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CONGRÈS
RÉUNION
Actualités de la CROI 2011
Boston, 27 février-2 mars
J.L. Meynard*, V. Martinez**, C. Delaugerre***, A.M. Taburet****
La Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI) s’est tenue
cette année à Boston. Comme souvent, beaucoup de communications, mais pas de
véritable scoop concernant la prise en charge des patients. L’équipe du comité de
rédaction de La Lettre de l’Infectiologue vous en propose un compte-rendu sélectif.
Tuberculose et infection
par le VIH : quand instaurer
le traitement antirétroviral ?
* Service des maladies infectieuses,
hôpital Saint-Antoine, Paris.
** Service de médecine interne et
d’immunologie clinique, hôpital
Antoine-Béclère, Clamart.
*** Laboratoire de virologie, hôpital
Saint-Louis, Paris.
**** Service de pharmacie clinique,
hôpital Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre.
À ce jour, deux essais prospectifs randomisés ont été
réalisés pour évaluer le bénéfice de l’introduction
précoce ou retardée des antirétroviraux (ARV) chez les
patients infectés par le VIH et atteints d’une tuberculose (1, 2). L’étude CAMELIA (Cambodian early versus
late introduction of antiretroviral drugs) avait mis en
évidence le bénéfice d’une introduction précoce (à S2
versus S8) chez des patients très immunodéprimés ; de
même, dans le cadre de l’étude SAPiT (Starting antiretroviral therapy at 3 points in tuberculosis therapy), l’on
avait constaté le bénéfice d’une introduction à S12
versus la fin du traitement antituberculeux. L’étude
STRIDE (Havlir D et al., abstract 38) présentée ici a
inclus 806 patients avec une tuberculose suspectée
ou confirmée, patients chez lesquels le traitement
antirétroviral était commencé immédiatement
(dans les 2 semaines suivant le début du traitement
antituberculeux) ou précocement (8 à 12 semaines
après le début du traitement antituberculeux). La
randomisation était stratifiée selon que le taux de
CD4 était inférieur ou supérieur à 50/mm3. Le critère
principal de jugement était la survenue d’un nouvel
événement classant sida ou d’un décès. La médiane
de la charge virale (CV) initiale était de 5,43 log10
copies/ml, la médiane de CD4 à 77 cellules/mm3, et
le diagnostic de tuberculose confirmé ou suspecté
dans – respectivement – 46 et 54 % des cas.
L’analyse globale ne montre pas de bénéfice en faveur
du bras de traitement immédiat (12,9 % de patients
présentant un décès ou une progression de la maladie)
versus 16,1 % dans le bras traitement différé (p = 0,45).
En revanche, lorsque l’analyse est restreinte à la popula-
48 | La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXVI - n° 2 - mars-avril 2011 tion de patients ayant moins de 50 CD4/mm3, il existe
un bénéfice significatif en faveur du groupe traitement
immédiat (15,5 % versus 26,6 % de patients avec le
critère de jugement principal, p = 0,02). La mortalité
attribuée à la tuberculose semble plus importante dans
le groupe traitement immédiat que dans le groupe traitement différé (14 patients versus 7) mais non rapportée à
la survenue d’un syndrome de restauration immunitaire
(IRIS [Immune Reconstitution Inflammatory Syndrome]).
La survenue d’un IRIS est significativement plus
fréquente dans le groupe traitement immédiat que dans
le groupe traitement différé (11 % versus 5 %) mais elle
est sans impact sur le critère de jugement principal. Lors
de la même session, S.S. Abdool Karim (abstract 39 LB)
a rapporté des résultats complémentaires de l’étude
SAPIT (1). SAPiT est une étude sud-africaine randomisée
et contrôlée, réalisée chez des patients infectés par le
VIH (CD4 < 500 cellules/mm3) et ayant une tuberculose
pulmonaire bacillifère. Là aussi, les auteurs ont comparé
un traitement très précoce (dans les 4 semaines suivant
l’instauration du traitement antituberculeux : 8 jours
en moyenne) chez 214 patients versus un traitement
moins précoce (dans les 4 semaines suivant la phase
d’induction : 95 jours en moyenne) chez 215 patients.
À l’inclusion, les taux médians de CD4 (150 cellules/
mm3) et la CV initiale (5,1 à 5,2 log10 copies/ml) étaient
comparables dans les 2 bras. Les résultats prouvent
qu’il y a un bénéfice à traiter immédiatement (réduction du risque de sida/décès de 68 %) quand les taux
de CD4 sont inférieurs à 50 cellules/mm3, malgré un
risque accru d’IRIS (46,8 versus 9,9/100 personnesannées ; RR = 4,71 ; p = 0,01). Chez les patients avec un
taux de CD4 ≥ 50 cellules/mm3, retarder la mise sous
traitement antirétroviral permet de réduire le risque
d’IRIS (7,2 versus 15,8/100 personnes-années ; RR = 2,18 ;
p = 0,02) et de diminuer la nécessité de changer de traitement à cause des effets indésirables sans compromettre la survie/survenue de sida. Ces résultats vont
dans le même sens que ceux de l’étude CAMELIA, qui
attestaient d’un bénéfice global (sur l’ensemble de la
population étudiée), car la médiane des CD4 dans cette
étude était de 25 cellules/mm3 : ils confirment donc
l’intérêt d’une introduction précoce des ARV dans les 2 à
4 premières semaines en cas de tuberculose pulmonaire
chez des patients infectés par le VIH et dont les CD4
sont inférieurs à 50/mm3.
CONGRÈS
RÉUNION
VIH et vitamine D :
impact du ténofovir
et de l’efavirenz
Plusieurs études ont rapporté une carence fréquente
en vitamine D chez les patients infectés par le VIH.
L’impact de certains ARV sur le métabolisme de la vitamine D reste discuté. D. Wohl et al. (abstract 79 LB)
ont rapporté les résultats de la rilpivirine (TMC278)
ou de l’efavirenz en association au ténofovir chez des
patients naïfs inclus dans l’étude ECHO. L’objectif
principal était d’évaluer chez ces patients l’évolution des taux en 25-OH vitamine D sous traitement
pendant 48 semaines, en particulier chez les patients
présentant une insuffisance (21 à 29 ng/­ml) ou une
carence (10 à 20 ng/ml) à l’inclusion.
Les résultats montrent que l’efavirenz est plus souvent
associé à la survenue d’une carence sévère (< 10 ng/­ml)
à S48 en comparaison à la rilpivirine (20 % versus 4 %),
probablement par un effet inducteur sur le CYP450
impactant le métabolisme de la vitamine D.
Une des questions posées en cas de déficit en vitamine D concerne les modalités de supplémentation. Il n’existe à ce jour que très peu de données
permettant de recommander un schéma standard.
P. Haevens et al. (abstract 80) ont évalué l’impact
de la supplémentation systématique par vitamine D3
(50 000 UI/mois à l’inclusion, à S4 et à S8 ; n = 102)
versus placebo (n = 101) dans une population de
sujets âgés de 18 à 24 ans (20,9 ans de moyenne
d’âge, IMC moyen à 25,6 kg/m2, 52 % d’Afro-Américains), ayant une CV < 5 000 copies/­ml et étant
sous traitement antirétroviral inchangé depuis au
moins 3 mois, traitement qui comportait (n = 118)
ou non (n = 85) du ténofovir. L’hypothèse était qu’en
augmentant la réabsorption tubulaire du phosphate,
la vitamine D diminue les taux sériques de parathormone (PTH), les phosphatases alcalines osseuses
et le C-télopeptide (CTX). À l’inclusion, 55 % des
patients présentaient une carence en vitamine D
(taux de 25-OH vitamine D < 20 ng/ml), et les
taux de PTH étaient significativement plus élevés
chez les patients sous ténofovir (47,7 pg/ml versus
31,2 pg/­ml dans le bras contrôle ; p < 0,001). Les
résultats montrent qu’à S12, 95 % des patients du
bras supplémenté présentent un taux de 25-OH
vitamine D ≥ 20 ng/ml (+ 47 % versus + 16 % seulement dans le bras placebo ; p < 0,001).
En revanche, on observe que cette correction est
associée à une baisse significative de la PTH uniquement dans le bras ténofovir, ce qui suggère une interaction entre ténofovir, PTH et vitamine D.
Essais thérapeutiques
sur le VIH
Le maître-mot de cette 18 e CROI était “PrEP”
(prophylaxie pré-exposition [Pre-Exposure Prophylaxis]) ! Avec malgré tout des données attendues :
QDMRK, SPRINT, VIKING, etc.
Étude QDMRK
(Eron J et al., abstract 150 LB)
L’étude QDMRK, une étude randomisée de phase III et
de non-infériorité, a comparé, chez des patients naïfs
d’antirétroviraux (charge virale [CV] > 5 000 copies/­ml),
le raltégravir (RAL) 800 mg en une prise par jour
(n = 382) au RAL 400 mg × 2/j (n = 388) en association avec ténofovir/emtricitabine (TDF/FTC). Malgré
une efficacité viro-immunologique comparable à S48
(tableau I), le pourcentage de survenue d’un échec
virologique est plus important dans le bras RAL une
prise par jour que dans le bras RAL deux prises par jour
(13,9 % versus 9,0 %). Dans le bras une prise par jour,
des concentrations plasmatiques plus élevées et une
CV plus basse à l’inclusion sont associées à un taux de
succès de traitement plus élevé, alors qu’une association entre les concentrations plasmatiques et le succès
virologique n’a pas été retrouvée pour le bras RAL deux
prises par jour. Ces raisons expliquent que l’étude ait
été arrêtée prématurément à la fin de l’année 2010.
Étude VIKING
(Eron J et al., abstract 151 LB)
Les résultats préliminaires de l’étude VIKING
(cohorte 1) avaient été présentés à l’IAC à Vienne
en 2010. Le dolutégravir (DTG), nouvelle anti-intégrase (DTG–GSK1349572, 50 mg × 1/jour), avait
été évalué chez 27 patients prétraités en échec
(CV ≥ 1 000 copies/­ml) dotés d’une résistance génotypique au RAL (Q148H/K/R seule ou avec au moins
une mutation associée [N155H et/­ou Y143H]) et à
au moins 2 classes d’antirétroviraux. À J11, 78 % des
patients (21/27) présentaient une CV < 400 copies/­ml
Tableau I. Efficacité du raltégravir en une ou deux prises par jour selon le niveau de charge virale.
Patients avec charge virale (CV) < 50 copies/ml (%)
Total
CV initiale
CV initiale
≤ 100 000 copies/ml > 100 000 copies/ml
Variation
depuis l’inclusion
du taux de CD4
(cellules/mm3)
Total
RAL x 1/j
83,2
89,1
74,3
210
RAL x 2/j
88,9
91,9
84,3
196
– 2,7
(– 8,3 ; 2,7)
– 9,9
(– 19 ; – 0,8)
14
(– 7 ; 34)
RAL x 1/j
–  5,7
versus RAL x 2/j (– 10,7 ; – 0,83)
La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXVI - n° 2 - mars-avril 2011 | 49
CONGRÈS
RÉUNION
Tableau II. Molécules antirétrovirales en cours de développement.
Classe thérapeutique
Molécule
Laboratoire pharmaceutique
Phase de développement
Festinavir (E-d4T, anciennement OBP-601)
Bristol-Myers Squibb
Phase II
CMX-157 (conjugué lipidique du TDF)
Chimerix
Phase I
GS-7340 (prodrogue du TDF)
Gilead Sciences
Phase I
INNTI
GSK-2248761
GlaxoSmithKline
Phase II
Lersivirine (UK-453061)
Pfizer
Phase II
IP
CTP-518 (ATV – forme deuterinum modifiée)
Concert Pharmaceuticals
Phase I
TMC-310911
Tibotec
Phase II
Inhibiteurs CCR5
TBR-652 (inhibiteur CCR2)
Tobira Therapeutics
Phase II
PRO 140 (anticorps monoclonal anti-CCR5)
Progenics Pharmaceuticals
Phase II
Autres cibles
BMS-663068 (inhibiteur d’attachement)
Bristol-Myers Squibb
Phase II
Ibalizumab (anticorps monoclonal anti-CD4)
TaiMed Biologics
Phase II
ATV : atazanavir ; INTI : inhibiteur nucléosidique de la transcriptase inverse ; INNTI : inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse ; IP : inhibiteur de la protéase ;
TDF : ténofovir.
INTI
Tableau III. Efficacité préliminaire (S12) du télaprévir chez les patients VIH/VHC.
n (%)
ARN du VHC indétectable à S4
ARN du VHC indétectable à S12
ARN du VHC indétectable à S4 et S12*
A
Pas d’antirétroviraux
T/PR
Contrôle
n=7
n=6
5 (71)
0 (0)
5 (71)
1 (17)
3 (43)
0 (0)
B
EFV + TDF/FTC
T/PR
Contrôle
n = 16
n=8
12 (75)
1 (12)
12 (75)
1 (12)
10 (62)
0 (0)
C
ATV/r + TDF/FTC
T/PR
Contrôle
n = 14
n=8
9 (64)
0 (0)
8 (57)
1 (12)
6 (43)
0 (0)
Total
T/PR
n = 37
26 (70)
25 (68)
19 (49)
Contrôle
n = 22
0 (0)
3 (14)
0 (0)
* 41 patients ont atteint S12. ATV : atazanavir ; EFV : efavirenz ; FTC : emtricitabine ; r : ritonavir ; TDF : ténofovir.
ou une diminution d’au moins 0,7 log10 copies/ml de
leur CV. Dans la cohorte 2, 24 patients prétraités en
échec (CV ≥ 1 000 copies/­ml) avec une résistance
génotypique au RAL (index de résistance > 128) et à
au moins 2 classes d’antirétroviraux ont reçu du DTG
à raison de 50 mg × 2/j tout en continuant leur traitement antirétroviral, inchangé jusqu’à J11, date à laquelle
ce traitement était optimisé (à la différence de l’étude
de la cohorte 1, il était nécessaire pour l’optimisation
d’avoir au moins un antirétroviral pleinement actif). Les
résultats montrent qu’à J11, 96 % des patients (23/24)
présentent une CV < 400 copies/ml (n = 13) ou une
diminution d’au moins 0,7 log10 copies/ml (n = 23) de
leur CV (critère principal) versus 78 % dans la cohorte 1,
leur profil de tolérance étant jugé satisfaisant.
Pour finir, voici, telles que les a présentées le
Pr P. Yéni, les molécules de demain (tableau II).
Co-infection VIH/VHC
Télaprévir et génotype 1 :
analyse intermédiaire
(Sulkowski M et al., abstract 146 LB)
Cette étude a inclus des patients co-infectés VIH/­VHC
de génotype 1. Ces patients recevaient PEG-IFNα-2a
180 µg/sem. + ribavirine + télaprévir (TVR) ou placebo
pendant 12 semaines puis PEG-IFNα-2a 180 µg/sem. +
ribavirine entre S1 et S48. Les patients étaient répartis
50 | La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXVI - n° 2 - mars-avril 2011 en 3 bras : pas d’antirétroviraux (bras A), association EFV
(efavirenz) + TDF/FTC (bras B), ou ATV/r (atazanavir/­
ritonavir) + TDF/­FTC (bras C). La dose journalière de
TVR était augmentée à 1 125 mg × 3/j en cas d’association avec l’EFV. Cette analyse intermédiaire porte
sur 59 patients (13 dans le bras A et 46 dans le bras B).
Les résultats figurent dans le tableau III et montrent
que le nombre de patients chez qui une indétectabilité
de l’ARN du VHC a pu être obtenue à S4 et à S12 est
plus important dans les bras TVR, le profil de tolérance
étant comparable à celui attendu, sans aucun cas sévère
de rash, sans variation des paramètres viro-immunologiques VIH, quel que soit le bras.
Efficacité et tolérance du bocéprévir
(BOC) : essai SPRINT-2
(Sulkowski M et al., abstract 115)
Mille quatre-vingt-dix-sept patients (dont 159 AfroAméricains) naïfs de tout traitement, infectés
par un VHC de génotype 1 ont été randomisés en
3 groupes : un groupe 48 P/R recevant PEG-IFNα-2b
(1,5 µg/­k g/­s emaine) et ribavirine (0,6-1,4 g/j)
pendant 48 semaines, un groupe BOC/PR48 recevant PEG-IFNα-2b et ribavirine (traitement standard) pendant 4 semaines (phase de lead-in), suivis
du bocéprévir (2 400 mg/j en 3 prises) puis le traitement standard pendant une durée supplémentaire de
44 semaines ; enfin, un groupe “traitement adapté à
la réponse” (BOC/RGT), recevant du bocéprévir en
CONGRÈS
RÉUNION
Tableau IV. Efficacité à 48 semaines du bocéprévir chez les patients VHC (génotype 1, naïfs de traitement).
Cohorte 1 (non Afro-Américains)
BOC
Réponse guidée
LI+44BOC/P/R
par le traitement
N = 311
N = 316
N = 311
125 (40)
211 (67)
213 (68)
176 (57)
235 (74)
241 (77)
Contrôle
48P/R
RVS (%)
Réponse en fin
de traitement (%)
Rechute, n/N (%)
37/162 (23)
21/232 (9)
18/230 (8)
RVS en fonction de la diminution de l’ARN du VHC après 4 semaines, n/m (%)
< 1 log
3/62 (5)
21/73 (29)
31/79 (39)
> 1 log
121/234 (52)
187/228 (82)
178/218 (82)
Contrôle
48P/R
N = 52
12 (23)
15 (29)
Cohorte 2 (Afro-Américains)
BOC
Réponse guidée
LI+44BOC/P/R
par le traitement
N = 52
N = 55
22 (42)
29 (53)
26 (50)
36 (65)
2/14 (14)
3/25 (12)
6/35 (17)
0/21 (0)
12/26 (46)
6/24 (25)
16/24 (67)
5/16 (31)
22/36 (61)
BOC : bocéprévir ; P/R : PEG-IFN + ribavirine ; LI : Lead-in ; RVS : réponse virologique soutenue.
association avec le traitement standard pendant
24 semaines après une phase de lead-in de 4 semaines,
traitement standard poursuivi éventuellement pendant
une durée supplémentaire de 20 semaines si l’ARN était
détectable entre les semaines 8 et 24. Les résultats sont
détaillés dans le tableau IV. Les arrêts de traitement
liés à des effets indésirables étaient comparables dans
les trois groupes. Le bocéprévir en triple combinaison
est associé à une probabilité de guérison importante
(environ 70 %), et la réduction de la durée de traitement
chez les patients ayant un ARN indétectable à partir de
S8 semble être une option thérapeutique envisageable.
Virologie : essais
en prévention et traitement
de la primo-infection
Une grande partie de la conférence a concerné les
études cliniques, virologiques et pharmacologiques
autour de la PrEP. Des sous-études dans les deux grands
essais de PrEP, l’essai iPrEX (3) et l’essai CAPRISA (4),
ont été présentées. Les données actualisées d’iPrEX
confirment un taux de protection de 42 % (p = 0,001)
avec 54 personnes infectées dans le bras ténofovir/
emtricitabine (TDF/FTC) et 93 dans le bras placebo
(Grant et al., abstract 92). L’efficacité sur la réduction
de l’incidence dépend directement de l’adhérence au
TDF/FTC (16 % pour une adhérence < 50 %, 34 %
pour une adhérence entre 50 et 90 % et 68 % pour
une adhérence > 90 %). Les mutations aux codons
K65R, K70E, M184V et M184I ont été recherchées
avec des techniques ultrasensibles (PCR allèle spécifique) sur le plasma contemporain de la séroconversion (Liegler et al., abstract 97 LB). Aucune mutation
n’est détectée chez les 33 patients infectés du bras
TDF/FTC, confirmant la faible exposition au TDF/FTC
chez les personnes infectées. Parmi les 58 patients du
bras placebo, 2 présentent des variants résistants en
52 | La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXVI - n° 2 - mars-avril 2011 quantité minoritaire (K65R, 0,69 % et M184V, 1,26 %).
Enfin, chez 2 patients inclus malgré une séroconversion en cours, la sélection de la mutation M184V/I est
positive à l’inclusion puis n’est plus détectée à 9 et
12 semaines après l’arrêt du TDF/­FTC. Deux études
sur l’impact du TDF sur la toxicité osseuse montre une
faible mais significative baisse de la densité osseuse
au niveau de la hanche et du col du fémur (Liu et al.,
abstract 93, Mulligan et al., abstract 94 LB).
Dans l’essai CAPRISA, l’infection par le VIH, malgré une
bonne adhérence au gel de TDF, est liée à un haut niveau
d’inflammation du tractus génital avant l’infection,
mesuré par des concentrations élevées de cytokines au
niveau de la muqueuse (Roberts et al., abstract 991).
L’administration orale de TDF/FTC ne réduit pas l’acquisition de HSV2 parmi les homosexuels masculins
(HSM) inclus dans iPrEX (Lama et al., abstract 1002).
La concentration du TDF dans le tissu rectal ou dans
le pénis apparaît insuffisante (à la différence de l’application locale du gel dans l’essai CAPRISA) pour
protéger de l’infection par HSV2, mais permet de
diminuer légèrement l’expression clinique périanale.
Des essais de protection de l’infection par application
d’un gel vaginal à 1 % de raltégravir appliqué 3 heures
après l’exposition (post-exposition) ont été réalisés chez
le macaque et ont démontré que la protection se révélait
significative (Dobard et al., abstract 30). Enfin, il a été
démontré chez le singe recevant du TDF/FTC 3 jours
avant et 2 heures après l’exposition rectale répétée qu’il y
avait une protection complète vis-à-vis du virus porteur
de la mutation M184V (Cong et al., abstract 31).
Plusieurs présentations ont rapporté des résultats sur
l’efficacité d’un traitement antirétroviral instauré dès la
primo-infection. Un essai randomisé américain a étudié
l’effet d’un traitement composé de 5 antirétroviraux
(TDF/FTC/IP/r/RAL/MRV) sur le pourcentage de charge
virale indétectable (seuil à 50 copies/ml) à S48 chez
23 patients versus un traitement associant 3 antirétroviraux (TDF/FTC/PI/r) chez 11 patients (Markowitz et
CONGRÈS
RÉUNION
al., abstract 148 LB). L’intensification n’a pas démontré
de bénéfice significatif sur la diminution de la charge
virale (même au seuil de 1 copie/ml), sur la baisse de
l’ADN du VIH, sur le gain de CD4 et sur la diminution des marqueurs d’activation. Ces résultats sont
limités par le très faible effectif et l’hétérogénéité du
stade au moment de la primo-infection (très précoce
et précoce) de la population. Une étude similaire menée
en Thaïlande a rapporté le bénéfice à 6 mois d’un traitement par TDF/FTC/EFV/RAL/MRV instauré à un stade
très précoce (dans les 3 semaines) sur le contrôle de la
charge virale périphérique associé à une protection de
la destruction de la muqueuse digestive (augmentation
de la fréquence des cellules CD4 + CCR5 dans le colon)
chez 10 patients (Ananworanich et al., abstract 516).
Enfin, l’étude VISCONTI de l’ANRS (Saez-Cirion et
al., abstract 515) a décrit chez 10 patients en interruption thérapeutique depuis 6 ans (4 à 10 ans)
après avoir été traités pendant 3 ans (1 à 7,5 ans)
dès la primo-infection une réduction significative
de l’ADN du VIH, avec un maintien des capacités
immunitaires à contrôler le réservoir. Ces patients
ne sont pas porteurs de l’allèle HLA B*57 comme la
majorité des Elite controllers ; en revanche, 5 patients
sur 10 sont porteurs de l’allèle HLA*B35.
Pharmacologie
Plusieurs sessions de posters de pharmacologie
clinique ont encore été présentées cette année. Si
l’on tente de tirer quelques idées générales, les principales présentations peuvent être regroupées en
trois grandes rubriques : les concentrations dans les
cellule, les tissus et les compartiments ; les facteurs
pouvant expliquer la variabilité interindividuelle
de l’exposition ; les interactions médicamenteuses.
La grande nouveauté, cette année, dans ce dernier
domaine, est la présentation du profil d’interactions
des deux nouveaux inhibiteurs de la protéase du VHC,
le bocéprévir et le télaprévir, qui seraient, comme le
ritonavir, de puissants inhibiteurs du CYP3A4.
La diffusion des médicaments
antirétroviraux
Complétant des études antérieures, l’équipe du groupe
CHARTER (Best B et al., abstract 643) a montré que
les concentrations de darunavir et d’étravirine dans
le LCR étaient faibles, probablement du fait de la
fixation importante de ces molécules aux protéines
plasmatiques. Néanmoins, ces concentrations restent
supérieures à la CI50 des virus sauvages. Les concentrations de maraviroc dans le LCR, également très faibles
puisqu’elles représentent en moyenne 1 % des concentrations plasmatiques, restent néanmoins supérieures
à la CI90 de 0,57 ng/ml (Garvey L et al., abstract 642).
Variabilité interindividuelle
de l’exposition
Plusieurs études ont présenté l’influence du polymorphisme génétique d’enzymes ou de transporteurs
sur la variabilité des concentrations. Les conclusions
sont globalement assez décevantes, compte tenu
de nombreux autres facteurs qui participent à cette
variabilité. Une étude in vitro (Murphy M et al.,
abstract 635) a montré que la lipophilie du raltégravir
est pH-dépendante et diminuerait pour des pH > 5,
expliquant ainsi la grande variabilité de l’absorption et
des concentrations plasmatiques de ce médicament.
Interactions médicamenteuses
Les premiers résultats de l’étude ANRS 12150 qui
évalue la pharmacocinétique de deux schémas thérapeutiques de rifabutine en présence de lopinavir/­
ritonavir (LPV/n) chez des patients co-infectés par
le VIH et la tuberculose ont été présentés (Naiker
S et al., abstract 650). Cette étude a été réalisée
en Afrique du Sud : 14 patients (âge : 32 ans ; poids :
59 kg ; CD4 : 147 cellules/ml) ont reçu 300 mg/j de
rifabutine, puis, à l’introduction des antirétroviraux
avec le lopinavir/ritonavir, ils ont été randomisés
en deux groupes : rifabutine 150 mg × 3/sem. et
150 mg/j. Les AUC et Cmax de la rifabutine aux différentes posologies sont indiqués dans le tableau V.
Seule la posologie de 150 mg/j en présence de lopinavir/
ritonavir permet d’obtenir une Cmax supérieure à 300 ng/
ml, qui est la concentration minimale efficace. Cette
étude est d’autant plus importante que, compte tenu
de la mauvaise tolérance de la rifabutine chez les volontaires sains, peu d’études ont évalué cette interaction.
Les résultats finaux de cette étude pourraient conduire
à réviser les recommandations posologiques actuelles.
La nouveauté de la CROI 2011 sur le plan pharmacologique a été la présentation du profil d’interactions des nouveaux inhibiteurs de la protéase du
Tableau V. AUC et Cmax de la rifabutine aux différentes posologies.
Paramètres de la rifabutine
AUC (ng.h/ml)
Cmax (ng/ml)
300 mg/j
3 026
297
150 mg × 3/sem. + LPV/r
2 307
168
150 mg/j + LPV/r
5 010
311
La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXVI - n° 2 - mars-avril 2011 | 53
CONGRÈS
RÉUNION
VHC, le bocéprévir et le télaprévir (Kasserra C et al.,
abstract 118, van Heeswijk R et al., abstract 119).
Bocéprévir et télaprévir sont métabolisés par le CYP3A
(en partie pour le bocéprévir, en totalité pour le télaprévir) et sont également des inhibiteurs puissants de
cette enzyme, ce qui explique l’absence d’interaction
avec le ritonavir. Une prudence toute particulière devra
Tableau VI. Interactions entre les inhibiteurs de la protéase du VHC et les médicaments antirétroviraux.
Bocéprévir + ténofovir
Télaprévir + ténofovir
Bocéprévir + efavirenz
Pharmacocinétique
du bocéprévir ou du télaprévir
↔
–
Télaprévir + efavirenz
AUC  19 %
Cmin  44 %
Cmin  47 %
Bocéprévir + ritonavir
Télaprévir + ritonavir
Télaprévir + ATV/r
Télaprévir + DRV/r
Télaprévir + FPV/r
Télaprévir+ LPV/r
AUC  19 %
Cmin  30 %
 20 %
 35 %
 32 %
 64 %
Pharmacocinétique
des médicaments associés
Cmax  32 %
AUC  30 %
AUC  20 %
Cmax  11 %
AUC  20 %
Cmin ↔
–
–
 17 %
 40 %
 47 %
↔
ATV/r : Atazanavir/ritonavir ; DRV/r : darunavir/ritonavir ; FPV/r : fosamprénavir/ritonavir ; LPV/r : lopinavir/ritonavir.
être observée lors de la mise sous traitement de patients
équilibrés avec des médicaments substrats du CYP3A4
(les statines telles que l’atorvastatine ou la simvastatine, certains antihypertenseurs tels que les inhibiteurs
calciques et les antiarythmiques, certains sédatifs, les
alcaloïdes de l’ergot de seigle, les inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 [sildénafil] ou les immunosuppresseurs tacrolimus, cyclosporine, sirolimus et
évérolimus). Le tableau VI résume les interactions avec
les médicaments antirétroviraux. Ces essais ont été
réalisés chez des volontaires non infectés par le VIH ;
l’interprétation des résultats doit donc être prudente.
En résumé, le bocéprévir et le télaprévir augmentent
les concentrations de ténofovir ; leur coadministration
avec l’efavirenz, qui diminue leurs concentrations, doit
être prudente. Enfin, la coadministration de télaprévir
avec les inhibiteurs de la protéase associés au ritonavir
tels que darunavir/ritonavir ou fosamprénavir/ritonavir n’est pas conseillée, du fait de la diminution des
concentrations de télaprévir. En conclusion, compte
tenu de ce profil d’interactions, la surveillance des
patients infectés par le VHC et devant recevoir du
bocéprévir ou du télaprévir devra être renforcée, et
ce d’autant plus qu’ils sont polymédicamentés. ■
Références bibliographiques
1. Abdool Karim SS, Naidoo K, Grobler A et al. Timing of
initiation of antiretroviral drugs during tuberculosis therapy.
N Engl J Med 2010;362:697-706.
2. Blanc FX, Sok T, Laureillard D et al. Significant enhancement in
survival with early (2 weeks) vs. late (8 weeks) initiation of highly
active antiretroviral treatment (HAART) in severely immunosuppressed HIV-infected adults with newly diagnosed tuberculosis.
International AIDS Conference 2010, Vienne, abstract THLBB106.
3. Grant RM, Lama JR, Anderson PL et al. Preexposure
chemoprophylaxis for HIV prevention in men who have
sex with men. N Engl J Med 2010;363:2587-99.
4. Abdool Karim Q, Abdool Karim SS, Frohlich JA et al.
Effectiveness and safety of tenofovir gel, an antiretroviral
microbicide, for the prevention of HIV infection in women.
Science 2010;329:1168-74.
Nouvelles
de l’industrie
pharmaceutique
Communiqués des conférences de presse, symposiums,
manifestations organisés par l’industrie pharmaceutique
Prise en charge des patients
et efficience du système
de soins : renforcer les synergies
entre industriels et institutions
de recherche et de soins
À l’occasion d’une table ronde qui s’est tenue le lundi
17 janvier 2011 à l’hôpital américain de Neuilly-sur-Seine,
l’association CrossWorlds HealthCare Professionnals
(CWHCP) a présenté une étude qualitative intitulée
“Optimiser les collaborations entre institutions de recherche
et de soins et industriels de santé” (OCIRSIS). Cette étude
met en avant certaines différences quant à l’appréciation de
l’importance relative des principaux leviers d’optimisation
de l’efficacité et de l’efficience des systèmes de santé et
des domaines dans lesquels une collaboration plus étroite
est nécessaire. Elle relève néanmoins de nombreuses
54 | La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXVI - n° 2 - mars-avril 2011 convergences entre industriels et institutions de soins et de
recherche, convergences mises en exergue par les 6 experts
hospitaliers réunis autour du Dr Valery Labonne, président de
l’association, et Hervé Drevot, consultant en stratégie dans
le domaine de la santé lors de la table ronde. Ainsi, transformer le modèle recherche et développement par le biais
de nouveaux modes de collaboration constitue un objectif
commun, mais aussi accroître l’impact de l’évaluation des
technologies de santé, optimiser la pertinence du diagnostic
et la personnalisation de la prise en charge, rendre le patient
acteur de sante, renforcer la continuité et la coordination du
parcours de soins et tirer parti des potentialités des technologies de l’information et de la communication.
Les informations sur l’étude et l’association sont disponibles
sur le site www.cwhcp.org.
Communiqué de presse de l’association
CrossWorlds HealthCare Professionals
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