
Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (15) - n° 6 - juin 2001
172
quels que soient les contenus et les
supports de ces documents”.
Si le juge doit d’abord statuer par réfé-
rence à la loi, il ne saurait méconnaître les
dispositions déontologiques. Pendant
longtemps, on a considéré que le code de
déontologie n’était applicable qu’en
matière professionnelle ou disciplinaire.
Cette lecture restrictive n’a plus court. Les
dispositions du code de déontologie sont
une référence générale, et notamment pour
le juge pénal amené à statuer sur une
affaire de secret médical. Mais la première
référence reste la loi pénale, et plus parti-
culièrement la jurisprudence abondante
qui s’est élaborée à partir du texte pénal.
Le secret est-il institué
dans l’intérêt général
ou dans l’intérêt des patients ?
C’est là un débat récurrent, et qui n’est pas
clos. Le secret est issu du code pénal, ce
qui signifie qu’il est institué pour des
motifs d’intérêt général. Or, le code de
déontologie médicale précise que le secret
est institué dans l’intérêt des malades.
Entre le code pénal, c’est-à-dire la loi, et
le code de déontologie, c’est-à-dire le
décret, le match est inégal. Le code de
déontologie enrichit la loi mais ne peut la
redéfinir. La référence est l’intérêt géné-
ral. La loi pénale protège le secret profes-
sionnel et pas seulement le secret médical.
La valeur en cause est la confiance, et non
pas le patient.
Le secret est institué dans l’intérêt des
patients… mais des patients entendus col-
lectivement. Le secret est protégé en tant
que valeur collective. Le médecin, quoi
qu’il arrive, est tenu au secret profession-
nel, non parce qu’il aurait conclu un
accord avec le patient, mais parce que glo-
balement l’exercice médical ne peut exis-
ter sans la garantie du secret. La consé-
quence est l’indisponibilité du secret : le
médecin ne peut se libérer du secret même
si le patient lui demande. Il faut sur ce plan
savoir résister aux modes et aux tentations
éphémères.
Trois points s’imposent :
– Le secret n’est pas opposable au patient
qui est en droit de tout savoir sur son état
de santé, la seule limite étant que le méde-
cin doit différer l’annonce d’un diagnos-
tic ou d’un pronostic grave quand cette
annonce serait contraire à l’intérêt du
patient.
– Le patient lui-même n’est pas tenu par
le secret et peut révéler ce que lui a dit ou
écrit le médecin.
– Le médecin ne peut s’impliquer dans une
violation du secret, ni à la cautionner, car
la règle est pour lui d’ordre public.
S’il y a loi, et loi pénale, pour protéger le
secret, c’est parce que l’acte de soin sup-
pose l’intimité et que la loi a choisi de faire
prévaloir la santé, et en définitive la vie,
sur d’autres objectifs. Lorsque le patient
s’adresse à un médecin, il doit savoir que
celui-ci lui dira tout, mais que, quelles que
soient les circonstances, il ne dira rien à
autrui. L’interprétation du code pénal est
éclairée par le code civil et notamment la
disposition fondamentale de l’article 9 :
“Chacun a droit au respect de sa vie pri-
vée”.
Qui est tenu au secret ?
La lecture de l’article 226-13 conduit à
plus d’interrogations que de certitudes :
état, profession, fonction ou mission tem-
poraire… L’essentiel est ailleurs : c’est la
notion de dépositaire. On revient à l’idée
de secret confié. Toutes les professions de
santé sont concernées. Les textes le pré-
voient explicitement pour les médecins,
les pharmaciens, les chirurgiens-dentistes,
les sages-femmes, les infirmières… mais
l’analyse doit être étendue aux aides-soi-
gnants ou aux auxiliaires-puéricultrices,
qui du fait de leur proximité avec les
patients se trouvent au cœur de nombre de
secrets. Chaque professionnel se trouve
dépositaire d’un certain nombre de secrets
du fait de sa fonction.
Qu’entend-on
par secret partagé ?
La prise en charge thérapeutique suppose
un travail en équipe et un partage de l’in-
formation. Il n’y a pas de violation du
secret professionnel entre les membres
d’une équipe. Ceux-ci doivent partager les
informations qui leur ont été confiées par
le patient, c’est-à-dire, pour reprendre la
formule du code de déontologie, non seu-
lement ce qui leur a été dit, mais encore
ce qu’ils ont vu, entendu ou compris.
Mais cette notion de secret partagé n’est
pas sans limite : elle est limitée à ce qui
est strictement nécessaire et ne peut débor-
der le cadre de l’équipe soignante. Un pra-
ticien n’a pas la capacité de consulter un
autre praticien non-membre de l’équipe
sans l’accord du patient. Il commettrait
alors une violation du secret. Il ne s’agit
pas de raisonner pour éviter à la sanction
mais pour intégrer le sens de la règle. Cha-
cun doit comprendre combien il est insup-
portable pour un patient de découvrir que
son cas a été discuté à son insu. À l’in-
verse, un patient acceptera volontiers que
son médecin confronte ses analyses ou
cherche des éclairages complémentaires
auprès d’autres praticiens,… dès lors
qu’on aura sollicité son accord.
Cette notion de secret partagé soulève de
véritables difficultés en psychiatrie de sec-
teur car la prise en charge suppose le tra-
vail en commun de professionnels tenus à
des secrets professionnels distincts. Les
secrets professionnels du médecin et du
travailleur social se chevauchent mais ne
se recoupent pas. Aucun texte ne résout
cette difficulté et la règle doit être la pru-
v
e pro
ess
onne
e
Chronique du droit