24 | La Lettre du Sénologue • n° 43 - janvier-février-mars 2009
Prédispositions génétiques au cancer du sein
DOSSIER THÉMATIQUE
le protocole de traitement, indépendamment d’un
essai, celles à qui on avait proposé un essai, PACS 04
ou PACS 05, mais qui l’avaient refusé et enfin, celles
qui avaient accepté la proposition d’inclusion dans
l’un de ces essais.
Les grandes lignes de résultats sont les suivantes :
Les femmes incluses dans un essai sont plus satis-
faites de la relation médecin-malade (mais pas des
aspects “techniques” des soins) : sont mis en avant,
le nombre plus élevé de consultations, l’information
plus formalisée, une meilleure coordination des soins,
une meilleure écoute des effets indésirables.
Pour la très grande majorité des femmes, le fait de parti-
ciper à un essai apparaît comme bénéfique pour les
autres patients et les médecins, mais avoir ce sentiment
ne préjuge en rien de leur acceptation d’être incluses.
Mais surtout, trois points apparaissent essentiels :
La randomisation représente indéniablement un frein,
les femmes étant, a priori, toutes défavorables à un
procédé difficile à comprendre, pas simple à accepter
sur le plan individuel. Il y a là, une nécessité pour le
médecin de faire un effort pédagogique pour bien
expliquer que ce procédé est une source d’égalité
des chances, puisqu’on ne sait pas, au départ, quel
traitement sera le plus efficace.
La qualité de l’information médicale donnée au départ
est importante sur la décision, mais ce n’est pas le
facteur prépondérant.
La décision dépend, en effet, principalement, du mode
de relation entre la femme et son médecin. Les femmes
acceptent d’autant plus d’intégrer un essai qu’elles ont
une relation de dépendance (et donc moins d’auto-
nomie) vis-à-vis de leur médecin. Il est frappant d’ap-
prendre, que parmi les femmes qui ont accepté d’être
incluses, 30 % l’ont fait car elles se sont senties incapa-
bles de refuser ce que le médecin leur proposait.
D’autres travaux, réalisés sur une population anglo-
saxonne et dans le contexte préventif de l’oncogé-
nétique, donnent des résultats finalement assez
proches.
L’étude anglaise de Lovegrove (3), portant sur 106
femmes auxquelles était proposée l’inclusion dans
l’essai IBIS, compare les femmes (la moitié) qui
ont refusé à celles qui ont accepté l’essai. Aucune
différence n’est retrouvée en fonction du statut
socio-économique, ni au-delà des propos altruistes,
de l’importance de la descendance. Celles qui ont
refusé l’inclusion dans l’essai sont les femmes les
plus informées des comportements de santé (hygiène
alimentaire, pratique d’activités physiques) ; les plus
autonomes dans leur relation avec leur médecin, celles
qui ont trouvé l’information sur le produit difficile à
comprendre et celles qui ont eu peur des effets indé-
sirables. Les deux groupes avaient en commun le fait
de surestimer leur risque de cancer du sein.
On peut citer aussi une petite étude canadienne (4),
comparant les femmes ayant accepté ou non l’essai STAR.
Dans ce travail, sont également mis en avant, l’impor-
tance des informations souhaitées, la peur des effets
indésirables et le rôle majeur attribué au médecin dans la
décision, conclusions aussi retrouvées par Kinney (5).
Proposer un essai de recherche clinique est une
démarche délicate pour le médecin, ayant d’ailleurs
conduit certaines équipes à proposer des guides lors
de la présentation de ces essais (6).
Le contexte de la médecine
prédictive
Le contexte de l’oncogénétique est, en effet, celui
d’une médecine prédictive : c’est-à-dire qu’elle prédit
un risque qui est, pour le dictionnaire Littré, “un péril
dans lequel entre l’idée de hasard”.
Pour aborder ce que les femmes peuvent ressentir et
accepter ou non, face à cette hormonoprophylaxie,
il faut se replacer dans le contexte plus global de la
démarche en oncogénétique. Qu’est-ce que la femme
souhaite savoir en venant consulter (7) ? Elle vient
tout à la fois chercher une information sur un risque,
la concernant elle et sa famille, sur la surveillance
et les éventuelles mesures préventives, parfois très
lourdes à mettre en place. Mais la personne qui s’en-
gage dans une démarche en oncogénétique ne se pose
pas simplement la question d’un savoir sur le corps
biologique et son code génétique. En cherchant à
préciser son statut de sujet à risque, elle se questionne
aussi sur son origine, sur l’hérédité et la filiation, se
confrontant ainsi à des problématiques diverses. Cette
démarche sous-tend, en fait, une série de questions
sur la vie, sur la mort et les liens transgénérationnels.
C’est le “savoir encombrant” qu’évoque Lebrun (8).
À partir d’un “savoir biologique”, comment les atti-
tudes vont-elles se mettre en place ? L’ambiguïté est
souvent présente dans les discours entendus : “Ce
n’est pas pour moi que je fais le test, mais pour mes
enfants”. Mais qui est susceptible de se voir proposer
un traitement ?
Dans ce contexte complexe, chargé émotionnellement,
la notion de préférences des femmes, vis-à-vis de
leurs décisions de prévention, doit nécessairement
être au premier plan. Peu d’études ont été faites dans
ce domaine. On retrouve quelques travaux étudiant
les perceptions des femmes vis-à-vis de telle ou telle
conduite prophylactique, en particulier la mastec-
tomie bilatérale (9), mais très peu qui globalisent leurs