L Stratégie thérapeutique dans le cancer du col utérin D

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Stratégie thérapeutique dans le cancer du col utérin
Therapeutic options for cervical carcinoma
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M. Rodrigues, C. Lhommé, C. Haie-Meder, P. Morice, P. Duvillard, P. Pautier*
L
e cancer du col utérin se distingue par son étiopathogénie étroitement liée au caractère oncogène de certains
membres d’une famille d’agents infectieux pandémiques,
celle des papillomavirus humains (HPV). Il s’agit du cancer
le plus fréquent chez la femme à l’échelle mondiale après le
cancer du sein. Il y a eu une nette diminution de l’incidence et
de la mortalité par cancer du col dans les pays ayant introduit
les frottis cervico-vaginaux de dépistage, qui permettent la
découverte et le traitement des lésions intra-épithéliales et les
tumeurs de plus petits stades. En 2002, il s’agissait en France
de la huitième localisation cancéreuse chez la femme (1). Les
premiers cas apparaissent autour de l’âge de 20 ans, avec une
incidence progressivement croissante, pour atteindre un plateau
à partir de l’âge de 40 ans, l’âge médian au diagnostic étant
d’environ 50 ans.
Des progrès ont été réalisés dans la prise en charge des cancers
du col lors de la dernière décennie (radio-chimiothérapie concomitante, amélioration des techniques chirurgicales ou nouvelles
modalités de chimiothérapie). Ils se traduisent par une augmentation de la survie, une amélioration de la qualité de vie des
femmes et une préservation de la fertilité pour certaines patientes
sélectionnées présentant une maladie de très petit stade. Malgré
cela, près de 1 600 femmes meurent chaque année de ce cancer,
pour une incidence annuelle d’environ 4 000 nouveaux cas (1).
Le cancer invasif du col utérin est défini par l’existence d’une
tumeur avec une infiltration stromale de plus de 5 mm et/ou
une extension en surface de plus de 7 mm. La classification la
plus utilisée est la classification FIGO (Fédération internationale
de gynécologie oncologique), qui est une classification clinique
(tableau). Afin d’optimiser la prise en charge des patientes
atteintes d’un cancer du col utérin, des Standards, options, et
recommandations (SOR) fondées sur les données de la littérature
ont été rédigés par les spécialistes français (2, 3).
ÉVALUATION PRÉTHÉRAPEUTIQUE
La stadification est une étape essentielle à la décision thérapeutique et doit être réalisée avec précision dans ce groupe
de tumeurs. Le bilan préthérapeutique doit être fait de façon
multidisciplinaire par au moins deux praticiens qualifiés incluant,
* Comité de gynécologie médicale, Institut Gustave-Roussy, Villejuif.
La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 5 - mai 2007
Tableau. Classification FIGO.
FIGO
Survie à 5 ans (%)
Stade 0
Carcinome in situ
Stade I
Carcinome limité au col
Stade Ia
Carcinome invasif préclinique
Stade Ia1
Invasion < 3 mm en profondeur et < 7 mm
horizontalement
98
Stade Ia2
Invasion > 3 mm et < 5 mm
en profondeur et < 7 mm horizontalement
95
Stade Ib
Tumeur limitée au col > stade Ia2
Stade Ib1
Lésion < 4 cm
89
Stade Ib2
Lésion > 4 cm
76
Stade II
Extension au-delà de l'utérus < stade III
Stade IIa
Sans envahissement paramétrial
74
Stade IIb
Avec envahissement paramétrial
66
Stade III
Extension à la paroi ou au tiers inférieur du
vagin ou hydronéphrose
40 à 42
Stade IIIa
Extension au tiers inférieur du vagin sans
atteinte de la paroi pelvienne
40
Stade IIIb
Extension à la paroi pelvienne et/ou hydronéphrose ou rein muet
42
Stade IV
Tumeur pelvienne évoluée ou extrapelvienne
9 à 22
Stade IVa
Atteinte muqueuse vésicale ou rectale et/ou
extension extrapelvienne
22
Stade IVb
Métastases à distance
9
Tous stades confondus
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D ossier thématique
> 95
76 à 89
66 à 74
70
si possible, un chirurgien spécialisé et un radiothérapeute. La
stadification doit être réalisée de préférence selon la classification
FIGO, qui repose sur l’examen minutieux d’un clinicien expérimenté, éventuellement sous anesthésie générale, comprenant
les touchers pelviens (examen au spéculum ou sous valves). Ce
stade ne doit pas être modifié par les examens paracliniques,
sauf anatomopathologiques de lésions biopsiées, cystoscopie
en cas de tumeur volumineuse et/ou d’extension antérieure,
rectoscopie en cas de suspicion d’atteinte rectale, ainsi que pour
définir les stades IIIB et IV : urographie intraveineuse, radiologies
pulmonaire et osseuses.
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D ossier thématique
Les erreurs d’appréciation clinique du stade ne sont pas rares
et ont été étudiées par la FIGO dans un rapport colligeant les
données mondiales de près de 15 000 patientes incluses entre
1999 et 2001 (4). Ce rapport a, entre autres, étudié la concordance entre le stade FIGO et le stade pTNM après chirurgie
première. On remarque que les taux de concordance sont globalement supérieurs à 70 %, voire 80 % pour les petites tumeurs
(stade inférieur ou égal au stade Ib1) et les tumeurs évoluées
(stade supérieur ou égal au stade IIIb). Mais on observe une
discordance de près de 40 % pour les tumeurs de stades Ib2, IIa,
IIb et IIIa, expliquée principalement par les difficultés à estimer
la taille et l’invasion tumorales. Le traitement et le pronostic
étant différents dans ces cas, cette discordance doit amener le
clinicien à être le plus attentif possible lors de l’évaluation.
En plus de la stadification FIGO, le bilan local doit idéalement
comporter une imagerie par résonance magnétique (IRM)
pelvienne. Le bilan d’extension ganglionnaire peut être fait
chirurgicalement. En l’absence de vérification chirurgicale, il sera
réalisé par tomodensitométrie (TDM) ou IRM. La visualisation
de l’appareil urinaire (en particulier l’existence d’un retentissement sur le haut appareil) est réalisée par échographie rénale
et vésicale, par IRM ou sur les clichés tardifs urinaires d’une
TDM injectée. La recherche des métastases à distance (principalement pulmonaires, hépatiques et osseuses) sera dépendante
des facteurs pronostiques et des équipes. La multiplication du
nombre d’appareils de tomographie par émission de positons
(TEP) disponible en France permet une utilisation répandue
de cet examen s’il existe un doute sur une localisation secondaire de la tumeur. Cet examen s’avère spécialement utile pour
les tumeurs volumineuses avec un premier bilan d’extension
négatif. Son utilisation systématique dans le cadre du bilan
d’extension, en particulier ganglionnaire, fait l’objet d’études en
cours. Ce n’est actuellement pas un standard. Les marqueurs ne
présentent pas d’intérêt diagnostique et leur dosage (SCC pour
les cancers épidermoïdes, ACE pour les adénocarcinomes) est
recommandé dans le cadre du bilan initial pour obtenir une
valeur de référence avant suivi.
FACTEURS PRONOSTIQUES
Les principaux facteurs pronostiques sont le stade, la taille de la
tumeur et l’existence d’un envahissement ganglionnaire (nombre
de ganglions envahis, rupture capsulaire, uni- ou bilatéralité de
l’atteinte pelvienne, atteinte lombo-aortique). La fréquence de
l’atteinte ganglionnaire dépend du stade, de la taille tumorale et
de l’âge des malades. Les taux d’envahissement pelvien et lomboaortique sont respectivement de 17 % et de 6 % dans les tumeurs
de stade IB, de 22 % et de 12 % dans les stades II, et varient
de 35 à 50 % dans les stades III (5). L’existence d’une atteinte
ganglionnaire lombo-aortique est de très mauvais pronostic (6).
Le jeune âge des patientes, en particulier avant 30 ans, semble
être un facteur pronostique défavorable. En revanche, le rôle
pronostique du type histologique de la tumeur et celui de son
degré de différenciation (grade) sont plus discutés (6).
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MOYENS THÉRAPEUTIQUES
Chirurgie
L’objectif de la chirurgie est double : le contrôle local de la
tumeur, et une éventuelle stadification ganglionnaire par lymphadénectomie pelvienne et/ou lombo-aortique.
L’intervention de référence des cancers du col curables chirurgicalement est une chirurgie radicale : la colpo-hystérectomie
élargie (hystérectomie associée à une résection du paramètre et
du dôme vaginal) [7]. Cette intervention est réalisée classiquement par laparotomie, mais elle peut aussi être effectuée par voie
vaginale (intervention de Schauta) ou laparoscopico-vaginale.
Une annexectomie bilatérale est a priori pratiquée mais, dans
certains cas, les ovaires peuvent être conservés, puis transposés
avant une irradiation postopératoire éventuelle.
Les cinq différents modes d’hystérectomie selon cette classification sont (7) :
le type I, qui correspond à une hystérectomie extrafasciale
simple réservée à la chirurgie après radiothérapie externe avec
réponse macroscopiquement complète en fin de traitement ;
les types II et III, qui sont les plus fréquents et consistent en
une hystérectomie totale avec colpectomie, la différence entre ces
deux types se faisant principalement sur l’extension de l’exérèse
des paramètres et du paracervix. L’hystérectomie de type III
correspond à l’opération de Wertheim-Meigs ;
les types IV et V, qui se rapprochent des exentérations
pelviennes avec, en ce qui concerne le type IV, une dissection
complète des uretères jusqu’au trigone vésical et une colpectomie des trois quarts, le type V étant associé à une cystectomie
partielle ou à une résection urétérale.
La trachélectomie élargie est une technique d’éxérèse large du
col, d’une collerette vaginale et des paramètres par un abord
mixte cœlio-vaginal. Elle s’accompagne d’une lymphadénectomie pelvienne. Réservée aux centres expérimentés dans des
indications très limitées, elle permet aux femmes jeunes présentant une tumeur de petit stade et ayant un désir de grossesse
de préserver leur fertilité au prix d’un risque accru de fausses
couches et de prématurité (8).
L’exentération pelvienne chirurgicale pratiquée en rattrapage
(absence de rémission complète ou rechute centro-pelvienne)
est particulièrement lourde. Elle consiste en l’exérèse de la tumeur
avec cystectomie et/ou pelvectomie postérieure. Cette opération est
grévée d’un taux de complications élevé, avec une mortalité de 5 à
15 % et une morbidité de 20 à 50 %, principalement infectieuse et
digestive avec épisodes occlusifs (9). Cette chirurgie doit donc être
réservée aux récidives centro-pelviennes et réalisée par des équipes
entraînées chez des patientes dont l’état général est bon.
Lymphadénectomie
L’invasion lymphatique des cancers du col se fait habituellement par voie ascendante avec invasion des relais successifs.
La lymphadénectomie a un rôle diagnostique, pronostique et
probablement thérapeutique. Dans tous les cas, elle est pelvienne
(c’est-à-dire étendue aux groupes iliaques externes et primitifs), et dans certains cas lombo-aortique, jusqu’au niveau de la
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veine rénale gauche (LLA). La voie d’abord de référence pour la
lymphadénectomie est la laparotomie, mais elle peut être pratiquée aussi par laparoscopie (avec des opérateurs très entraînés
à la chirurgie oncologique par cœlioscopie).
La technique du ganglion sentinelle est à présent bien connue
des oncologues, principalement pour son application aux cancers
du sein et aux mélanomes. Cette technique appliquée au cancer
du col utérin est actuellement controversée : sa fiabilité fait
l’objet de débats, de même que l’intérêt de la surstadification
qu’elle entraîne sur des ganglions qui auraient été considérés
comme indemnes par les techniques anatomopathologiques
habituelles, avec l’apparition dans ce type de cancer du concept
de “micro-métastase”. Des essais sont en cours pour tenter de
valider cette technique.
La transposition ovarienne a pour but de préserver la fonction
hormonale par une technique chirurgicale permettant, en prévision d’une radiothérapie, de diminuer la dose de rayonnement
reçue par les gonades en les éloignant du champ d’irradiation
dans les gouttières pariéto-coliques. Diverses techniques sont
utilisées et peuvent être pratiquées par voie cœlioscopique par les
équipes expérimentées. Cette transposition ovarienne n’est pas
réalisée en cas de grosse tumeur (risque de métastase ovarienne)
et/ou après 40 ans (10).
Irradiation
La curiethérapie est particulièrement adaptée aux cancers du col
utérin. Les techniques de curiethérapie gynécologique endocavitaire varient en fonction des équipes. Certaines correspondent à
des systèmes standardisés et d’autres conduisent à la réalisation
de systèmes adaptés à l’anatomie de chaque patiente. Le matériel
radioactif utilisé est dans la plupart des cas le césium 137, qui
permet d’employer un projecteur de sources radioactives. La
curiethérapie endocavitaire à bas débit reste la référence en
opposition aux modalités interstitielles ou de haut débit. Cela
correspond à une dose quotidienne de 10 grays (Gy) nécessitant donc une hospitalisation d’une semaine environ pour
une curiethérapie utéro-vaginale préopératoire (11). Les doses
de curiethérapie sont généralement de 60 Gy dans le temps
préopératoire ; si elle est réalisée après radiothérapie externe,
elle permet alors de compléter jusqu’à la dose de 60 Gy, soit
une dose de 15 Gy si celle d’irradiation externe a été de 45 Gy.
Des recommandations internationales sont décrites dans le
rapport de l’International Commission on Radiation Units and
Measurements (12).
La radiothérapie externe (RTE) doit utiliser des photons d’au
moins 10 MV avec au moins deux champs. Quatre sont recommandés. La limite supérieure du champ inclut les chaînes
ganglionnaires iliaques primitives se situant à la jonction L4L5 et peut être réduite à L5-S1 pour les tumeurs Ib-IIa de faible
volume sans envahissement ganglionnaire pelvien. La limite
inférieure inclut une marge de sécurité d’au moins 4 cm. En
cas d’infiltration de la partie distale du paramètre, l’irradiation
couvrira la totalité du vagin. En cas d’envahissement de celuici, une irradiation inguinale prophylactique est optionnelle.
L’irradiation lombo-aortique se fait généralement à l’aide de
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deux champs antéro-postérieurs et la limite supérieure du
champ d’irradiation correspond à l’interligne D12-L1. La dose
par fraction est classiquement de 1,8 Gy et tous les champs
d’irradiation doivent être traités le même jour afin de diminuer
les risques de complications.
Tous les champs d’irradiation sont simulés et les renseignements
apportés par les examens radiologiques complémentaires comme
la TDM et l’IRM jouent un rôle fondamental dans la détermination des limites de ces champs d’irradiation (13).
Chimiothérapie
La chimiothérapie peut être utilisée selon différentes modalités :
en traitement néo-adjuvant, de façon concomitante à la radiothérapie externe pour potentialiser l’effet de l’irradiation, en
adjuvant, ou encore dans les formes avancées ou métastatiques.
Les drogues les plus efficaces en termes de taux de réponse et de
durée de rémission sont les sels de platine, les agents alkylants,
les agents intercalants et, plus récemment, les inhibiteurs de la
topo-isomérase I.
Elle a été testée en phase néo-adjuvante dans les tumeurs de
mauvais pronostic, l’objectif étant de diminuer le volume de
la lésion principale tout en stérilisant au plus tôt les éventuels
foyers micrométastatiques. Une première méta-analyse (14) a
identifié 21 essais randomisés publiés et en a retenu 15 pour
l’analyse portant sur la chimiothérapie néo-adjuvante suivie
par une RTE versus RTE seule dans les tumeurs avancées.
Cette étude ne pouvait conclure en faveur ni en défaveur de
la chimiothérapie néo-adjuvante. Une deuxième méta-analyse
sur données individuelles a été publiée (15). Elle collectait
18 essais testant chimiothérapie et RTE versus RTE seule ainsi
que 5 essais cliniques randomisés évaluant une chimiothérapie
néo-adjuvante suivie d’une chirurgie versus RTE seule. L’ensemble de la méta-analyse était négative ; en revanche, dans le
sous-groupe chimiothérapie et chirurgie versus RTE, il y avait
une amélioration de la survie à 5 ans de 15 %. C’est un bénéfice
comparable à l’apport de la radiochimiothérapie concomitante.
Dans ce contexte, la chimiothérapie néo-adjuvante ne doit être
proposée que dans le cadre d’un essai prospectif tel que celui de
l’EORTC comparant chimiothérapie néo-adjuvante suivi d’une
chirurgie ± RTE à la radiochimiothérapie.
Le concept d’administration concomitante de chimiothérapie à
une radiothérapie repose sur un double rationnel : l’effet radiosensibilisant de certaines drogues de chimiothérapie qui pourrait
augmenter le contrôle local, et l’action de la chimiothérapie sur
d’éventuelles micrométastases à distance qui pourrait réduire le
risque métastatique. Neuf essais ont été réalisés entre 1998 et 2001.
À la suite des résultats des 5 premiers essais, qui comparaient la
RTE seule à la radiochimiothérapie concomitante (RTCT) à base
de cisplatine et qui montraient un effet significatif sur la survie,
une recommandation internationale a été faite en février 1999.
La méta-analyse de Green publiée en 2001 (16) et portant sur
19 essais randomisés a confirmé l’avantage en survie de 12 %
en faveur de la radiochimiothérapie, avec une augmentation du
contrôle local et la diminution du risque de métastase. Toutes les
patientes ont bénéficié de l’association, mais celles qui en tirent
Dossier thématique
D ossier thématique
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le plus gros avantage sont celles présentant des tumeurs de petit
stade (I-II) avec facteurs de mauvais pronostic (16). La toxicité à
court terme de l’association est tolérable mais supérieure à celle
de la radiothérapie seule ; celle à long terme reste à définir. Deux
protocoles sont retenus comme options dans les SOR : le cisplatine (CDDP) à la dose de 40 mg/m2 hebdomadaire et l’association
CDDP (50 à 75 mg/m2) et 5-FU (4 g/m2 sur 4 jours) toutes les 3
à 4 semaines. Ces deux protocoles semblent d’efficacité similaire
(17, 18), mais l’association serait plus toxique.
Peu d’études ont exploré son utilisation en phase adjuvante
après chirurgie (avec ou sans radiothérapie), et la seule réalisée
avec randomisation ne montrait pas de différence significative
en termes de survie sans rechute (19). On ne peut donc pas
conclure à son intérêt, et elle ne devrait être proposée que dans
le cadre d’un essai thérapeutique.
PROTOCOLES THÉRAPEUTIQUES
Stades Ib1 de moins de 2 cm
Il n’y a pas de standard de prise en charge mais deux options :
la chirurgie première et l’association radio-chirurgicale. La
chirurgie première comprendra une lymphadénectomie
pelvienne avec examen extemporané des ganglions pelviens,
puis une colpohystérectomie élargie. La lymphadénectomie
lombo-aortique n’est alors pratiquée que s’il existe des ganglions
pelviens métastatiques. La curiethérapie vaginale est réalisée
après l’intervention chirurgicale en l’absence d’indication d’une
irradiation pelvienne (facteurs de mauvais pronostic comme
une extension ganglionnaire). Chez les femmes jeunes désireuses de grossesse et présentant une tumeur sans aucun
facteur de mauvais pronostic (ni embole lymphatique ni
extension ganglionnaire), la trachélectomie élargie pourra
être proposée dans les centres spécialisés, sans curiethérapie
complémentaire.
Dans le cas de l’association radio-chirurgicale, la chirurgie sera
précédée d’une curiethérapie utérovaginale 6 à 8 semaines avant.
Si l’examen anatomo-pathologique définitif révèle la présence
d’une atteinte ganglionnaire ou des marges de résection envahies,
il faudra compléter ce traitement par une radiochimiothérapie
concomitante.
Stades Ib1, IIa, IIb de bon pronostic
Ces tumeurs sont définies par une taille inférieure à 4 cm, une
absence d’invasion ganglionnaire et une absence d’envahissement
microscopique des paramètres en cas de chirurgie première.
Il n’y a pas de standard de traitement mais plusieurs options :
la radiothérapie exclusive (radiothérapie externe pelvienne et
curiethérapie de complément), la chirurgie première suivie d’une
radiothérapie externe en fonction des facteurs pronostiques ou
une association radio-chirurgicale (curiethérapie utérovaginale
suivie d’une chirurgie ± radiothérapie externe en fonction des
facteurs pronostiques pathologiques). Ce groupe de tumeurs
étant de bon pronostic, ce choix sera fait en tenant compte de
la morbidité des différentes possibilités.
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Stades Ib2, IIa, IIb proximaux de mauvais pronostic
Ces tumeurs sont définies par une taille supérieure à 4 cm
et/ou un envahissement ganglionnaire. Pour ce groupe de
tumeurs, le standard de traitement est la radiochimiothérapie. On associe donc une radiochimiothérapie première
sur l’ensemble du pelvis, avec surdosage des paramètres, et
une curiethérapie. En cas d’atteinte ganglionnaire pelvienne
et en l’absence d’envahissement ganglionnaire lombo-aortique
évident à l’imagerie, il existe une option thérapeutique du
curage lombo-aortique ou de l’irradiation lombo-aortique
prophylactique. En cas de mauvais état général des patientes,
l’irradiation sera préférentiellement réalisée sans chimiothérapie concomitante.
La chirurgie après radiochimiothérapie n’est indiquée formellement qu’en cas de résidu tumoral après un délai minimal de
six à huit semaines ; en son absence, l’indication chirurgicale
est discutable. Il n’y a aucune preuve statistique d’amélioration
de la survie globale grâce à ce complément, mais il existe une
augmentation des complications iatrogènes (20). En présence
d’une réponse radiologique complète, le complément chirurgical
ne doit donc être proposé que dans le cadre réglementé d’un
essai clinique.
Stades IIb distaux, III, IV
Dans ces stades de tumeur localement évoluée, la radiochimiothérapie est considérée comme un standard de traitement
bien que, dans les études, les patientes atteintes de tumeurs
de stades III et IV bénéficient moins de l’association que les
patientes présentant une tumeur de plus petit stade (21). L’irradiation lombo-aortique prophylactique en cas d’invasion
ganglionnaire pelvienne et en l’absence d’autre métastase
représente un standard. Pour les stades IVa, la chirurgie sous
la forme d’une exentération pelvienne est une option éventuellement associée à une irradiation et/ou à une chimiothérapie
préopératoire. Cette possibilité est en particulier retenue quand
il n’existe pas d’envahissement fixé à la paroi, ni d’extension
lombo-aortique ou à distance de la maladie.
RÉCIDIVES ET MÉTASTASES
Les cancers du col utérin en récidive ou métastatiques sont des
tumeurs de mauvais pronostic avec, en général, une médiane
de survie de moins de un an.
La prise en charge chirurgicale ou par irradiation des récidives
locales dépendra des antécédents de RTE ou de curiethérapie
pelviennes, de la possibilité d’exérèse chirurgicale (maladie
centro-pelvienne) et de l’existence d’une récidive à distance
associée. Si la réalisation de ces traitements est impossible ou
encore dans les cas de lésions diffuses, la discussion aura lieu
entre chimiothérapie et soins de confort.
L’une des drogues les plus actives dans le cancer du col est le
cisplatine, avec un taux de réponse dans ces stades de 20 à 30 %
environ pour une médiane de survie de 8 à 10 mois. La dose
recommandée est 50 mg/m² toutes les 3 semaines (22).
La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 5 - mai 2007
Une seule association a fait la preuve d’une amélioration
significative de la survie globale (9,2 mois versus 7 mois pour
le cisplatine seul) dans l’essai 179 du Gynecologic Oncology
Group (GOG) associant le CDDP (50 mg/m2 J1) au topotécan
(0,75 mg/m2 J1, J2, J3) [23]. La médiane de survie du bras de
référence CDDP seul peut paraître étonnante au vu des autres
essais de polychimiothérapie à base de CDDP, qui avaient pour
ce groupe de meilleurs résultats, allant de 8 (24) à 17 mois (25)
de survie globale. Ce résultat peut s’expliquer par l’avènement
de la radiochimiothérapie à base de CDDP. Dans les études les
plus anciennes, il s’agissait pour les patientes de leur première
exposition aux sels de platine. On remarquera d’ailleurs que,
dans l’essai 179 du GOG, le sous-groupe de femmes non traitées
au préalable par du cisplatine présentait une meilleure réponse.
Cette association CDDP et topotécan est donc actuellement la
polychimiothérapie de référence dans ces stades (26).
Malgré cela, la mise en place d’un traitement médical n’est pas
systématique et doit être discutée en tenant compte de plusieurs
facteurs : le faible taux de réponse des lésions en territoire irradié
et l’intervalle libre entre la fin du traitement initial et la récidive,
en particulier si le traitement a comporté du CDDP. Aucun essai
à grande échelle n’a été réalisé afin de comparer la chimiothérapie
aux meilleurs soins de support. En effet, le gain de survie globale
n’est pas majeur, et la toxicité importante : asthénie, cytopénies,
neuropathie périphérique, insuffisance rénale organique chez
des patientes ayant une fonction rénale de base déjà souvent
altérée par les obstructions vésico-urétérales.
Dans ces stades, les options thérapeutiques sont donc, en dehors
de l’inclusion dans des essais thérapeutiques testant de nouvelles
associations ou de nouvelles drogues (en particulier, les thérapeutiques ciblées), la chimiothérapie seule par CDDP (le meilleur
index thérapeutique étant à la dose de 50 mg/m2/3 semaines)
ou associé au topotécan (0,75 mg/m2 pendant 3 jours toutes les
3 semaines) et la prise en charge palliative active, en particulier
s’il s’agit de récidive en zone irradiée et donc peu sensible à la
chimiothérapie (environ 5 % de réponses).
FORMES HISTOLOGIQUES
Les carcinomes épidermoïdes sont la forme la plus fréquente des
cancers du col (environ 85 %) et représentent avec les adénocarcinomes (environ 10 %) la grande majorité de ces tumeurs.
Les protocoles thérapeutiques pour ces types de tumeurs sont
globalement identiques. Lorsqu’une patiente présente une autre
forme, le premier réflexe doit donc être, étant donné le peu de
cas dans la population et la difficulté de leur prise ne charge, de
l’adresser à un centre de référence de cancer du col.
Parmi les types histologiques rares, on retrouve les tumeurs
neuro-endocrines à petites cellules qui présentent des caractéristiques à la fois des tumeurs cervicales classiques (rôle des
papillomavirus) et des tumeurs à petites cellules d’autres localisations (agressivité, métastases précoces). Il s’agit donc d’une forme
de mauvais pronostic avec une survie globale à 5 ans d’environ
25 %, même dans les formes localisées. Il n’y a pas de consensus
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sur leur prise en charge, mais leur risque métastatique élevé a
amené les équipes à recourir à des protocoles lourds associant
chimiothérapie néo-adjuvante, adjuvante, radio-chimiothérapie
en plus de la chirurgie, qui se doit d’être radicale.
AVENIR
L’avenir de la prise en charge du cancer du col utérin passe
d’abord par sa prévention : primaire grâce au vaccin anti-HPV,
secondaire grâce aux frottis cervico-vaginaux et tertiaire grâce
à l’amélioration de la surveillance des patientes traitées.
L’avenir du traitement curatif passera d’abord par l’amélioration
des techniques de radio-chimiothérapie (en déterminant les
meilleures modalités d’irradiation et les meilleures drogues à
lui associer), de curiethérapie et de chirurgie.
En ce qui concerne la chimiothérapie, les améliorations viendront de l’utilisation de nouvelles drogues et de nouvelles
synergies mais aussi peut-être de la modification des modes
d’administration. Plusieurs essais sont en cours pour évaluer
la meilleure chimiothérapie des stades métastatiques et récidivants, en particulier l’essai 204 à quatre bras du GOG évaluant
le CDDP associé au paclitaxel, à la gemcitabine, à la vinorelbine
ou au topotécan.
En plus de ces modalités classiques, deux nouvelles voies d’avenir
semblent intéressantes. Les thérapeutiques ciblées permettent
une action précise sur le plan moléculaire en fonction de la
biologie spécifique d’une tumeur. Plusieurs essais sont actuellement en cours, mais leurs résultats sont trop précoces. Plusieurs
orientations sont à évaluer : les antiangiogéniques (bévacizumab,
sunitinib, lapatinib, pazopanib, etc.), les anti-EGFR (cétuximab),
un inhibiteur du protéasome (bortézomib), mais, peut-être
aussi, bientôt les inhibiteurs de MDM2 (la dysrégulation de
p53 étant probablement le primum movens de cette tumeur)
et d’autres voies encore…
La seconde direction est l’immunothérapie. Deux méthodes
sont explorées : celle d’un vaccin à base de peptides longs immunogènes dérivés des deux onco-protéines de HPV, ainsi que
l’utilisation d’une immunothérapie par cellules dendritiques
préparées avec l’onco-protéine E7 de HPV 18.
Ces nouvelles thérapeutiques laissent espérer en association
avec les thérapeutiques actuelles une amélioration du taux de
survie de ces patientes.
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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 5 - mai 2007
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