L Activité sexuelle et maladies cardiovasculaires : le rôle clé du cardiologue

MISE AU POINT
La Lettre du Cardiologue n° 456 - juin 2012 | 21
Activité sexuelle
et maladies cardiovasculaires :
le rôle clé du cardiologue
Sexual activity and cardiovascular disease:
the key role of the cardiologist
C. Mounier-Vehier*, A. Lemaire**, J. De Monte***
* Service de médecine vasculaire
et hypertension artérielle, hôpital
cardio logique, CHRU de Lille.
** Endocrinologie-sexologie, Lille.
*** Cardiologue, clinique de la
Mitterie, Lomme.
L
es patients gardent une certaine réserve “socio-
culturelle” à parler de sexualité à leur cardio-
logue et pourtant, leur attente est importante.
Les troubles sexuels, en particulier la dysfonction
érectile (DE), sont une source majeure de dépres-
sion, de perte d’estime de soi et d’inobservance
thérapeutique qui induit des répercussions sur le
couple. De leur côté, nombre de cardiologues restent
réticents à aborder la vie sexuelle de leurs patients.
Pourtant, il est de leur rôle d’aller au-devant de la
demande du patient, de prendre l’initiative d’un
dépistage d’un trouble sexuel, de savoir entendre
une demande indirecte et d’y apporter des solu-
tions concrètes tout en dédramatisant la situa-
tion. La Société européenne d’hypertension (1) et
l’American Heart Association (2) ont récemment
proposé des recommandations de prise en charge des
troubles sexuels, soulignant l’importance de cette
problématique si nous voulons renforcer l’observance
thérapeutique.
Deux situations peuvent ainsi se présenter au
cardiologue : il s’agit soit d’une plainte d’un patient
cardiaque” qui souhaite une prise en charge spéci-
que de sa DE ; soit d’un patient à risque cardiovas-
culaire (CV) [hypertendu, diabétique, etc.], chez qui
le diagnostic précoce d’une DE permettra un bilan
CV avant la survenue d’une complication (1-3).
Troubles de la sexualité :
de quoi parle-t-on ?
Deux composantes peuvent être à l’origine de
troubles sexuels chez un patient à risque CV : une
composante physique – “je n’y arrive plus” –, et une
composante psychique – “je n’ai plus envie”. L’impact
psychologique du diagnostic d’une hypertension
artérielle (HTA) ou encore la survenue brutale d’un
accident CV peuvent être majeurs pour le patient,
avec des conséquences sur la sensation de “bien-
être” et la crainte associée d’une récidive pendant
l’acte sexuel. Plusieurs mécanismes sont à l’origine
d’un trouble sexuel chez l’homme. La DE en est la
cause la plus fréquente, la mieux connue et isolée
dans 1 cas sur 2. Elle est défi nie comme l’incapacité
permanente ou récurrente d’obtenir ou de maintenir
une rigidité pénienne suffi sante pour l’accomplisse-
ment d’un rapport sexuel. Les symptômes doivent
évoluer depuis au moins 3 mois pour asseoir le
diagnostic. D’autres troubles de la sexualité lui
sont fréquemment associés, comme le manque
d’intérêt sexuel, l’impossibilité d’orgasme ou d’éja-
culation, l’anxiété de la performance, l’orgasme ou
l’éjaculation trop rapides, et l’activité sexuelle “non
agréable” (4). Il s’agit d’un diagnostic d’interroga-
toire (1, 2). Afi n d’aborder plus facilement le dialogue
sur les troubles de la sexualité, le cardiologue peut
s’aider de l’autoquestionnaire IIEF-5 (International
Index of Erectile Function). Celui-ci comporte 4 ques-
tions portant sur la fonction érectile (Q2, Q4, Q5
et Q15) et 1 question portant sur la satisfaction
sexuelle (Q7) au cours des 4 dernières semaines. Cinq
domaines de la sexualité sont explorés : la fonction
érectile, la fonction orgasmique, le désir sexuel, la
satisfaction des rapports et la satisfaction globale.
Chaque domaine est noté en fonction des réponses
du patient. Le SCORE IIEF-5 correspond au total des
réponses aux 5 questions.
C. Mounier-Vehier
22 | La Lettre du Cardiologue n° 456 - juin 2012
Points forts
»
L’activité sexuelle est un élément important pour la qualité de vie du patient cardiaque et de son partenaire.
»Les troubles de la sexualité sont fréquents chez les patients ayant une maladie cardiovasculaire (CV).
»La dysfonction érectile est un marqueur précoce de maladie athéromateuse. Son diagnostic doit faire
engager un bilan approfondi pour identifier précocement les lésions athéromateuses.
»L'acte sexuel avec son partenaire habituel correspond à une activité physique d'intensité modérée et
de courte durée.
»L'activité sexuelle est possible chez les patients qui, après un bilan, sont à faible risque CV.
»
Les IPPD-5 sont utiles pour traiter une dysfonction érectile chez les hommes ayant une maladie CV stable.
»Les IPPD-5 ne doivent pas être utilisés chez les patients traités par dérivés nitrés.
Mots-clés
Activité sexuelle
Maladies
cardiovasculaires
Traitement
Dysfonction érectile
Highlights
»
Sexual activity is an impor-
tant component of patient and
partner quality of life for men
and women with CardioVas-
cular Disease (CVD).
»
Decreased sexual activity
and function are common in
patients with CVD.
»
Sexual dysfunction can be
considered as an early sign of
wide-spread atherosclerotic
disease in other vascular beds
as well. Its detection offers an
opportunity for early recogni-
tion of atherosclerotic lesions
through investigation.
»
Sexual activity with a
person’s usual partner
is comparable to mild to
moderate activity for short
duration.
»
Sexual activity is reasonable
for patients with CVD who, on
clinical evaluation, are deter-
mined to be at low risk of
cardiovascular complications.
»
PDE5 inhibitors are useful
for the treatment of erectile
dysfonction in men with stable
CVD.
»
PDE5 inhibitors should not
be used in patients receiving
nitrate therapy.
Keywords
Sexual activity
Cardiovascular disease
Treatment
Erectile dysfunction
Sa sensibilité est de 98 % et sa spécifi cité de 88 % (5)
[tableau I]. Chez la femme, les troubles sexuels,
bien que très fréquents, sont sous-dépistés, le sujet
restant très tabou. Ils concerneraient pourtant
presque 43 % des femmes en âge de procréer et
60 % des femmes en postménopause ayant conservé
une activité sexuelle (6). Ces troubles associent les
troubles du désir, les troubles de l’excitation sexuelle,
l’insuffi sance érectile clitoridienne, les troubles de
l’orgasme et les phénomènes douloureux. Nous
disposons aussi d’échelles d’évaluation : le BISF-W
(Brief Index of Sexual Functioning for Women), avec
une version française (6), et le FSFI (Female Sexual
Function Index) [7]. Le cardiologue a donc toute sa
place dans le dépistage des troubles sexuels chez
sa patiente, notamment au moment de la méno-
pause (1, 2).
La dysfonction érectile est
un symptôme annonciateur
de maladie cardiovasculaire
La DE est un indicateur de mauvaise santé sexuelle,
mentale et physique. Il s’agit d’un clignotant, “aver-
tisseur” d’une situation de santé pouvant engager
le pronostic vital (3, 8). La DE est le plus souvent
d’origine multifactorielle. Les paramètres psycho-
logiques sont un facteur aggravant fréquent d’une
maladie préexistante (2, 8). La prévalence de la
DE augmente avec l’âge (1 à 9 % de 18 à 39 ans,
2 à 30 % de 40 à 59 ans, 20 à 40 % de 60 à 69 ans
et 50 à 75 % au-delà de 70 ans) et dans le temps (8).
Lérection est un mécanisme vasculaire. Elle implique
une vasodilatation endothélium et NO-dépendante
des corps caverneux. La DE partage aussi avec les
maladies CV des facteurs de risque communs tels
que l’âge, l’hypertension, l’obésité, la dyslipidémie,
le tabac, le diabète, ou encore le syndrome d’apnées
du sommeil. La consommation excessive d’alcool
est un facteur favorisant (1, 9-12). Ces facteurs de
risque concourent à la survenue d’une dysfonction
endothéliale qui est le dénominateur commun de
la DE et de la maladie CV (13) [tableau II, p. 23].
La présence de tels facteurs de risque CV doit faire
rechercher une DE chez un homme âgé de plus
Tableau I. Indice international de la fonction érectile (IIEF-5).
Au cours des 4 dernières semaines, lorsque la stimu-
lation sexuelle a provoqué des érections, avec quelle
fréquence votre pénis a été suffi samment rigide (dur)
pour permettre la pénétration de votre partenaire ?
[0] Je n’ai pas eu de stimulation sexuelle
[5] Presque tout le temps ou tout le temps
[4] La plupart du temps
(beaucoup plus que la moitié du temps)
[3] Quelquefois (environ la moitié du temps)
[2] Rarement (beaucoup moins que la moitié du temps)
[1] Presque jamais ou jamais
Au cours des 4 dernières semaines, pendant vos rapports
sexuels, combien de fois avez-vous pu rester en érection
après avoir pénétré votre partenaire ?
[0] Je n’ai pas essayé d’avoir de rapports sexuels
[5] Presque tout le temps ou tout le temps
[4] La plupart du temps
(beaucoup plus que la moitié du temps)
[3] Quelquefois (environ la moitié du temps)
[2] Rarement (beaucoup moins que la moitié du temps)
[1] Presque jamais ou jamais
Au cours des 4 dernières semaines, pendant vos rapports
sexuels, à quel point vous a-t-il été diffi cile de rester en
érection jusqu’à la fi n de ces rapports ?
[0] Je n’ai pas essayé d’avoir de rapports sexuels
[1] Extrêmement diffi cile
[2] Très diffi cile
[3] Diffi cile
[4] Un peu diffi cile
[5] Pas diffi cile
Au cours des 4 dernières semaines, lorsque vous avez
essayé d’avoir des rapports sexuels, combien de fois
ont-ils été satisfaisants pour vous ?
[0] Je n’ai pas essayé d’avoir de rapports sexuels
[5] Presque tout le temps ou tout le temps
[4] La plupart du temps
(beaucoup plus que la moitié du temps)
[3] Quelquefois (environ la moitié du temps)
[2] Rarement (beaucoup moins que la moitié du temps)
[1] Presque jamais ou jamais
Au cours des 4 dernières semaines, à quel point étiez-
vous sûr de pouvoir avoir une érection et de la maintenir ?
[5] Très sûr
[4] Sûr
[3] Moyennement sûr
[2] Pas très sûr
[1] Pas sûr du tout
L’IIEF-5 reprend de l’IIEF-4 4questions portant sur la fonction
érectile (Q2, Q4, Q5 et Q15) et 1 question portant sur la satis-
faction sexuelle (Q7).
SCORE IIEF-5
SCORE = total des réponses aux 5 questions
26 à 30: absence de dysfonction érectile (DE); 22 à 25: DE
légère; 17 à 21: DE légère à modérée; 11 à 16: DE modérée;
6 à 10: DE sévère.
MISE AU POINT
La Lettre du Cardiologue n° 456 - juin 2012 | 23
de 50 ans. À l’inverse, en présence d’une DE, le
médecin doit proposer à son patient un bilan CV (9).
La DE est apparue comme un symptôme “sentinelle”,
véritable prodrome d’accidents aigus, coronariens ou
cérébraux (13). Dans l’étude de R.A. Kloner et al. (14),
49 des 300 patients ayant une coronaropathie
documentée par angiographie avaient une DE anté-
rieure de 3 ans en moyenne à l’angor, 2 fois sur 3.
I.M. Thompson et al. (3) ont souligné l’association
puissante entre la DE et la survenue d’événements
CV sur un suivi prospectif de 9 457 hommes (âge
supérieur ou égal à 55 ans) pendant 7 ans. Pour les
47 % d’hommes ayant une DE à l’inclusion, la DE
était liée à la survenue d’événements CV avec un
hazard-ratio de 1,45 (IC
95
: 1,25-1,69 ; p < 0,001).
Pour ceux qui ont présenté une DE en cours d’étude,
la DE était associée à la survenue d’événements
CV avec un hazard-ratio de 1,25 (IC95 : 1,02-1,53 ;
p < 0,004).
L’accident cardiovasculaire
a des conséquences sur la vie
sexuelle du patient à risque
Désormais, le retentissement de l’accident CV sur
la vie sexuelle de nos patients devrait être plus
systématiquement pris en compte pour améliorer
la qualité de vie et l’observance (1, 2, 9). L’impact
psychologique de la maladie elle-même est impor-
tant. D’autres facteurs sont à prendre en compte :
le maternage excessif du conjoint, les effets du trai-
tement sur la libido, l’asthénie, le syndrome dépressif
réactionnel, le sentiment de dévalorisation et de
fragilité, l’isolement social avec l’arrêt maladie, et
l’altération de la qualité de vie (1, 2, 9). La réédu-
cation CV avec des équipes sensibilisées, l’adhésion
à un club “Cœur et Santé” de la Fédération fran-
çaise de cardiologie (www.fedecardio.com), ainsi
que l’éducation thérapeutique (www.htavasc.fr),
peuvent être des leviers positifs pour améliorer la
vie sexuelle d’un patient.
L’impact des traitements
sur la vie sexuelle doit être
évalué régulièrement
Certains traitements entraînent une baisse de la
libido, comme les antihypertenseurs centraux (alpha-
méthyldopa, clonidine), certains bêtabloquants
liposolubles (propanolol), les antialdostérones,
les antidépresseurs et les anxiolytiques. Ces effets
seront très dépendants de la dose et de la durée du
traitement et très variables d’un patient à l’autre.
Les patients sont aussi très sensibles à l’effet
“nocebo”, induit par la lecture des notices d’infor-
mation, qui peut cristalliser le refus du patient à
prendre ses médicaments. D’autres traitements vont
directement induire ou aggraver des troubles de
l’érection : certains bêtabloquants (aténolol, propa-
nolol, bisoprolol), les diurétiques thiazidiques et
apparentés ainsi que les diurétiques de l’anse par
une baisse de la volémie, l’alpha-méthydopamine et
certaines statines. Les bloqueurs du système rénine-
angiotensine (inhibiteurs de l’enzyme de conversion,
antagonistes des récepteurs à l’angiotensine II), les
calcium-bloqueurs, le nébivolol ont un effet neutre.
Les alphabloquants amélioreraient les troubles de
l’érection. En réalité, tous les antihypertenseurs
peuvent être responsables d’une DE par une chute
tensionnelle trop prononcée (15-17).
Le cardiologue doit
connaître les contraintes
hémodynamiques
de l’acte sexuel
Le cardiologue doit pouvoir rassurer son patient sur
sa vie sexuelle (1, 2, 9). Le risque absolu de mort
subite par heure d’activité sexuelle hebdomadaire est
très rare, estimé à moins de 1 pour 10 000 personnes/
an (2). L’activité sexuelle est une composante impor-
tante du bien-être de chacun, que l’on ait ou non
une maladie CV. Les recommandations américaines
insistent sur 2 points essentiels lorsque l’on évoque
les risques d’infarctus liés à l’activité sexuelle (2) :
premièrement, il s’agit d’une activité physique,
qui, comme tout sport, accroît le risque d’accident
Tableau II. La dysfonction érectile est plus fréquente en
présence de facteurs de risque cardiovasculaires (d’après
Massachusetts Male Aging Study. J Urol 2000).
Risque relatif
Âge > 60 ans
3,2
Hypertension
2,7
Tabagisme
2,0
Surpoids
1,5
Traitement anti-HTA
2,0
HTA : hypertension artérielle.
Activité sexuelle et maladies cardiovasculaires : le rôle clé du cardiologue
MISE AU POINT
Figure 1. Quel patient dépister ? Le second consensus de Princeton (d’après G. Jackson
et al. J Sex Med 2006;3:28-36).
Demande sexuelle
Évaluation des facteurs de risque cardiovasculaires, des traitements et de suivi
de tous les patients avec dysfonction érectile
Évaluation clinique
Risque indéterminé
Faible risque Risque élevé
Activité sexuelle normale
et/ou traitement
de dysfonction érectile
Activité sexuelle diff érée
jusqu’à la stabilisation
des conditions CV
Évaluation CV
Restratifi cation
24 | La Lettre du Cardiologue n° 456 - juin 2012
cardiaque au moment où on la pratique (ce risque
redescend habituellement à son niveau de base en
2 heures environ) ; deuxièmement, la pratique régu-
lière d’une activité physique réduit ce risque d’acci-
dent cardiaque. L’acte sexuel correspond à un effort
d’intensité modéré, avec une dépense énergétique
d’environ 3 à 4 équivalents métaboliques (MET), soit
une montée de 2 étages ou 20 minutes de marche
rapide. Le risque d’accident CV est moindre qu’au
cours d'une crise de colère ou d'un exercice physique
inhabituel ou réalisé pendant les 2 à 4 heures qui
suivent le réveil.
Ainsi, avec un partenaire habituel, chez un sujet sain,
la pression artérielle systolique dépasse rarement les
170 mmHg et la fréquence cardiaque excède rare-
ment les 130 bpm pendant les 10 à 15 secondes
d’orgasme. Les contraintes hémodynamiques sont
comparables chez l’homme et chez la femme (2).
Leffort correspond à une montée de 3 étages
lorsqu’il s’agit d’une relation extraconjugale ou
d’un rapport ayant lieu dans une situation inhabi-
tuelle ou stressante. L’activité sexuelle exige, dans
la phase orgasmique, une consommation d’oxy-
gène (VO2) entre 10 et 14 ml/mn/kg. Chez l’insuf-
sant cardiaque, une activité sexuelle “normale”
est possible quand le pic de VO
2
est supérieur à
10 ml/ mn/kg (18). Même si l’activité sexuelle est
bénéfi que à la santé, il faut savoir reconnaître les
situations à risque (1, 2). Elles associent la séden-
tarité, la prise de drogues (cocaïne, amphétamines,
etc.), un nouveau partenaire, un partenaire plus
jeune chez le patient âgé, une relation extramaritale,
une situation cardiaque, vasculaire ou rythmologique
instable ou un accident CV récent (2, 9). Leffort
plus soutenu ou les hormones de stress libérées
augmentent le risque cardiaque (2). Dans l’ergo-
nomie sexuelle, aucune position n’est à privilégier,
sauf parfois chez certains insuffi sants cardiaques à
qui on déconseille le décubitus dorsal (2, 18). Les
patients avec porteurs d'un défi brillateur automa-
tique implantable (DAI) décrivent aussi des craintes
face à l’acte sexuel. Une étude descriptive a exploré
les expériences des couples qui ont repris une activité
sexuelle après l'implantation d’un DAI. Parmi les
thèmes identifi és gurent l’anxiété et l’appréhension
(avec surprotection du partenaire), la peur du choc
électrique interne au cours de l’activité sexuelle, ainsi
qu'un besoin d’information (19). Le risque absolu de
choc est très faible, car l’activité sexuelle induit le
plus souvent un stress myocardique modéré (2, 19).
Le cardiologue peut s’appuyer sur le consensus de
Princeton, et maintenant sur les recommandations
américaines pour conseiller son patient. Le consensus
de Princeton a été le premier à proposer au prati-
cien un guide tenant compte du niveau de risque CV
stratifi é en faible, élevé ou indéterminé.
Cette évaluation du risque tient compte des facteurs
de risque CV, des antécédents CV récents ou semi-
récents, et du caractère régulier ou non de l’activité
physique (fi gure 1). Le risque faible correspond à la
présence de moins de 3 situations ou de facteurs de
risque CV ; le risque moyen, à plus de 3 situations à
risque (angor stable, infarctus récent, insuffi sance
cardiaque [IC] de stade II) ; et le risque élevé aux
situations non stabilisées suivantes : HTA sévère et/
ou maligne, IC déstabilisée, angor instable, infarctus
datant de moins de 2 semaines, accident vasculaire
cérébral récent. Le deuxième consensus de Prin-
ceton insiste sur la nécessité d’évaluer les facteurs
de risque CV et de réaliser un dépistage coronarien
devant toute DE sans autre cause potentielle chez
un homme âgé de plus 50 ans (9). Les recomman-
dations américaines se sont ensuite appuyées sur
le consensus de Princeton (2).
Peut-on prescrire un traitement
de la dysfonction érectile
chez le patient à risque ?
Le traitement de la DE s’inscrit dans une prise en
charge globale du patient (1, 2, 9). Nous disposons
de traitements effi caces pour la DE masculine avec
la famille des inhibiteurs des phosphodiestérases 5
MISE AU POINT
Figure 2. L’érection est un mécanisme endothélium-dépendant. Le GMP cyclique avec
l’adénosine monophosphate cyclique (AMPc) sont les médiateurs fondamentaux de la
relaxation du muscle lisse intracaverneux et ils sont inactivés par des phosphodiestérases.
GMPc : Guanosine MonophosPhate cyclique (messager du NO dans la cellule endothéliale) ; NO : oxyde nitrique ; IPPD-5 :
phosphodiestérases de type 5.
Stimulus sexuel NO GMPc
GMP
PDE-5
Érection
Vasodilatation
des corps caverneux
TRAITEMENT
PAR IPPD-5
La Lettre du Cardiologue n° 456 - juin 2012 | 25
(IPPD-5). Il n’existe aujourd’hui aucun équivalent de
cette classe thérapeutique pour les femmes, capable
de lutter contre le manque ou l’absence de désir
sexuel féminin. Une seule molécule, la fl ibansérine,
a été élaborée, mais aucun pays n’a encore autorisé
sa mise sur le marché. Même si l’étude VIOLET a
montré des résultats encourageants de la fi bran-
sérine sur la libido des femmes en périménopause,
cette molécule pourrait être responsable d’étour-
dissements et de dépressions incitant donc encore
à la prudence (20). En revanche, pour les hommes
comme pour les femmes, une bonne hygiène de vie,
un appareillage du syndrome d’apnées du sommeil
et la reprise d’une activité physique régulière
améliorent la fonction endothéliale et la sensation
de bien-être (1, 2, 9). En pratique, il est préférable
de dépister les troubles sexuels avant l’instauration
des traitements CV et d’informer le patient sur leurs
possibles effets indésirables.
Ensuite, il ne faut pas incriminer trop vite les médi-
caments dans le trouble sexuel, mais rechercher
d’autres facteurs confondants. Les IPPD-5 sont le
traitement de première intention par voie orale de
la DE masculine (2) [fi gure 2]. Ils améliorent la
dysfonction endothéliale, diminuent la résistance
vasculaire pulmonaire et la pression artérielle
pulmonaire, augmentent la tolérance à l’exercice
et l'index cardiaque. Ils favorisent la sécrétion de
NO, permettant le maintien de la vasodilatation
des corps spongieux péniens. Par ces différents
mécanismes, les IPPD-5 ont ainsi un effet facilitant
sur l’érection. Avant leur prescription, il convient
de prendre en compte les autres traitements, en
particulier les dérivés nitrés et les médicaments
donneurs de NO”, qui sont formellement contre-
indiqués en cas de traitement par IPPD-5 (2, 9).
Leur coprescription concourt à l’augmentation
du GMPc, avec un risque d’hypotension brutale et
majeure. S’il s’agit d’un patient instable ou sévère,
l’hypotension et la tachycardie réflexe peuvent
décompenser dangereusement la maladie CV sous-
jacente. Le choix de l’IPPD-5 doit être expliqué, la
décision partagée avec le patient et sa partenaire.
Le sildénafi l, le tadalafi l et le vardénafi l sont les
3 IPPD-5 spécifi ques de la GMPc actuellement sur le
marché. Le cardiologue doit connaître les propriétés
de chaque molécule. Le critère de choix à retenir
sera la préférence du patient après information sur
les 3 IPPD-5, notamment sur leur délai, leur durée
d’action, ainsi que sur le mode de prise, en tenant
compte des autres pathologies et vulnérabilités,
des habitudes du couple et de son rythme d’activité
sexuelle. Les IPPD-5 sont un traitement facilitateur
de l’érection pris à la demande ou bien en une prise
quotidienne pour le tadalafi l au même moment
de la journée. Ces médicaments nécessitent une
stimulation sexuelle dont l’effet peut être visible dès
la première prise, et dont les résultats s’améliorent
au fi l du traitement, ce qui nécessite un minimum
de 4 à 6 essais. Les IPPD-5 peuvent être instaurés
chez le patient cardiaque stable. Le cardiologue doit
au préalable vérifi er le statut CV de son patient et
évaluer le risque lié à l’acte sexuel.
La prescription d’IPPD-5 doit être associée à une
modifi cation de l’hygiène de vie (réduction de la
consommation d’alcool et du poids chez le sujet
obèse, pratique régulière d’un exercice d’endurance,
réentraînement physique progressif pour les séden-
taires, gestion du stress) qui renforcera leur effi ca-
cité (2, 9). Toute prescription de dérivés nitrés doit
être évitée dans les 24 heures qui suivent la prise
de sildénafi l ou de vardénafi l, ou dans les 48 heures
après la prise de taladafi l (2). Le partenariat avec
l’andrologue et le médecin généraliste sont aussi
des gages d’effi cacité dans la prise en charge des
troubles sexuels chez les patients à risque.
Liens d’intérêts. Claire Mounier-Vehier, auteure principale,
est consultante pour plusieurs fi rmes pharmaceutiques pour
la rédaction d’articles et de diaporamas, pour la réalisation de
conférences et pour des missions de conseil. Elle a reçu des
subventions et des bourses de recherche pour conduire des
actions de recherche dans le domaine de l’éducation théra-
peutique. Les partenaires sont les suivants : AstraZeneca, Bayer
Pharma, BMS, Boeringher-Ingelheim, Bouchara-Recordati, Daiichi-
Sankyo, Ardix Therval-Euthérapie-Servier, Novartis Pharma,
Menarini, Merck Serono, Microlife, ResMed, MSD, Omron, Sanofi .
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