La Lettre du Gynécologue - n° 335 - octobre 2008
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Le diagnostic préimplantatoire (DPI) est une procédure
permettant à des couples à risque d’éviter la naissance
d’enfants atteints d’une maladie génétique connue, sans
avoir recours au diagnostic prénatal et à l’interruption médi-
cale de grossesse le cas échéant. Le diagnostic préimplanta-
toire consiste en l’analyse génétique de cellules embryonnaires
avant le transfert d’embryons dans l’utérus. Sa mise au point a
pu être réalisée grâce à l’association de la pratique de la fécon-
dation in vitro et du développement des technologies de bio-
logie moléculaire. Les premiers DPI ont été réalisés en Angle-
terre dès le début des années 1990 (1). En France, la législation
a autorisé sa pratique par la loi du 29 juillet 1994, mais les dé-
crets d’application sont parus seulement en 1998. La première
naissance après DPI en France a été obtenue dans le centre
Necker-Clamart en 2000 (2). Actuellement, trois structures
sont autorisées à pratiquer le diagnostic préimplantatoire :
Strasbourg, Necker-Clamart et Montpellier.
PROCÉDURE (3)
Afin de pouvoir biopsier des embryons au stade préimplanta-
toire, il convient tout d’abord d’avoir recours à une condation
in vitro avec la technique de l’injection intracytoplasmique de
spermatozoïde (ICSI). Au troisième jour de développement,
une ou deux cellules embryonnaires (blastomères) sont biop-
siées sous microscope après ouverture de la zone pellucide.
Une analyse d’ADN est ensuite pratiquée sur cette ou ces cel-
lules. Seuls les embryons indemnes de l’affection recherchée
sont transférés dans l’utérus. On comprend dès lors l’une des
ambiguïtés du DPI qui consiste à avoir recours à une assis-
tance médicale à la procréation pour des couples fertiles. Il
s’agit également d’une des limites de la procédure. En effet,
une patiente ayant une réserve ovarienne trop peu impor-
tante pour envisager une fécondation in vitro ne pourra être
prise en charge en DPI, même si elle est par ailleurs fertile.
Le nombre d’embryons obtenu doit être suffisant pour passer
l’épreuve du tri avec succès. Il est à noter que le taux d’implan-
tation en diagnostic préimplantatoire est de 17 %, soit un taux
inférieur à celui observé lors des cycles de condation in vitro
avec ICSI (4).
Les techniques utilisées pour l’analyse génétique sont différen-
tes selon le type d’affection que l’on veut éviter. Pour les ano-
malies de structure chromosomiques, la technique de FISH
(Fluorescent in situ hybridization) est utilisée. Le diagnostic
de sexe, nécessaire pour certaines maladies liées au chromo-
some X (lorsqu’un diagnostic spécifique nest pas disponible),
se fait en général par FISH. En analyse moléculaire, le DPI est
réalisé grâce à la technique de Polymerase chain reaction qui
permet d’amplifier in vitro des séquences d’ADN de quence
nucléotidique connue, la mutation responsable de la maladie
et/ou des marqueurs indirects de ségrégation des allèles.
Pour des indications bien spécifiques, la biopsie des globules
polaires peut être une alternative à la biopsie du blastomère
(5, 6). Létude génétique de l’ovocyte est réalisée par l’analyse
des premier et second globules polaires et permet une étude
de la contribution génétique maternelle pour l’embryon afin
de rechercher une mutation génique et/ou une translocation
chromosomique d’origine maternelle.
INDICATIONS
La loi française stipule que l’indication du DPI est posée si et
seulement si le couple est jugé avoir une forte probabilité de
donner naissance à un enfant atteint d’une maladie d’une par-
ticulière gravité reconnue comme incurable au moment du
diagnostic.
Les couples demandeurs d’un DPI sont d’une part ceux ayant
connaissance d’une maladie familiale génétique grave ou qui
découvrent sur un bilan d’infertilité masculine une anomalie
chromosomique ou génique (absence bilatérale de canaux
déférents chez les patients porteurs de mutations du gène
CFTR, et donc à risque de transmettre la mucoviscidose). Il
s’agit d’autre part de couples fertiles, avec une histoire obs-
tétricale lourde : la naissance d’un enfant atteint d’une mala-
die génétique ou une ou plusieurs interruptions dicales de
grossesse après diagnostic prénatal.
Les indications sont une anomalie chromosomique, une affec-
tion héréditaire liée à l’X, ou toute autre maladie monogénique
identifiée (7). En cytogénétique, la majorité des indications de
DPI correspond aux translocations chromosomiques robert-
soniennes et aux translocations réciproques ; des inversions,
des insertions peuvent également être rencontrées ainsi que
des mosaïques germinales. En biologie moléculaire, les princi-
pales indications mentionnées par le rapport 2004 de l’Agence
Le diagnostic préimplantatoire
actuellement en France
Preimplantation genetic diagnosis today in France
IP C. Basille (1, 2), R. Frydman (1, 2, 3)
1. Université Paris-Sud, 92140 Clamart.
2. AP-HP, service de gynécologie obstétrique et médecine de la reproduction,
hôpital Antoine-Béclère, 92141 Clamart.
3. Inserm, U782, 92140 Clamart.
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de biomédecine sont l’amyotrophie spinale, la drépanocytose et
la mucoviscidose pour les maladies autosomiques récessives, la
myotonie dystrophique de Steinert, la chorée de Huntington
et la neurofibromatose pour les maladies autosomiques domi-
nantes. Sur le plan national, une certaine spécificité existe pour
chaque centre et la liste des maladies pour lesquelles un DPI
est disponible dans chacun d’eux est consultable sur le site de
l’Agence de biomédecine (http://www.agence-biomedecine.fr).
La liste des indications ne cesse de s’allonger en fonction des
demandes émises par les couples et les généticiens. Ainsi, le DPI
a aussi été appliqué dans le risque d’allo-immunisation fœto-
maternelle (8) et pour les maladies mitochondriales (9). Pour
les demandes difficiles, il convient de prendre lavis d’un Centre
pluridisciplinaire de diagnostic prénatal (CPDPN).
RÉSULTATS
En France, selon le rapport 2004 de l’Agence de biomédecine,
70 % des embryons biopsiés ont fait l’objet d’un diagnostic, 60 %
d’entre eux ont pu être transférés. Pour un couple donné, ces
chiffres sont à moduler en fonction de la pathologie recherchée
et de son mode de transmission. Le nombre moyen d’embryons
replacés est de 1,9 par tentative. Les résultats sont de 21,3 %
grossesses cliniques et 18,0 % accouchements par ponction.
Dans le rapport européen du consortium de DPI, pour l’année
2004, le taux de grossesses cliniques est de 18 % par ponction et
25 % par transfert. Il y a ainsi eu en Europe en 2004, 3 358 ponc-
tions d’ovocytes en vue d’un DPI, qui ont permis d’obtenir 679
grossesses cliniques et la naissance de 528 enfants (4). Il y a encore
peu d’études de cohorte sur le suivi des enfants conçus après un
DPI. Les données disponibles mettent en évidence un veloppe-
ment psychomoteur et intellectuel à l’âge de deux ans similaire à
celui d’enfants témoins conçus par FIV-ICSI (10).
DIAGNOSTIC PRÉNATAL
Étant donné que le risque d’erreur après analyse sur une seule,
voire deux cellules, nest pas négligeable, un diagnostic préna-
tal doit théoriquement être recommandé pour confirmation
du diagnostic lors d’une grossesse issue d’un cycle de DPI.
Cela est à moduler en fonction du nombre de cellules biop-
siées, de la précision du diagnostic, des chromosomes impli-
qués (risque de disomie uniparentale éventuel) ainsi que des
possibilités de diagnostic non invasif, pour les maladies liées
au sexe notamment. Les couples sont souvent réticents à l’idée
d’un diagnostic prénatal après le lourd parcours du DPI.
PERSPECTIVES
Récemment, la possibilité de sélectionner des embryons selon
les antigènes d’histocompatibilité lymphocytaire (HLA) a été
utilisée pour qu’un enfant à naître soit compatible avec un
frère ou une sœur malade et nécessitant une greffe de moelle.
Cela en vue d’un don de sang de cordon à la naissance. La
première mondiale a eu lieu en 2001 aux États-Unis, un dia-
gnostic couplé d’embryons indemnes, d’anémie de Fanconi
avec typage HLA des embryons a abouti à la naissance d’un
enfant sain, compatible avec sa sœur malade (11). La loi fran-
çaise ouvre la possibilité, avec l’article L.2131-4-1, de recourir
à un DPI dans de telles indications. Une autorisation préalable
de l’Agence de biomédecine est requise. Notons que la proba-
bilité qu’un embryon soit sain d’une affection hématologique
et HLA compatible avec un frère ou une sœur atteint, est de
3/16 seulement. La recherche de compatibilité HLA sur des
embryons, en vue de traiter une affection non héréditaire, car-
cinologique par exemple, reste interdite en France.
CONTROVERSES
Le DPI ouvre des perspectives formidables mais soulève aussi
des questions pratiques et éthiques sur son utilisation.
Le DPI a été utilisé dans certains pays pour la prévention
des aneuploïdes chez les femmes avec un âge maternel élevé,
comme alternative au diagnostic prénatal (12-15). On parle
alors plus de screening ou sélection préimplantatoire que de
diagnostic préimplantatoire. Dans les cas d’échecs de FIV,
le transfert d’un embryon euploïde permet d’augmenter le
taux d’implantation (15, 16) et éventuellement de proposer le
transfert électif d’un seul embryon, diminuant ainsi le risque
de grossesse multiple. Cependant, deux études randomisées
contrôlées ne mettent pas en évidence de bénéfice de cette
pratique, en termes de taux d’accouchement en particulier (17,
18). Pour les couples avec une histoire clinique de fausses cou-
ches à répétition, la sélection d’embryons euploïdes diminue
également le taux de fausses couches (19, 20). Ces indications
ne sont pas retenues en France. Il ne faut pas oublier que le
diagnostic préimplantatoire reste une technique lourde pour
les couples et les équipes médicales, avec un coût important.
De plus, le diagnostic préimplantatoire nécessite un geste
invasif sur l’embryon, et le risque de mosaïcisme nest jamais
exclu.
D’autres indications sont très controversées sur le plan éthi-
que. La gravité de certains cancers et leur survenue précoce
en cas de prédisposition génétique font discuter l’utilisation
du DPI pour sélectionner des embryons (21, 22). De même, le
choix du sexe de l’embryon pour convenance du couple peut
être obtenu dans certains pays.
CONCLUSION
Le diagnostic préimplantatoire est encore limité à trois centres
en France. La demande des couples pour cette prise en charge
des maladies génétiques est importante. Le taux des accou-
chements par ponction (18 %) est inférieur à ceux obtenus en
fécondation in vitro classique, mais offre aux couples une vraie
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chance d’avoir un enfant indemne sans passer par l’épreuve din-
terruptions dicales de grossesses. Cette avancée technolo-
gique pose aussi de nombreuses questions éthiques. n
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Questions
Question n° 1 : Quelles sont les principales indications cytogénétiques de prise
en charge d’un couple en diagnostic préimplantatoire ?
Réponse : Les translocations robertsonniennes et les translocations réciproques.
Question n° 2 : La réimplantation sélective d’embryons HLA compatibles avec un
enfant né et atteint d’une maladie hématologique sévère nécessitant une greffe
de moëlle est-elle autorisée en France ?
Réponse : oui, après accord de l’Agence de biomédecine, et pour les affections hé-
matologiques génétiques. Le diagnostic préimplantatoire vise ainsi à retransférer
les embryons indemnes de la maladie et HLA compatibles.
Question n° 3 : Pour quelles maladies le diagnostic préimplantatoire est-il
autorisé en France ?
Réponse : il n’y a pas de liste restrictive. Le texte de loi mentionne une maladie
d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic”.
Question n° 4 : Quelle est la probabilité pour qu’un embryon, obtenu en DPI par
un couple dont les deux membres sont porteurs de la mucoviscidose, soit sain et
HLA compatible avec son frère atteint ?
Réponse : 3/16 (trois quarts sain pour la dpanocytose, un quart HLA compatible).
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