L L’enjeu osseux dans la prise en charge des rhumatismes infl ammatoires GRIO

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Coordonné par T. Thomas
(Saint-Étienne)
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L’enjeu osseux dans la prise en charge
des rhumatismes inflammatoires
C. Roux
(Inserm U1153, université Paris-Descartes ; service de rhumatologie, hôpital Cochin, AP-HP, Paris)
L
es complications osseuses sont les
complications extra-articulaires les plus
fréquentes au cours des rhumatismes
inflammatoires chroniques. L’ostéoporose
systémique et l’augmentation du risque de
fracture sont des complications communes à
ces rhumatismes.
Avoir une polyarthrite rhumatoïde (PR) multiplie par 2 le risque d’ostéoporose, et la
fréquence de la plupart des fractures est augmentée. Il faut notamment insister sur la fréquence des fractures vertébrales, qui s’ajoutent
aux discopathies érosives et à l’aggravation des
courbures, pour faire du rachis une des causes
essentielles du handicap des malades vieillissants. Curieusement, il n’y a pas de preuve de
l’augmentation de l’incidence des fractures
du poignet dans cette maladie au cours de
laquelle la carpite est fréquente. L’hypothèse
avancée est que la localisation de la fracture
dépend des conditions de la chute, qui est ellemême dépendante de la vitesse de la marche.
Les sujets ayant un handicap marchent plus
lentement et s’affaissent sur le côté, ils sont
donc plus exposés à des fractures du fémur
qu’à des fractures du poignet.
Les déterminants du risque fracturaire au cours
de la PR sont liés au patient (fréquence accrue
chez les femmes ménopausées) et aux caractéristiques de la maladie (sévérité, durée et
handicap). Au diagnostic, la densité osseuse
des patients ayant une PR d’apparition récente
n’est pas différente de celle de la population
générale du même âge. En revanche, l’ostéoporose, qui s’aggrave avec la durée d’évolution de la maladie, est d’autant plus fréquente
que des érosions osseuses sont présentes, et
les fractures surviennent d’autant plus fré-
quemment qu’il existe des destructions articulaires ou des remplacements prothétiques.
Des modifications de la composition corporelle se produisent au cours de la PR avec une
diminution de la masse et de la fonction musculaires et une augmentation relative de la
masse grasse. La corticothérapie est un facteur
de risque ajouté, mais il n’est pas certain qu’il
s’agisse d’un facteur de risque indépendant,
la corticothérapie étant aussi un marqueur de
sévérité de la maladie.
Les lymphocytes T activés produisent le Rank
ligand nécessaire à l’activité des ostéoclastes,
et la population Th17 est le principal stimulant
de l’ostéoclastogenèse. Réduire la production
de cytokines inflammatoires (en particulier en
ciblant le TNF ou l’IL-6) est un moyen efficace de prévention de la perte osseuse. L’autoimmunité a certainement un rôle expliquant
au moins en partie le plus mauvais pronostic
des patients anticorps anti-protéines citrullinés (ACPA) positifs : les ostéoclastes disposent
des enzymes de la citrullination, et des ACPA
peuvent se fixer sur la vimentine citrullinée
ostéoclastique. Cette fixation augmente la production locale de TNF et l’ostéoclastogenèse.
L’attention est ainsi attirée sur le rôle pathogène des ACPA, et des études (portant sur
un nombre limité de patients) montrent que,
en l’absence de tout signe articulaire, la présence d’ACPA est responsable d’une atteinte
osseuse trabéculaire et corticale.
L’augmentation du risque de fracture vertébrale
(mais pas de celui des fractures non vertébrales)
a été rapportée au cours de la spondylarthrite
ankylosante, constatation plus surprenante
dans une population habituellement composée d’hommes jeunes. Toutefois, la préva-
36 | La Lettre du Rhumatologue • No 402-403 - mai-juin 2014
lence est difficile à préciser, car, dans les études
épidémiologiques, sont prises en compte
l’ensemble des fractures, y compris les fractures transdiscales des colonnes bambou et les
déformations vertébrales dont les cunéisations
des corps vertébraux secondaires aux érosions
des coins antérieurs. Le principal déterminant
d’une densité osseuse basse au rachis comme
au fémur chez les adultes jeunes ayant une
rachialgie inflammatoire suspecte de spondyloarthrite est la présence d’un œdème osseux
en IRM rachidienne. De surcroît, la spondyloarthrite est caractérisée par la présence dans les
enthèses d’une population de lymphocytes T
spécifiques, capables de répondre à l’IL-23 ;
cette réponse entraîne localement les lésions
caractéristiques d’ostéite et d’enthésite, et la
production de cytokines, elles-mêmes responsables des lésions caractéristiques de la maladie,
incluant l’ostéoporose systémique. Dans cette
maladie dans laquelle l’organe malade est celui
de la mécanotransduction os-muscles, la part
des contraintes mécaniques dans la genèse
des lésions est également importante. Les
anti-TNF (et peut-être les anti-inflammatoires
non stéroïdiens) ont un effet bénéfique sur
l’évolution de la densité osseuse au cours des
spondyloarthrites. Ce bénéfice peut être en
rapport avec l’effet pharmacologique direct de
ces molécules, la disparition de l’inflammation
ou la reprise d’une mobilité normale liée à la
disparition de la douleur.
Toutes ces données soulignent donc les liens
étroits entre le système immunitaire et le tissu
osseux.
■
L’auteur déclare avoir des liens d’intérêts
avec Amgen, MSD, Lilly, UCB et Bongrain
(subventions, honoraires, remboursements).
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