Les cancers du sein en hausse chez les femmes jeunes
Stéphany Gardier -LeFigaro- 28/02/2013
Ces cancers agressifs progresseraient faiblement mais régulièrement alors que les tumeurs chez les
femmes plus âgées restent stables.
Seuls 10% des cancers du sein concernent des femmes de moins de 40 ans, mais ce sont la plupart du
temps des formes très agressives qui requièrent des traitements dont l'impact sur la qualité de vie des
patientes est très lourd. Or ces cas sévères de cancer du sein seraient en constante augmentation depuis
1976 chez les femmes de 25 à 39 ans. Ce sont les conclusions d'une étude américaine
publiée mercredi dans la revue Journal of American Medicine Association (JAMA).
L'équipe du Dr Rebecca Johnson, oncologue à l'hôpital des enfants de Seattle, a étudié les données du
registre de l'Institut national de surveillance du cancer concernant 940.000 femmes, chez lesquelles un
cancer du sein a été diagnostiqué entre 1976 et 2009. Les chercheurs se sont intéressés tout
particulièrement à l'évolution du nombre de cancers avancés, c'est-à-dire diagnostiqués alors que des
métastases étaient déjà présentes chez les patientes.
«Pas de signe de ralentissement»
L'analyse des données a mis en évidence une augmentation des cas de cancers du sein métastasés
de 2,07% par an au cours des 34 années étudiées, mais uniquement chez les femmes âgées de 25 à 39
ans. Les formes avancées du cancer touchent aujourd'hui 2,9 femmes sur 100.000 alors que
l'incidence n'était que de 1,53 pour 100.000 en 1976. Si Rebecca Johnson admet que la différence du
nombre de cas reste faible, elle souligne que «l'augmentation est néanmoins significative, constante et que
cette tendance ne montre aucun signe de ralentissement.» Prudente, elle rappelle néanmoins que ces
résultats doivent être confirmés par des études menées dans d'autres pays.
Emmanuelle Mouret-Fourme, médecin épidémiologiste à l'Institut Curie de Paris, considère que les
résultats nord-américains sont solides notamment car «l'augmentation est retrouvée dans tous les
groupes ethniques, que ce soit chez des femmes en milieu urbain ou rural.» Christine Bouchardy,
médecin responsable du Registre genevois des tumeurs, a mené une étude sur une petite population
de femmes suisses en 2007. Elle n'est pas surprise par les résultats américains: «Nous avions aussi
mis en évidence une nette augmentation des cas de cancer du sein chez les femmes de moins de 40
ans. Et une étude italienne parue il y a quelques mois confirme cette tendance dans plusieurs pays
européens.»
Des causes environnementales?
Le Dr Bouchardy estime que la modernisation des outils diagnostics et les campagnes de dépistage ne
peuvent à eux seuls expliquer cette tendance: «Ces femmes ne sont pas à risque et ne bénéficient donc ni
d'une surveillance particulière, ni de dépistage. Elles sont diagnostiquées majoritairement
quand elles consultent après avoir décelé une anomalie.» Le médecin regrette d'ailleurs que les patientes
tardent à consulter en cas de doute sur l'apparition de douleurs ou de grosseurs. «Parfois
même ce sont les médecins qui hésitent à prescrire des examens de dépistage du cancer chez des femmes
jugées trop jeunes pour être à risque», ajoute-t-elle. Ceci explique en partie que la maladie soit déjà à un
stade avancé quand on la découvre.
S'ils n'établissent aucune cause explicative, les auteurs de l'étude américaine suggèrent que des
modifications environnementales pourraient être impliquées dans cette hausse du nombre de cancers du
sein avancés chez les femmes jeunes. Hypothèse reprise par Emmanuelle Mouret-Fourme et Christine
Bouchardy, qui évoquent le rôle possible des perturbateurs endocriniens tels que le bisphenol A, ou les
contraceptifs oraux pris très jeunes ou durant de longues périodes. Elles insistent toutes les deux sur la
nécessité de mettre en œuvre des programmes de recherche de grande ampleur afin d'identifier rapidement
les causes possibles de ce phénomène.