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D I T O R I A L
Que reste-t-il
de la chirurgie rythmique ?
● P. Menasché*
Mots-clés
Chirurgie cardiaque - Troubles du rythme cardiaque.
cette question presque provocante, on serait tenté
d’apporter une réponse lapidaire : rien. Cette conclusion serait cependant un peu hâtive. Il est vrai, néanmoins, que les progrès de la rythmologie interventionnelle ont
fait pratiquement disparaître la chirurgie des syndromes de préexcitation, tandis que les développements technologiques incessants des défibrillateurs automatiques implantables réduisaient
considérablement la place de la chirurgie dans le traitement des
tachycardies ventriculaires. Il en reste toutefois quelques rares
indications qui seront d’abord mentionnées, avant que soit développé ce qui constitue aujourd’hui l’essentiel de la chirurgie rythmique, à savoir le traitement peropératoire de la fibrillation
auriculaire.
À
TACHYCARDIES VENTRICULAIRES
La chirurgie des tachycardies ventriculaires ne se conçoit plus
que comme un geste d’appoint dans le cadre de la cure d’un anévrysme du ventricule gauche, pathologie dont la fréquence a ellemême beaucoup diminué, sans doute en raison des progrès accomplis dans le traitement de l’infarctus du myocarde au stade aigu.
La technique a peu évolué et reste principalement fondée sur la
ventriculotomie circulaire d’exclusion décrite par G. Guiraudon.
On se rappelle que le principe est, une fois le sac anévrismal
ouvert, la création d’une tranchée entre myocarde infarci et myocarde sain afin d’interrompre les circuits de réentrée. Cet isolement électrique est complété par une cryothérapie (applications
contiguës, tout le long de cette tranchée, d’une cryode refroidissant à – 60 °C pendant quelques minutes).
Le geste est habituellement complété par un remodelage ventriculaire selon la technique de Dor, qui consiste, après avoir resserré le collet faisant communiquer la cavité ventriculaire proprement dite avec la poche anévrismale, à fermer cet orifice à
l’aide d’un patch synthétique. Le geste rythmique est pratique* Service de chirurgie cardiovasculaire B, hôpital Bichat, Paris.
La Lettre du Cardiologue - n° 354 - avril 2002
ment toujours fait actuellement “à l’aveugle”, c’est-à-dire sans
cartographie, procédure longue et fastidieuse et qui n’a plus guère
d’intérêt en raison du caractère systématique du tracé de l’incision endocardique.
FIBRILLATION AURICULAIRE
En fait, l’essentiel de la chirurgie rythmique actuelle est représenté par le traitement peropératoire de la fibrillation auriculaire
associé à un geste, si possible conservateur, sur la valve mitrale.
L’objectif attendu est naturellement le retour en rythme sinusal
et, par conséquent, la possibilité pour le patient, que la valve
mitrale ait été réparée ou remplacée par une bioprothèse, d’échapper au traitement anticoagulant. On connaît de longue date l’intervention dite du labyrinthe (maze) décrite par Cox, et qui
consiste, par une série de sections-sutures, à cloisonner les
oreillettes droite et gauche. Cette intervention, qui a subi de multiples variantes techniques, est longue, potentiellement hémorragique, et pour ces raisons, sa place est restée limitée.
Un regain d’intérêt pour le concept a toutefois été apporté
par la possibilité d’une utilisation peropératoire de la radiofréquence, geste qui, à défaut d’être toujours efficace, est en tout
cas suffisamment simple et peu invasif pour justifier des indications assez libérales. Ce geste peut se faire par voie exclusivement endocardique ou mixte, épi- ou endocardique. Cette dernière variante nous paraît plus simple et c’est celle que nous avons
adoptée. Dans un premier temps, avant le départ de la circulation
extracorporelle, on procède à l’encerclement des veines pulmonaires droites à l’aide du cathéter de radiofréquence, qui est tout
à fait souple et malléable. Ce cathéter est relié à un générateur
qui permet de délivrer un premier courant de radiofréquence.
Après le départ de la circulation extracorporelle, mais avant le
clampage aortique, on répète la même manœuvre autour des
veines pulmonaires gauches, après une luxation du cœur qui,
compte tenu de la décompression des cavités gauches, est à la
fois facile et bien tolérée. Après clampage aortique et ouverture
de l’oreillette gauche, on pratique deux autres applications de
radiofréquence : la première le long d’une ligne qui relie les orifices des veines pulmonaires droites et gauches ; la seconde, perpendiculaire à la première, allant de la base de l’auricule gauche
(secondairement suturé) à la commissure antérieure de la valve
mitrale. Les deux séries cliniques les plus importantes sont actuellement celles de Melo (1) au Portugal et du groupe d’Alfieri (2)
à Milan. Le retour en rythme sinusal, qui n’est d’ailleurs pas
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nécessairement immédiat, s’observe dans environ 70 % des cas
et s’accompagne, souvent aussi avec un certain retard, de la récupération d’une contractilité auriculaire à l’échocardiographie. Si
l’ancienneté de la fibrillation auriculaire ne semble pas influencer les résultats, il n’en est pas de même du diamètre de l’oreillette
gauche, et l’on ne s’étonnera guère que les résultats soient moins
bons en cas d’ectasie auriculaire gauche préopératoire (volume
supérieur à 200 cm3 dans la série de Melo). L’intérêt principal de
la voie exclusivement épicardique est qu’elle peut être éventuellement réalisée sans circulation extracorporelle, ce qui, dans l’esprit de ses concepteurs, pourrait conduire à une extension des
indications à des patients ne nécessitant pas automatiquement un
geste associé sur la valve mitrale.
CONCLUSION
de la chirurgie de la valve mitrale, tout en sachant que les indications ne sont pas si fréquentes, car l’amélioration des techniques
de plastie conduit de plus en plus à des indications assez précoces, à un stade où le patient est bien souvent encore en rythme
sinusal. Ces limites confirment la place aujourd’hui très réduite
des interventions rythmiques dans le cadre de la chirurgie cardiaque.
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Bibliographie
1. Melo J, Adragao P, Neves J et al. Endocardial and epicardial radio-frequency ablation in the treatment of atrial fibrillation with a new intra-operative device. Eur J Cardio-thorac Surg 2000 ; 18 : 182-6.
2. Benussi S, Pappone C, Nascimbene S et al. A simple way to treat chronic
Retombée directe des progrès de la rythmologie interventionnelle, l’application peropératoire de la radiofréquence au traitement de la fibrillation auriculaire a aujourd’hui sa place au sein
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atrial fibrillation during mitral valve surgery : the epicardial radio-frequency approach. Eur J Cardio-thorac Surg 2000 ; 17 : 524-9.
La Lettre du Cardiologue - n° 354 - avril 2002
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