Lire l'article complet

publicité
Médecine
& enfance
Infection congénitale
à cytomégalovirus et surdité
ORL
N. Teissier, service ORL
hôpital Robert-Debré, Paris
[email protected]
Le cytomégalovirus (CMV) est un virus ubiquitaire, de la famille des herpès,
dont la séroprévalence au sein de la population est élevée (60 à 80 %). Chez
le sujet immunocompétent, l’infection à CMV se manifeste par un syndrome
grippal, souvent complètement anodin. Cependant, une infection en cours de
grossesse peut être à l’origine d’une infection congénitale sévère et est la première cause de surdité congénitale et de retard mental de l’enfant.
CAS CLINIQUE
Rubrique dirigée par M. François
Marine, dix mois, est amenée en consultation par ses parents pour suspicion de
surdité. Ils ont constaté qu’elle ne tourne pas la tête quand le chien de la famille aboie à côté d’elle et quand une porte
claque. Les babillages se font plus rares.
C’est leur premier enfant. Elle est née à
terme, avec un poids de naissance de
2,950 kg, à la suite d’une grossesse sans
particularité en dehors d’une fièvre inexpliquée au deuxième trimestre. Les
tests de dépistages auditifs à la naissance ont retrouvé la présence d’otoémissions provoquées des deux côtés.
Un test auditif subjectif en champ libre
(c’est-à-dire avec des hauts parleurs) retrouve actuellement un seuil à 70-80 dB
(normale pour l’âge < 40 dB). Les potentiels évoqués auditifs pratiqués au
moment de la sieste mettent en évidence
un seuil élevé, à 50 dB à droite et 60 dB à
gauche (normal < 20 dB) (figure 1).
Devant l’existence de cette surdité
moyenne bilatérale, d’allure progressive, un appareillage auditif bilatéral est
proposé. Avec ses prothèses, Marine
semble plus alerte et recommence à
vouloir communiquer oralement.
Marine ayant moins de deux ans, une
recherche de CMV par PCR sur le carton
de Guthrie est proposée aux parents,
d’autant qu’on a la notion d’une fièvre
inexpliquée au deuxième trimestre de
grossesse. Celle-ci reviendra positive, ce
qui conduit à proposer à cet enfant un
bilan plus complet : ophtalmologique,
neurologique et vestibulaire, à la recherche d’atteintes associées.
mai 2012
page 212
Quelques mois plus tard, on note l’apparition d’un retard de langage ; l’enfant ne progresse plus, les vocalises sont
pauvres et monotones. Le bilan audiométrique montre une aggravation de la
surdité avec une absence de réponse à
100 dB en champ libre, confirmée par
des potentiels évoqués auditifs (figure 2).
Malgré l’optimisation de l’appareillage,
aucun gain prothétique n’est constaté.
Le bilan est alors complété par une imagerie. Sur le scanner, il n’y a pas d’anomalie de l’oreille interne, les cochlées et
les vestibules sont normaux. A l’IRM, les
nerfs VII et VIII sont présents et symétriques ; cependant, on constate l’existence de kystes temporaux, une polymicrogyrie et une dilatation des ventricules compatibles avec l’infection
congénitale à CMV (figure 3).
Compte tenu de l’aggravation de la surdité et de l’absence de bénéfice prothétique, en l’absence de contre-indication
chirurgicale, une implantation cochléaire est réalisée.
On note depuis une nette progression
dans la production de mots simples et
un rattrapage progressif du retard de
langage. A quatre ans, Marine est scolarisée en deuxième section de maternelle
dans une école normale et bénéficie
d’un soutien orthophonique deux à trois
fois par semaine.
INFECTION CONGÉNITALE
À CYTOMÉGALOVIRUS
L’infection congénitale à CMV concernerait 0,2 à 1 % des naissances. 10 %
Médecine
& enfance
Figure 1
PEA altérés : l’onde V est retrouvée à
50 dB à droite et à 60 dB à gauche.
Figure 2
PEA plats : aucune onde V n’est obtenue
avec des clicks à 90 dB, aussi bien à
droite qu’à gauche.
Figure 3
IRM T2 coupes axiale (à gauche) et coronale (à droite) mettant en évidence une
polymicrogyrie avec un aspect irrégulier des sillons, une dilatation des cornes
temporales des ventricules latéraux, prédominant à gauche, donnant l’impression de
kystes temporaux. Il existe aussi quelques anomalies diffuses de la substance blanche.
15 % développent des séquelles neurologiques et une surdité.
PHYSIOPATHOLOGIE
de ces enfants font une forme symptomatique, marquée par un retard de
croissance, un ictère néonatal, une
hépato splénomégalie et éventuellement une thrombocytopénie ; parmi
eux, 60 % présentent des lésions cérébrales et un handicap neurologique
(microcéphalie, convulsions, hypotonie, troubles de déglutition et séquelles
neurosensorielles à type de chroriorétinite et de surdité). Parmi les enfants
asymptomatiques à la naissance, 8 à
Plusieurs éléments influencent le pronostic des enfants infectés in utero par
le CMV. Lors de la primo-infection, le
risque d’embryofœtopathie et d’hypotrophie est important, et le risque de
transmission materno-fœtale est de 30 à
50 %. Si l’infection survient dans les six
mois qui précèdent la conception, le
risque de transmission materno-fœtale
reste présent, mais moindre. Cependant, l’immunisation antérieure ne protège pas contre le risque d’embryofœtopathie, et le risque de transmission materno-fœtale est estimé à 1,4 %. L’absence de protection d’une séropositivité
peut être la conséquence soit d’une réinfection par une autre souche virale,
soit d’une réactivation de la souche initiale quiescente à l’occasion d’une infection concomitante.
Parmi les facteurs de risque d’infection
materno-fœtale, le contact avec des enfants en bas âge et le jeune âge de la
mère [1] constituent des éléments significatifs. En effet, les enfants porteurs
d’infection congénitale à CMV sécrètent
du virus dans les urines et la salive jusmai 2012
page 213
qu’à quarante-huit mois, et, par ailleurs,
on a constaté que les femmes de moins
de vingt ans lors de l’accouchement
avaient trois fois plus de risque d’avoir
un enfant contaminé à la naissance, les
jeunes femmes se contaminant au début
de leur activité sexuelle.
Enfin, le statut immunologique de la
mère influence le risque de transmission : les mères HIV positives présentent un risque plus important d’avoir un
enfant symptomatique à la naissance en
cas de séroconversion au CMV en cours
de grossesse : 30,8 % des enfants seront
symptomatiques versus 3,3 % en cas de
sérologie HIV négative [2].
TRANSMISSION MATERNOFŒTALE : IMPORTANCE
DES IGG NEUTRALISANTES
La transmission materno-fœtale est corrélée à la charge virale et inversement
corrélée au titre d’anticorps, en particulier au titre des anticorps neutralisants
de forte avidité. En effet, le CMV se lie
aux IgG lors du passage transplacentaire par transcytose [3]. En cas de forte
avidité, le complexe est reconnu par les
macrophages des villosités choriales, ce
qui entraîne la destruction virale, alors
qu’en cas de faible avidité, le complexe
Médecine
& enfance
n’est pas reconnu par les macrophages,
évitant ainsi la destruction et contaminant le fœtus.
Par ailleurs, la transmission fœtale peut
être augmentée en cas d’infection virale
ou bactérienne concomitante à la séroconversion [4]. Enfin, la transmission
fœtale est aussi inversement proportionnelle au terme, l’infection fœtale
étant plus fréquente au cours du troisième trimestre [5].
CMV ET PATHOGÉNIE PLACENTAIRE
Les lésions fœtales consécutives à l’infection congénitale à CMV peuvent être
la conséquence d’atteintes placentaires
ou fœtales.
L’hypotrophie fœtale est le résultat
d’une insuffisance placentaire plus que
d’une atteinte virale directe sur le fœtus. En effet, le CMV est responsable de
lésions vasculaires entraînant une inflammation, une fibrose et une nécrose
des villosités choriales. Cela induit un
épaississement placentaire, lui-même
responsable d’une baisse de l’apport
sanguin. A terme, cela entraîne une hypoxie fœtale, un retard de croissance et
une hypotrophie. L’hypoxie elle-même
a aussi pour conséquence une insuffisance hépatique et splénique, une
thrombopénie, une leucomalacie périventriculaire et des calcifications. Le
CMV lui-même peut être responsable
d’une modification de la perméabilité
placentaire [6].
Les atteintes neurologiques et sensorielles (auditives et visuelles) sont la
conséquence de la conjonction de
l’agression virale et de l’hypoxie placentaire.
LA SUSCEPTIBILITÉ AU CMV ET
AUX ATTEINTES NEUROLOGIQUES
DÉPEND DE L’ÂGE GESTATIONNEL
Du point de vue de la pathogénicité
neurale, le CMV présente un tropisme
particulier pour les cellules neurales
non différenciées, et en particulier pour
les cellules souches de la zone périventriculaire du cerveau [7]. Cela explique
la topographie des lésions que l’on retrouve classiquement chez les enfants
aux antécédents d’infection congénitale
à CMV : le virus induit une perte de cellules souches et de cellules intermédiaires ; en conséquence, le cerveau est
de petite taille et présente des troubles
de maturation. On retrouve aussi fréquemment chez ces enfants une polymicrogyrie, une brachycéphalie ou une dilatation des espaces péricérébraux, témoins de l’altération de la différenciation des cellules neurales et de leur migration.
DIAGNOSTIC D’UNE
INFECTION CONGÉNITALE
À CYTOMÉGALOVIRUS
DIAGNOSTIC VIRAL : LE FŒTUS
EST-IL INFECTÉ ?
Toute la difficulté dans la prise en charge d’une infection à CMV au cours de la
grossesse est de déterminer si le fœtus
est atteint. Si l’infection fœtale est
prouvée, la datation de l’infection est
elle aussi importante. Plusieurs examens indirects peuvent orienter sur le
statut immunologique de la mère. Tout
d’abord une séroconversion avérée
chez une mère antérieurement séronégative donne au clinicien des informations précieuses. Cependant, le statut
préconceptionnel n’est pas toujours
connu, le dépistage systématique
n’étant pas recommandé en France
pour l’instant ; de plus, la séroconversion n’induit pas systématiquement une
transmission fœtale.
Comme dans d’autres infections, l’existence des IgM oriente sur la chronologie
de l’infection, mais, dans le cas du CMV,
l’interprétation de la sérologie peut être
trompeuse. Les IgM apparaissent lors de
la primo-infection mais peuvent réapparaître à l’occasion d’une réactivation virale et persister plusieurs mois. Si la séroconversion ne peut être prouvée, l’association d’IgM anti-CMV et d’IgG de
faible avidité est en faveur d’une primoinfection récente. L’avidité des IgG augmente avec le temps : les IgG de faible
avidité peuvent persister vingt semaines
après l’infection.
Plus que l’infection maternelle, la transmai 2012
page 214
mission fœtale est l’information fondamentale : la recherche d’ADN viral dans
le liquide amniotique ou dans le sang
fœtal par PCR ou culture virale permet
d’authentifier la contamination fœtale.
Enfin, chez le nouveau-né, une recherche virale par PCR peut être effectuée sur les urines au cours des deux
premières semaines (sensibilité 71 à
100 %, spécificité 99 %). Si elle est positive, elle témoigne d’une infection
congénitale ; au-delà de ce délai, l’identification du CMV dans les urines peut
être le témoin d’une infection postnatale, par le lait maternel, par exemple.
Afin de déterminer rétrospectivement si
un enfant était porteur d’une infection
congénitale à CMV, une recherche
d’ADN viral peut être effectuée par PCR
sur les cartons des tests de Guthrie [8].
Cependant, cette recherche est limitée
habituellement à deux ans après la naissance, car les cartons ne sont pas gardés
au-delà.
Quand l’infection a pu être identifiée
précocement, la charge virale à la naissance est corrélée à l’importance des séquelles neurologiques chez les enfants
symptomatiques et asymptomatiques.
ÉCHOGRAPHIE PRÉNATALE :
À LA RECHERCHE D’ÉLÉMENTS
EN FAVEUR D’UNE INFECTION
CONGÉNITALE À CMV
Plusieurs auteurs ont suggéré que la
surveillance échographique pouvait ne
pas être suffisante pour suspecter une
infection congénitale à CMV chez une
femme non suivie sérologiquement.
Dans une étude rétrospective publiée en
2005, Abdel-Fattah constatait que les
signes habituellement évocateurs, comme le retard de croissance, les kystes
périventriculaires, les échodensités hépatiques ou digestives, l’ascite, les microcalcifications ou encore la microcéphalie, étaient bien souvent trop tardifs
[9] . L’étude rétrospective de Benoist
(2008) a montré que l’échographie prénatale n’avait qu’une sensibilité de 86 %
et une spécificité de 80 % chez des fœtus dont l’infection à CMV était connue
[10]. L’étude menée par Guerra conclut
que 1 fœtus sur 5 ou 1 fœtus sur 7 aura
Médecine
& enfance
une échographie normale alors que l’infection est avérée [11].
IMAGERIE POSTNATALE :
ÉVALUATION RÉTROSPECTIVE
DE L’INFECTION CONGÉNITALE
A la relecture systématique des scanners et IRM effectués chez des nourrissons infectés par le CMV, Iovino a
constaté que 52 % des scanners étaient
anormaux, 43 % avaient des élargissements des espaces sous-arachnoïdiens
et 41 % des anomalies de la myélinisation [12]. Les autres anomalies fréquemment rencontrées sont les kystes cérébraux, en particulier au niveau du lobe
temporal, des calcifications, des élargissements ventriculaires, des anomalies
de la différenciation substance blanchesubstance grise, des microgyries ou encore des hypoplasies cérébelleuses.
L’existence de certaines anomalies permet de dater l’infection : les kystes périventriculaires et les lésions corticales
sont évocateurs d’infection avant la
vingt-sixième semaine, alors que les
anomalies des sillons sont plutôt évocatrices d’une survenue de l’infection
entre la seizième et la vingt-deuxième
semaine [13].
QUELS FACTEURS PRÉDICTIFS
D’UNE INFECTION FŒTALE ?
L’infection fœtale peut être suggérée par
l’existence d’une hypotrophie, d’une
thrombopénie fœtale ainsi qu’une élévation des γGT [14]. La faible avidité des IgG
dans le sérum maternel est associée à un
risque plus important d’infection. Enfin,
la charge virale dans le liquide amniotique permet d’estimer le risque de transmission fœtale (> 1000 copies), voire le
risque de maladie symptomatique à la
naissance (> 5000 copies) [15].
CYTOMÉGALOVIRUS
ET SURDITÉ
NEUROSENSORIELLE
INCIDENCE DE LA SURDITÉ
Dans le cadre d’une étude prospective
sur dix ans, 74 enfants sur 14021 nais-
sances (soit 0,53 %) étaient porteurs
d’une infection congénitale à CMV et ont
été suivis ; 4 d’entre eux étaient symptomatiques à la naissance [16]. 60 enfants
ont été évalués régulièrement pour leur
audition. Une surdité a été identifiée
chez 21 % des patients asymptomatiques
et chez 33 % des patients symptomatiques à la naissance, soit chez 22 % des
enfants infectés. 5 % ont présenté une
surdité tardive, 11 % une surdité progressive et enfin 16 % une surdité fluctuante. En extrapolant ces données, il est
estimé que 36 % des surdités neurosensorielles sont secondaires à une infection
congénitale à CMV.
Une étude portant sur le statut sérologique de la mère a montré que l’immunisation préalable de la mère ne conférait pas une protection contre une atteinte auditive chez l’enfant, cependant
la surdité était alors le plus souvent unilatérale [17].
Le délai d’apparition de la surdité est de
trente-trois mois en cas d’infection
symptomatique et de quarante-quatre
mois pour une infection asymptomatique [18]. Il est donc nécessaire de proposer une surveillance prolongée chez
tout enfant aux antécédents d’infection
congénitale à CMV du fait d’un fort
risque de dégradation secondaire [19].
FACTEURS DE RISQUE DE SURDITÉ
CHEZ UN ENFANT AYANT UNE
INFECTION CONGÉNITALE À CMV
Les risques identifiés de surdité neurosensorielle chez ces enfants sont :
첸 une infection symptomatique à la
naissance (OR = 9,3) ;
첸 une charge virale supérieure à 5 000
PFU dans les urines et à 10 000 copies/ml dans le sang ;
첸 un retard de croissance intra-utérin ;
첸 une thrombopénie.
ATTEINTES HISTOPATHOLOGIQUES
DE L’OREILLE INTERNE
L’analyse des rochers des fœtus dont la
grossesse a été interrompue et des enfants décédés à la suite d’une infection
néonatale sévère a permis de définir les
cibles préférentielles du virus au sein de
l’oreille interne. On retrouve une forte
mai 2012
page 215
concentration virale au niveau de la strie
vasculaire et des cellules sombres du labyrinthe, structures toutes deux responsables du recyclage du potassium, la première pour l’endolymphe de la scala media et la seconde pour la périlymphe du
vestibule. La surdité pourrait alors être la
conséquence d’un dérèglement du flux
de potassium, l’échappement progressif
expliquant la survenue parfois tardive ou
fluctuante de la surdité. Paradoxalement,
les cellules ciliées sont indemnes d’infection virale. L’atteinte vestibulaire est fréquente et ne doit pas être sous-estimée.
PRISE EN CHARGE
QUELLE PRÉVENTION POSSIBLE ?
Pour certains auteurs, la clé de la prise
en charge réside dans la prévention.
Vauloup-Fellous a démontré dans une
étude prospective que la sensibilisation
des mères séronégatives aux mesures hygiéniques avait permis de diminuer de
manière significative le taux de séroconversion [20]. Une autre piste envisagée est
celle de la vaccination, mais celle-ci n’est
pas encore fiable : l’existence de différents sérotypes rend la réalisation d’une
immunoprotection efficace difficile [21].
L’espoir repose alors plus sur la baisse de
la prévalence virale au sein de la population, qui entraînerait une diminution du
risque de séroconversion, que sur une
protection vaccinale efficace.
PRISE EN CHARGE PRÉNATALE
Plusieurs molécules antivirales sont disponibles, mais elles ne sont pas dénuées
de risques chez la femme enceinte et le
fœtus. Le ganciclovir et le valaciclovir
sont les molécules habituellement proposées en cours de grossesse [22]. Il semblerait que la diffusion du valaciclovir
dans le liquide amniotique soit satisfaisante et permette une baisse des lésions
fœtales, cependant les études n’ont pas
retrouvé une différence significative
permettant de justifier une prise en
charge systématique des femmes enceintes séroconverties.
Nigro a proposé, quant à lui, des immunoglobulines polyvalentes chez les
Médecine
& enfance
femmes enceintes ; il retrouve une diminution des atteintes virales sur le
fœtus (organomégalie, dilatation ventriculaire, retard de croissance) ainsi
que sur le placenta [23]. Il suggère un
rôle protecteur permettant de diminuer le risque de contamination fœtale
[24]. Ces études n’ont cependant pas été
effectuées dans un cadre randomisé et
il semble donc difficile d’en tirer des
conclusions.
En France, compte tenu de l’absence de
consensus quant à un traitement prénatal dénué de risque pour le fœtus et la
mère, une interruption de grossesse
peut être proposée devant l’existence de
lésions fœtales évocatrices d’une infection et la confirmation de la présence virale dans le liquide amniotique.
TRAITEMENT POSTNATAL
Kimberlin a démontré qu’un traitement
de six semaines par ganciclovir, à raison
de 12 mg/kg/j, permettait de diminuer
de manière significative le risque de
surdité, au moins pendant les deux premières années (21 % versus 68 % de
surdité progressive à un an, p < 0,01)
[25]. De plus, ce traitement semble avoir
aussi un effet positif sur le pronostic
neurologique. Cependant, la toxicité
hématologique et le pouvoir mutagène
Références
[1] FOWLER K.B., STAGNO S., PASS R.F. : « Maternal age and
congenital CMV infection : screening of two newborn populations 1980-1990 », J. Infect. Dis., 1993 ; 168 : 552-6.
[2] LERUEZ-VILLE M. : « CMV congenital infection in children born
to HIV infected mothers over a 10 yr period (1993-2004) », 2008
Congenital CMV conference, Nov 5-7 2008, Altanta, GA, USA.
[3] MAIDJI E., MCDONAGH S., GENBACEV O. et al. : « Maternal
antibodies enhance or prevent CMV infection in the placenta by
neonatal Fc receptor-mediated trancytosis », Am. J. Pathol.,
2006 ; 168 : 1210-26.
[4] PEREIRA L., MAIDJI E., MCDONAGH S. et al. : « Human CMV
transmission from the uterus to the placenta correlates with the
presence of pathogenic bacteria and maternal immunity », J. Virol., 2003 ; 77 : 13301-14.
[5] PASS R.F., FOWLER K.B., BOPPANA S.B. et al. : « Congenital
CMV infection following the first trimester maternal infection :
symptoms at birth and outcome », J. Clin. Virol., 2006 ; 35 : 216-20.
[6] WOOLF N.K., JAQUISH D.V., KOEHM F.J. : « Transplacental
murine cytomegalovirus infection in the brain of SCID mice », Virol. J., 2007 ; 4 : 26.
[7] TSUTSUI Y., KASHIWAI A., KANAMURA N. et al. : « Prolonged
infection of mouse brain neurons with murine CMV after pre and
perinatal infection », Arch. Virol., 1995 ; 140 : 1725-36.
[8] LERUEZ-VILLE M., VAULOUP-FELLOUS C., COUDERC S. et
al. : « Retrospective diagnosis of congenital CMV infection in
DBS from Gruthrie cards : French experience », Arch. Pédiatr.,
2009 ; 16 : 1503-6.
ne permettent pas de le proposer systématiquement à tout enfant infecté à la
naissance. D’autres études vont dans le
même sens [26, 27].
CONCLUSION
L’enfant doit être soumis à une surveillance audiométrique régulière. Un
test de dépistage, otoémissions ou potentiels évoqués automatisés, doit idéalement être pratiqué pendant la période
néonatale. Un suivi doit être effectué
tous les six mois pendant les quatre premières années, à la recherche d’une dégradation auditive, comme dans le cas de
Marine. La surveillance peut ensuite être
annuelle, mais elle pourra être rapprochée à la moindre dégradation auditive.
En cas de surdité neurosensorielle, un
appareillage auditif sera mis en place, aidé, si besoin, d’un soutien orthophonique. En cas de surdité profonde à sévère bilatérale, un implant cochléaire sera
proposé à l’enfant. En effet, les résultats
auditifs sont bons, tout à fait comparables aux résultats obtenus pour les surdités génétiques, avec cependant un léger retard à l’acquisition du langage, rapidement compensé à un an. La prise en
charge doit bien sûr être complétée par
un accompagnement multidisciplinaire
des autres éventuelles séquelles.
L’infection congénitale à CMV est responsable de surdités neurosensorielles
dont la fréquence est actuellement sousestimée. La responsabilité du virus dans
la survenue d’une surdité n’est pas toujours facile à établir : l’histoire de la
grossesse, les caractéristiques à la naissance peuvent orienter rétrospectivement. En l’absence de diagnostic anténatal ou néonatal, l’affirmation de l’existence d’une infection congénitale à CMV
repose sur la recherche virale par PCR
sur le carton de Guthrie. Cependant,
cette identification est limitée par la durée de stockage des cartons. Une vigilance particulière doit être exercée à la découverte d’une surdité chez un jeune enfant ; la recherche sur carton de Guthrie
doit alors être demandée, car elle permet de guider les parents sur les possibles profils évolutifs, et elle ne pourra
être faite ultérieurement.
En l’absence de consensus thérapeutique sur la prise en charge en cours de
grossesse et de traitements dénués d’innocuité, les enfants contaminés in utero ne sont pas systématiquement traités. Ils doivent cependant faire l’objet
d’une surveillance audiométrique rapprochée.
첸
[9] ABDEL-FATTAH S.A., BHAT A., ILLANES S. et al. : « TORCH
test for fetal medicine indications : only CMV is necessary in the
United Kingdom », Prenat. Diagn., 2005 ; 25 : 1028-31.
[10] BENOIST G., SALOMON L.J., JAQUEMARD F. et al. : « The
prognostic value of ultrasound abnormalities and biological paramaters in blood of fetuses infected with CMV », BJOG, 2008 ;
115 : 823-9.
[11] GUERRA B., SIMONAZZI G., PUCCETTI C. et al. : « Ultrasound prediction of symptomatic congenital CMV infection »,
Am. J. Obstet. Gynecol., 2008 ; 198 : 380.
[12] IOVINO I. : « Neuroimaging abnormalities in asymptomatic
congenital CMV infection », 2008 Congenital CMV conference,
Nov 5-7 2008, Altanta, GA, USA.
[13] MALLINGER G., LEV D., ZAHALKA N. et al. : « Fetal CMV infection of the brain : the spectrum of sonographic findings »,
Am. J. Neuroradiol., 2003 ; 24 : 28-32.
[14] LAZZAROTTO T., VARANI S., BUERRA B. et al. : « Prenatal indicators of congenital CMV infection », J. Pediatr., 2000 ; 137 : 90-5.
[15] GOEGEBUER T., VAN MEENSEL B., BUESELINCK K. et al. :
« Clinical predictive value of real-time PCR quantification of human CMV in amniotic fluid samples », J. Clin. Microbiol., 2008 ;
47 : 660-5.
[16] FOULON I., NAESSENS A., FOULON W. et al. : « A 10yr
prospective study of sensorineural hearing loss in children with
congenital CMV infection », J. Pediatr., 2008 ; 153 : 84-8.
[17] ROSS S.A., FOWLER K.B., ASHRITH G. et al. : « Hearing loss
in children with congenital CMV infection born to mothers with
preexisting immunity », J. Pediatr., 2006 ; 148 : 332-6.
[18] FOWLER K.B., BOPPANA S.B. : « Congenital CMV infection
and hearing deficit », J. Clin. Virol., 2006 ; 35 : 226-31.
[19] BOPPANA S.B., FOWLER K.B., PASS R.F. et al. : « Congenital
CMV infection : association between virus burden in infancy and
hearing loss », J. Pediatr., 2005 ; 146 : 817-23.
[20] VAULOUP-FELLOUS C. : « A two-year study on CMV infection during pregnancy in a French hospital (A. Béclère) », 2008
Congenital CMV conference, Nov 5-7 2008, Altanta, GA, USA.
[21] PASS R.F., ZHANG C., EVANS A. et al. : « Vaccine prevention
of maternal cytomegalovirus infection », N. Engl. J. Med., 2009 ;
360 : 1191-9.
[22] JACQUEMARD F., YAMAMOTO M., COSTA J.M. et al. :
« Maternal administration of valaciclovir in symptomatic intrauterine CMV infection », BJOG, 2007 ; 114 : 1113-21.
[23] NIGRO G., ADLER S.P., LA TORRE R. et al. : « Passive immunization during pregnancy for congenital CMV infection », N. Engl. J. Med., 2005 ; 353 : 1350-62.
[24] NIGRO G., TORRE R.L., PENTIMALLI H. et al. : « Regression of
fetal cerebral abnormalities by primary CMV infection following
hyperimmunoglobulin therapy », Prenatal Diagn., 2008 ; 28 : 512-7.
[25] KIMBERLIN D.W., LIN C.Y., SANCHEZ P.J. et al. : « Effect of
ganciclovir therapy on hearing in symptomatic congenital CMV
disease involving the central nervous system : a randomized
controlled trial », J. Pediatr., 2003 ; 143 : 16-25.
[26] NIGRO G. : « Oral ganciclovir for severe cerebropathy due to
congenital cytomegalovirus infection », 2008 Congenital CMV
conference, Nov 5-7 2008, Altanta, GA, USA.
[27] LACKNER A., ACHAM A., ALBORNO T. et al. : « Effect on hearing of ganciclovir therapy for asymptomatic congenital CMV infection : 4-10 year follow- up », J. Laryngol. Otol., 2009 ; 123 : 391-6.
PRISE EN CHARGE DE LA SURDITÉ
mai 2012
page 216
Téléchargement