CONGRÈS RÉUNION Le cœur de l’innovation C. Cimadevilla* American College of Cardiology (Chicago, 24-27 mars 2012) Le congrès de l'American College of Cardiology (ACC), en grande partie destiné à la formation continue, aborde les grands thèmes de la cardiologie générale. Peu de résultats de grandes études ont été présentés sous forme de “hotline”. Chaque type de session avait des objectifs bien précis, les symposiums permettaient de résumer l’état actuel des connaissances et les nouveautés en cours d’évaluation, et aucune question n’était posée aux orateurs. En revanche, les sessions “meet the experts” étaient interactives. Le vieillissement et le traitement percutané des valvulopathies, en particulier le Transcatheter Aortic Valve Replacement (TAVR), comptaient parmi les grands sujets abordés. Ce rapport ne vise pas à être exhaustif, il retranscrit les éléments les plus intéressants ou novateurs de ce congrès. Insuffisance cardiaque Échocardiographie transthoracique (d’après la communication de Scott D. Solomon, Boston [Massachusetts, États-Unis]) * Département de cardiologie et unité Inserm U698, hôpital Bichat-ClaudeBernard, Paris. L’échographie transthoracique est un examen accessible, peu coûteux et incontournable dans le suivi de l’insuffisance cardiaque (IC). Elle permet le diagnostic positif d’IC avec l’estimation des pressions de remplissage ventriculaires gauches et de la pression artérielle pulmonaire, son diagnostic étiologique, ainsi que la stratification du risque du patient (fraction d’éjection du ventricule gauche [FEVG], dimensions du VG, fraction d’éjection ventriculaire droite, volume de l’oreillette gauche, degré d’insuffisance mitrale). Plusieurs technologies sont en cours de développement : le speakle tracking, qui permet d’évaluer la fonction systolique globale par strain longitudinal, la désynchronisation intraventriculaire gauche, et l’efficacité de la resynchronisation ; la recherche d’artefacts pulmonaires par ultrasons (nommés “commettes”), dont la présence pourrait être corrélée à la pression télédiastolique du VG ; l’échocardiographie 3D, qui permettrait une meilleure 8 | La Lettre du Cardiologue • n° 456 - juin 2012 visualisation des volumes et de la cinétique ventriculaire gauche ; et enfin, les échographes portables dits “hand held TTE”, en cours de validation. Marqueurs biologiques (d’après la communication de James L. Januzzi Jr, Boston [Massachusetts, États-Unis]) Le BNP et le Nt-proBNP sont des marqueurs biologiques utilisés dans l’IC comme aide au diagnostic pour estimer la sévérité de la maladie et dans un but pronostique. Le débat se situe actuellement dans le management de l’IC fondé sur le BNP. Selon l’orateur, l’adaptation thérapeutique dans l’IC guidée par le BNP est efficace en termes d’événements et de remodelage positif à l’échographie transthoracique, à condition de cibler une population de patients jeunes ayant une dysfonction ventriculaire gauche, de viser des objectifs de Nt-proBNP bas (inférieur à 1 000 pg/ml), de guider le traitement et d’en évaluer la réponse à l’aide du taux plasmatique de BNP (soumis à publication). En revanche, il souligne que le marqueur biologique doit toujours venir en complément de l’examen et de l’impression clinique du patient. Insuffisance cardiaque et réadaptation cardiovasculaire à l’effort (d’après la communication d'Ileana L. Pina, Cleveland Heights [Ohio, États-Unis]) La réadaptation cardiaque fait partie intégrante du traitement de l’IC. Dans l'étude HF-ACTION, qui cible des patients en IC chronique dont la FEVG est inférieure à 35 %, la réadaptation à l’effort est associée à une diminution significative du nombre de décès d’origine cardiovasculaire et d'hospitalisations pour IC, et à une amélioration fonctionnelle CONGRÈS RÉUNION durable (1). D’autres études ont montré que le bénéfice existait quels que soient le sexe, l’âge et le niveau de risque, et que cette réadaptation était sans risque en présence d’un défibrillateur automatique implantable. Le protocole (intensité, fréquence cardiaque, durée, progression) est adapté à chaque patient. La réussite de ce programme dépend de l’éducation du patient et de son adhésion à la prise en charge. Insuffisance cardiaque terminale Thérapie cellulaire (d’après la communication de Leslie W. Miller, Tampa [Floride, États-Unis]) Plusieurs études pilotes réalisées dans les cardiopathies ischémiques semblent prometteuses et montrent une efficacité clinique (diminution de la taille de la cicatrice en IRM, diminution des dimensions ventriculaire gauches télédiastoliques et télésystoliques, amélioration de la FEVG à 6 et à 12 mois), sans dangerosité. Le dernier exemple présenté au congrès est l’étude FOCUS-CCTRN (2). Dans cet essai multicentrique de phase II, 92 patients coronariens ayant une FEVG inférieure à 45 %, sous traitement médical maximal, symptomatiques avec un défaut de perfusion au SPECT (Single-Photon Emission Computed Tomography) et non revascularisables ont été randomisés en double aveugle versus placebo pour l’injection transendocardique de cellules mononucléées autologues de moelle osseuse. Il n’y avait pas d’amélioration de la VO2max du volume télésystolique du VG ni de la réversibilité du defect en SPECT. En revanche, une amélioration de la FEVG à la limite de la significativité a été constatée. Selon les experts, cette étude est très importante et très prometteuse pour la thérapie cellulaire dans l’insuffisance cardiaque, et ce malgré sa négativité. soit dans les états cliniques critiques où le patient devient prioritaire sur la liste des patients en attente d’une greffe. Ce type d’assistance place le patient en position suboptimale (perte de muscle, dénutrition, etc.) et doit donc être temporaire. Les appareils d’assistance ventriculaire gauche sont implantés dans l’indication d’une attente de transplantation cardiaque ou en traitement définitif pour les patients en IC terminale qui nécessitent un support inotrope positif et qui ne sont pas candidats à une transplantation cardiaque. Le Heart Mate II, par exemple, une pompe à flux continu pour une assistance ventriculaire gauche, montre dans les études les plus récentes une survie à 1 an de 73 % et à 2 ans de 72 %. L’étude REVIVE IT, actuellement en cours, pose la question d’une implantation plus précoce des appareils d’assistance ventriculaire gauche chez des patients en IC symptomatique, sous traitement médical maximal, non éligibles pour la transplantation, mais n’ayant pas besoin de traitements inotropes positifs. Post-transplantation cardiaque (d’après la communication de Sharon Hunt, Palo Alto [Californie, États-Unis]) La recherche dans le domaine de la post-transplantation cardiaque avance. Une nouvelle entité de rejet, le rejet par anticorps anti-HLA à l’origine de complications hémodynamiques et coronaires du greffon, a été identifiée. Elle est aujourd’hui mieux détectée, mieux évitée et mieux traitée. De nouveaux immunosuppresseurs, les inhibiteurs de mTOR, ont fait leur apparition. Ils permettraient de diminuer les cancers et la progression de la maladie coronaire du greffon, mais au prix d’une mauvaise tolérance et d’une moins bonne cicatrisation des patients. Les traitements traditionnels s’adaptent désormais de façon individuelle en fonction des antécédents personnels de rejet, de cancer ou de dysfonction rénale. Assistance ventriculaire gauche (d’après la communication de Keith D. Aaronson, Ann Arbor [Michigan, États-Unis]) Valvulopathies La prise en charge de l’IC terminale aux États-Unis diffère de celle de la France par une utilisation plus systématique de l’assistance ventriculaire gauche implantable. Il en existe différents types selon l’objectif, le degré d’assistance nécessaire et le délai d’implantation. Les appareils temporaires sont indiqués soit dans les cas où une guérison est espérée (myocardite aiguë), Année de cardiopathies valvulaires (d’après la communication de Maurice EnriquezSarano, Rochester [Minnesota, États-Unis]) Rétrécissement aortique serré à bas gradient, fraction d'éjection ventriculaire gauche normale Le rétrécissement aortique calcifié (RAC) est une maladie du sujet âgé (moyenne 72 ans). Les sympLa Lettre du Cardiologue • n° 456 - juin 2012 | 9 CONGRÈS RÉUNION tômes ne sont pas toujours corrélés à la sévérité du RAC. Il semble que le pronostic soit moins bon pour les patients ayant un RAC serré à bas gradient et une FEVG normale que pour ceux ayant un RAC serré à haut gradient. Le pronostic n’est pas corrélé au gradient moyen mais à la surface valvulaire aortique, à condition qu’elle ne soit pas sous-estimée (mesure de l’intégrale tempsvitesse aortique, sous-aortique, et de la chambre de chasse ventriculaire gauche). Ces patients ont également plus de fibrose à l’IRM et un BNP plus élevé. Le Pr Sarano propose une nouvelle définition du RAC serré, afin de ne pas méconnaître les RAC serrés à faible gradient paradoxal. Elle fait appel au score calcique comme outil diagnostique : RAC serré = surface valvulaire aortique inférieure à 1 cm2 et gradient moyen supérieur à 40 mmHg, ou surface inférieure à 1 cm 2 et score calcique supérieur à 1 650. Traitement percutané des valvulopathies Les résultats de plusieurs registres de TAVR ont été publiés (UK TAVI registry, SOURCE registry) et viennent conforter les données des essais randomisés : le nombre de décès est comparable, les patients traités par TAVI apical ont plus de comorbidités et plus de décès que ceux traités par TAVR transfémoral. L’étude PARTNER A, qui montre les résultats à 2 ans, était souvent citée lors du congrès (3). Dans cette cohorte de 699 patients à haut risque chirurgical (supérieur à 15 % de risque de mortalité opératoire), les résultats du TAVI sont superposables à ceux de la chirurgie à 2 ans en termes de décès toutes causes confondues, de décès cardiovasculaire, de classe fonctionnelle NYHA ou d'AVC. Ces résultats sont d’autant plus importants qu’ils ont été obtenus avec des valves implantables de première génération dans des centres initialement peu expérimentés. Il ne semble pas y avoir plus de dégénérescence de bioprothèses à 2 ans que par voie chirurgicale. En revanche, il existe plus de fuites paravalvulaires. Les progrès dans les méthodes d’évaluation des patients, dans les types de prothèses disponibles et dans leur implantation permettent cependant de diminuer le nombre et l’intensité de ces fuites paravalvulaires. Le MitraClip, traitement percutané de l’insuffisance mitrale (IM) est en cours d’évaluation pour le traitement de l’IM fonctionnelle. Il a été montré que la chirurgie restait le traitement de référence pour l’IM organique. Les premières études n’ont cependant pas 10 | La Lettre du Cardiologue • n° 456 - juin 2012 mis en évidence de différences significatives entre le MitraClip et la chirurgie dans l’IM fonctionnelle. Les essais cliniques sont donc toujours en cours. Le pronostic post-MitraClip dépend du degré d’IM résiduelle et de la présence d’une anémie hémolytique postinterventionnelle. Le valve in valve est également une technique en voie d’émergence et en cours d’évaluation, et semble être une alternative intéressante pour le traitement des patients âgés qui présentent une dysfonction de bioprothèse (4). Chirurgie valvulaire chez le sujet âgé (d’après la communication de Frederic L. Glover, Aurora [Colorado, États-Unis], Richard J. Shemin, Los Angeles [Californie, États-Unis], W. Randolph Chitwood, Greenville [Caroline du Nord, États-Unis]) Dans la chirurgie valvulaire mitrale chez le sujet âgé, il est important de retenir que la plastie mitrale est faisable dans 70 % des cas et qu’elle est assortie d’une meilleure survie et de moins de complications qu’un remplacement valvulaire mitral par bioprothèse. La chirurgie de remplacement valvulaire aortique semble être une proposition raisonnable chez les patients âgés de plus de 70 ans. Parmi les sujets à bas risque chirurgical, la survie à 10 ans est identique à celle de la population du même âge. En revanche, chez les patients à haut risque, elle est très diminuée par rapport à la survie attendue. Chez les octogénaires ayant bénéficié d’un remplacement valvulaire aortique, la qualité de vie est la même que celle de la population générale, avec 80 % de survie à 1 an. Les facteurs de risque préopératoire et de décès postopératoire sont l’insuffisance rénale, l’insuffisance aortique, le caractère urgent de la chirurgie et la nécessité d’un geste de pontage aortocoronaire associé. Au final, la chirurgie cardiaque valvulaire chez le sujet âgé est réalisable ; les risques sont essentiellement liés aux comorbidités du patient ; la plastie mitrale est préférable au remplacement valvulaire même chez le sujet âgé ; les techniques mini-invasives sont en cours d’évaluation ; le TAVI est une bonne alternative en cas de contre-indication chirurgicale ou de risque trop élevé. Dans la situation de la chirurgie rédux, la mise en place percutanée de valve in valve semble être une alternative séduisante pour les sujets âgés qui ont une dégénérescence de bioprothèse. CONGRÈS RÉUNION Techniques émergentes dans le traitement de l'hypertension artérielle résistante (d’après la communication de Henry Krum, Melbourne [Victoria, Australie]) Sympathectomie rénale La sympathectomie rénale est une option en cours d’évaluation dans le traitement de l’hypertension artérielle (HTA) réfractaire. Les nerfs efférents et afférents sont situés dans la paroi des artères rénales, à l’extérieur de l’adventice, et sont impliqués dans la physiopathologie de l’HTA via l’activation du système rénine angiotensine aldostérone. La dénervation percutanée réalisée par radiofréquence est en cours d’évaluation. Dans SYMPLICITY I, étude non randomisée, une baisse de pression artérielle systolique de 27 mmHg et de pression artérielle diastolique de 10 mmHg à 12 mois avait été obtenue avec une persistance de l’efficacité à 3 ans. L’essai randomisé SYMPLICITY HTN II dans l’HTA systolique supérieure à 160 mmHg au moins sous trithérapie a conforté les résultats en termes de sécurité et d’efficacité à 6 mois. SYMPLICITY HTN III est un essai randomisé en aveugle en cours qui permettra de conclure quant à l’efficacité de cette méthode. L’orateur n’a pas évoqué les complications possibles pendant la procédure, il n’a pas non plus décrit dans le détail les modalités de la procédure. Appareillage de sensibilisation baroréflexe C’est un système implantable avec une sonde placée au niveau du sinus carotidien permettant de stimuler le système baroréflexe. Il aurait montré, dans les études préliminaires, une baisse prolongée de la pression artérielle systolique et diastolique, ainsi qu’un remodelage inverse avec une diminution de l’hypertrophie ventriculaire gauche. En revanche, une étude randomisée en aveugle n’a pas montré de bénéfice significatif sur le traitement médical à ■ 12 mois. D’autres études sont en cours. Références bibliographiques 1. O’Connor CM, Whellan DJ, Lee KL et al. Efficacy and safety of exercise training in patients with chronic heart failure: HF-ACTION randomized controlled trial. JAMA 2009;301:1439-50. 2. Perin EC, Willerson JT, Pepine CJ et al. Effect of transendocardial delivery of autologous bone marrow Mononuclear cells on functional capacity, left ventricular function, and perfusion in chronic heart failure: The FOCUS-CCTRN Trial. Jama 2012 [Epub ahead of print]. 3. Kodali SK, Williams MR, Smith CR et al. Two-year outcomes after transcatheter or surgical aortic-valve replacement. N Engl J Med 2012 [Epub ahead of print]. 4. Eggebrecht H, Doss M, Schmermund A, Nowak B, Krissel J, Voigtländer T. Interventional options for severe aortic regurgitation after transcatheter aortic valve implantation: balloons, snares, valve-in-valve. Clin Res Cardiol 2012 [Epub ahead of print]. Chers abonnés, chers lecteurs, L’équipe Edimark vous souhaite un très bel été d’évasion et de réflexion, et vous donne rendez-vous dès la rentrée pour vous accompagner dans votre pratique ! La Lettre du Cardiologue • n° 456 - juin 2012 | 11