La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXV - n° 5 - septembre-octobre 2010 | 179
Résumé
Les infections fongiques systémiques sont en constante augmentation dans certaines populations, mais
l’arsenal thérapeutique antifongique s’est considérablement élargi ces dernières années, permettant
d’augmenter la survie des malades et de prendre en charge des infections réfractaires aux traitements
antérieurs. Le voriconazole a permis l’amélioration de la survie dans l’aspergillose invasive. Le posaconazole
est maintenant la prophylaxie antifongique primaire de référence dans certaines populations de patients
des services d’hématologie. Une des limites de ces azolés est le grand nombre d’interactions médicamen-
teuses. Les échinocandines ont une place majeure dans le traitement de première ligne des candidémies
et dans le traitement empirique des patients neutropéniques fébriles, avec une très bonne tolérance.
Mots-clés
Antifongiques
Voriconazole
Posaconazole
Caspofungine
Summary
Invasive fungal infections are
increasing in some popula-
tions, but antifungal armen-
tarium recently enlarged with
subsequent better standards of
care and higher survival. Vori-
conazole increases survival
in invasive aspergillosis.
Posaconazole is now the first
line primary antifungal prophy-
laxis in high risk hematology
patients. A limit of these azoles
is drug interactions. Echinocan-
dins have a major place in first
line treatment of candidemia
and empirical treatment of
febrile neutropenia, with a well
demonstrated safety profile.
Keywords
Antifungal agents
Voriconazole
Posaconazole
Caspofungine
prise doit donc se faire à jeun 1 heure avant le repas.
La pénétration dans le tissu cérébral est bonne ; la
concentration dans le LCR est la moitié de celle
observée dans le plasma. Le voriconazole est méta-
bolisé dans le foie via la famille des cytochromes
CYP450 (CYP2C9, CYP3A4 et CYP2C19), CYP2C19
étant la voie principale pour le métabolisme du vori-
conazole et étant très dépendant de polymorphismes
génétiques. En cas d’insuffisance rénale, aucun ajus-
tement posologique n’est recommandé. Néanmoins,
concernant la forme parentérale, sa composition à
base de cyclodextrine peut entraîner une accumu-
lation de ce composé en cas d’insuffisance rénale,
du fait d’une élimination principalement urinaire.
Une attention particulière est donc recommandée
dans ce cas, et la voie orale doit être préférée. En
cas d’insuffisance hépatique, on doit procéder à des
ajustements en fonction du score de Child-Pugh.
Une étude récente sur le suivi thérapeutique du
voriconazole portant sur 52 patients a mis en
évidence une large variabilité des concentrations
plasmatiques résiduelles du médicament : 25 % des
patients présentaient des concentrations inférieures
à 1 mg/ ml, alors que 31 % d’entre eux avaient une
concentration supérieure à 5,5 mg/ml. On constatait
un défaut de réponse clinique plus fréquent chez
les patients ayant un sous-dosage (5). Parmi les
patients ayant des concentrations plasmatiques
supérieures à 5,5 mg/ml, 31 % présentaient une
encéphalopathie. Cette étude souligne l’impor-
tance des dosages plasmatiques lors de la première
semaine de traitement.
◆Interactions médicamenteuses
Le métabolisme du voriconazole via les isoen-
zymes du cytochrome CYP450 est responsable
de nombreuses interactions médicamenteuses. La
rifampicine, les barbituriques et la carbamazépine
étant des inducteurs enzymatiques du CYP450, leur
association au voriconazole diminue les concentra-
tions plasmatiques de ce dernier, et leur association
doit donc être évitée. L’association de la rifabutine
au voriconazole doit être surveillée. On constate un
effet similaire avec la phénytoïne : l’utilisation des
2 molécules requiert un doublement des doses de
voriconazole et un dosage régulier de la phénytoïne.
Les cytochromes CYP3A4 et CYP2C9 sont inhibés
par le voriconazole. Ainsi, en cas de co-prescription,
les concentrations plasmatiques de sirolimus, des
alcaloïdes de l’ergot de seigle, de la quinidine et du
cisapride sont nettement majorées, et leur associa-
tion au voriconazole est donc contre-indiquée. La
warfarine, la ciclosporine et le tacrolimus nécessi-
tent une attention particulière : leur posologie doit
être diminuée et leur dosage surveillé de près en
cas d’association au voriconazole. Il en va de même
pour les statines, les benzodiazépines, les inhibiteurs
calciques et les inhibiteurs de la pompe à protons.
◆Effets indésirables
La tolérance du voriconazole est acceptable. Les
effets indésirables les plus fréquemment rencontrés
sont les troubles visuels, qui apparaissent dans les
études pivot chez 30 % des patients, en général dans
la première semaine de traitement, et disparaissent
à l’arrêt du traitement. Ils peuvent consister en un
flou visuel, un trouble de la vision des couleurs ou
une photophobie (6). Un exanthème est rencontré
chez 8 % des patients. Une augmentation des transa-
minases, mais aussi des phosphatases alcalines peut
survenir chez 4 % des patients. Des cas d’hépatites
sévères ont été décrits, en rapport avec une augmen-
tation des concentrations sériques du voriconazole.
◆Indications thérapeutiques
Traitement de l’aspergillose invasive
Le voriconazole a montré une supériorité sur le trai-
tement conventionnel par amphotéricine B dans la
prise en charge des aspergilloses invasives, avec un
taux de succès à 12 semaines de 53 % dans le groupe
de patients traités par voriconazole, versus 32 % dans
le groupe traité par amphotéricine B, et une survie
à 12 semaines de 70,8 % versus 57,9 %. De plus, la
tolérance au voriconazole était meilleure (6). Le vori-
conazole est actuellement le traitement de première
ligne de l’aspergillose invasive chez les sujets ayant
une fonction hépatique normale et ne recevant pas
de médicaments le contre-indiquant (7).
Traitement des candidémies
Dans les candidémies, une étude randomisée
multicentrique a montré la non-infériorité du vori-
conazole comparativement à l’amphotéricine B
0,7-1 mg/ kg suivie d’un relais per os par fluconazole