angio-clinique Angio-Clinique Vascularites d’hypersensibilité d’origine infectieuse et toxique E. Hachulla* Longemps discutés, la classification des vascularites se fait actuellement selon le calibre des vaisseaux atteints. Cette présentation consensuelle est le fruit de la conférence internationale sur la nomenclature des vascularites systémiques de Chapel Hill (figure 1). Sous le terme de vascularite d’hypersensibilité, on sous-entend habituellement les vascularites leucocytoclasiques d’origine infectieuse ou médicamenteuse. Le terme d’angéite de Zeek est désuet. Il s’agit toujours d’une vascularite aiguë liée aux dépôts d’immuns complexes circulants. ous le terme de vascularite d’hypersensibilité, on S sous-entend habituellement les vascularites leucocytoclassiques d’origine infectieuse ou médicamenteuse. L’expression clinique est en général cutanée exclusive, caractérisée par un purpura vasculaire qui survient 7 à 10 jours après le contact avec l’antigène. Le purpura est favorisé par l’orthostatisme et prédomine aux membres inférieurs. Il disparaît en quelques semaines sans laisser de trace. Les signes extracutanés sont exceptionnels. Le syndrome inflammatoire est rare, il n’y a pas de cryoglobulinémie ni d’anticorps antinucléaires ni d’anticorps anticytoplasme des neutrophiles. Un des principaux diagnostics différentiels est le purpura rhumatoïde qui, s’il est plus fréquent chez l’enfant, peut survenir à tout âge ; les symptômes abdominaux et articulaires orientent le diagnostic. Les vascularites d’hypersensibilité médicamenteuse et toxique guérissent spontanément après éviction de l’allergène, la corticothérapie est bien souvent inutile. Clinique Les premiers signes cliniques apparaissent 7 à 10 jours après le contact avec l’antigène à l’origine de la réaction d’hypersensibilité. L’atteinte est principalement cutanée et survient chez un sujet en bon état général, lorsque l’origine est médicamenteuse ou toxique, ou s’accompagne d’un syndrome infectieux, lorsque l’agent causal est infectieux : – le purpura vasculaire est le symptôme le plus classique. Il se caractérise par des pétéchies liées à l’extravasation du sang dans le derme, donnant des petites * Service de médecine interne du Pr Bernard Devulder, hôpital Claude-Huriez, Lille. macules rouges, pourpres, dont la taille varie d’une tête d’épingle à plusieurs centimètres (figure 2). Les éléments pétéchiaux sont infiltrés, souvent bien perçus au passage du doigt, isolés ou multiples et confluants, ils peuvent avoir une évolution nécrotique. Ce purpura est favorisé par l’orthostatisme, il prédomine aux membres inférieurs. Si les chevilles et les jambes sont touchées avec prédilection, le purpura peut s’étendre aux cuisses, parfois à l’abdomen, voire aux membres supérieurs, au tronc ou au visage. Il s’agit d’un purpura aigu qui évolue en une ou plusieurs poussées en quelques jours. Dans les vascularites d’hypersensibilité, les lésions sont habituellement toutes du même âge et disparaissent en quelques semaines sans laisser de trace ; – d’autres lésions cutanées sont possibles : urticaire, lésions maculopapuleuses. La caractéristique clinique des vascula- 191 rites d’hypersensibilité infectieuses ou toxiques est d’avoir une expression cutanée presque exclusive, les signes extracutanés sont rares et souvent frustes, mais le tableau clinique peut alors mimer une vascularite systémique (2) : fièvre, arthralgies ou arthrite, myalgies, hématurie microscopique et/ou protéinurie, atteinte cardiaque ou pulmonaire, atteinte hépatique neurogène périphérique. Biologie Le syndrome inflammatoire est inconstant, la numération formule est souvent normale, l’hyperéosinophilie est rare, de même qu’est rare l’hypocomplémentémie. Les marqueurs auto-immuns sont négatifs : absence d’anticorps antinucléaires, absence d’anticorps anticytoplasme des neutrophiles, pas de facteurs de rhumatoïde, pas de cryoglobuline circulante, habituellement pas d’anticorps antiphospholipides (sauf transitoire et dans un contexte infectieux). Aspect anatomopathologique L’aspect histologique habituel d’un élément purpurique frais est celui d’une vascularite leucocytoclasique des vaisseaux du derme superficiel et moyen, touchant les artérioles, les capillaires, les veinules. Les artérioles de l’hypoderme ne sont en général touchées qu’en cas de lésion nécrotique. L’aspect leucocytoclasique correspond à l’infiltration périvasculaire angio-clinique Angio-Clinique de polynucléaires neutrophiles, parfois en pycnose (condensation de la chromatine) ou en caryorexie (éclatement du noyau cellulaire). Après quelques jours, l’infiltrat lymphocytaire peut être prédominant. La présence d’éosinophiles intra- ou périvasculaires n’est pas rare (3). Une nécrose fibrinoïde de la paroi des vaisseaux est possible, elle est rare dans les purpuras médicamenteux. À un stade précoce, il peut y avoir en immunofluorescence des dépôts sous-endothéliaux d’immunoglobulines ou de complément. Il s’agit plus souvent de dépôts d’IgM ou de C3, parfois d’IgG. Principales causes des vascularites d’hypersensibilité infectieuses et toxiques Agents infectieux Bactéries : streptocoques, staphylocoques, méningocoques, gonocoques, haemophilus... Mycobactéries Virus : hépatites A, B et C, MNI, CMV, VIH, parvovirus B19... Parasites paludisme... Critères diagnostiques Des critères de classification ont été définis par l’American college of rheumatology et peuvent servir de critères d’aide au diagnostic (3). Critères de classification des vascularites d’hypersensibilité ◆ âge > 16 ans au début de la maladie ; ◆ prise médicamenteuse déclenchante ; ◆ purpura infiltré de type vasculaire ; ◆ éruption maculopapuleuse en relief ; ◆ biopsie : polynucléaires péri- ou extravasculaires Au moins trois critères sont nécessaires au diagnostic (critères discutables, car il est souvent impossible de savoir si la prise médicamenteuse est déclenchante). Diagnostic étiologique Les agents infectieux, certains médicaments et certains toxiques sont les principaux facteurs inducteurs de vascularite d’hypersensibilité (4). Médicaments et toxiques AINS ß-lactamines, sulfamides Allopurinol hydantoïne Aspirine Thiazidiques Sels d’or Iode et iodure de potassium, Phénothiazine, vaccination... ß-méthyldopa Chimiothérapie : azathioprine, méthotrexate, busulphan, hydroxyurée Toxiques : insecticides, désherbants, dérivés du pétrole Liste non exhaustive ; l’aspect leucocytoclasique est inconstant, la vascularite peut être lymphocytaire. Diagnostic différentiel La présence d’un purpura vasculaire et d’un aspect de vascularite leucocytoclasique ne suffit pas à apporter le diagnostic de vascularite d’hypersensibilité d’origine infectieuse ou toxique. Comme le montre la figure 1, les artérioles, capillaires et veinules peuvent aussi être concernés dans le purpura rhumatoïde, les cryoglobulinémies, la micro- polyangéite, la maladie de Wegener et le syndrome de Churg et Strauss. Dans la micropolyangéite, la granulomatose de Wegener et le syndrome de Churg et Strauss, les signes systémiques sont habituellement présents et orientent le diagnostic. Plus difficile, parfois, est de différencier le purpura rhumatoïde du purpura des cryoglobulinémies. Le purpura rhumatoïde fait l’objet de critères de classification spécifiques (5). Critères de classification du purpura rhumatoïde ◆ purpura vasculaire ; ◆ âge < 20 ans au début de la maladie ; ◆ atteinte abdominale. Douleurs diffuses aggravées par les repas, ischémie du grêle avec habituellement diarrhée hémorragique ; ◆ biopsie : polynucléaires dans la paroi des artérioles et des veinules. Au moins deux critères sont nécessaires au diagnostic. Act. Méd. Int. - Angiologie (16) n° 1-2, janvier/février 2000 192 angio-clinique Angio-Clinique L’histologie néanmoins peut, lorsque la biopsie est faite sur une lésion jeune, affirmer le diagnostic lorsqu’en immunofluorescence, on observe des dépôts d’IgA dans la paroi vasculaire. Dans le purpura rhumatoïde, les signes abdominaux peuvent être discrets, il en est de même parfois des signes articulaires. Les cryoglobulinémies, lorsqu’elles sont symptomatiques, s’accompagnent d’un purpura vasculaire dans 90 à 100 % des cas (6). Cependant, l’atteinte cutanée est rarement isolée, à la classique triade purpura – arthralgies – asthénie peuvent s’associer une polyneuropathie axonale, une atteinte rénale ou hépatique, voire une atteinte cardiaque. On ne retiendra donc le diagnostic de vascularite d’hypersensibilité qu’après s’être assuré de l’absence de cryoglobuline circulante. Celle-ci n’est pas toujours aisément mise en évidence ; il faut être attentif aux signes indirects que sont la présence d’un facteur rhumatoïde ou d’une hypocomplémentémie touchant isolément le composant C4. Si le purpura n’évolue pas d’un seul tenant et s’il devient chronique, d’autres diagnostics différentiels doivent être discutés : – purpura vasculaire associé au cancer (vascularite leucocytoclasique paranéoplasique ou vascularite à cellules chevelues des leucémies à tricholeucocytes) ; – purpura hyperglobulinémique de Walden- ström : il s’agit d’une entité ancienne, aujourd’hui démembrée : une fois sur quatre, s’il s’agit d’un syndrome de Gougerot-Sjögren, plus rarement d’une cirrhose, d’une sarcoïdose, d’une hépatite chronique active, d’une thyroïdite autoimmune, d’une fibrose pulmonaire interstitielle. Il peut aussi s’agir d’une polyarthrite rhumatoïde ou d’une maladie lupique ; – purpura vasculaire des connectivites : toutes les connectivites peuvent se compliquer de vascularite cutanée avec ou sans cryoglobuline circulante. Évolution et traitement L’évolution des vascularites d’hypersensibilité est toujours favorable lorsque l’origine est toxique ou infectieuse. La suppression du toxique ou du médicament en cause amène la guérison rapide. La guérison de l’épisode infectieux concomitant permet la disparition de la vascularite sans laisser de cicatrices. Il n’y a pas lieu dans ces formes de proposer une corticothérapie par voie générale. Références bibliographiques 1. Jennette J.C., Falk R.J., Andrassy K. et coll. Nomenclature of systemic vasculitides. Proposal of an international consensus conference. Arthritis Rheum. 1994 ; 37 : 187-92. 2. Watts R.A., Scott D.G.I. Secondary vasculitis. In : Connective tissue disease, Belch J.J., Zurier R.B. eds, Chapman et Hall, London 1995 : 9. 3. Calabrese L.H., Hoffman G.S., Guillevin L. Therapy of resistant systemic necrotizing vasculitis. Polyarteritis, churg strauss syndrome, Wegener’s granulomatosis, and hypersensitivity vasculitis group disorders. Rheum. Dis. Clin. North Am. 1995 ; 21 : 41-57. 4. Hachulla E. Purpuras vasculaires. Encycl. Méd. Chir. (Elsevier, Paris). Angéiologie 1997 ; 19-2560 : 7 pages. 5. Mills J.A., Michel B.A., Bloch D.A. et coll. The American college of rheumatology 1990 criteria for the classification of henoch-schönlein purpura. Arthritis Rheum. 1990 ; 33 : 1114-21. 6. Abel G., Zhang Q.X., Agnello V. Hepatitis C virus infection in type II mixed cryoglobulinemia. Arthritis Rheum. 1993 ; 36 : 1341-9. brèves brèvesBrèves brèvesAngio 99 Degré de sténose carotidienne Vascularite d’hypersensibilité apparue au 8e jour de l’injection de 100 mg de sels d’or chez une femme de 52 ans atteinte de polyarthrite rhumatoïde (photo Pr E. Hachulla). L’imagerie de flux est excellente mais il existe des faux positifs s’il existe une sténose controlatérale très serrée, et des faux négatifs s’il existe une sténose du syphon. Le doppler puissance permet un calcul du diamètre résiduel ce que ne permet une analyse structurale, notion de plaque ulcérée. Le doppler transcrânien apparaît aujourd’hui incontournable dans l’examen des troncs supra-aortiques, nous donnant une appréciation du retentissement réel de la sténose sur la circulation intracrânienne et ses voies de suppléance (polygone de Willis), et une appréciation du risque hémodynamique. (D’après la communication de F. Luizi). 193