Nutrition, phytothérapie et troubles du comportement alimentaire L'appétit, qui existe dans les formes de vie les plus évoluées permet de réguler la quantité d'énergie nécessaire aux besoins métaboliques des organismes. C’est un mécanisme qui est régulé naturellement de manière très précise pour assurer les besoins énergétiques, les compenser avec les dépenses, et ainsi, optimiser les chances de survie. Cependant, il semble qu’aujourd’hui, dans les pays développés, cette régulation naturelle de l’appétit et de la prise alimentaire soit de plus en plus problématique. En effet, c’est tout d’abord la mode de la maigreur qui implique de plus en plus un diktat des régimes amincissants, pour lesquels un contrôle cognitif de la prise alimentaire s’impose au détriment de l’envie naturelle de manger. L’offre alimentaire pléthorique, le stress, l’épuisement… qui caractérisent les sociétés à haut niveau de vie sont également des facteurs qui perturbent la régulation naturelle de la prise alimentaire et entrainent des troubles du comportement alimentaire. Le comportement alimentaire et ses troubles : Le comportement alimentaire, représenté par l’ensemble des conduites alimentaires d’un individu vis-à-vis de la consommation d’aliments, assure une triple fonction : énergétique et nutritionnelle répondant à des besoins biologiques, - hédonique : d’ordre affectif et émotionnel, - symbolique : d’ordre psychologique, relationnel et culturel. Le comportement alimentaire normal intègre ces différentes dimensions. Il participe ainsi à l’homéostasie interne et externe de l’individu, c’est-à-dire au maintien d’un état de bien-être physique, psychologique et social qui définit la santé. Les désordres de la prise alimentaire peuvent être répertoriés en deux catégories principales de symptômes, sans préjugé de leur caractère pathologique ou non : - Hyperphagies : Hyperphagies prandiales : augmentation des apports caloriques au moment des repas ; Hyperphagies extra-prandiales : grignotages, compulsions alimentaires, accès boulimique ; - Hypophagies : anorexie : maintien d’un état d’inhibition de la prise alimentaire . La prévalence des troubles du comportement alimentaire serait plus importante chez les sportifs que chez les sédentaires, et plus importante chez les sportives que chez les sportifs, et les troubles seraient sous-estimés dans leur fréquence et leur gravité. A noter, l’absence de relation de causalité systématique entre trouble du comportement alimentaire et corpulence. ( Prévalence des troubles du comportement alimentaire chez le sportif : E. Filaire, 2007, Masson ) Il ne sera pas question ici de boulimie nerveuse ou d’anorexie mentale. Parmi les multiples déterminants de ces troubles, nous citerons ceux qui sont d’ordre : - physiologiques : la mastication qui favorise la satiété ; le manque de sommeil qui augmente l’appétit ; la perte d’appétit chez les sujets âgés liée à une baisse des signaux orexigènes ; les agressions physiques ( maladies infectieuses, maladies inflammatoires, cancers..) qui peuvent altérer le comportement alimentaire par l’intermédiaire de cytokines agissant sur le système nerveux central ; - nutritionnels : la taille des portions et leur densité énergétique ; l’index glycémique des aliments, leur palatabilité et sapidité ; - micro-nutritionnels : manque de certains acides aminés, minéraux, acides gras, vitamines ; - économique : fréquence des repas, choix des repas ( junk food ) ; - sociologique : habitudes familiales, conditions de prise des repas (durée, horaires, environnement) ; - psychologiques : état émotionnel, stress… ; Les acteurs de la régulation du comportement alimentaire : Hormones et peptides digestifs - A court terme La sensation de faim est liée à une baisse de la glycémie. Une autre hormone, la ghréline ( sécrétée par les cellules gastriques et duodénales ) voit sa sécrétion augmenter avant le repas et diminuer dès le début de la prise alimentaire. Des données récentes indiquent que l’effet orexigène de la ghréline serait diminué suite à la production d’autres peptides gastro-intestinaux tels que la cholécystokinine, la bombésine, la désacylghréline, le peptide YY ou encore le GLP (glucagon-like peptide). Voir schéma ci-dessous. La sensation de rassasiement est déclenchée par de nombreux signaux en provenance de tout le système digestif : d’abord les signaux sensoriels en provenance de la bouche, puis les signaux digestifs provenant de la distension gastrique, de la sécrétion d’hormones et de peptides entériques ( insuline, cholécystokinine, bombésine, entérostatine, glucagon-like peptide…), de la présence de nutriments au niveau de l’intestin grêle et de signaux métaboliques provenant de la production d’ATP par l’oxydation des substrats au niveau hépatique et cérébral. - A long terme Il existe une régulation à long terme qui maintient l’équilibre pondéral malgré la variabilité des prises alimentaires .Il s’agit d’une régulation hormonale à impact hypothalamique qui intervient en fonction des stocks lipidiques, via la leptine( sécrétée par les adipocytes), la ghréline et l’insuline. Voir schéma ci-dessous. Les comportements alimentaires de l’adulte puiseraient leur source dans les âges les plus précoces de la vie. La mise en place du contrôle hormonal de l’appétit dès les premières semaines de la vie postnatale a été mis en lumière par le Dr S. Bouret , ( Science, 2004) impliquant la leptine et la ghréline. Au stade posnatal, la leptine favorise la pousse des axones et des neurones responsables, à l’âge adulte, de la régulation de l’appétit et du poids. Son déficit contrarie donc la formation de connections neuronales nécessaires à un comportement alimentaire adapté. Neuromédiateurs : Les neuromédiateurs sont impliqués dans de très nombreuses fonctions tant au niveau du système nerveux central que périphérique et, dans le comportement alimentaire pour certains. Leur métabolisme au niveau cérébral est constitué des étapes suivantes : apport des précurseurs ( acides aminés), passage de la barrière intestinale et hémato-encéphalique, synthèse faisant intervenir enzymes et cofacteurs, stockage des neuromédiateurs , libération dans l’espace synaptique, expression des récepteurs, recapture ou élimination. Chacune de ces étapes sera plus ou moins bien effectuée selon la disponibilité des substances nécessaires à leur réalisation. Les principaux neuromédiateurs qui interfèrent dans l’humeur et le comportement alimentaire sont la dopamine, la noradrénaline et la sérotonine. - Dopamine : impliquée dans le mouvement, la motivation, le plaisir ; modulateur de l’humeur, la dépendance. Précurseur : tyrosine - Noradrénaline : impliquée dans la vigilance, la concentration, l’apprentissage, l’énergie, l’appétit. Précurseur : tyrosine - Sérotonine : impliquée dans la régulation de l’appétit ( compulsions si déficit en sérotonine), de l’humeur, de la mémoire, du sommeil. Inhibe d’autres neurones, en particulier les neurones dopaminergiques. Précurseur : tryptophane. lanutrition-santé Influence des facteurs nutritionnels et micro-nutritionnels : « La nutrition est le moyen le plus puissant dont on dispose pour garantir la bonne santé » Pr Jeffrey Nourrir correctement les neurones et respecter l’équilibre du système digestif apparait comme une méthode cohérente pour prévenir et contribuer au traitement des troubles du comportement alimentaire. Pour optimiser l’alimentation, il est important de veiller à un apport adapté en macro et micronutriments ainsi qu’à la tolérance digestive des nutriments protéiques. - Apports protéiques : Assurer un bon apport en précurseurs des neuromédiateurs permet de corriger ou de prévenir un déficit fonctionnel et les conséquences sur le comportement alimentaire. Tyrosine : acide aminé précurseur de la dopamine et de la noradrénaline ►Aliments riches en tyrosine : amandes, avocats, banane, fromage, graines de sésame, graines de courge Tryptophane : Dans le cerveau, la synthèse de sérotonine dépend de la quantité de tryptophane qui y pénètre à travers la barrière hémato-encéphalique. D’autres acides aminés sont en compétition avec le tryptophane limitant ainsi son entrée dans le cerveau. L'insuline, dont la sécrétion est augmentée par la consommation de glucides, a un effet inverse en abaissant la concentration des acides aminés autres que le tryptophane. Pour augmenter la synthèse d’insuline et donc le passage du tryptophane dans le cerveau, il faut consommer des glucides en même temps que les protéines sources de tryptophane. ►Aliments riches en tryptophane : morue, parmesan, œuf, dinde, graines de courge, noix de cajou, soja, fromage, persil, amandes, autres poissons et viandes, légumes secs I-dietetique.com - Apport en vitamines et minéraux : Les cofacteurs sont indispensables pour l’activité des enzymes intervenant dans la synthèse des neuromédiateurs : Vitamines B3, B6, B9, Mg, Zn pour la synthèse du tryptophane ; Fer et BH4 ( tétrahydrobioptérine ) qui est un dérivé de la vitamine B9 pour la synthèse de dopamine ; Fer, BH4 et vitamine C pour la noradrénaline. Soulignons que le magnésium, cofacteur de très nombreux enzymes, est impliqué dans de nombreux métabolismes et est indispensable au bon fonctionnement du système nerveux dans son ensemble. ► Aliments riches en vit B3 : foie, poulet, flétan, saumon, porc, levure de bière, dinde, thon, arachide ► Aliments riches en B6 : foie, hareng, saumon, noix de Grenoble, riz brun, levure de bière ► Aliments riches en B9 : foie, œufs, algues, épinards, lentilles, menthe, légumes à feuilles ► Aliments riches en magnésium : cacao, bigorneaux, amandes, abricots secs, sarrasin, algues, son de blé, noix, noisettes, ciboulette, céleri ► Aliments riches en Zn : huîtres, foie, bœuf, cacao ► Aliments riches en fer héminique : viande, poissons, huîtres, palourdes ; son absorption est facilitée par la présence de vitamine C. - Acides gras : Plus de 50% de la masse du cerveau est constituée de lipides dont environ 70% d’entre eux sont des acides gras appartenant à la famille des oméga 3. Ces graisses sont capitales pour la construction et l’entretien des cellules du cerveau et permettent une bonne fluidité des membranes ; elles contribuent à la reconnaissance des hormones et neuromédiateurs par leurs récepteurs, base fondamentale de la physiologie neurocomportementale. Dans l’alimentation les acides gras oméga 3 doivent être apportés en bonne proportion avec les oméga 6 : 1 oméga 3 pour 5 oméga 6. ► Aliments riches en acides gras oméga 3 : sardines, maquereaux, saumon, hareng, noix de Grenoble, huile de noix, de colza, de cameline, lin - Substances satiétogènes : L’inuline, en marge de ses caractéristiques prébiotiques, présente un fort potentiel pour lutter contre la faim. Le D- fagomine, présent en petite quantité dans les graines de sarrasin est satiétogène grâce à sa faculté à faire ralentir le passage du sucre dans le sang. Le son d’avoine a la capacité d’absorber l’eau des aliments ingérés et de former ainsi un gel tapissant les parois de l’estomac, d’où la sensation de rassasiement. ► Aliments riches en inuline : poireau, topinambour, racine de chicorée - Statut antioxydant : Le maintien du statut antioxydant de l’organisme est indispensable pour la protection des structures cellulaires : il dépend de la présence dans l’alimentation de nombreux micronutriments : vitamines C et E, minéraux ( Cu, Mn, Se ) et, surtout, polyphénols : apportés par tous les végétaux et les épices. Attention : quelques soient les nutriments et micronutriments présents dans notre alimentation, leur assimilation dépendra du bon équilibre de la flore intestinale et de l’intégrité de la muqueuse intestinale auxquels il faut être attentif pour éviter les problèmes inflammatoires et les éventuelles intolérances alimentaires qui peuvent survenir. Apport de la phytothérapie : « Les hommes discutent, la nature agit » Voltaire Pour agir sur les déficits fonctionnels en neuromédiateurs, sur l’humeur, l’anxiété qui accompagnent souvent les troubles du comportement alimentaire, la phytothérapie compensatrice a aussi sa place. Les principes actifs naturels des plantes sont d’un précieux secours et agissent de différentes façons : - Action sur la synthèse : pour la dopamine et la sérotonine, 2 plantes permettent de rétablir les conditions optimales de synthèse de ces neuromédiateurs : Mucuna et Griffonia Tyrosine L-DOPA Dopamine 5-hydroxytryptophane Sérotonine Mucuna ( apport L-DOPA ) Tryptophane Griffonia ( apport 5HTP ) La L-DOPA et le 5HTP passent directement la barrière hémato-encéphalique ce qui permet d’éviter la première étape limitante de la synthèse. Griffonia : griffonia simplicifolia ( Fabacées ) ; partie utilisée : graines ; déconseillée chez la femme enceinte ou allaitante Mucuna : mucuna pruriens ( Fabacées ) ; partie utilisée : graines ; déconseillée chez la femme enceinte ou allaitante - Action sur le catabolisme des neurotransmetteurs : ralentir le catabolisme par inhibition de la recapture : inhibition des MAO ( monoamine-oxydases ) et de la COMT ( catéchol-o-méthyltransférase ) : Mucuna, Griffonia, Millepertuis Millepertuis : millepertuis perforatum ( Hyperacée) ; partie utilisée : sommités fleuries ; déconseillée chez la femme enceinte ou allaitante - Action dopaminergique, régulation de la satiété, stimulant psychique et physique, retarde ou évite les hypoglycémies à l’effort : Guarana Guarana : Paullinia cupana Kunth ( sapindacées ) ; partie utilisée : graines - Action anxiolytique, antidépressive, adaptogène : diminution de la réponse adrénergique en cas de stress : Rhodiole Rhodiole : Rhodiola roséa ( Crassulacées ) ; partie utilisée : racines ; déconseillée chez la femme enceinte ou allaitante - Action anti-spasmodique ( somatisation digestive préférentiellement haute ) et sédative : Mélisse Mélisse : Mélissa officinalis (Labiées ) ; parties utilisées : parties aériennes - Action anxiolytique, sédative, anti-spasmodique (somatisation digestive basse ) : Passiflore Passiflore : Passiflora incarnata L. ( Passifloracées ) ; parties utilisées : parties aériennes Les plantes sont utilisées sous forme d’extraits de plantes fraiches standardisées ( EPS ) ou Phytostandards qui permettent la conservation de tous les principes actifs bio-disponibles. Ils sont en vente en pharmacie avec la garantie du respect de la règlementation et du conseil du pharmacien associé. Plus de 50 plantes sont disponibles sous forme EPS. Ces EPS existent sous forme liquide dans une solution glycérinée qui contient les principes actifs et en gélules ou comprimés avec les même extraits. Souhaitons que, à l’aube du troisième millénaire, l’art de la phytothérapie devienne de plus en plus nécessaire et apprécié ! « N’ajoutez pas à vos maux, un remède pire que le mal » Sophocle Véronique de Saint front Nutritionniste, Dr en Physiologie de la nutrition Conférencière et formatrice agrée Maître praticien PNL, Hypnose Spécialisée dans l’accompagnement des patients en surpoids et /ou présentant des troubles du comportement alimentaire www.nutritionniste-toulouse.fr