Les études EMPHASIS-HF, ASCEND-HF et RAFT : trois études phares dans l’insuffisance cardiaque

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CONGRÈS
RÉUNION
AHA 2010
13-17 novembre 2010
Chicago
Les études EMPHASIS-HF,
ASCEND-HF et RAFT :
trois études phares dans
l’insuffisance cardiaque
G. Moubarak*
Étude EMPHASIS-HF :
l’éplérénone dans l’insuffisance
cardiaque modérée
* Département de rythmologie,
hôpital Saint-Louis, Paris.
Les antialdostérones ont prouvé leur efficacité
dans l’insuffisance cardiaque sévère (réduction
de la mortalité de 30 % grâce à la spironolactone
dans l’étude RALES de 1999) et le postinfarctus
du myocarde compliqué d’insuffisance cardiaque
(réduction de la mortalité de 15 % grâce à l’éplérénone dans l’étude EPHESUS de 2003). L’étude
EMPHASIS-HF (Eplerenone in Mild Patients Hospitalization And Survival Study in Heart Failure), présentée
par le Pr F. Zannad (Nancy), a évalué l’efficacité de
l’éplérénone dans l’insuffisance cardiaque modérée.
L’étude a inclus 2 737 patients présentant une insuffisance cardiaque avec dysfonction systolique (FEVG
< 30 % ou FEVG entre 30 et 35 % avec, en plus, un
QRS > 130 ms), en classe II de la NYHA, sous traitement médical optimal avec une hospitalisation pour
motif cardiovasculaire dans les 6 mois précédents.
Les patients avec une insuffisance rénale sévère
ou une hyperkaliémie ont été exclus. L’âge moyen
était de 69 ans, 67 % des patients avaient une HTA
et 69 % une cardiopathie d’origine ischémique. Un
bêtabloquant était prescrit chez 87 % des patients
et un IEC et/ou un ARA II, chez 93 %.
Ces patients ont reçu soit 25 mg/j d’éplérénone
pendant 1 mois, puis 50 mg/j (n = 1 364), soit un
placebo (n = 1 373). Cependant, l’étude a été arrêtée
prématurément, après un suivi médian de 21 mois,
en raison d’une efficacité nettement supérieure de
l’éplérénone. L’incidence de survenue du critère principal associant décès cardiovasculaires ou hospitalisations pour insuffisance cardiaque a été réduite de
37 % (18,3 % versus 25,9 % ; p < 0,0001) [figure 1].
La mortalité globale a été réduite de 24 % (12,5 %
versus 15,5 % ; p = 0,008), les hospitalisations
toutes causes confondues, de 23 % (p < 0,0001)
et les hospitalisations pour insuffisance cardiaque,
38 | La Lettre du Cardiologue • n° 440 - décembre 2010 de 42 % (p < 0,0001). Cet effet a été retrouvé dans
les différents sous-groupes de patients prédéfinis. Si
l’incidence des hyperkaliémies a été supérieure sous
éplérénone (8,0 % versus 3,7 %, p < 0,001), celles-ci
n’ont pas entraîné plus d’arrêt de traitement que le
placebo. L’incidence des autres effets indésirables
(insuffisance rénale, hypotensions, gynécomastie) a
été faible et comparable à ceux du groupe placebo.
L’éplérénone a donc montré un effet bénéfique
en termes de morbi-mortalité dans l’insuffisance
cardiaque modérée quelle qu’en soit sa cause. Il
faut traiter 19 patients pendant 1 an pour éviter
un décès ou une hospitalisation pour insuffisance
cardiaque et 51 patients pendant 1 an pour éviter un
décès. L’étude EMPHASIS-HF suggère que ce médicament pourrait désormais faire partie du traitement
pharma­cologique systématique des patients souffrant d’insuffisance cardiaque modérée.
Étude ASCEND-HF : le nésiritide
dans l’insuffisance cardiaque
aiguë
L’insuffisance cardiaque décompensée est une situation fréquente pour laquelle le nésiritide (peptide
natriurétique de type B humain recombinant) a
été proposé, mais son efficacité et sa tolérance ne
sont pas clairement établies. L’étude ASCEND-HF
(Acute Study of Clinical Effectiveness of Nesiritide in
Decompensated Heart Failure) est une étude randomisée en double aveugle qui a comparé le nésiritide (bolus de 2 µg/kg, puis perfusion intraveineuse
0,01 µg/­kg/­mn pour une durée pouvant aller jusqu’à
7 jours) au placebo, chez des patients hospitalisés
pour une décompensation cardiaque et recevant un
traitement intraveineux pour cette raison depuis
moins de 24 heures. Au total, 7 141 patients ont été
inclus, d’âge moyen 67 ans, dont 65 % d’hommes,
60 % de coronariens et 80 % avec une fonction
CONGRÈS
RÉUNION
Étude RAFT : la resynchronisation
cardiaque associée au
défibrillateur dans l’insuffisance
cardiaque légère à modérée
Le défibrillateur implantable améliore la survie des
patients en classe II ou III de la NYHA avec une
FEVG altérée. L’étude RAFT (Resynchronization/
defibrillation for Ambulatory heart Failure Trial) a
été conçue pour évaluer l’intérêt de la resynchronisation cardiaque avec défibrillateur (CRT-D) en
comparaison du défibrillateur seul (D) dans cette
population. Elle a inclus 1 798 patients avec une
FEVG inférieure ou égale à 30 %, un QRS supérieur
ou égal à 120 ms (ou 200 ms si électro-entraîné) en
classe II ou III de la NYHA qui relevaient d’une indication de défibrillateur par ailleurs. Ces patients étaient
en majorité des hommes (83 %), âgés en moyenne
de 66 ans et en classe II de la NYHA (80 %). Les
Décès cardiovasculaires ou hospitalisations (%)
100
Hazard-ratio : 0,63 (IC95 : 0,54-0,74)
p < 0,001
60
50
40
Placebo
30
20
Éplérénone
10
0
Patients
Placebo
Éplérénone
0
1
1 373
1 364
848
925
Suivi (années)
2
3
512
562
199
232
Figure 1. Incidence des décès cardiovasculaires ou des hospitalisations pour insuffisance
cardiaque dans EMPHASIS-HF.
12
10
Incidence des événements (%)
d’éjection du ventricule gauche (FEVG) inférieure
à 40 %. L’incidence du cocritère principal de l’étude,
mortalité globale ou réhospitalisation pour insuffisance cardiaque à 30 jours, a été identique sous
nésiritide et sous placebo (9,4 % versus 10,1 %,
p = 0,31) [figure 2]. Cette absence de différence
a été retrouvée dans tous les sous-groupes préspécifiés (âge, sexe, fonction rénale, FEVG, diabète,
coronaropathie, traitements adjuvants). La mortalité
globale à 30 jours a été identique dans les 2 groupes
de l’étude (3,6 % sous nésiritide et 4,0 % sous
placebo), de même que la réhospitalisation pour
insuffisance cardiaque à 30 jours (figure 2). Aucune
différence n’a été observée concernant le second
cocritère principal (modification de la dyspnée à 6 h
et à 24 h) ni en termes d’évolution clinique au cours
de l’hospitalisation (persistance ou aggravation de
l’insuffisance cardiaque et décès). Le nésiritide n’a
pas eu d’effet délétère sur la fonction rénale (diminution de la filtration glomérulaire de plus de 25 %
observée chez 31 % des patients sous nésiritide et
chez 30 % des patients sous placebo, p = 0,11) mais
a entraîné plus d’hypotensions artérielles du fait de
son action vasodilatatrice (27 % versus 15 % pour
le placebo, p < 0,001).
L’étude ASCEND-HF démontre l’absence d’effet
délétère du nésiritide sur la survie et la fonction
rénale mais ne prouve pas sa supériorité par rapport
au placebo en termes d’amélioration du pronostic
des patients en décompensation cardiaque aiguë. La
place de ce médicament dans l’arsenal thérapeutique
est donc, au mieux, limitée.
10,1
p = 0,31
9,4
Placebo
Nésiritide
8
6,1
6
4,0
4
6,0
3,6
2
0
Décès ou réhospitalisations
à 30 jours
Décès à 30 jours
Réhospitalisation
Figure 2. Incidence des décès ou des réhospitalisations pour insuffisance cardiaque à
30 jours dans ASCEND-HF.
deux tiers étaient coronariens et 13 % étaient en
fibrillation auriculaire (FA) permanente. On note
que la durée moyenne des QRS spontanés était de
158 ms. Le traitement médical était bien sûr optimal
avec un taux de prescription de bêtabloquants et
d’IEC/ARA II de 90 et 97 % respectivement. Au terme
d’un suivi moyen de 40 mois, l’incidence du critère
principal – mortalité globale ou hospitalisation pour
insuffisance cardiaque – a été significativement inféLa Lettre du Cardiologue • n° 440 - décembre 2010 | 39 CONGRÈS
RÉUNION
Probabilité de décès ou d’hospitalisations
1,0
0,8
0,6
CRT-D
0,4
D
0,2
Hazard-ratio : 0,75 (IC95 : 0,64-0,87)
p < 0,001
0,0
0
1
2
3
4
5
6
278
214
130
101
41
19
Suivi (années)
Patients
CRT-D
D
894
904
790
770
615
572
429
384
Figure 3. Incidence des décès ou des hospitalisations pour insuffisance cardiaque dans RAFT.
40 | La Lettre du Cardiologue • n° 440 - décembre 2010 rieure dans le groupe CRT-D que dans le groupe D
(33 % versus 40 %, réduction de 25 %, p < 0,001)
[figure 3]. Considérées isolément, la mortalité
globale a été réduite de 25 % (p = 0,003) et les
hospitalisations pour insuffisance cardiaque l’ont
été de 32 % (p < 0,001). Tous ces critères ont été
améliorés par le CRT-D dans le groupe des patients
en classe II de la NYHA. Pour les patients en classe III,
moins nombreux, seuls le critère principal et le taux
d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque ont
été améliorés (et non pas la mortalité globale considérée isolément). Probablement du fait d’un faible
effectif, il n’a pas été montré de bénéfice pour les
patients en FA permanente. Le taux d’événements
indésirables à 30 jours a été en revanche plus élevé
dans le groupe CRT-D (14 % versus 6 %, p < 0,001),
notamment en raison d’un excès de déplacement de
sonde (7 % versus 2 %, p < 0,001) et, bien évidemment, de dissection du sinus coronaire.
Ainsi, l’ajout d’une resychronisation cardiaque au
défibrillateur permet d’améliorer encore le pronostic
des patients en insuffisance cardiaque même légère,
avec des QRS élargis et une dysfonction ventriculaire
gauche systolique, mais au prix d’un risque accru de
complications postopératoires.
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