DOSSIER THÉMATIQUE Comment proposer des essais d’hormonoprophylaxie aux femmes porteuses d’une mutation sur les gènes BRCA1 ou BRCA2 ? How to propose trials of hormonal prevention to the carrier women mutation on the genes BRCA1 or BRCA2? I. Piollet-Calmette, H. Dreyfus* L es femmes à haut risque de cancer du sein, porteuses d’une mutation BRCA 1 ou 2, avaient le choix jusqu’en 2008 entre des mesures de haute surveillance ou des actes chirurgicaux prophylactiques (annexectomies et/ou mastectomies bilatérales). Désormais, des essais d’hormonoprévention peuvent leur être proposés. La proposition de ce traitement hormonal à visée prophylactique est donc une démarche innovante pour les oncogénéticiens. Elle n’est possible qu’au travers d’essais de recherche clinique (étude LIBER), ce qui en complexifie la mise en route. Cela sous-entend par ailleurs que ce traitement n’est pas accessible à toutes les femmes à risque, même porteuses d’une mutation BRCA, certains critères d’inclusion dans l’étude étant requis. Cette proposition thérapeutique se situe dans un contexte de médecine prédictive, ce qui ne va pas sans soulever certaines contradictions éthiques (1). Comment composer avec le fameux “primum non nocere”, quand on sait bien qu’aucun traitement hormonal n’est totalement dénué d’effets indésirables. Or, il s’agit là de le proposer, non seulement à des femmes ayant déjà été malades, mais aussi à des femmes indemnes, certes à haut risque de cancer du sein, mais qui n’en auront peutêtre jamais un. La façon dont les femmes vont pouvoir percevoir cette proposition de traitement hormonal préventif, y réagir, voire s’y engager, est peu documentée dans la littérature internationale. L’objectif de ce travail est précisément d’étudier le ressenti et les attitudes de ces femmes, porteuses d’une mutation BRCA, en regard de cette nouvelle possibilité de prévention. Cela permet d’aborder leurs attentes vis-à-vis de leur prise en charge. Il y a nécessairement deux contextes d’analyse dans ce travail. Tout d’abord, ce traitement ne pouvant être proposé que dans un essai de recherche clinique, cela suppose d’aborder, dans un premier temps, le vécu des femmes vis-à-vis de ces essais. Dans un second temps, il s’agit de considérer la dimension particulière que revêt le contexte de la médecine prédictive. Ressentis et attitudes des femmes face à un essai de recherche clinique Il est intéressant de faire référence aux résultats de l’étude SATIS (2), même si elle n’était pas menée dans le contexte de l’oncogénétique et qu’elle n’est peut-être pas généralisable. Elle a le mérite d’être une étude récente (2004), multicentrique, portant sur une population assez importante de femmes (455) et surtout, réalisée dans notre population française : en effet, les facteurs culturels peuvent être déterminants en matière d’attitudes et de ressentis. Il s’agissait, dans cette enquête, de comparer trois groupes de femmes porteuses d’un cancer du sein et recevant le même protocole de chimiothérapie : celles qui recevaient * Consultation d’oncogénétique, Institut Sainte-Catherine, 1750 chemin du Lavarin, BP 846, 84082 AvignonCedex 2. La Lettre du Sénologue • n° 43 - janvier-février-mars 2009 | 23 DOSSIER THÉMATIQUE Prédispositions génétiques au cancer du sein le protocole de traitement, indépendamment d’un essai, celles à qui on avait proposé un essai, PACS 04 ou PACS 05, mais qui l’avaient refusé et enfin, celles qui avaient accepté la proposition d’inclusion dans l’un de ces essais. Les grandes lignes de résultats sont les suivantes : Les femmes incluses dans un essai sont plus satisfaites de la relation médecin-malade (mais pas des aspects “techniques” des soins) : sont mis en avant, le nombre plus élevé de consultations, l’information plus formalisée, une meilleure coordination des soins, une meilleure écoute des effets indésirables. Pour la très grande majorité des femmes, le fait de participer à un essai apparaît comme bénéfique pour les autres patients et les médecins, mais avoir ce sentiment ne préjuge en rien de leur acceptation d’être incluses. Mais surtout, trois points apparaissent essentiels : La randomisation représente indéniablement un frein, les femmes étant, a priori, toutes défavorables à un procédé difficile à comprendre, pas simple à accepter sur le plan individuel. Il y a là, une nécessité pour le médecin de faire un effort pédagogique pour bien expliquer que ce procédé est une source d’égalité des chances, puisqu’on ne sait pas, au départ, quel traitement sera le plus efficace. La qualité de l’information médicale donnée au départ est importante sur la décision, mais ce n’est pas le facteur prépondérant. La décision dépend, en effet, principalement, du mode de relation entre la femme et son médecin. Les femmes acceptent d’autant plus d’intégrer un essai qu’elles ont une relation de dépendance (et donc moins d’autonomie) vis-à-vis de leur médecin. Il est frappant d’apprendre, que parmi les femmes qui ont accepté d’être incluses, 30 % l’ont fait car elles se sont senties incapables de refuser ce que le médecin leur proposait. D’autres travaux, réalisés sur une population anglosaxonne et dans le contexte préventif de l’oncogénétique, donnent des résultats finalement assez proches. L’étude anglaise de Lovegrove (3), portant sur 106 femmes auxquelles était proposée l’inclusion dans l’essai IBIS, compare les femmes (la moitié) qui ont refusé à celles qui ont accepté l’essai. Aucune différence n’est retrouvée en fonction du statut socio-économique, ni au-delà des propos altruistes, de l’importance de la descendance. Celles qui ont refusé l’inclusion dans l’essai sont les femmes les plus informées des comportements de santé (hygiène alimentaire, pratique d’activités physiques) ; les plus autonomes dans leur relation avec leur médecin, celles qui ont trouvé l’information sur le produit difficile à comprendre et celles qui ont eu peur des effets indé- 24 | La Lettre du Sénologue • n° 43 - janvier-février-mars 2009 sirables. Les deux groupes avaient en commun le fait de surestimer leur risque de cancer du sein. On peut citer aussi une petite étude canadienne (4), comparant les femmes ayant accepté ou non l’essai STAR. Dans ce travail, sont également mis en avant, l’importance des informations souhaitées, la peur des effets indésirables et le rôle majeur attribué au médecin dans la décision, conclusions aussi retrouvées par Kinney (5). Proposer un essai de recherche clinique est une démarche délicate pour le médecin, ayant d’ailleurs conduit certaines équipes à proposer des guides lors de la présentation de ces essais (6). Le contexte de la médecine prédictive Le contexte de l’oncogénétique est, en effet, celui d’une médecine prédictive : c’est-à-dire qu’elle prédit un risque qui est, pour le dictionnaire Littré, “un péril dans lequel entre l’idée de hasard”. Pour aborder ce que les femmes peuvent ressentir et accepter ou non, face à cette hormonoprophylaxie, il faut se replacer dans le contexte plus global de la démarche en oncogénétique. Qu’est-ce que la femme souhaite savoir en venant consulter (7) ? Elle vient tout à la fois chercher une information sur un risque, la concernant elle et sa famille, sur la surveillance et les éventuelles mesures préventives, parfois très lourdes à mettre en place. Mais la personne qui s’engage dans une démarche en oncogénétique ne se pose pas simplement la question d’un savoir sur le corps biologique et son code génétique. En cherchant à préciser son statut de sujet à risque, elle se questionne aussi sur son origine, sur l’hérédité et la filiation, se confrontant ainsi à des problématiques diverses. Cette démarche sous-tend, en fait, une série de questions sur la vie, sur la mort et les liens transgénérationnels. C’est le “savoir encombrant” qu’évoque Lebrun (8). À partir d’un “savoir biologique”, comment les attitudes vont-elles se mettre en place ? L’ambiguïté est souvent présente dans les discours entendus : “Ce n’est pas pour moi que je fais le test, mais pour mes enfants”. Mais qui est susceptible de se voir proposer un traitement ? Dans ce contexte complexe, chargé émotionnellement, la notion de préférences des femmes, vis-à-vis de leurs décisions de prévention, doit nécessairement être au premier plan. Peu d’études ont été faites dans ce domaine. On retrouve quelques travaux étudiant les perceptions des femmes vis-à-vis de telle ou telle conduite prophylactique, en particulier la mastectomie bilatérale (9), mais très peu qui globalisent leurs DOSSIER THÉMATIQUE analyses, et de façon prospective (10). Certains auteurs ont élaboré, dans ce contexte, des programmes d’aide à la prise de décision (11). En démarche préliminaire à nos projets de recherche, nous avons rédigé un questionnaire, interrogeant les femmes porteuses d’une mutation BRCA sur leurs préférences, en termes de prévention, après l’annonce du résultat du test. Nous avons ainsi envoyé ce questionnaire à 50 femmes mutées, ayant consulté à l’Institut Sainte-Catherine entre 2002 et 2008, 23 ont répondu. Elles étaient interrogées sur leurs choix après le rendu du test, les changements d’avis, les délais pour les décisions chirurgicales à prendre, les critères déterminants dans la décision, les regrets des choix faits et, enfin, sur la possibilité de l’alternative médicamenteuse (questionnaire ci-contre et p. 22). Compte tenu de la taille de notre échantillon, nous avons choisi d’en faire une analyse purement qualitative. Les principaux résultats sont les suivants : nous avons observé une grande disparité des attitudes, ce qui vient renforcer l’idée de laisser exprimer les préférences. Dans notre échantillon, environ un tiers des femmes ont choisi la haute surveillance, un tiers la haute surveillance et l’annexectomie prophylactique, et le dernier tiers, l’annexectomie et la mastectomie bilatérale prophylactiques. Pour déterminer les choix, les deux critères les plus souvent mis en avant sont émotionnels, la peur de la maladie en premier lieu et la peur de l’atteinte à l’image corporelle. Et un critère “externe”, le rôle joué par l’oncogénéticien (rôle nettement plus important que celui joué par la famille). Dans ce groupe, deux femmes ont changé d’avis, en optant secondairement pour la chirurgie prophylactique, au bout d’un an environ. Cela souligne l’importance des délais de maturation pour les choix à faire. En ce qui concerne la proposition d’un traitement hormonal, 6 femmes en ont accepté l’idée, 12 femmes l’ont d’emblée rejetée, et les autres ont souhaité poursuivre leur réflexion. Dans tous les cas de réponse affirmative, les femmes situent cette hormonoprophylaxie comme un intermédiaire, entre une haute surveillance jugée insuffisante et la chirurgie, surtout mammaire, trop lourde. Quelques recommandations peuvent s’énoncer ➤➤ Il est majeur de laisser s’exprimer les préférences des femmes, ce qui est le plus acceptable éthiquement dans ce contexte. C’est sûrement plus complexe qu’il n’y Mademoiselle, Madame, Vous avez consulté en oncologie génétique dans notre établissement il y a plusieurs mois ou années et des tests sanguins ont permis d’identifier dans votre famille une mutation d’un gène de prédisposition au cancer du sein et de l’ovaire. Afin d’améliorer notre pratique et notre connaissance, nous souhaiterions vous poser quelques questions sur les décisions médicales engendrées par ce résultat. Nous vous remercions donc de nous accorder quelques instants en répondant au questionnaire ci-joint. Il s’agit d’une étude anonyme réalisée dans un premier temps auprès des familles suivies dans le service d’oncogénétique de l’Institut Sainte-Catherine, mais qui pourrait être étendue ultérieurement à d’autres centres français. Avant de répondre au questionnaire, pouvez-vous nous indiquer : L’année du rendu du résultat génétique : .................................................................................... Votre classe d’âge au moment du résultat : ❑ 20-30 ans ❑ 30-40 ans ❑ 40-50 ans ❑ 50-60 ans ❑ 60-70 ans ❑ 70-80 ans Questionnaire Suite à votre consultation d’oncologie génétique vous annonçant une mutation BRCA, une surveillance mammaire et gynécologique (par examens cliniques ou radiologiques) vous a été recommandée. Une chirurgie préventive de ces organes a peut-être été évoquée ou proposée comme alternative à la surveillance. Quels ont été vos choix dans les suites immédiates du test ? Surveillance mammaire ❑ oui ❑ non Surveillance ovarienne ❑ oui ❑ non Chirurgie mammaire ❑ oui ❑ non Chirurgie ovarienne ❑ oui ❑ non Aucune mesure particulière ❑ oui ❑ non Avez-vous changé d’avis ? ❑ oui ❑ non Au bout de combien de temps ? .................................................................................... Surveillance mammaire remplacée par chirurgie mammaire ❑ oui ❑ non Délai : ................................................................................... Surveillance ovarienne remplacée par chirurgie ovarienne ❑ oui ❑ non Délai : ................................................................................... Chirurgie mammaire reportée et remplacée par surveillance mammaire ❑ oui ❑ non Chirurgie ovarienne reportée et remplacée par surveillance ovarienne ❑ oui ❑ non Pourriez-vous nous indiquer ce qui vous a amené à changer d’avis ? .............................................................................................................................................................. ........................................................................................................................................................... Si vous avez été opérée, combien de temps s’est écoulé entre votre consultation de résultat et l’intervention ? Chirurgie mammaire : .............................................................................................................. Chirurgie ovarienne : ................................................................................................................ Avant de lire la suite du questionnaire, pouvez-vous citer les trois critères principaux qui sont intervenus dans votre décision de surveillance ou de chirurgie ? 1. ..................................................................................................................................................... 2....................................................................................................................................................... 3....................................................................................................................................................... La Lettre du Sénologue • n° 43 - janvier-février-mars 2009 | 25 DOSSIER THÉMATIQUE Prédispositions génétiques au cancer du sein Parmi les éléments suivants, quels sont ceux qui ont compté dans votre décision ? Critères personnels : ................................................................................................................. Techniques : Radiographies difficilement interprétables (seins denses, mastose….) ou douloureuses ❑ oui ❑ non Manque de temps ❑ oui ❑ non Éloignement d’un lieu de surveillance ❑ oui ❑ non Autres : ............................................................................................................................................ ......................................................................................................................................................... Émotionnels : Expérience personnelle de la maladie ❑oui ❑ non Expérience de la maladie d’un proche ❑ oui ❑ non Peur de la maladie ❑ oui ❑ non Peur de la chirurgie ❑ oui ❑ non Crainte pour mon image corporelle ❑ oui ❑ non Manque de confiance dans la surveillance ❑ oui ❑ non Facteur éthique/religieux/culturel ❑ oui ❑ non Autres :............................................................................................................................................. ........................................................................................................................................................ Critères externes : Conjoint ❑ oui ❑ non Enfants, famille ❑ oui ❑ non Amis ❑ oui ❑ non Patients ❑ oui ❑ non Oncogénéticien ❑ oui ❑ non Si oui, s’agissait-il ❑ d’un homme ? ❑ ou d’une femme ? Autre médecin ou professionnel de santé ❑ oui ❑ non Si oui, s’agissait-il ❑ d’un homme ? ❑ ou d’une femme ? Forum de discussion Internet, articles médicaux ❑ oui ❑ non Autres : ............................................................................................................................................ ......................................................................................................................................................... Avez-vous regretté votre choix ? ❑ oui ❑ non Si oui, pourquoi ?........................................................................................................................ Si une alternative médicamenteuse vous avait été proposée, l’auriez-vous préférée à votre choix (médicament réduisant le risque de survenue d’un cancer du sein ou de l’ovaire tout en nécessitant la poursuite d’une surveillance) ? ❑ oui ❑ non Pourquoi ? .................................................................................................................................... paraît, en regard des projections médicales qui peuvent être faites sur ces consultantes. Il serait, par exemple, intéressant de répertorier le nombre de femmes demandeuses d’une mastectomie bilatérale prophylactique, selon l’oncogénéticien consulté. Pour limiter, voire éviter ces mécanismes projectifs, il est utile de mettre en place un binôme lors de l’annonce des résultats du test et de l’énoncé des différentes conduites prophy- 26 | La Lettre du Sénologue • n° 43 - janvier-février-mars 2009 lactiques : oncogénéticien/psychologue si possible, ou autre binôme en fonction de l’organisation de chaque équipe. Cela permet d’allier les champs techniques et émotionnels, peut-être le rationnel et ce qui ne l’est pas, tout en préservant une place centrale au sujet consultant, dans cette triangulation. ➤➤ Il est important de laisser du temps aux femmes. La maturation de ces décisions est nécessairement longue, en raison du cheminement psychique indispensable que cela suppose. Cela veut dire qu’il est souhaitable d’aborder les différentes alternatives préventives le plus tôt possible, idéalement dès le début de l’enquête génétique. À cet égard, il peut y avoir un risque, à reconvoquer des femmes, plusieurs mois, voire années, après le résultat du test, pour leur proposer une nouvelle alternative préventive désormais disponible. Chez certaines femmes, “habituées” à la haute surveillance, une réactivation anxieuse pourrait survenir, secondaire au nécessaire travail psychique lié à la prise d’une nouvelle décision. ➤➤ Les informations données sont déterminantes pour les femmes, avant de s’engager ou non dans un essai de recherche clinique. Il est indispensable de prendre le temps de délivrer ces explications, au mieux lors d’une consultation, plutôt que par courrier ou téléphone. Il s’agit d’informer les femmes, tant sur le risque de cancer, souvent mal évalué (3), que sur les effets indésirables du traitement et les bénéfices attendus. Ces informations sont essentielles pour un choix éclairé. Certes, nous savons que les informations données ne sont pas toujours celles qui sont retenues : des distorsions, voire des reconstructions cognitives peuvent être effectuées, en raison de facteurs émotionnels par exemple. D’où l’intérêt, pour le médecin, d’utiliser la reformulation, qui corrige au mieux certaines conceptions erronées. Toutefois, certaines “incompréhensions” sont inévitables, peut-être protectrices de ce “savoir encombrant”, que nous avons déjà évoqué (12). ➤➤ Les connaissances apportées par l’oncogénétique sont scientifiques et statistiques, sans jamais répondre à la question de chacun : est-ce que je vais avoir un cancer ? Et quand ? Le paradoxe du résultat donné consiste à soutenir la tension entre un savoir actuel, inscrit dans l’ici et le maintenant, et le futur indéfini de sa manifestation pour la vie du sujet. Au fond, l’oncogénéticien sait beaucoup mais jamais assez. La complexité, voire l’ambiguïté du savoir en oncogénétique, peut s’exprimer nettement lors de la proposition d’une hormonoprophylaxie. En fonction de ce que l’on est venu chercher en consultant en oncogénétique… que va-t-on trouver dans une prise médicamenteuse quotidienne ? DOSSIER THÉMATIQUE Références bibliographiques Du côté des conduites c’est la peur de la maladie qui semble être le facteur de choix le plus déterminant. Une prise médicamenteuse ne peut-elle pas devenir une véritable conduite de réassurance, dans la mesure où, pour certaines, agir (l’acte) est moins inquiétant que d’attendre (la surveillance) ? À cet égard, pour les femmes déjà traitées avec une hormonothérapie pour un cancer du sein et se sentant inquiètes à son arrêt, la reprise d’un tel traitement n’est-elle pas source de confusion ? Une de nos patientes nous en a fait la remarque : ce n’est pas le caractère prophylactique du traitement qui va être choisi, le risque génétique d’un nouveau cancer étant au second plan derrière l’angoisse de la récidive du premier. L’acceptation de cette hormonoprophylaxie correspond alors à l’idée de la poursuite de la thérapie initiale. Du côté des représentations La femme porteuse d’une mutation BRCA se retrouve “sujet à risque”. Cela n’obéit plus à notre logique binaire, où l’on est soit malade, soit en bonne santé. Il s’agit donc d’un statut “d’entre-deux”, un véritable flou identitaire entre santé et maladie (13). Certaines femmes vont préférer ce flou, non disposées à quitter l’incertitude d’un statut de sujet à risque. D’autres vont choisir d’en sortir, et comment mieux basculer du côté des “malades”, si ce n’est en prenant un médicament ? Proposer un essai de recherche clinique reste une démarche délicate, surtout lorsqu’il s’inscrit dans le cadre de la médecine prédictive. Les difficultés éthiques, pratiques ou psychologiques générées par 1. Eisinger F. Éthique et oncogénétique. Comment résoudre les contradictions ? Bulletin du Cancer 1998;85(3):246-50. 2. Mancini J, Geneve J, Dalenc F et al. Décision de participer à un essai clinique en cancérologie : influence du vécu sur les attitudes. Oncologie 2008;10:149-54. 3. Lovegrove E, Rumsey N, Harcourt D et al. Factors implicated in the decision whether or not to join the tamoxifen trial in women at high familial risk of breast cancer. Psycho-Oncology 2000; 9:193-202. 4. Heisey R, Pimlott N, Clemons M et al. Women’s views on chemoprevention of breast cancer: qualitative study. Can Fam Physician 2006;52:624-5. 5. Kinney AY, Richards C, Vernon SW, Vogel VG. The effect of physician recommendation on enrollment in the breast cancer chemoprevention trial. Prev Med 1998;27:713-9. 6. Juraskova I, Butow P, Lopez A et al. Improving informed consent: pilot of a decision aid for women invited to participate in a breast cancer prevention trial. Health Expectations 2008;11:252-62. 7. Piollet-Calmette I. La transmission du savoir en oncogénétique. Les vérités du cancer. M.F. Bacqué. Springer, 2007. 8. Lebrun JP. De la maladie médicale. Bruxelles : De Boeck, 1993. 9. Van Dijk S, Van Roosmalen MS, Otten W et al. Decision making regarding prophylactic mastectomy: stability of preferences and the impact of anticipated feelings of regrets. J Clin Oncol 2008;26:2358-63. 10. Meiser B, Butow P, Price M et al. Attitudes to prophylactic surgery and chemoprevention in Australian women at increased risk for breast cancer. J Womens Health 2003;12(8):769-78. 11. Van Roosmalen MS, Stalmeier PF, Verhoef LC et al. Randomized trial of a shared decision-making intervention consisting of trade-offs and individualized treatment information for BRCA ½ mutation carriers. J Clin Oncol 2004;22:3293-301. 12. Piollet-Calmette I, Dreyfus H. Communication intra-familiale des résultats des tests oncogénétiques. Rev Francoph PsychoOncologie 2006;4:244-7. 13. Masson A. Contribution psychanalytique à la réflexion sur l’après-cancer : vers la conceptualisation du statut d’être à risque. Rev Francoph Psycho-Oncologie 2004;2:91-6. Abonnezvous en ligne ! Bulletin d’abonnement disponible page 43 www.edimark.fr de telles études ne sauraient cependant effacer leur intérêt tant pour les professionnels de santé que pour les patients, compte tenu du soutien et des perspectives d’avenir qu’elles représentent. ■ Du 18 au 20 mars 2009 Institut Gustave-Roussy, Villejuif Séminaire de techniques chirurgicales d’oncoplastie mammaire et chirurgie de l’aisselle Contact et inscriptions : Mme Sophie Peyret, Institut Gustave-Roussy, 39, rue Camille-Desmoulins, 94800 Villejuif. Tél. : 01 42 11 44 38 – Fax : 01 42 11 52 13. E-mail : [email protected] Internet : www.igr.fr/enseigner/enseignement par thèmes/chirurgie générale. La Lettre du Sénologue • n° 43 - janvier-février-mars 2009 | 27