DOSSIER THÉMATIQUE 46e congrès américain en oncologie clinique Cancers gynécologiques Gynecologic cancers P. Cottu* Cancer du col utérin * Département d’oncologie médicale, Institut Curie, Paris ; groupe FEDEGYN, Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer. Depuis 1999, le traitement de référence des cancers du col avancés (au moins Ib2) est l’association radiochimiothérapie concomitante à base de cisplatine hebdomadaire. La méta-analyse du Groupe collaboratif parue en 2008 (1) a confirmé ce standard. Elle a de plus attiré l’attention sur le bénéfice potentiel apporté par une chimiothérapie (CT) adjuvante, administrée au décours des traitements locorégionaux. Ces résultats ont été confirmés lors de l’actualisation de cette méta-analyse, publiée en 2009 (2). Dans ce contexte, le groupe allemand a réalisé une étude randomisée 1:1 comparant, après chirurgie radicale, une approche classique par radio-chimiothérapie à base de cisplatine versus un traitement d’induction par paclitaxel-carboplatine, suivi d’une irradiation externe exclusive (Sehouli J et al., abstr. 5005). Les auteurs ont inclus 291 patientes atteintes d’un cancer du col de stade Ib-IIb, avec facteurs de risque défavorables (envahissement ganglionnaire, emboles lymphatiques ou vasculaires, adénocarcinome). Les différentes carac­ téristiques étaient réparties équitablement entre les deux bras, avec notamment 10 % de patientes en résection microscopique incomplète (R1). L’analyse en intention de traiter a porté sur 263 patientes. Un nombre d’arrêts de traitement plus important a été observé dans le bras B (17 versus 42 ; p = 0,001), ce qui a retiré un peu de puissance à l’essai. Aucune toxicité inattendue n’a été constatée. Par ailleurs, il existe une tendance non significative en survie sans progression (SSP) [HR : 0,67 ; p = 0,18]. Cette dernière se confirme en survie globale (SG) [HR : 0,73 ; p = 0,34). Ces résultats corroborent cependant la tendance qui avait été rapportée à l’ASCO en 2009 avec l’association gemcitabinecisplatine en situation adjuvante après radio-­ chimiothérapie pour les cancers de stade IIb à IVa (3). 18 | La Lettre du Cancérologue • Suppl. 4 au vol. XIX - n° 6 - juillet 2010 Les futurs essais devront impérativement atteindre la puissance statistique suffisante pour conclure sur cette question cruciale. Au-delà des aspects stratégiques évoqués ci-dessus, les nouvelles combinaisons cytotoxiques sont explorées. En situation avancée, il a été montré qu’aucun doublet ne faisait mieux que la combinaison paclitaxel-sels de platine (4), et que les combinaisons de 3 molécules ne permettaient pas d’augmenter les taux de réponse dans les essais précoces (5). Le développement des thérapies ciblées a suivi 2 voies : ciblage de l’EGFR ou de l’angiogenèse. Dans cet esprit, l’essai RTOG 0417 a testé la faisabilité d’un traitement concomitant radiothérapie (RT) + cisplatine + bévacizumab chez des patientes atteintes d’un cancer du col de stade IIb-IIIb ou Ib-IIa avec envahissement ganglionnaire histologiquement prouvé ou de taille supérieure ou égale à 5 cm (Schefter TE et al., abstr. 5006). Le schéma, étalé sur 6 semaines, comportait une RT pelvienne, une curiethérapie vaginale (avec éventuellement un complément de dose paramétrial), du bévacizumab (administré d’emblée à 10 mg/kg toutes les 2 semaines, soit 3 injections) et du cisplatine (hebdomadaire). L’objectif principal était la description des effets secondaires pendant les 3 premiers mois. Ceux-ci ont été spécifiquement définis au préalable : hémorragie vaginale ou digestive, perforation digestive ou vésicale, complication veineuse ou artérielle. La cohorte comptait 60 patientes, dont 49 évaluables avec un suivi médian de 10 mois. Aucun effet secondaire grave n’a été observé, et les auteurs rapportent 15 événements indésirables (31 %), dont 12 d’ordre hématologique, non compliqués cliniquement. La compliance était excellente, avec un respect complet des doses et intervalles de bévacizumab et cisplatine chez 75 % des patientes. Dans le même esprit mais en phase avancée, l’essai GOG-240 teste simultanément la place du bévacizumab et du topotécan. Résumé Sans révolution majeure, le congrès de l’ASCO 2010 aura tout de même apporté quelques éléments solides pour la prise en charge des cancers gynécologiques. La place de la chimiothérapie adjuvante dans les cancers du col et de l’endomètre à haut risque est probablement cruciale et devra être précisée par les essais thérapeutiques en cours. Concernant les cancers de l’ovaire, les pistes importantes sont la caractérisation du phénotype BRCA, le positionnement des traitements antiangiogéniques et des autres thérapies ciblées ainsi que l’espoir raisonnable de voir arriver des techniques de dépistage. Cancer de l’endomètre La session d’éducation “Future management of endometrial cancer”, consacrée au cancer de l’endomètre, a permis de faire le point sur plusieurs aspects clés de la prise en charge de ces cancers parfois un peu oubliés par la recherche clinique. D. Cohn (Ohio State University) a souligné l’importance du curage ganglionnaire, notamment pelvien, dans les cancers de petit stade : au moins 10 % de ces patientes ont un envahissement ganglionnaire, la toxicité du curage est minime et l’information recueillie permet d’ajuster le traitement adjuvant. C. Creutzberg (Leiden University Medical Center), qui avait participé aux historiques essais PORTEC, a ensuite rappelé la place de l’irradiation dans le traitement des formes à risque intermédiaire : aucun apport en SG n’est constaté (4 essais randomisés) mais un bénéfice net en survie sans rechute locorégionale est observé. Il est de plus acquis que la curiethérapie vaginale est équivalente à l’irradiation pelvienne pour cet objectif de contrôle local, mais qu’elle présente une toxicité digestive moindre. La place de la CT en phase précoce des cancers de l’endomètre à haut risque de rechute reste incertaine et fait l’objet des essais PORTEC-3, GOG-249 et GOG-258. Ces essais sont ambitieux en termes de recrutement et posent 3 questions stratégiques différentes. ➤➤ Dans les petits stades présentant un facteur de risque, la combinaison CT + curiethérapie vaginale (mieux tolérée) suivie de CT adjuvante (essai GOG-249) induit-elle une meilleure survie sans rechute que la RT pelvienne ­classique (moins bien tolérée, pas d’action systémique) ? ➤➤ Dans les hauts stades, où la question métastatique domine, la CT seule est-elle plus performante que la séquence radio-chimiothérapie suivie de CT adjuvante (essai GOG-258) en termes de survie sans rechute ? ➤➤ À la confluence des 2 essais du GOG, en situation adjuvante et de cancers à haut risque, la RT pelvienne seule améliore-t-elle la SG comparativement à la radio-chimiothérapie pelvienne suivie de CT (essai PORTEC-3) ? Au-delà de ces questions stratégiques, l’utilisation des thérapies ciblées commence à être abordée. G. Fleming (université de Chicago) a passé en revue les nouvelles thérapies actuellement en cours ­d’évaluation : on retiendra les agents ciblant la voie mTOR et le bévacizumab. Cancer de l’ovaire De façon à poser de manière sensée et raisonnable les questionnements actuels dans la prise en charge des cancers ovariens, A. Du Bois a rappelé les données fondamentales lors de la session d’éducation. La qualité de la chirurgie initiale est cruciale pour le pronostic. Il est ainsi possible de modéliser la relation existant entre chirurgie, stade tumoral initial, résultat de la chirurgie et positionnement relatif de la chirurgie et de la CT. Ainsi, la CT néo-adjuvante, surtout si elle est rendue nécessaire par l’extension initiale de la maladie, ne permet pas de corriger complètement le pronostic, y compris en cas de résidu nul lors de la tentative chirurgicale maximale. La recherche d’innovations thérapeutiques est donc indispensable pour espérer améliorer significativement le devenir des patientes. Les premiers résultats des inhibiteurs de PARP (PARPi) dans les cancers de l’ovaire, chez 57 patientes présentant une mutation BRCA1 ou BRCA2 et ayant reçu une médiane de 3 lignes de CT antérieurement, avaient été présentés lors de l’ASCO 2009. La population était répartie en 2 cohortes traitées à 400 mg × 2/j et 100 mg × 2/j (6). Les taux de réponse (objectif principal de l’étude) sont impressionnants chez des patientes aussi lourdement prétraitées, avec un probable effet-dose, similaires à ce qui a été observé dans le sein. Les durées de réponse sont également prometteuses, entre 270 et 290 jours, et ne sont pas liées à la dose. Dans la cohorte à 400 mg × 2/j, 2 réponses complètes ont été observées. On ne peut cependant pas encore, à ce stade, dégager de différence d’efficacité en fonction de la sensibilité antérieure aux sels de platine. En revanche, il semble exister un net avantage chez les patientes mutées BRCA2, résultat fort logique puisque le gène BRCA2 est directement impliqué dans le processus moléculaire de la réparation simple brin. Mots-clés Chimiothérapie Bévacizumab Phénotype BRCA Dépistage Highlights The 2010 annual ASCO meeting has brought some advances in the management of ovarian cancer. Further characterization and validation of BRCAness features will become paramount in the near future. Anti-angiogenic drugs, as well as some other targeted therapies, will shortly enter standard practice. Hopefully, screening for ovarian cancer should become reality in the coming years. Meanwhile, it has been recognized that adjuvant conventional cytotoxic chemotherapy is about to become a standard of care in high risk cervical and endometrial cancer. Keywords Chemotherapy Bevacizumab BRCAness Screening La Lettre du Cancérologue • Suppl. 4 au vol. XIX - n° 6 - juillet 2010 | 19 DOSSIER THÉMATIQUE 46e congrès américain en oncologie clinique Cancers gynécologiques Le développement des PARPi s’est poursuivi en 2010. Le composé MK4827, un PARPi de PARP1 et PARP2, a été testé par voie i.v. tous les 21 jours chez des patientes atteintes de cancer du sein ou de l’ovaire, dans le cadre d’une étude de phase I, avec escalade de dose et extension secondaire aux patientes atteintes d’un cancer sporadique. Les résultats obtenus chez les patientes mutées, toutes lourdement prétraitées, sont à nouveau impressionnants, avec près de 40 % de bénéfice clinique. Le seul effet secondaire notable est une thrombopénie de grade 3-4, spontanément résolutive, chez 13 % des patientes. Les données obtenues en 2009 avec l’olaparib ont été confirmées et étendues aux tumeurs séreuses de haut grade non mutées mais possédant vraisemblablement un phénotype moléculaire BRCA (Gelmon KA et al., abstr. 3002). Ces données, ajoutées aux résultats cliniques rétrospectifs, ont permis de créer un nouveau concept : le “BRCAness”, approximativement traduisible par “phénotype BRCA” (encadré). Une part importante des communications a été consacrée à l’étude du phénotype BRCA. Il est possible d’en donner une définition clinique et moléculaire basée soit sur des altérations spécifiques de certains gènes, soit sur un profil d’expression génomique. Cette dernière approche a été développée à partir d’une série de 61 patientes (Konstantinopoulos P et al., abstr. 5004). Le clustering hiérarchique permet de séparer avec précision les tumeurs sporadiques mutées BRCA1 ou BRCA2. Puis ces mêmes auteurs ont décrit l’identification d’une signature génomique de profil BRCA, essentiellement pour les tumeurs mutées BRCA et Définition phénotypique : • sensibilité accrue aux sels de platine, initiale et à la rechute ; • intervalles libres longs ; • meilleure survie globale ; • type séreux prédominant ; • défaut de recombinaison homologue. Définition moléculaire : • mutation germinale ou somatique de BRCA1/2 ; • extinction épigénétique de BRCA1/2 (5-31 %) ; • méthylation de FANCF, perte de fonction d’autres gènes de la recombinaison homologue ; • amplification de la protéine EMSY ; • mutation du gène p53 ; • amplification de c-Myc ; • instabilité génomique. Encadré. Définitions. certaines tumeurs sporadiques. Corrélée à la sensibilité au platine et à un meilleur pronostic de manière puissante et indépendante en analyse multivariée, cette signature est abolie dans les lignées BRCA2 révertantes. De manière très intéressante mais qui demande confirmation, l’évaluation du statut BRCA peut également se faire par immunohistochimie avec établissement d’un score (Weberpals JI et al., abstr. 5018). Une expression élevée, qui devrait correspondre à une absence de mutation ou d’inactivation, est corrélée à un moins bon pronostic. Il n’a cependant pas été possible de mettre en évidence une différence de pronostic pour les tumeurs mutées BRCA1 ou BRCA2 (Engelstaedter V et al., abstr. 5017). L’autre voie explorée dans le ciblage des cancers ovariens est l’angiogenèse : de multiples communications lui ont été consacrées. L’étude GOG-218 testant l’apport du bévacizumab combiné à l’asso­ ciation paclitaxel-carboplatine, et son apport potentiel en entretien (figure 1), a été présentée en session plénière (Burger RA et al., abstr. LBA1). Cette importante étude de phase III a inclus 1 873 patientes présentant des cancers ovariens avancés, de stade III à chirurgie incomplète (41 %) ou de stade IV (25 %) [tableau]. La possibilité d’inclure des patientes opérées de manière optimale a été ouverte secondairement par amendement. Les cancers séreux de haut grade étaient dominants. L’objectif principal de l’étude était la SG, secondairement transformé, avant analyse, en SSP compte tenu des longues SG actuellement observées et de l’impossibilité de contrôler les traitements administrés au-delà de Carboplatine ASC 6 Première ligne : carcinome de l’ovaire, de la trompe ou péritonéal primitif • Stade III optimal (macroscopique) • Stade III suboptimal • Stade IV n = 1 800 (planifiées) R A N D O M 1:1:1 I S A T I O N Stratification : • PS • Stade/qualité de la chirurgie Paclitaxel 175 mg/m2 Bras I Placebo Carboplatine ASC 6 Paclitaxel 175 mg/m2 Bév. 15 mg/kg II Placebo Carboplatine ASC 6 Paclitaxel 175 mg/m2 III Bév. 15 mg/kg Cytotoxique (6 cycles) Entretien (16 cycles) 15 mois ASC : aire sous la courbe ; Bév. : bévacizumab ; PS : performance status. Figure 1. Schéma de l’étude GOG-218. D’après Burger RA et al. abstr. LBA1 actualisé. 20 | La Lettre du Cancérologue • Suppl. 4 au vol. XIX - n° 6 - juillet 2010 DOSSIER THÉMATIQUE 46e congrès américain en oncologie clinique Tableau. Étude GOG-218 : caractéristiques initiales (n = 1 873). D’après Burger RA et al., abstr. LBA1 actualisé. Bras I Bras II Bras III PC PC + Bév. PC + Bév. ➙ Bév. (n = 625) (n = 625) (n = 623) 205 (33) 216 (35) Stade III suboptimal 254 (41) 256 (41) 242 (39) Stade IV 153 (25) 164 (26) 165 (27) Histologie, n (%) Séreux 543 (87) 523 (84) 525 (84) 15 (2) 25 (4) 11 (2) 23 (4) 18 (3) 8 (1) 5 (< 1) 8 (1) Endométrioïde 20 (3) Cellules claires Mucineux Grade histologique, n (%) 3* 412 (66) 1 Bras II PC + Bév. (n = 625) Bras III PC + Bév. ➙ Bév. (n = 623) Événements, n (%) 423 (67,7) 418 (66,9) 360 (57,8) SSP médiane (mois) 10,3 11,2 14,1 HR stratifié (IC95) 0,908 (0,759-1,040) 0,717 (0,625-0,824) p, test unilatéral 0,080 < 0,0001 0,8 Survie sans progression (%) Résidu tumoral, n (%) Stade III optimal 218 (35) (macroscopique) 0,6 Bras I Bras II Bras III 0,4 0,2 + bév. (bras II) 435 (70) 430 (69) 2 94 (15) 77 (12) 92 (15) 1 33 (5) 28 (4) 16 (3) Non précisé 86 (14) 85 (14) 85 (14) Bév. : bévacizumab ; PC : paclitaxel + carboplatine. * Le grade 3 inclut toutes les cellules claires. Les pourcentages sont arrondis. la progression. Après un suivi médian encore court de 17 mois, l’objectif principal semble atteint, uniquement pour le bras III d’entretien (fi◆gure◆2). Ce bénéfice observé en SSP ne se traduit pas en SG (fi◆gure◆3). L’analyse de sous-groupes, initialement stratifiée sur l’état général et le stade, ne met en évidence aucun bénéfice spécifique. Cette étude appelle plusieurs commentaires. Les résultats de l’étude japonaise publiée en 2009 (7) et comparant le schéma classique paclitaxel-carboplatine à l’association de paclitaxel hebdomadaire avec du carboplatine, dans une population similaire, montrait les mêmes résultats en SSP, mais avec un impact significatif en SG (HR : 0,75 [p = 0,03]). L’autre incertitude quant à l’impact pratique de l’étude GOG-218 réside dans l’absence de chirurgie, habituellement considérée comme bénéfique y compris pour les tumeurs de stade IV (A. Du Bois, session d’éducation). L’intérêt pour l’entretien prolongé dans les cancers ovariens non progressifs à l’issue du traitement médical d’induction est ainsi relancé par cette étude suffisamment puissante sur le plan statistique pour y répondre, au contraire des essais précédents. Le mécanisme thérapeutique utile reste donc inconnu. La SSP, de 10 mois dans le bras I de référence, était par ailleurs inhabituellement courte : l’hypothèse + bév. ➙ bév. entretien (bras III) 0 24 12 18 Mois depuis la randomisation Bév. : bévacizumab ; PC : paclitaxel + carboplatine ; SSP : survie sans progression. 0 30 6 36 Figure 2. Étude GOG-218 : évaluation de la survie sans progression. D’après Burger RA et al., abstr. LBA1 actualisé. Bras I PC (n = 625) Bras II PC + Bév. (n = 625) Bras III PC + Bév. ➙ Bév. (n = 623) Événements, n (%) 156 (25,0) 150 (24,0) 138 (22,2) SSP médiane (mois) 39,3 38,7 39,7 HR stratifié (IC95) 1,036 (0,827-1,297) 0,915 (0,727-1,152) p, test unilatéral 0,361 0,252 100 80 Survie globale (%) Caractéristiques Bras I PC (n = 625) 60 Bras I Bras II Bras III 40 20 0 6 0 Patientes à risque (n) 625 625 623 12 18 24 Mois depuis la randomisation 442 432 437 173 162 171 30 36 46 39 40 Bév. : bévacizumab ; PC : paclitaxel + carboplatine ; SSP : survie sans progression. Figure 3. Étude GOG-248 : survie globale (au moment de l’analyse finale de la survie sans progression). D’après Burger RA et al., abstr. LBA1 actualisé. La Lettre du Cancérologue • Suppl. 4 au vol. XIX - n° 6 - juillet 2010 | 21 DOSSIER THÉMATIQUE 46e congrès américain en oncologie clinique Cancers gynécologiques Ang2 Cellule endothéliale Cellule endothéliale VE-PTP Ang1 Tie2 P P PI3K Voie AKT P Grb2 RAS Voie MAPK Noyau Noyau VE-cadhérine Matrice extracellulaire Péricyte Figure 4. Schéma du ciblage de l’angiogenèse. AMG 386 ASCSS ≥ 9,6 mg × h/ml (n = 26) ASCSS < 9,6 mg × h/ml (n = 79) Placebo (n = 55) Médiane SSP (mois) 8,1 5,7 4,6 Modèle de Cox (versus placebo) 0,67 0,81 0,47-0,95 0,63-1,05 0,14 0,31 IC80 p Survie sans progression (%) 100 80 60 40 20 0 0 Patientes à risque (n) 55 79 26 5 10 15 20 Mois 21 45 19 10 10 8 3 2 3 0 2 1 Figure 5. Étude de phase II randomisée paclitaxel hebdomadaire ± AMG386. D’après Karlan BY et al., abstr. 5000 ; Lu J et al., abstr. 5042, actualisés. Références bibliographiques 1. Chemotherapy for cervical cancer meta-analysis collaboration. Reducing uncertainties about the effects of chemoradiotherapy for cervical cancer: a systematic review and meta-analysis of individual patient data from 18 randomized trials. J Clin Oncol 2008; 26(35):5802-12. 2. Rosa DD, Medeiros LR, Edel­ weiss MI et al. Adjuvant platinumbased chemotherapy for early stage cervical cancer. Cochrane Database Syst Rev 2009:CD005342. de départ était de 14 mois, ce qui peut peut-être conduire à une surestimation des résultats. Enfin, la toxicité semblait acceptable, avec cependant au moins 5 décès par perforation digestive, tous survenus dans les bras avec bévacizumab, ainsi que près de 10 % d’hypertension artérielle de grade 3 dans le bras entretien. Les modalités du ciblage de l’angiogenèse s’élargissent. Les angiopoïétines 1 et 2 sont impliquées dans le remodelage vasculaire tumoral par l’intermédiaire de leur récepteur Tie2. L’angiopoïétine 1 22 | La Lettre du Cancérologue • Suppl. 4 au vol. XIX - n° 6 - juillet 2010 stabilise les vaisseaux tandis que l’angiopoïétine 2 bloque cette action stabilisatrice et accroît la néoangiogenèse tumorale (figure 4). L’angiopoïétine 2 est fréquemment surexprimée dans les cancers de l’ovaire (Karlan BY et al., abstr. 5000). L’AMG 386, fusion d’un peptide et d’un fragment Fc des immunoglobulines (“peptibody”), bloque l’interaction des angiopoïétines avec leur récepteur Tie2. Cette molécule originale poursuit un développement basé notamment sur une pharmacocinétique rationnelle permettant de modéliser les doses utiles. Une étude de phase II randomisée a comparé paclitaxel hebdomadaire + placebo versus paclitaxel hebdomadaire + AMG 386 3 ou 10 mg/­kg hebdomadaires (Karlan BY et al., abstr. 5000 ; Lu J et al., abstr. 5042). Il existe un lien positif entre exposition (aire sous la courbe) et allongement de la SSP (figure 5). Aucune interaction pharmacocinétique significative n’a été observée avec le paclitaxel. La dose retenue pour les études ultérieures sera de 15 mg/kg hebdomadaires. Dans ce même contexte, J. Barriuso et al. (abstr. 5078) ont cherché à construire une signature moléculaire prédictive de l’efficacité des agents cytotoxiques. À partir d’une série de 61 patientes traitées par paclitaxel-carboplatine, les niveaux d’expression de 82 gènes associés à l’angiogenèse ont été mesurés par radiothérapie-PCR (réaction en chaîne par polymérase) quantitative. Après validation interne, les 8 gènes les plus significativement surou sous-exprimés prédisent, de manière puissante et unique en analyse multivariée, la réponse à la combinaison paclitaxel-carboplatine (HR : 2,72 ; IC95 : 1,39-5,29). À la frontière du blocage de l’angiogenèse et de la CT cytotoxique, U. Matulonis et al. (abstr. 5083) ont testé l’ajout du cyclophosphamide métronomique au bévacizumab après échec de ce dernier en monothérapie. Plusieurs conclusions sont intéressantes : ➤➤ en deuxième et troisième lignes en mono­ thérapie, 17 patients sur 20 voient leur maladie au moins stabilisée ; ➤➤ chez 11 patientes qui échappent au traitement, l’ajout du cyclophosphamide métronomique, supposé avoir des vertus antiangiogéniques, permet d’observer 5 nouvelles stabilisations. Enfin, pour continuer à commenter ce domaine, la valeur de la décroissance du CA-125 chez des patientes traitées en troisième et quatrième lignes par CT combinée au bévacizumab a été étudiée : les réponses biologique et radiologique sont discordantes, faisant douter de la valeur du CA-125 dans cette situation thérapeutique (O’Cearbhaill RE et al., abstr. 5077). DOSSIER THÉMATIQUE 46e congrès américain en oncologie clinique Le ciblage thérapeutique du récepteur à l’acide folique est également exploité assez spécifiquement dans les cancers ovariens. Les folates pénètrent dans les cellules par trois modalités : ➤➤ le transporteur des folates réduits (faible ­affinité) ; ➤➤ le transporteur des folates couplés aux protons ; ➤➤ le récepteur à l’acide folique à haute affinité (FR). Ce récepteur existe sous 2 isoformes (FR-α et FR-β) à distribution tissulaire limitée, et avec une fréquente surexpression de FR-α dans les cancers ovariens (Calvert AH, commentaire actualisé de White AJ et al., abstr. 5001). Le farletuzumab est un anticorps monoclonal ciblant spécifiquement le FR-α. Il a été testé au cours d’une étude de phase II au schéma original. Chez des patientes platine-sensibles, un premier traitement par farletuzumab seul est proposé (stabilisation 40 %), puis, à la progression, une combinaison paclitaxel-carboplatine est ajoutée. Le taux de réponse objective final est de 70 %, avec des réponses pouvant durer plus de 3 ans avec entretien par farletuzumab seul (White AJ et al., abstr. 5001). Les mécanismes ­d ’action invoqués sont la toxicité cellulaire dépendant des anticorps (ADCC) et l’inhibition des voies activées par la Lyn kinase. Il manquait malheureusement dans cette étude les données d’expression de FR-α. Les effets indésirables étaient rares, mais retenons tout de même 2 épisodes de déhiscence cicatricielle ainsi que 2 épisodes ­d’occlusion de la veine de la rétine. Devant ces résultats très encourageants, une seconde étude de phase II randomisée est en cours (Elit L et al., abstr. TPS255). Plusieurs autres abstracts sur le ciblage de FR-α ont été présentés (De Jonge MJ et al., abstr. 2607 ; Sharma S et al., abstr. 3082 ; Harb WA et al., abstr. 3088 ; Symanowski JT et al., abstr. 5034). Le dépistage du cancer de l’ovaire reste un Graal assez lointain, mais dont on commence à entrevoir l’horizon. L’algorithme ROCA (Risk of Ovarian Cancer Algorithm [8]) est un algorithme bayésien prenant en compte les variations du CA-125 sérique chez une même patiente et les comparant à celles de sujets contrôles sains et atteints de cancer ovarien. Le risque individuel est ainsi défini par les comparaisons des cinétiques de variation, et non par les valeurs absolues et ponctuelles du CA-125. Les essais de dépistage en cours utilisent cet algorithme. K.H. Lu et al. (abstr. 5003) ont testé le ROCA dans une population générale de femmes âgées de 50 à 74 ans qui ne sont pas à risque familial et n’ont Test normal ou bas CA-125 annuel ROCA Redosage CA-125 Test intermédiaire Test anormal ou haut Échographie endovaginale Chirurgie Figure 6. Schéma de l’algorithme ROCA. pas d’antécédent de cancer (figure 6). Sur plus de 3 000 femmes testées pendant 3 ans en moyenne, 8 ont été opérées, permettant de diagnostiquer 5 cancers, dont 3 invasifs et 2 borderline. Dans cette étude, la spécificité du ROCA est de 99,9 %, avec une valeur prédictive positive de 37,5 %. La sensibilité ne peut être évaluée dans cette étude sans bras contrôle, mais aucun cancer d’intervalle n’a été observé. Encore quelques années d’efforts, et nous verrons probablement arriver un test multimarqueur évalué de manière dynamique et individuelle, chaque femme étant son propre témoin. Conclusion Deux tendances se dégagent de ce cru 2010 pour les cancers gynécologiques. Pour ceux du col utérin et de l’endomètre à haut risque, la CT cytotoxique va vraisemblablement prendre une place croissante en situation adjuvante, à côté de la classique association chirurgie et radio-chimiothérapie. Le positionnement des thérapies ciblées reste à définir. Pour les carcinomes ovariens, plusieurs acquis clés sont à porter au crédit de ce congrès : le phénotypage BRCA va rapidement devenir incontournable, et les PARPi confirment leur haut niveau d’activité dans cette situation clinico-biologique ; le ciblage de l’angiogenèse est pertinent, et la réflexion dans son intégration stratégique à tous les stades démarre ; plusieurs nouvelles cibles sont en cours d’exploration ; le dépistage du cancer de l’ovaire peut devenir une réalité clinique. ■ 3. Dueñas-González A, Zarba JJ, Alcedo JC et al. A phase III study comparing current gemcitabine (Gem) plus cisplatin (Cis) and radiation followed by adjuvant Gem plus Cis versus concurrent Cis and radiation in patients with stage IIb to IVa carcinoma of the cervix. J Clin Oncol 2009;27(18s): abstr. CRA 5507, ASCO 2009. 4. Monk BJ, Coleman RL. Changing the paradigm in the treatment of platinum-sensitive recurrent ovarian cancer: from platinum doublets to nonplatinum doublets and adding antiangiogenesis compounds. Int J Gynecol Cancer 2009;19(2s):63-7. 5. Movva S, Rodriguez L, AriasPulido H, Verschraegen C. Novel chemotherapy approaches for cervical cancer. Cancer 2009;115 (14):3166-80. 6. Fong PC, Yap TA, Boss DS et al. Poly(ADP)-ribose polymerase inhibition: frequent durable responses in BRCA carrier ovarian cancer correlating with platinum-free interval. J Clin Oncol 2010;28(15): 2512-9. 7. Katsumata N, Yasuda M, Takahashi F et al. Dose-dense paclitaxel once a week in combination with carboplatin every 3 weeks for advanced ovarian cancer: a phase 3, open-label, randomised controlled trial. Lancet 2009; 374(9698):1331-8. 8. Skates SJ, Menon U, Mac­ Donald N et al. Calculation of the risk of ovarian cancer from serial CA-125 values for preclinical detection in postmenopausal women. J Clin Oncol 2003;21(10):206s-10s. La Lettre du Cancérologue • Suppl. 4 au vol. XIX - n° 6 - juillet 2010 | 23