48 | La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXVI - n° 2 - mars-avril 2011
CONGRÈS
RÉUNION
Actualités de la CROI 2011
Boston, 27 février-2 mars
J.L. Meynard*, V. Martinez**, C. Delaugerre***, A.M. Taburet****
La Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI) s’est tenue
cette année à Boston. Comme souvent, beaucoup de communications, mais pas de
véritable scoop concernant la prise en charge des patients. L’équipe du comité de
rédaction de La Lettre de l’Infectiologue vous en propose un compte-rendu sélectif.
Tuberculose et infection
par le VIH : quand instaurer
le traitement antirétroviral ?
À ce jour, deux essais prospectifs randomisés ont été
réalisés pour évaluer le bénéfice de l’introduction
précoce ou retardée des antirétroviraux (ARV) chez les
patients infectés par le VIH et atteints d’une tubercu-
lose (1, 2). L’étude CAMELIA (Cambodian early versus
late introduction of antiretroviral drugs) avait mis en
évidence le bénéfice d’une introduction précoce (à S2
versus S8) chez des patients très immunodéprimés ; de
même, dans le cadre de l’étude SAPiT (Starting antire-
troviral therapy at 3 points in tuberculosis therapy), l’on
avait constaté le bénéfice d’une introduction à S12
versus la fin du traitement antituberculeux. L’étude
STRIDE (Havlir D et al., abstract 38) présentée ici a
inclus 806 patients avec une tuberculose suspectée
ou confirmée, patients chez lesquels le traitement
antirétroviral était commencé immédiatement
(dans les 2 semaines suivant le début du traitement
antituberculeux) ou précocement (8 à 12 semaines
après le début du traitement antituberculeux). La
randomisation était stratifiée selon que le taux de
CD4 était inférieur ou supérieur à 50/mm
3
. Le critère
principal de jugement était la survenue d’un nouvel
événement classant sida ou d’un décès. La médiane
de la charge virale (CV) initiale était de 5,43 log
10
copies/ml, la médiane de CD4 à 77 cellules/mm3, et
le diagnostic de tuberculose confirmé ou suspecté
dans – respectivement – 46 et 54 % des cas.
L’analyse globale ne montre pas de bénéfice en faveur
du bras de traitement immédiat (12,9 % de patients
présentant un décès ou une progression de la maladie)
versus 16,1 % dans le bras traitement différé (p = 0,45).
En revanche, lorsque l’analyse est restreinte à la popula-
tion de patients ayant moins de 50 CD4/mm3, il existe
un bénéfice significatif en faveur du groupe traitement
immédiat (15,5 % versus 26,6 % de patients avec le
critère de jugement principal, p = 0,02). La mortalité
attribuée à la tuberculose semble plus importante dans
le groupe traitement immédiat que dans le groupe traite-
ment différé (14 patients versus 7) mais non rapportée à
la survenue d’un syndrome de restauration immunitaire
(IRIS [Immune Reconstitution Inflammatory Syndrome]).
La survenue d’un IRIS est significativement plus
fréquente dans le groupe traitement immédiat que dans
le groupe traitement différé (11 % versus 5 %) mais elle
est sans impact sur le critère de jugement principal. Lors
de la même session, S.S. Abdool Karim (abstract 39 LB)
a rapporté des résultats complémentaires de l’étude
SAPIT (1). SAPiT est une étude sud-africaine randomisée
et contrôlée, réalisée chez des patients infectés par le
VIH (CD4 < 500 cellules/mm
3
) et ayant une tuberculose
pulmonaire bacillifère. Là aussi, les auteurs ont comparé
un traitement très précoce (dans les 4 semaines suivant
l’instauration du traitement antituberculeux : 8 jours
en moyenne) chez 214 patients versus un traitement
moins précoce (dans les 4 semaines suivant la phase
d’induction : 95 jours en moyenne) chez 215 patients.
À l’inclusion, les taux médians de CD4 (150 cellules/
mm3) et la CV initiale (5,1 à 5,2 log10 copies/ml) étaient
comparables dans les 2 bras. Les résultats prouvent
qu’il y a un bénéfice à traiter immédiatement (réduc-
tion du risque de sida/décès de 68 %) quand les taux
de CD4 sont inférieurs à 50 cellules/mm
3
, malgré un
risque accru d’IRIS (46,8 versus 9,9/100 personnes-
années ; RR = 4,71 ; p = 0,01). Chez les patients avec un
taux de CD4 ≥ 50 cellules/mm3, retarder la mise sous
traitement antirétroviral permet de réduire le risque
d’IRIS (7,2 versus 15,8/100 personnes-années ; RR = 2,18 ;
p = 0,02) et de diminuer la nécessité de changer de trai-
tement à cause des effets indésirables sans compro-
mettre la survie/survenue de sida. Ces résultats vont
dans le même sens que ceux de l’étude CAMELIA, qui
attestaient d’un bénéfice global (sur l’ensemble de la
population étudiée), car la médiane des CD4 dans cette
étude était de 25 cellules/mm
3
: ils confirment donc
l’intérêt d’une introduction précoce des ARV dans les 2 à
4 premières semaines en cas de tuberculose pulmonaire
chez des patients infectés par le VIH et dont les CD4
sont inférieurs à 50/mm3.
* Service des maladies infectieuses,
hôpital Saint-Antoine, Paris.
** Service de médecine interne et
d’immunologie clinique, hôpital
Antoine-Béclère, Clamart.
*** Laboratoire de virologie, hôpital
Saint-Louis, Paris.
**** Service de pharmacie clinique,
hôpital Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre.