L’oncogériatrie dans tous ses états ONCOGÉRIATRIE E. Carola , P. Grosclaude

La Lettre du Cancérologue Vol. XIX - n° 3 - mars 2010 | 225
ONCOGÉRIATRIE
Loncogériatrie dans tous ses états
E. Carola 1, P. Grosclaude 1, T. Cudennec 1, G. Albrand 1, J.P. Lotz 1, E. Brain 1
Nouvelle décennie, nouvelle rubrique. À l’heure de l’augmentation de l’espérance de vie et du nombre de
cancers dans la population âgée, débuter par un état des lieux de cette nouvelle spécialité qu’est l’onco-
gériatrie semble indispensable. Combien de patients concernés ? Comment les évaluer ? Où s’informer ?
Où se former ? Enfi n, quels protocoles proposer ? Voici bien des questions auxquelles cette première
rubrique tentera de répondre.
1 InVS.
Sources d’information
en épidémiologie descriptive
des cancers pour les sujets âgés
Source http://www.invs.sante.fr/surveillance/
cancers/estimations_cancers/default.htm
Bien que les cancers soient pour la plupart des mala-
dies de la personne âgée, il est diffi cile de disposer
de chiffres permettant de décrire l’importance
de cette pathologie chez elle. Les seules données
descriptives émanent des registres de cancers, qui
recensent de façon exhaustive tous les cas diagnos-
tiqués dans la population. Ce recensement, limité à
une vingtaine de départements, permet d’estimer
l’incidence, mais aussi la prévalence et la survie au
niveau national.
Des estimations de l’incidence sont réalisées régu-
lièrement et entre les estimations des projections
permettent de disposer de chiffres indicatifs pour
l’année en cours (tableau◆I). Des chiffres de morta-
lité (fondés sur l’analyse des certifi cats de décès)
sont fournis parallèlement à l’incidence. La morta-
lité est un moins bon indicateur de la demande de
soins que l’incidence ; toutefois, comme il s’agit d’un
dénombrement des décès dus à un cancer, elle donne
de bonnes indications sur les besoins de soins en
phase terminale, même si tous ces patients ne relè-
vent pas d’une prise en charge spécifi quement onco-
logique (fi◆ gure◆1). Ces informations sont disponibles
sur le site Internet de l’Institut de veille sanitaire (1).
La prévalence d’une maladie, qui fait référence au
nombre de personnes porteuses de cette maladie à
un moment donné, est le meilleur indicateur pour
évaluer les besoins en termes de soins. Théorique-
ment, les cas prévalents devraient donc être ceux qui
ont une maladie évolutive. En pratique, on utilise la
notion de prévalence partielle, qui consiste à dénom-
brer les personnes qui ont eu un diagnostic de cancer
dans un délai xé (le plus souvent depuis moins de
5 ans). La pertinence de ce délai peut être discutée
Tableau I. Incidence des cancers en fonction de l’âge en France. Estimation pour l’année 2008
(Source : http://www.invs.sante.fr/surveillance/cancers/estimations_cancers/default.htm).
Tous 65-74 ans 75-84 ans 85 ans et +
Localisation Nombre
de cas
Nombre
de cas
Cas
dans la classe
d’âge (%)
Nombre
de cas
Cas
dans la classe
d’âge (%)
Nombre
de cas
Cas
dans la classe
d’âge (%)
Poumon 32 431 8 502 26,2 7 430 22,9 1 413 4,35
Côlon-rectum 38 923 9 822 25,2 12 452 31,9 5 468 14
Prostate 65 863 25 135 38,2 18 411 28,0 2 254 6,5
Sein 51 012 10 257 20,1 7 557 14,8 2 786 5,5
* L’ensemble de tous les cancers est calculé en faisant la somme des effectifs estimés pour les différents cancers et en prenant en compte le scénario
d’évolution choisi pour chacun d’eux.
1,0
0,8
0,6
Taux de mortalité
Âge au diagnostic 55-64 ans
Fonction en escalier
Spline de régression
Côlon-rectum
0,4
0,2
0,0 0 1 2
Délai en années depuis le diagnostic
3 4 5
1,0
0,8
0,6
Âge au diagnostic 75 ans et plus
Fonction en escalier
Spline de régression
0,4
0,2
0,0 0 1 2
Délai en années depuis le diagnostic
3 4 5
Figure 1. Taux de mortalité dû au cancer en fonction du délai depuis le diagnostic (source : Francim 2007).
2,0
1,5
1,0
Taux de mortalité
Fonction en escalier
Spline de régression
Poumon
0,5
2,0
1,5
1,0
0,5
0,0 0 1 2
Délai en années depuis le diagnostic
3 4 5
Fonction en escalier
Spline de régression
0,0 0 1 2
Délai en années depuis le diagnostic
3 4 5
0,25
0,20
0,15
Taux de mortalité
Fonction en escalier
Spline de régression
Sein
0,10
0,05
0,25
0,20
0,15
0,10
0,05
0,0 0 1 2
Délai en années depuis le diagnostic
3 4 5
Fonction en escalier
Spline de régression
0,0 0 1 2
Délai en années depuis le diagnostic
3 4 5
0,25
0,20
0,15
Taux de mortalité
Fonction en escalier
Spline de régression
Prostate
0,10
0,05
0,25
0,20
0,15
0,10
0,05
0,0 0 1 2
Délai en années depuis le diagnostic
3 4 5
Fonction en escalier
Spline de régression
0,0 0 1 2
Délai en années depuis le diagnostic
3 4 5
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ONCOGÉRIATRIE
en fonction des pathologies. Pour la France, nous
disposons d’estimations de prévalence partielle à
3 et 5 ans qui sont, hélas, réalisées pour une période
un peu ancienne : 2002 (2).
Survie. Les personnes atteintes de cancer peuvent
mourir d’autres causes que de leur cancer et ce d’au-
tant plus qu’elles sont âgées (tableau◆II). Les résul-
tats des études de survie en population présentent
donc généralement la survie observée et la survie
relative (dont le calcul inclut une correction qui
élimine la part de la mortalité due aux causes autres
que le cancer étudié).
En plus de la survie observée à un moment donné, il
est aussi intéressant d’étudier l’évolution du risque
de décéder selon que l’on se situe immédiatement
après le diagnostic ou, au contraire, à distance de
celui-ci. Cette mesure dynamique” permet de
montrer que ce risque décroît souvent rapidement
avec le temps. Toutefois, pour un même cancer, la
dynamique nest pas identique aux différents âges.
Comme les autres indicateurs, les chiffres de survie
font l’objet d’estimations régulières, les derniers
portant sur les cas diagnostiqués de 1989 à 1997
et suivis jusqu’en 2002 (3-5).
En résumé, pour les quatre localisations les plus
fréquentes que sont le poumon, le côlon-rectum, la
prostate chez l’homme et le sein chez la femme, les
patients âgés de 75 ans et plus sont concernés dans
un tiers des cas en moyenne : 40 % pour le poumon
et le côlon-rectum, 30 % pour la prostate et 20 %
pour le sein. Ces chiffres se passent de commentaires
et confirment indéniablement la nécessité d’une
“préoccupation oncogériatrique”.
Évaluation de la personne âgée
présentant un cancer :
quels espoirs pour 2010 ?
Lévaluation en oncogériatrie constitue un élément
essentiel de la prise en charge de nos patients. Les
personnes âgées atteintes de cancer nécessitent une
prise en charge spécifique, qui doit être généralisée,
et qui doit tenir compte non seulement des carac-
téristiques de leur maladie cancéreuse mais aussi
des particularités liées à leur âge et à leur terrain.
Elle doit éviter autant le sous-traitement, régulier
dans les classes d’âges élevés, qu’un acharnement
inadapté. Lannée 2010 devrait nous apporter des
réponses dans ce domaine.
Lévaluation gériatrique standardisée permet d’en-
visager la personne âgée dans sa globalité. Cette
évaluation médico-psycho-sociale est malheureu-
sement chronophage et ne peut être dispensée à
tous les patients. Il est donc nécessaire de mettre à
la disposition des oncologues un outil de sélection
afin d’identifier les patients susceptibles de béné-
ficier de cette évaluation complète. C’est l’objectif
de l’étude nationale ONCODAGE, dont les premiers
résultats devraient être connus au cours de cette
année. L’outil proposé comporte les 7 items du Mini
Nutritional Assessment (MNA) de dépistage, auxquels
est associé un critère d’âge. Cette étude doit égale-
ment permettre de valider la version française du
Vulnerable Elders Survey 13 (VES 13) [6].
Une autre difficulté de l’évaluation en oncogéria-
trie est d’identifier des paramètres susceptibles de
prédire la survenue de toxicités lors d’un traitement
par chimiothérapie dans cette population. C’est à
cette question que doit répondre cette année le
PHRC (Projet hospitalier de recherche clinique) OLD
à l’aide d’une échelle gériatrique simplifiée réalisée
auprès de patients âgés de plus de 75 ans traités en
première ligne par chimiothérapie adjuvante ou dans
un contexte métastatique pour une tumeur solide (7).
Cependant, en attendant les résultats de ces deux
grandes études, il est nécessaire de maintenir la
collaboration entre oncologues et gériatres et de
permettre à nos patients âgés de disposer d’une
évaluation oncogériatrique préthérapeutique mini-
male. Cette échelle doit comporter au minimum une
évaluation sociale, une estimation du risque d’une
iatrogénie, une recherche des comorbidités signifi-
catives en gériatrie, une estimation du statut nutri-
tionnel, des fonctions cognitives et de la thymie, ainsi
Tableau II. Survie à 5 ans en fonction de l’âge pour les différents cancers (Source : Francim 2007).
Localisation
cancéreuse
Âge
(en années)
Survie observée
% (IC95)
Survie relative
% (IC95)
Côlon-rectum
[55;65[
[65;75[
[75 et +[
56 (55-57)
50 (49-51)
30 (29-31)
60 (59-61)
58 (57-59)
51 (49-52)
Poumon
[55;65[
[65;75[
[75 et +[
14 (13-15)
11 (10-11)
5 (5-6)
16 (15-17)
13 (12-14)
8 (7-9)
Sein
[55;65[
[65;75[
[75 et +[
83 (82-83)
76 (75-77)
51 (50-52)
85 (84-86)
83 (82-84)
78 (77-80)
Prostate [55;65[
[65;75[
[75;85[
[85 et +[
74 (73-76)
68 (67-69)
46 (45-47)
20 (18-22)
81 (80-83)
82 (81-84)
75 (73-77)
62 (57-67)
Figure 2. Carte des UPCOG.
Strasbourg
CHU/CLCC
Rouen
CHU/CLCC
Nantes/Angers
CHU/CLCC/
CH La Roche-sur-Yon
Bordeaux
CHU/CLCC
Limoges
CHU/Cl. privées
Marseille
CLCC/CDG
Lyon
CHU/CLCC/Cl. privées
Clermont-Ferrand
CHU/CLCC/CH
Dijon
CHU/CLCC/CH
Cl. privées
Toulouse
CHU/CLCC
CH Senlis/Creil
Lille
CHU/CLCC
CHU Henri-Mondor
CHU La Pitié/C Foix
CHU HEGP/CLCC I. Curie
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ONCOGÉRIATRIE
qu’une analyse de l’autonomie et du risque de chute
du patient pour les activités de la vie quotidienne
(tableau◆III) [8]. Ces items doivent permettre de
classer les patients selon la classification proposée
par L. Balducci et M. Extermann afin d’envisager au
mieux le traitement à proposer (9).
15 unités pilotes réparties
sur le territoire : pour faciliter
la coordination en
oncogériatrie
En réponse à la mesure 38 du Plan cancer I et après
appels à projets, 15 unités pilotes de coordination en
oncogériatrie (UPCOG) ont été retenues, dispersées
sur le territoire(figure◆2,◆tableau◆IV). Leurs missions :
Tableau III. Exemple d’évaluation gériatrique simplifiée en oncogériatrie.
Cible Méthode
Évaluation sociale Lieu de résidence (domicile, institution), intervention d’aides,
protection juridique
Risque d’une iatrogénie Nombre de médicaments et classes thérapeutiques
Existence de comorbidités
significatives en gériatrie
Troubles cognitifs, confusion, dépression, incontinence, chutes,
malnutrition, insuffisance cardiaque évoluée, autre cancer
Statut nutritionnel Perte de poids au cours des 3 derniers mois (≥ 5%), albuminémie
Fonctions cognitives
Mini Mental State Examination
(MMSE), test de l’horloge
Thymie
Mini-Geriatric Depression Scale
(mini-GDS)
Risque de chute
Timed Get up and Go Test
Autonomie
Instrumental Activities of Daily Living
(IADL)
La Lettre du Cancérologue Vol. XIX - n° 3 - mars 2010 | 229
ONCOGÉRIATRIE
formation du personnel soignant (médecins ou
non), des étudiants (enseignement) et information
(médecins, soignants, pharmaciens, patients et
familles, grand public) ;
recherche : recherche épidémiologique, recherche
fondamentale (par exemple, “vieillissement et
cancer”, etc.), recherche clinique avec protocoles
thérapeutiques dédiés aux personnes âgées ;
amélioration des soins, avec élaboration de réfé-
rentiels pour personnes âgées atteintes de cancers,
évaluation gériatrique avant la décision thérapeu-
tique, participation d’un gériatre aux réunions de
concertation pluridisciplinaire.
Nous sommes à présent à l’heure des bilans pour
ce qui est de l’effi cacité des structures créées. Dans
l’attente de l’analyse définitive des opérations enga-
gées, ces unités restent à la disposition des pôles de
cancérologie qui le souhaitent.
Les DIU et DU :
l’accès à l’enseignement
oncogériatrique
La région lyonnaise (encadré◆1), étoffée d’une
collaboration avec les villes de Genève, Grenoble,
Saint-Étienne, Dijon, Montpellier, Clermont-Ferrand,
Bordeaux, Limoges et Toulouse, l’Île-de-France
(encadré◆2), avec la contribution de Tenon, de la
Pitié-Salpêtrière et de l’hôpital européen Georges-
Pompidou (Paris V et VI), ainsi que les Pays de la
Loire avec Nantes (encadré◆3) ont mis en œuvre
un enseignement de l’oncogériatrie, et ce depuis
bientôt 10 ans pour celui de Lyon.
Selon les sites, l’enseignement, réparti sur un ou
deux ans, est réalisé sous forme de sessions ou de
séminaires de plusieurs jours.
Les bases de l’enseignement comprennent une
formation en oncologie générale dans les princi-
pales pathologies cancéreuses, en gériatrie, avec
évaluation des malades.
Ici, l’hématologie est plus qu’évoquée, là les présen-
tations de dossiers et les synthèses d’observations
sont privilégiées, préparant les candidats à l’anima-
tion des réunions de concertation pluridisciplinaire
(RCP) d’oncogériatrie.
L’axe prioritaire est l’accès à un langage commun
entre oncologue et gériatre. L’enseignement de
l’oncogériatrie apparaît comme nécessaire dans
la formation des oncologues et des gériatres de
demain.
Parallèlement, l’EFEC (École de formation euro-
péenne en cancérologie) [encadré◆4] dispense
Tableau IV. Listes des UPCOG.
Centre Lieu Coordinateur UPCOG
UPCOG Aquitaine Bordeaux Pr Rainfray
UPCOG Auvergne Clermont-Ferrand Dr Roux
UPCOG Paris GHU Sud Créteil Dr Paillaud
UPCOG Bourgogne Dijon Pr Fumoleau/Dr Quipourt
UPCOG Paris GHU Est Ivry-Pitié-Salpêtrière Dr Chaïbi
UPCOG Lille Lille Dr Servent
UPCOG Limousin Limoges Dr Martin
UPCOG Lyon Lyon Dr Comte/Dr Albrand
UPCOG Marseille Marseille Dr Rousseau
UPCOG Paris GHU Ouest HEGP-Curie
A. Paré
Pr Saint-Jean
UPCOG Loire Nantes Dr Lacroix
UPCOG Haute-Normandie Rouen Pr Chassagne
UPCOG Alsace Strasbourg Pr Heitz
UPCOG Picardie Senlis Dr Carola
UPCOG Midi-Pyrénées Toulouse Dr Mourey
Université Claude-Bernard,
Lyon I, Antenne formation
continue santé
8, avenue Rockefeller,
69373 Lyon cedex 08
Valérie Boissier
Tél. : 04 78 77 75 76
Fax: 04 78 77 28 10
E-mail :
fcsante@sante.univ-lyon1.fr
Encadré 1. DIU donco-
gériatrie Lyon I.
Anne-Bé Knoché
Tél. : 01 71 18 14 45
Fax : 01 71 18 14 51
Inscriptions : www.efec.eu
Encadré 4. Formation
médicale continue
EFEC.
Informations pédagogiques et autorisation
d’inscription auprès du directeur d’enseignement
Hôpital européen Georges-Pompidou
Service de gériatrie
Site Web : http://www.hegp-geriatrie.fr
20, rue Leblanc, 75908 Paris cedex 15
Métro : Balard, ligne 8
Secrétariat : Mme Armelle Jourry
Tél. : 01 56 09 33 13 – Fax : 01 56 09 38 21
Ouvert du lundi au vendredi
Encadré 2. DIU d’oncogériatrie Paris V-VI.
Renseignements et demande d’inscription
Fabienne Junin, assistante de formation
Tél. : 02 51 25 07 16
Charlette Cloarec, responsable d’action formation
E-mail : charlette.cloar[email protected]
Service de formation continue de l’université de Nantes
2 bis, boulevard Léon-Bureau
BP 96228, 44262 Nantes Cedex 2
Tél. : 02 51 25 07 25
Encadré 3. Le Diplôme universitaire d’onco-
gériatrie des Pays de la Loire.
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