La Lettre du Cardiologue - n° 354 - avril 2002
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cette question presque provocante, on serait tenté
d’apporter une réponse lapidaire : rien. Cette conclu-
sion serait cependant un peu hâtive. Il est vrai, néan-
moins, que les progrès de la rythmologie interventionnelle ont
fait pratiquement disparaître la chirurgie des syndromes de pré-
excitation, tandis que les développements technologiques inces-
sants des défibrillateurs automatiques implantables réduisaient
considérablement la place de la chirurgie dans le traitement des
tachycardies ventriculaires. Il en reste toutefois quelques rares
indications qui seront d’abord mentionnées, avant que soit déve-
loppé ce qui constitue aujourd’hui l’essentiel de la chirurgie ryth-
mique, à savoir le traitement peropératoire de la fibrillation
auriculaire.
TACHYCARDIES VENTRICULAIRES
La chirurgie des tachycardies ventriculaires ne se conçoit plus
que comme un geste d’appoint dans le cadre de la cure d’un ané-
vrysme du ventricule gauche, pathologie dont la fréquence a elle-
même beaucoup diminué, sans doute en raison des progrès accom-
plis dans le traitement de l’infarctus du myocarde au stade aigu.
La technique a peu évolué et reste principalement fondée sur la
ventriculotomie circulaire d’exclusion décrite par G. Guiraudon.
On se rappelle que le principe est, une fois le sac anévrismal
ouvert, la création d’une tranchée entre myocarde infarci et myo-
carde sain afin d’interrompre les circuits de réentrée. Cet isole-
ment électrique est complété par une cryothérapie (applications
contiguës, tout le long de cette tranchée, d’une cryode refroidis-
sant à – 60 °C pendant quelques minutes).
Le geste est habituellement complété par un remodelage ventri-
culaire selon la technique de Dor, qui consiste, après avoir res-
serré le collet faisant communiquer la cavité ventriculaire pro-
prement dite avec la poche anévrismale, à fermer cet orifice à
l’aide d’un patch synthétique. Le geste rythmique est pratique-
ment toujours fait actuellement “à l’aveugle”, c’est-à-dire sans
cartographie, procédure longue et fastidieuse et qui n’a plus guère
d’intérêt en raison du caractère systématique du tracé de l’inci-
sion endocardique.
FIBRILLATION AURICULAIRE
En fait, l’essentiel de la chirurgie rythmique actuelle est repré-
senté par le traitement peropératoire de la fibrillation auriculaire
associé à un geste, si possible conservateur, sur la valve mitrale.
L’objectif attendu est naturellement le retour en rythme sinusal
et, par conséquent, la possibilité pour le patient, que la valve
mitrale ait été réparée ou remplacée par une bioprothèse, d’échap-
per au traitement anticoagulant. On connaît de longue date l’in-
tervention dite du labyrinthe (maze) décrite par Cox, et qui
consiste, par une série de sections-sutures, à cloisonner les
oreillettes droite et gauche. Cette intervention, qui a subi de mul-
tiples variantes techniques, est longue, potentiellement hémorra-
gique, et pour ces raisons, sa place est restée limitée.
Un regain d’intérêt pour le concept a toutefois été apporté
par la possibilité d’une utilisation peropératoire de la radio-
fréquence,geste qui, à défaut d’être toujours efficace, est en tout
cas suffisamment simple et peu invasif pour justifier des indica-
tions assez libérales. Ce geste peut se faire par voie exclusive-
ment endocardique ou mixte, épi- ou endocardique. Cette der-
nière variante nous paraît plus simple et c’est celle que nous avons
adoptée. Dans un premier temps, avant le départ de la circulation
extracorporelle, on procède à l’encerclement des veines pulmo-
naires droites à l’aide du cathéter de radiofréquence, qui est tout
à fait souple et malléable. Ce cathéter est relié à un générateur
qui permet de délivrer un premier courant de radiofréquence.
Après le départ de la circulation extracorporelle, mais avant le
clampage aortique, on répète la même manœuvre autour des
veines pulmonaires gauches, après une luxation du cœur qui,
compte tenu de la décompression des cavités gauches, est à la
fois facile et bien tolérée. Après clampage aortique et ouverture
de l’oreillette gauche, on pratique deux autres applications de
radiofréquence : la première le long d’une ligne qui relie les ori-
fices des veines pulmonaires droites et gauches ; la seconde, per-
pendiculaire à la première, allant de la base de l’auricule gauche
(secondairement suturé) à la commissure antérieure de la valve
mitrale. Les deux séries cliniques les plus importantes sont actuel-
lement celles de Melo (1) au Portugal et du groupe d’Alfieri (2)
à Milan. Le retour en rythme sinusal, qui n’est d’ailleurs pas
ÉDITORIAL
Que reste-t-il
de la chirurgie rythmique ?
●P. Menasché*
*Service de chirurgie cardiovasculaire B, hôpital Bichat, Paris.
Mots-clés
Chirurgie cardiaque - Troubles du rythme cardiaque.
À