40  |  La Lettre du Gynécologue • n° 390 - mai-juin 2014
GRIO
Coordonné par T. Thomas
(Saint-Étienne)
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 L’enjeu osseux dans la prise en charge 
desrhumatismesinfl ammatoires
 C.  Roux
(Inserm U1153, université Paris-Descartes ; service de rhumatologie, hôpital Cochin, AP-HP, Paris)
L
es complications osseuses sont les 
complications extra-articulaires les plus 
fréquentes au cours des rhumatismes 
inflammatoires chroniques. L’ostéoporose 
systémique et l’augmentation du risque de 
fracture sont des complications communes à 
ces rhumatismes.
Avoir une polyarthrite rhumatoïde (PR) multi plie 
par2 le risque d’ostéoporose, et la fréquence 
de la plupart des fractures est augmentée. 
Il faut notamment insister sur la fréquence 
des fractures vertébrales, qui s’ajoutent aux 
discopathies érosives et à l’aggra vation des 
courbures, pour faire du rachis une des causes 
essentielles du handicap des malades vieillis-
sants. Curieusement, il n’y a pas de preuve de 
l’augmentation de l’incidence des fractures 
du poignet dans cette maladie au cours de 
laquelle la carpite est fréquente. L’hypothèse 
avancée est que la localisation de la fracture 
dépend des conditions de la chute, qui est elle-
même dépendante de la vitesse de la marche. 
Les sujets ayant un handicap marchent plus 
lentement et  s’affaissent sur le côté, ils sont 
donc plus exposés à des fractures du fémur 
qu’à des fractures du poignet.
Les déterminants du risque fracturaire au cours 
de la PR sont liés au patient (fréquence accrue 
chez les femmes ménopausées) et aux carac-
téristiques de la maladie (sévérité, durée et 
handicap). Au diagnostic, la densité osseuse 
des patients ayant une PR d’apparition récente 
n’est pas différente de celle de la population 
générale du même âge. Enrevanche, l’ostéo-
porose, qui s’aggrave avec la durée d’évolu-
tion de la maladie, est d’autant plus fréquente 
que des érosions osseuses sont présentes, et 
les fractures surviennent d’autant plus fré-
quemment qu’il existe des destructions arti-
culaires ou des remplacements prothétiques. 
Des modifi cations de la composition corpo-
relle se produisent au cours de la PR avec une 
diminution de la masse et de la fonction mus-
culaires et une augmentation relative de la 
masse grasse. La corticothérapie est un facteur 
de risque ajouté, mais il n’est pas certain qu’il 
s’agisse d’un facteur de risque indépendant, 
la corticothérapie étant aussi un marqueur de 
sévérité de la maladie.
Les lymphocytesT activés produisent le Rank 
ligand nécessaire à l’activité des ostéoclastes, 
et la populationTh17 est le principal stimulant 
de l’ostéoclastogenèse. Réduire la production 
de cytokines infl ammatoires (en particulier en 
ciblant le TNF ou l’IL-6) est un moyen effi cace 
de prévention de la perte osseuse. L’auto-
immunité a certainement un rôle expliquant 
au moins en partie le plus mauvais pronostic 
des patients anticorps anti-protéines citrullinés 
(ACPA) positifs : les ostéoclastes disposent 
des enzymes de la citrullination, et des ACPA 
peuvent se fi xer sur la vimentine citrullinée 
ostéoclastique. Cette fi xation augmente la pro-
duction locale de TNF et l’ostéoclastogenèse. 
L’attention est ainsi attirée sur le rôle patho-
gène des ACPA, et des études (portant sur un 
nombre limité de patients) montrent que, en 
l’absence de tout signe articulaire, la présence 
d’ACPA est responsable d’une atteinte osseuse 
trabéculaire et corticale. 
L’augmentation du risque de fracture vertébrale 
(mais pas de celui des fractures non vertébrales) 
a été rapportée au cours de la spondylarthrite 
ankylosante, constatation plus surprenante 
dans une population habituellement com-
posée d’hommes jeunes. Toutefois, la préva-
lence est diffi cile à préciser, car, dans les études 
épidémiologiques, sont prises en compte 
 l’ensemble des fractures, ycompris les frac-
tures transdiscales des colonnes bambou et les 
déformations vertébrales dont les cunéisations 
des corps vertébraux secondaires aux érosions 
des coins antérieurs. Le principal déterminant 
d’une densité osseuse basse au rachis comme 
au fémur chez les adultes jeunes ayant une 
rachialgie infl ammatoire suspecte de spondylo-
arthrite est la présence d’un œdème osseux 
en IRM rachidienne. De surcroît, la spondylo-
arthrite est caractérisée par la présence dans les 
enthèses d’une population de lymphocytesT 
spécifi ques, capables de répondre à l’IL-23 ; 
cette réponse entraîne localement les lésions 
caractéristiques d’ostéite et d’enthésite, et la 
production de cytokines, elles-mêmes respon-
sables des lésions caractéristiques de la maladie, 
incluant l’ostéo porose systémique. Dans cette 
maladie dans laquelle l’organe malade est celui 
de la mécano transduction  os-muscles, la part 
des contraintes mécaniques dans la genèse 
des lésions est également importante. Les 
 anti-TNF (et  peut-être les anti-infl ammatoires 
non  stéroïdiens) ont un effet bénéfi que sur 
l’évolution de la densité osseuse au cours des 
spondyloarthrites. Ce bénéfi ce peut être en 
rapport avec l’effet pharmacologique direct de 
ces molécules, la disparition de l’infl ammation 
ou la reprise d’une mobilité normale liée à la 
disparition de la douleur. 
Toutes ces données soulignent donc les liens 
étroits entre le système immunitaire et le tissu 
osseux.  ■
 L’auteur déclare avoirdes liens d’intérêts 
avec Amgen, MSD, Lilly, UCB et Bongrain 
(subventions, honoraires, remboursements).