19/04/17
revenir à la conception plus ancienne et thomiste, d’une liberté pour l’excellence, c’est-
à-dire d’une liberté d’être et de grandir en tant qu’humain, ce qui rencontre, par un autre
biais, la question psychologique du développement personnel.
Par ailleurs, la liberté est toujours aussi une liberté située : Rik Torfs, recteur de la KUL,
a souligné combien développer un projet universitaire qui articule la recherche,
l’enseignement et le service à la société, impose un certain nombre de choix et du courage,
mais est aussi cadré par de multiples contingences et contraintes. Tout en même temps,
c’est aussi une expression de cette liberté que de donner sens aujourd’hui au fait qu’une
université trouve ses racines dans la tradition catholique, alors même que la majorité de
son corps professoral et de ses étudiants ne s’identifient plus directement à cette tradition.
Les limites de l’autonomie et de la liberté s’imposent dans les situations de grande
vulnérabilité et de fragilité quant à la santé, quand la dépendance est de plus en plus
grande et qu’il y a perte croissante de la maîtrise de sa propre vie. Walter Lesch souligne
qu’il y a alors appel à ce que le médecin respecte au maximum ce qui reste d’autonomie
de la part de la personne malade, c’est-à-dire sa capacité d’autodétermination pour une
vie sensée dans la condition qui est la sienne.
Les questions qui tournent autour de la fin de vie ne sont rencontrées de façon pleinement
humaine que si on n’en reste pas à la décision solitaire de la personne concernée, mais
qu’on fait place dans la délibération à tout le milieu relationnel, famille, proches, équipes
médicales, qui est celui de la personne : Ignace Berten et Sylvie Schoetens ont été
complémentaires à ce sujet. L’autonomie, oui, mais une autonomie relationnelle ; liberté,
oui, mais une liberté qui fait positivement place aux autres. Ni liberté et autonomie sans
limites, mais pas plus normes absolues, extérieures, hétéronomes, qui s’imposent
inconditionnellement.
La modernité nous a libérés ou a cherché à nous libérer de toute hétéronomie : des lois et
normes imposées au nom d’une autorité supérieure, celle de Dieu, celle du pouvoir
religieux, celle de l’État totalitaire. Dans une lecture attentive de Veritatis splendor,
l’encyclique de Jean-Paul II, Olivier Riaudel montre qu’elle comporte un glissement dans
l’affirmation de l’autonomie comme valeur : le texte oppose autonomie et théonomie. La
seule vraie liberté, selon le texte, est celle qui reconnaît la loi de Dieu, expression de sa
sagesse, loi qui ne peut être reconnue avec assurance que grâce à la révélation. Ne pas le
reconnaître expose la morale au relativisme et au subjectivisme, mais c’est confondre
autonomie et indépendance. Une telle théonomie est en fait une hétéronomie.
Différentes approches nous ont invités, explicitement ou implicitement, à penser
autrement la théonomie. Dieu n’est plus évident. Il ne s’impose pas, il se tient à distance
épistémique. Mais il s’offre. Selon John Hick, dit Philippe Cochinaux, la personne est
invitée à accomplir librement la volonté de Dieu dans l’amour : la théonomie lui est alors
offerte comme un don, et ce n’est qu’ainsi que la créature peut s’accomplir pleinement
dans la liberté. Mais on peut alors de demander quelle place une telle perspective peut
reconnaître à une position athée : l’athée ne peut-il accéder à une liberté vraie ?
S’appuyant en particulier sur Franz Böckle et Paul Tillich, qui élargitssent la perspective
d’une morale autonome développée par Albert Auer, Éric Gaziaux développe l’idée
d’autonomie théonome. La foi, et donc le rapport à Dieu, n’apporte pas de nouveau
contenu à l’éthique, et en ce sens il n’y a pas une éthique chrétienne matériellement