathologie est liée au trouble, chez la jeune fille, accompagnant le préjudice esthétique important (agénésie de la glande mammaire). L’atteinte de la main est de gravité variable : brachymésophalangie avec syndactylie. ● Défaut pariétal thoracique : – Le spina thoracique est beaucoup plus rare qu’au niveau lombosacré. – Cœlosomies supérieures : le syndrome de Cantrell est une omphalocèle sus-ombilicale avec une fente sternale et une ectopie cardiaque. Il est sporadique, assez proche du syndrome thoraco-abdominal qui, lui, est lié à l’X. Les fentes sternales inférieures sont graves du fait des anomalies associées : déhiscence diaphragmatique, défaut de formation du péricarde, malformation cardiaque. Ces fœtus doivent être opérés le plus vite possible. ● Thorax étroit : il peut être dû à une chondrodysplasie avec côtes courtes, une dystrophie thoracique de Jeune. Le pronostic dépend de l’étroitesse thoracique et des troubles respiratoires qui en découlent. La polydactylie sera évocatrice d’un syndrome d’Ellis-Van Creveld. Il associe en outre une petite taille, un thorax étroit, une micromélie. Il est récessif autosomique. Le gène vient d’être tout récemment localisé sur le chromosome 4. ● Troubles de la segmentation vertébrale : – Le syndrome de Klippel-Feil : il regroupe des anomalies des vertèbres cervicales et dorsales, un pterygium colli, une implantation basse des cheveux. Le pronostic est fonction des lésions rachidiennes. Lorsqu’une surdité profonde est associée, il prend le nom de syndrome de Wildervanck. – La dysplasie spondylocostale, dont on distingue deux types : la dysplasie spondylothoracique, avec des côtes en éventail, des vertèbres dorsales et lombosacrées en puzzle, dont le pronostic est sévère ; des troubles étagés de la segmentation rachidienne, syndrome très hétérogène, même si certains avec des anomalies urinaires peuvent être récessifs autosomiques. – Les synspondylies réalisent des fusions vertébrales étagées et une fusion des os du carpe et du métacarpe, avec des côtes en ailes de papillon. On retrouve dans ce cadre le syndrome de Robinow avec mésomélie, hypoplasie génitale et l’association VATER. Au terme de ce catalogue d’anomalies pariétales thoraciques, on peut retenir qu’il n’existe malheureusement pas de bases moléculaires. Les modèles animaux sont nombreux, mais encore peu pertinents chez l’homme. Ces observations doivent être colligées, avec conservation de matériel ADN pour l’avenir. En conclusion, les Journées de médecine fœtale de Morzine apportent désormais chaque année un regard nouveau sur les pathologies fœtales. Elles sont animées par des spécialistes incontestés, dans une ambiance à la fois conviviale et studieuse. ■ 9