
La Lettre du Sénologue • n° 54 - octobre-novembre-décembre 2011 | 21
Points forts Mots-clés
Reconstruction
mammaire immédiate
Mastectomie
économe de peau
»
La réalisation d’une reconstruction mammaire immédiate (RMI) est globalement plus complexe qu’une
reconstruction différée (RMD), mais elle permet en moyenne de meilleurs résultats esthétiques que la RMD
lorsque la mastectomie est économe de peau. La sécurité carcinologique de la conservation cutanée avec
ablation de l’aréole est acquise dans des indications sélectionnées. Le degré de satisfaction des patientes
est meilleur qu’avec une RMD. Le choix de la meilleure technique est complexe, non systématisable. Lorsque
plusieurs options sont possibles, les préférences du chirurgien et l’opinion d’une patiente de mieux en mieux
informée jouent un rôle croissant dans ce choix.
la cicatrice devient quasiment invisible, ce qu’au-
cune autre technique ne permet d’obtenir. Il restera
tout de même la cicatrice de la zone donneuse du
lambeau.
Degré de satisfaction meilleur
Ce bénéfice n’était pas si évident que cela au début des
RMI, jusque dans les années 1990. En effet, les études
psychologiques nous avaient appris que le travail de
deuil était souvent plus long et plus complexe en cas
de RMI, que le déni était favorisé et que nombre de
patientes réalisaient mal par quelle étape intermé-
diaire elles étaient passées au bloc opératoire.
De plus, après la RMI, la patiente risque plus ou
moins inconsciemment de comparer son sein recons-
truit avec celui qu’elle vient de perdre et ce sera
toujours “moins bien”. En reconstruction secondaire,
elle va comparer avec sa paroi plate après mastec-
tomie et ce sera toujours mieux ! Il est important
de passer le temps nécessaire pour expliquer cela à
la patiente avant l’intervention.
Mais finalement, nombre d’études récentes ont bien
démontré que, malgré cet obstacle, le degré de satis-
faction est clairement en faveur de la RMI, car il
intègre aussi toute la période sans reconstruction et
jusqu'à la reconstruction mammaire différée (RMD).
Sécurité carcinologique
La sécurité carcinologique de ces MEP est détaillée
dans l’article de S. Giard (page 6). Elle est claire-
ment prouvée mais dans des indications bien précises
(tableau I). La MEP n’est donc pas toujours indiquée.
Si elle n’est pas réalisable, le bénéfice purement
esthétique de la RMI disparaît. Mais les autres béné-
fices demeurent.
La conservation aréolomamelonnaire est un sujet de
plus en plus discuté. Le bénéfice sur le plan esthétique
est évident. Il faut cependant souligner qu’en raison
d’une dissection directement au contact de la PAM,
la sensibilité et le thélotisme vont souvent dispa-
raître, et une décoloration n’est pas exceptionnelle.
Certaines équipes, comme celle de J.Y. Petit à Milan,
irradient en per-opératoire la PAM conservée avec
d’excellents résultats. Mais peu d’équipes ont accès à
la radiothérapie peropératoire. Les résultats d’études
cliniques en cours sont nécessaires avant de pouvoir
proposer cette conservation de la PAM hors essai en
cas de cancer. Dans la mastectomie prophylactique,
c’est une option souvent réalisée. Il faut cependant
noter que nombre de femmes préfèrent l’ablation
de la PAM dans cette indication, pour des raisons
de sécurité.
Difficultés et incertitudes
Les indications reconnues de RMI sont détaillées dans
le tableau II. La réalisation en pratique d’une RMI
se heurte à plusieurs difficultés et interrogations où
cancérologie, technique chirurgicale et psychisme
sont étroitement mêlés.
➤
La décision doit être intégrée dans la stratégie
pluridisciplinaire. Donc un chirurgien plasticien doit
être consulté dès le début de la prise en charge, ce
qui n’est pas toujours le cas. Et la RMI ne doit pas
être utilisée comme un argument pour faire accepter
la mastectomie…
➤
La technique est plus difficile. La longueur des
lambeaux cutanés induit un risque de nécrose
cutanée plus important. On peut augmenter la sécu-
rité vasculaire en disséquant des lambeaux cutanés
légèrement plus épais de quelques millimètres, mais
on risque alors de laisser de la glande bien vascula-
risée sous la peau et le geste n’est plus carcinologi-
quement correct. La différence entre un lambeau fin
Highlights
– Immediate breast recon-
struction (IBR) is usually more
complex than delayed recon-
struction (DBR), but on average
it makes it possible to achieve
better aesthetic results than
DBR, when the mastectomy
preserved the breast skin
envelope. Carcinologic safety
of skin preservation with
areola ablation is reliable in
selected indications. Patient
satisfaction is better than with
DBR. The choice of the best
technique is complex and not
universally applicable. When
several options are possible,
the surgeon’s preference and
the choice of better and better
informed patients plays an
increasing role in the decision.
Keywords
Breast immediate
reconstruction
Skin-sparring mastectomy
Tableau II. Indications évidentes de reconstruction mammaire immédiate
CCIS stricts ou micro-invasifs étendus, à distance de la peau
Carcinome infiltrant nécessitant une mastectomie sans radiothérapie :
– âge supérieur à 40 ans ;
– absence d’envahissement ganglionnaire ;
– taille tumorale inférieure à 5 cm ;
– absence d’atteinte cutanée, PAM ou pariétale ;
– absence d’emboles tumoraux vasculaires ;
– mastectomie en marges saines ;
– absence de chimiothérapie néo-adjuvante.
Récidive après traitement conservateur
Tumeur phyllode de haut grade
Mastectomie prophylactique
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