Informations I nformations Diabète : “tu me fends le cœur” XXe Journée de l’APIC (Samedi 25 novembre 2006 [2e partie]) N. Laredj* LA REvASCuLARISATIOn Du DIABéTIQuE P. Henry (Paris) Il existe actuellement entre 800 000 et 1 500 000 diabétiques méconnus en France, et près de 50 % des patients non diabétiques admis en soins intensifs cardiologiques sont en réalité prédiabétiques. Il est également important de rechercher une ischémie silencieuse chez le diabétique, car elle est plus fréquente, avec une prédominance de lésions tritronculaires sévères, de mauvais pronostic. Le dépistage de l’ischémie silencieuse doit être réalisé chez les patients diabétiques qui ont des facteurs de risque cardiovasculaire associés, qui présentent des symptômes, même frustes, une autre atteinte vasculaire ou encore une protéinurie. L’ancienneté du diabète ne semble pas être un facteur déterminant dans la recherche d’une ischémie ; elle permet essentiellement de préciser l’importance de la sévérité des complications du diabète, en particulier des lésions de microangiopathie. Le risque de resténose avec les stents nus Les facteurs prédictifs de resténose coronaire sont essentiellement la taille de l’artère, la longueur de la lésion et la présence ou non d’un diabète. Dans de nombreuses études telles que RAVEL et SIRIUS, dans les sous-groupes de diabétiques, le pourcentage de resténose est significativement plus élevé chez les patients qui ont un stent nu que chez ceux ayant un stent actif (respectivement 41 % versus 0 % dans l’étude RAVEL à six mois, p = 0,002 ; 48 % versus 8 % dans l’étude SIRIUS, p < 0,001). Dans le groupe stent actif (CYPHER), le taux de revascularisation était significativement plus faible à deux ans, ainsi que le risque d’événements cardiovasculaires majeurs définis par la mortalité toute cause, l’infarctus et la revascularisation à deux ans. Dans la méta-analyse des études TAXUS II, IV, V et VI – stents actifs au paclitaxel –, qui a étudié le sous-groupe de diabétiques, le taux de resténose était significativement plus élevé chez les patients avec un stent nu que chez ceux qui avaient un stent actif, quel que soit leur traitement antidiabétique (traitement oral ou insulinothérapie), de même que le taux de revascularisation à neuf mois. * Institut du Cœur, groupe hospitalier de la Pitié-Salpêtrière, Paris. 10 Le risque de thrombose de stent Il existe chez le diabétique, comparé aux autres patients, un risque accru de rupture de plaque et de thrombose, en rapport avec une “hyperagrégation plaquettaire” encore plus marquée, une augmentation des récepteurs plaquettaires à la glycoprotéine IIb/IIIa, ainsi qu’une sécrétion plus importante de facteurs prothrombotiques tels que le fibrinogène, le facteur Willebrand, les facteurs VII et VIII, PAI-1 ; d’où l’intérêt d’un blocage complet ou du moins efficace de l’agrégation plaquettaire. À cet effet, les anti-GPIIb/IIIa jouent un rôle important lors d’une procédure d’angioplastie, comme le montrent les études EPILOG et EPISTENT. La mortalité à un an était significativement plus faible chez les patients diabétiques ayant bénéficié d’abciximab per procédure que dans le groupe contrôle. Le risque de thrombose de stent est d’autant plus présent que les lésions coronaires sont complexes, plus longues, siégeant sur de petits vaisseaux ou sur des bifurcations, fréquemment sur des stents longs. Ce risque est également proportionnel à l’âge des patients et à la présence de comorbidités associées. La revascularisation chirurgicale chez le diabétique Si une indication de revascularisation chirurgicale est retenue, il est actuellement recommandé de privilégier un pontage tout artériel, par les artères mammaires internes, en particulier chez le diabétique. La mortalité intra-hospitalière après un pontage aortocoronarien reste supérieure à celle de l’angioplastie coronaire, et elle est d’autant plus élevée que le patient présente des comorbidités associées. Quelle revascularisation chez le diabétique ? Dans l’essai ARTS II, réalisé chez 607 patients bénéficiant d’un stent actif au sirolimus (26 % de diabétiques), et qui a inclus les données de son prédécesseur ARTS I (comparant le pontage aortocoronarien et les stents nus chez 1 202 patients, dont 18 % de diabétiques ayant des lésions coronaires tritronculaires), les résultats à un an n’ont pas démontré de différence significative entre les stents actifs et la revascularisation chirurgicale, et ce concernant la mortalité totale, l’infarctus ou la réintervention. En revanche, il existait une différence nette entre les deux groupes de stents, en faveur des stents actifs. Dans l’étude BARI, la mortalité cardiovasculaire à cinq ans est significativement plus élevée chez les diabétiques qui ont bénéficié d’une angioplastie que dans le groupe chirurgie. La Lettre du Cardiologue - n° 404 - avril 2007 >>> Informations I nformations >>> En pratique, la revascularisation chirurgicale est réservée aux patients diabétiques qui présentent des lésions coronaires diffuses, en particulier les diabétiques sous insuline, et seulement si les artères mammaires internes sont fonctionnelles. Acarbose Conclusion Le diabète étant une maladie chronique, notre objectif thérapeutique primaire est de stabiliser la progression de la maladie. Le diabétique peut être assimilé à un tabagique qui fume deux paquets par jour et qui ne veut pas arrêter, ou à un patient qui a un taux de LDL-c à 1,90 g/l et qui ne veut pas prendre de statine. Notre rôle est d’abord de contrôler le diabète (cible de HbA1c < 7 %) et les autres facteurs de risques cardiovasculaires, de traiter le syndrome métabolique (HTA, dyslipidémie, etc.), et de dépister précocement les complications du diabète. Les problèmes qui se posent chez les diabétiques sont les suivants : – l’HTA est souvent mal contrôlée alors que les objectifs tensionnels sont plus difficiles à atteindre chez les diabétiques ; – la dyslipidémie est souvent difficile à traiter (types VI et IIb) ; – quel est le traitement du HDL-c bas ? – les traitements antiagrégants plaquettaires doivent-ils être calqués sur ceux des non-diabétiques en prévention secondaire ? – faut-il traiter la dysfonction endothéliale ? En pratique, il faudrait en premier lieu équilibrer la glycémie pendant la revascularisation et utiliser tout l’arsenal thérapeutique pendant la procédure, puis assurer, dans un second temps, une prise en charge globale du patient et de ses facteurs de risque associés : équilibrer le diabète, traiter l’hypertension artérielle, corriger la dyslipidémie et assurer un suivi rapproché. FLASH D’ACTuALITé : LES FuTuRS TRAITEMEnTS Du DIABèTE DE TYpE 2 J. Girard (Paris) Les agents pharmacologiques actuellement disponibles pour baisser la glycémie chez le diabétique ont des mécanismes d’action différents (figure 1) : – les sulfonylurées augmentent la sécrétion d’insuline ; – l’acarbose retarde l’absorption des sucres ; – les glitazones augmentent principalement le captage musculaire du glucose ; – la metformine diminue la production hépatique du glucose ; – les analogues de l’insuline corrigent la carence en insuline. La perspective actuelle serait de développer chez le diabétique de type 2 d’autres agents thérapeutiques, qui agiraient de manière spécifique : – en améliorant la sécrétion d’insuline en réponse au glucose ; 12 Intestin Foie – Metformine Sulfonylurées – – Glucose Glitazones + + Muscle Insuline + Pancréas Figure 1. Le site d’action des antidiabétiques oraux. – en mimant l’action de l’insuline ; – en l’augmentant (insulinorésistance) ; – en inhibant la production hépatique de glucose ; – en induisant la néogenèse et la prolifération, et/ou en diminuant l’apoptose des cellules β pancréatiques. Les nouveaux agents thérapeutiques améliorant la sécrétion d’insuline en réponse au glucose Les glinides, comme les sulfonylurées, agissent sur la fermeture du canal K-ATP, mais leur action est plus rapide et de moins longue durée. Leur intérêt est de mimer la sécrétion rapide d’insuline lors des repas ; ils restaurent ainsi la phase rapide d’insulinosécrétion chez le diabétique. Le glucagon-like peptide-1 (GLP-1) agit via des récepteurs couplés à la production d’AMP cyclique, à différents niveaux : il potentialise la sécrétion d’insuline en réponse au glucose et réduit la sécrétion du glucagon ; il induit la néogenèse et la prolifération des cellules β dans les îlots de Langerhans ; enfin, il inhibe la vidange gastrique et la prise alimentaire. L’inconvénient principal est sa dégradation rapide dans la circulation sanguine. L’idéal serait de développer une forme “retard” ou de mettre au point un inhibiteur de la dipeptidyl peptidase IV, l’enzyme qui dégrade le GLP-1. Nouveaux agents agissant par des voies de signalisation différentes de celles de l’insuline Les activateurs de l’AMP kinase La contraction musculaire stimule le captage du glucose par le muscle, par une voie différente de celle de l’insuline. Elle met en jeu une protéine kinase : l’AMP kinase. Deux adipocytokines, libérées par le tissu adipeux, améliorent l’insulinosensibilité musculaire en stimulant cette enzyme (figure 2). La Lettre du Cardiologue - n° 404 - avril 2007 Leptine Adiponectine Contraction Insulinémie Glycémie (µU/ml) 100 AMP kinase Kinase 75 Ca ++ (mg/dl) 400 Répaglinide 50 AMP kinase + Stimulation du transport de glucose AICAR Inhibition de l’oxydation des acides gras AMP kinase-P Figure 2. Les activateurs de l’AMP kinase. Les inhibiteurs de la lipolyse L’acide nicotinique (Acipimox), comme les glitazones, diminue la libération des FFA (free fatty acid) par le tissu adipeux, responsable d’une diminution de la néoglucogenèse, d’une augmentation de la sécrétion d’insuline et de l’utilisation du glucose. Il améliore de ce fait l’insulinosensibilité. Les inhibiteurs de l’inflammation Le salsalate (Disalcid®) améliore également l’insulinosensibilité, en bloquant l’IKKβ (inhibiteur du kappa B kinase β qui diminue le transport du glucose et réduit les effets métaboliques de l’insuline). Nouveaux agents améliorant la tolérance au glucose en période postabsorptive La phase précoce d’insulinosécrétion joue un rôle important dans l’hyperglycémie postprandiale. Les glinides, en restaurant la sécrétion précoce d’insuline, améliorent l’hyperglycémie postprandiale chez le diabétique. Ils diminuent également la production hépatique de glucose (figure 3). L’absence de réduction de la production hépatique de glucose en période postprandiale chez le diabétique est due en partie à la non-suppression du glucagon. L’inhibition de la sécrétion du glucagon par les GLP-1 joue un rôle important dans l’hyperglycémie postprandiale (figure 4). Nouveaux agents inhibant la production hépatique de glucose Ce sont les antagonistes non peptidiques du glucagon, les inhibiteurs de la glycogène phosphorylase et les inhibiteurs d’enzymes de la néoglucogenèse. La Lettre du Cardiologue - n° 404 - avril 2007 0 Répaglinide 200 25 + Diabétiques 300 Diabétiques Informations I nformations 100 - 60 0 60 120 180 240 360 Minutes 0 - 60 0 60 120 180 240 360 Minutes Glucose Répaglinide Glucose Répaglinide Figure 3. Rôle des glinides en période postprandiale. Glycémie (mg/dl) 400 Diabétiques 300 200 Diabétiques + GLP-1 100 0 - 60 0 60 120 180 240 360 Minutes Glucose GLP-1 Figure 4. Rôle des GLP-1 dans l’hyperglycémie postprandiale. Nouveaux agents améliorant la signalisation insulinique L-783-281 (extrait d’un champignon tropical) est un activateur non peptidique de l’activité tyrosine kinase du récepteur de l’insuline, actif par voie orale, et qui a démontré chez les souris diabétiques une diminution de la glycémie de 50 % en quatre heures. Les souris invalidées pour le gène de la tyrosine phosphatase (1B PTP-1B) ont une sensibilité augmentée à l’insuline et sont résistantes à l’induction d’une obésité par un régime hyperlipidique. Les inhibiteurs de la PTP-1B auront pour but de diminuer la glycémie des souris diabétiques. ■ 13