DOSSIER THÉMATIQUE XXIIIe Journée scientifique FFCD-PRODIGE Rationnel pour une CHIP après résection d’un cancer de l’estomac Background for hyperthermic peritoneal chemotherapy after gastric cancer resection M. Pocard* L e traitement curatif recommandé des cancers gastriques associe aujourd’hui une chimiothérapie systémique périopératoire et une gastrectomie avec curage ganglionnaire D1,5 ou D2 sans splénopancréatectomie. Ce traitement chirurgical a très largement été influencé par la pratique chirurgicale japonaise. Malgré cette prise en charge, le taux de survie à 5 ans des tumeurs T3 et/ou N+ reste inférieur à 30 %. Les récidives sont dans plus de 50 % des cas locorégionales et/ou péritonéales. Améliorer la survie des adénocarcinomes gastriques passe donc par une meilleure prise en charge du risque de récidive par carcinose péritonéale. Il a été démontré que le contrôle du risque de récidive après traitement chirurgical d’une carcinose péritonéale pouvait être amélioré par la réalisation d’une chimiothérapie intrapéritonéale immédiate après la chirurgie, et ce tant pour les cancers d’origine ovarienne que pour ceux d’origine colique. La réalisation d’une hyperthermie intrapéritonéale après exérèse d’une carcinose permet probablement encore d’améliorer l’apport de la chimiothérapie intrapéritonéale et a conduit au concept de chimiohyperthermie intrapéritonéale (CHIP). Cette technique associant exérèse complète macroscopique de la carcinose et CHIP a permis de modifier la prise en charge des carcinoses d’origine colique et fait partie des options thérapeutiques à discuter en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) selon nos thésaurus. * Service de chirurgie digestive, hôpital Lariboisière, Paris. Toutes les publications ayant évalué les résultats de la CHIP dans les carcinoses gastriques ont confirmé que cette technique offre les meilleurs résultats si la carcinose est limitée, et uniquement si l’exérèse de la carcinose a pu être complète (1). La CHIP est d’autant plus efficace que la carcinose est limitée sur le plan macroscopique. Idéalement, le traitement de la carcinose devrait intervenir au stade de carcinose non visible. La CHIP en cas de carcinose d’origine gastrique est proposée depuis de nombreuses années par des auteurs japonais (2, 3). Une publication rassemblant plus de 150 cas de patients opérés de carcinose d’origine gastrique par chirurgie d’exérèse et CHIP a confirmé, dans une pratique hexagonale, l’apport de cette technique avec des survies prolongées (4). La CHIP permet des survies prolongées en cas d’exérèse complète de carcinose d’origine gastrique pour des patients européens. En cas de présence de cellules tumorales dans la cavité abdominale, identifiées soit par la cytologie, soit par le caractère envahi de la séreuse gastrique, la pathologie est à considérer comme une carcinose péritonéale selon la nouvelle classification UICC. Nous connaissons les situations (T3, N+, cytologie +) où le risque de carcinose est important, alors que cette carcinose n’est pas encore visible, ce qui permet d’envisager un traitement adjuvant. La CHIP, qui vise à détruire les cellules tumorales présentes dans la cavité abdominale au moment de la gastrectomie et à prévenir les rechutes sous la forme de carcinose péritonéale, a été évaluée au sein de plusieurs essais randomisés asiatiques (5). 200 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 4 - avril 2012 LK4-2012.indb 200 04/05/12 15:36 Points forts » Plus la carcinose péritonéale est limitée et plus le traitement de celle-ci est efficace par la chimiothérapie associée à l’hyperthermie : la CHIP. Il faut agir tôt. » En cas de carcinose d’origine gastrique, des survies après thérapie multimodale associant chimiothérapie systémique, chirurgie et CHIP ont été publiées, d’abord en Asie puis en France. » Connaissant les situations cliniques où le risque de récidive sous forme de carcinose est élevé, les auteurs japonais ont utilisé la CHIP de façon prophylactique lors des gastrectomies. » Ce standard doit être évalué en France par une étude prospective. Une récente méta-analyse a rapporté que la CHIP adjuvante permettait non seulement une réduction significative des rechutes péritonéales mais aussi une augmentation significative de la survie (6). La CHIP adjuvante est efficace pour prévenir la survenue d’une carcinose dans les essais randomisés asiatiques récents. Comme cela a été fait pour l’évaluation de l’extension des curages ganglionnaires, il paraît important de valider sur une population européenne les résultats obtenus dans des pays asiatiques. Pour des patients opérés en France, la CHIP par oxaliplatine offre une excellente qualité de vie à distance de l’intervention (7). Le nombre de centres français spécialisés dans le traitement des carcinoses péritonéales et maîtrisant aujourd’hui les techniques de CHIP permet d’envisager la mise en route d’une étude randomisée évaluant l’intérêt d’une CHIP adjuvante dans la prise en charge à visée curative des cancers gastriques. Un protocole de collaboration européenne incluant des centres allemands, italiens, espagnols et israéliens a été proposé, mais non retenu pour son financement. Une étude portée par le Pr O. Glehen et soutenue par la Fédération francophone de la cancérologie digestive (FFCD) est actuellement en cours d’analyse pour l’obtention d’un PHRC. ■ Mots-clés Chimiohyperthermie intrapéritonéale Cancer de l’estomac Carcinose péritonéale Traitement adjuvant Highlights » The more peritoneal carcinomatosis is limited, the more effective is the treatment by chemotherapy combined with hyperthermia: the HIPEC. We must act early. » Survivals after multimodal therapy involving systemic chemotherapy + surgery + HIPEC were published in cases of carcinomatosis of gastric origin, first in Asia then in France. » Knowing the clinical situations where the risk of recurrence as carcinomatosis is high, the Japanese authors have used prophylactic HIPEC during gastrectomy. » This standard should be evaluated in France by a prospective study. Keywords Hyperthermic peritoneal chemotherapy Gastric cancer Peritoneal carcinomatosis Adjuvant therapy Références bibliographiques 1. Elias D, Glehen O, Pocard M et al. A comparative study of complete cytoreductive surgery plus intraperitoneal chemotherapy to treat peritoneal dissemination from colon, rectum, small bowel, and nonpseudomyxoma appendix. Ann Surg 2010;251(5):896-901. 2. Huang Y, Hagiwara A, Wang W, Su G, Qi X, Ma D, Fan Y. Local injection of M-CH combined with i.p. hyperthermic hypo-osmolar infusion is an effective therapy in advanced gastric cancer. Anticancer Drugs 2002;13(4): 431-5. 3. Yan TD, Black D, Sugarbaker PH, Zhu J, Yonemura Y, Petrou G, Morris DL. A systematic review and meta-analysis of the randomized controlled trials on adjuvant intraperitoneal chemotherapy for resectable gastric cancer. Ann Surg Oncol 2007;14(10): 2702-13. 4. Glehen O, Gilly FN, Arvieux C et al. Peritoneal Carcinomatosis from Gastric Cancer: A Multi-Institutional Study of 159 Patients Treated by Cytoreductive Surgery Combined with Perioperative Intraperitoneal Chemotherapy. Ann Surg Oncol 2010;17:2370-7. 5. Yonemura Y, de Aretxabala X, Fujimura T et al. Intraoperative chemohyperthermic peritoneal perfusion as an adjuvant to gastric cancer: final results of a rando- mized controlled study. Hepato-gastroenterology 2001; 48(42):1776-82. 6. Yang XJ, Huang CQ, Suo T et al. Cytoreductive surgery and hyperthermic intraperitoneal chemotherapy improves survival of patients with péritonéal carcinomatosis from gastric cancer: final results of a phase II randomized clinical trial. Ann Surg Oncol 2011;18(6):1575-81. 7. Lim C, Tordjmann D, Gornet JM, Nemeth J, Valleur P, Pocard M. Prospective study of quality of life after cytoreductive surgery and hypethermic intraperitoneal chemotherapy using oxaliplatin for peritoneal carcinomatosis. Bull Cancer 2010;97(9):1053-60. La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 4 - avril 2012 | LK4-2012.indb 201 201 04/05/12 15:36