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Place de la re c o n s t ruction mammaire immédiate (RMI)
The role of immediate breast reconstruction
P. Leblanc-Talent*
l n’est plus à démontrer que la reconstruction mammaire
immédiate tient une place grandissante dans la prise en
charge du cancer du sein. La demande des patientes,
l’importance de l’image corporelle dans notre société et l’affinement des techniques de chirurgie plastique font que tout sénologue est forcément un jour ou l’autre sollicité par cette
demande. Si beaucoup d’équipes ont une double compétence en
cancérologie et en chirurgie plastique, l’indication de la RMI
varie encore beaucoup en fonction des lieux de prise en charge
de la patiente, tout particulièrement en France.
Dès le début des années 1980, J.Y. Petit et M. Abbes (1, 2),
faisant partie des promoteurs de la RMI en France, nous ont
appris à veiller à ne pas retarder la mise en place du traitement
et à tenir compte de la motivation de la patiente. Si la place de
la RMI semble acquise, la plupart des équipes en ayant l’expérience tentent d’en affiner les indications. Ils prennent part à
la décision thérapeutique multidisciplinaire, intégrant la technique la mieux adaptée à l’anatomie de la patiente à la nature
du traitement adjuvant envisagé.
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AVANTAGES DE LA RMI
Initialement développée aux États-Unis pour des raisons financières, elle est encore, bien qu’en net développement ces cinq
dernières années, moyennement répandue en France. Si le problème du “deuil du sein” semble dépassé (3, 4), sa difficulté
technique, la nécessité d’avoir une équipe chirurgicale doublement qualifiée en cancérologie et en chirurgie plastique, et les
risques d’interférence avec le bon déroulement du traitement
adjuvant constituent des arguments forts pour tenter d’expliquer
ce retard malgré des expertises favorables des Standards,
Options et Recommandations du cancer du sein (5).
Lorsqu’elle est immédiate, la difficulté technique augmente le
risque de complications entre 15 et 27 % selon les équipes (6, 7),
ce qui paraîtrait rédhibitoire par rapport à la série de Pétoin (8),
avec 1 % d’exposition de prothèse. Néanmoins, malgré le taux
plus élevé des complications dans les RMI, elles ne retardent pas
* Centre Antoine-Lacassagne, département de Chirurgie, Nice.
La Lettre du Sénologue - n° 25 - juillet/août/septembre 2004
la mise en place du traitement, car ces complications (expositions de prothèse, nécrose partielle de lambeaux) surviennent
généralement dans les deux ou trois premières semaines postopératoires (9). Il apparaît donc que la vigilance doit être tout
particulièrement présente dans ce domaine, de façon à ce qu’en
cas de survenue de complications, le chirurgien réintervienne
rapidement pour ne pas retarder la mise en place des autres traitements.
L’aspect psychologique constitue un élément essentiel mais souvent difficile à quantifier. La demande croissante des patientes,
leur connaissance de ces techniques et leur exigence de qualité
font qu’il semble actuellement nécessaire de toujours informer
la patiente qu’en cas de mastectomie, la reconstruction mammaire peut être immédiate ou différée. À condition que la RMI
ne constitue pas une source d’anxiété plus importante que la
mastectomie et que la patiente ait bien compris qu’une symétrisation est le plus souvent nécessaire, la RMI apparaît comme un
bénéfice (3, 7).
Enfin, tant le coût au plan financier que le gain de temps opératoire ne sont plus à démontrer, dès lors que l’indication est adaptée au traitement adjuvant (10).
INDICATIONS DES RMI
En dehors des tumeurs mammaires inflammatoires, il semble
bien que toute patiente devant subir une mastectomie puisse
bénéficier d’une RMI dès lors qu’elle est suffisamment informée et motivée. Pendant longtemps, la reconstruction immédiate, lorsqu’elle était proposée, l’était pour des lésions ne
nécessitant pas de traitement adjuvant (en particulier de radiothérapie de paroi) comme les carcinomes canalaires in situ
(figures 1, 2). La technique la plus souvent proposée est celle
utilisant une prothèse (avec ou sans expansion préalable) car
légitimement plus simple et limitant la rançon cicatricielle (11).
Lorsque la patiente doit bénéficier d’un traitement adjuvant (et
en particulier une irradiation pariétale) (12), il semble que la
reconstruction par lambeaux, si possible autologues, donne de
meilleurs résultats, limitant sans l’éliminer le nombre de reprises
chirurgicales ultérieures (13, 10) (figures 3, 4). Des travaux en
cours concernant l’intérêt du lipomodelage selon la technique
de Coleman (14, 15) dans la reconstruction du sein devraient
trouver, dans un proche avenir, une place dans l’arsenal des
techniques de la reconstruction mammaire immédiate.
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Figure 1. Reconstruction mammaire immédiate droite par prothèse ronde préremplie de gel et symétrisation par prothèse ronde rétropectorale (J + 5 ans) pour lésion in situ de haut grade étendu (pas de traitement adjuvant).
Figure 2. Mammectomie totale droite + curage axillaire + reconstruction mammaire immédiate par lambeau musculograisseaux de grand dorsal (pas de symétrisation) après radiothérapie pariétale pour un T1 bifocal, N–, RH+ droit. Résultat à 1 an avant greffe de mamelon chirurgical.
CONCLUSION
Longtemps réservée aux lésions in situ ne nécessitant pas de traitement complémentaire, ainsi qu’aux récidives sur traitement
conservateur, la RMI semble pouvoir être proposée dans presque
tous les cas, en excluant bien sûr les cancers inflammatoires. Si
des études objectives plus nombreuses manquent encore dans ce
domaine, il apparaît que lorsqu’elle est effectuée par des équipes
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d’oncologues et de plasticiens participant à la décision thérapeutique multidisciplina ire, elle ne retarde pas la mise en place du
traitement adjuvant et n’altère pas les résultats esthétiques si
l’indication de la technique est bien posée. Cela implique bien sûr
une information souvent longue, difficile dans un contexte de
consultation d’annonce de cancer, mais dont la place semble
maintenant acquise.
La Lettre du Sénologue - n° 25 - juillet/août/septembre 2004
Figure 3. Mastectomie totale + curage + RMI par lambeau myocutané de grand dorsal + prothèse gauche pour une lésion T2 SBR2, 3 N+/12,
RH+. Résultat à 6 ans après chimiothérapie et radiothérapie, hormonothérapie.
Figure 4. Même patiente de dos et plaque aréolomamelonaire reconstruite par tatouage et mamelon chirurgical.
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2. Abbes M. Les prothèses mammaires et le cancer du sein.
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Esthet 1993;38:791-800.
3. Rosenquist S. Eur J Surg Oncol 1996;98:74-7.
4. Garbay JR, Rietjens M, Petit JY. Résultats esthétiques de la reconstruction
mammaire après amputation pour cancer : à propos de 323 cas. J Gynecol Obst
Biol Reprod Paris 1992;21(4):405-12.
5. Standards, Options et Recommandations : cancer du sein non métastatique
(2e édition, mise à jour). Paris: John Libbey Eurotext, 2001.
6. Furey PC. J Surg Oncol 1994;55:194-7.
7. Petit JY, Barreau-Pouhaer L, Le MG et al. La reconstruction mammaire
immediate dans le traitement radical du cancer du sein. Ann Chir Plast Esthet
1992;37:701-8.
8. Petoin DS. La reconstruction mammaire secondaire après traitement radical
du cancer du sein. Ann Chir Plast Esthet 1992;37:709-22.
La Lettre du Sénologue - n° 25 - juillet/août/septembre 2004
9. Slavin SA, Schnitt SJ, Goldwyn RM. Skin-sparing mastectomy and immediate
breast reconstruction: oncologic risks and aesthetic results in patients with
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1 0 . Kroll SS, Baldwin B. A comparison of outcomes using tree differents
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11. Clough KB, Bourgeois D, Durand JC. Immediate breast reconstruction by
prothesis: a safe technique for extensive intraductal and microinvasive carcinomas. Ann Surg Oncol 1996;3:212-8.
12. Gary-Bobo A, Rodriguez L. Reconstruction mammaire par expansion cutanée après radiothérapie : limites du procédé. Ann Chir Plast Esthet 1989;
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13. Delay E, Gounot N, Bouillot A et al. Reconstruction mammaire par lambeau
de grand dorsal sans prothèse ; expérience préliminaire à propos de 60 reconstructions. Ann Chir Plast Esthet 1997;42(2):118-30.
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