4 Les dossiers d’Histoire et civilisation nº1 Automne 2007
DOSSIER Réalités modernes en France
ment de la société, à la place d’une hiérarchie héritée
du passé. Ainsi, les valeurs d’égalité et d’autonomie
(en actes et en pensées) se sont graduellement impo-
sées et ont été à la source de nombreux bouleverse-
ments, tant aux niveaux politique et économique que
religieux, artistique et familial.
Également, la modernité doit beaucoup à l’impor-
tance toujours croissante qu’a pris la rationalité dans
les mentalités. Des philosophes puis les premiers
scientifiques ont opposé la logique et les preuves
empiriques aux croyances anciennes et dogmatiques.
Non seulement les sciences modernes et leur conti-
nuel avancement ont résulté de ce développement;
l’industrialisation lui doit son existence, de même
que l’État moderne, qui sont tous deux des traits
majeurs de la modernité.
Quant à l’idée de progrès, ses premiers balbutie-
ments apparaissent à la Renaissance. Jusqu’à cette
époque, la chrétienté européenne considérait le mon-
de physique comme un lieu de passage en attendant
le paradis, un lieu de péché et de malheur. La trans-
formation opérée aux XVe et XVIe siècles réside
dans un renouveau d’intérêt pour le monde des hom-
mes et dans sa valorisation. L’essor de l’art repré-
sentatif en témoigne justement : le réalisme a rem-
placé les formes stylisées du Moyen-Âge. Cet intérêt
pour le monde a été porté plus loin par les Lumières.
Celui-ci est alors véritablement devenu la finalité de
l’existence, et une dimension d’amélioration conti-
nuelle de la condition humaine a été projetée dans le
futur. Ainsi, le progrès moral, politique, économique
et artistique a remplacé le paradis de l’au-delà. Cette
« force motrice » a porté les consciences de millions
d’individus.
Un parcours thématique
Dans ce dossier, nous présentons un portrait de ce
qu’ont pu être les implications de la modernité en
France. Le vaste panorama offert cherche à faire revi-
vre l’univers des Français de cette époque dans sa glo-
balité. Le portrait s’étale donc sur cinq articles, qui
traitent respectivement de la politique, de l’économie,
du choc entre science et religion, des arts et, enfin, de
la vie privée.
Du côté politique, l’individualisme et ses valeurs de
liberté et d’égalité ont mené à l’apparition de la dé-
mocratie. L’État, de plus en plus bureaucratisé, est
devenu l’incarnation abstraite du pouvoir. La moder-
nité a aussi marqué le triomphe de la bourgeoisie,
détruisant sur son passage les privilèges de l’ancien-
ne classe dominante. Enfin, l’idée de progrès s’est
incarnée dans les espoirs relatifs aux révolutions. Le
courant disciplinaire emprunté est celui de l’histoire
sociale, la réflexion s’ouvrant donc à un éventail
plus large de faits que les événements politiques
eux-mêmes.
Ensuite, toujours dans l’esprit de l’histoire sociale,
la réalité économique et ses différents systèmes sont
présentés. Étroitement liée à la politique, l’économie
représente en quelque sorte l’« engrenage » de base
de la modernité, cette dernière s’étant nourrie de la
création exponentielle de richesses. Au départ, le
capitalisme a dominé la sphère économique avec la
consécration de la propriété privée et du libre mar-
ché par les autorités politiques. Mais du même coup,
il s’est créé un rival colossal : le socialisme. Com-
munément fondés sur l’idée de progrès matériel infi-
Honoré Daumier, Le Wagon de la troisième classe,
1864. Bois : 26 x 34 cm, Boston, collection Mr et
Mrs David Bakalar.