L IV Congrès “Épidémiologie et prévention des maladies cardiovasculaires”

INFORMATIONS
La Lettre du Cardiologue - n° 344 - avril 2001
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e IVeCongrès de la Fédération française de cardiologie,
présidé par le Pr D. Thomas, était consacré à la pré-
vention des maladies cardiovasculaires. De nombreux
thèmes ont été abordés, parmi lesquels les résultats du projet
MONICA, l’estimation et la maîtrise des différents facteurs de
risque cardiovasculaire, l’intérêt du traitement hormonal substi-
tutif de la ménopause, l’insuffisance cardiaque, et la place des
antithrombotiques dans la prévention.
ÉPIDÉMIOLOGIE
(P. Ducimetière, Paris ; J.P. Cambou, Toulouse)
Le premierobjectif du projet MONICA était de rechercher une
relation entre l’évolution de l’incidence des cardiopathies isché-
miques et l’évolution pendant la même période (1984-1994) du
niveau de 4 facteurs de risque cardiovasculaire (tabac, obésité,
pression artérielle, cholestérol). Des registres ont été mis en place
dans 27 pays. Les résultats ont été rapportés par J.B. Ruidavets
(Toulouse). La fréquence de la maladie coronaire a diminué, mais
avec une très forte hétérogénéité entre les régions (tableau I).
L’évolution du niveau des facteurs de risque (baisse du tabagisme
chez l’homme, baisse de la pression artérielle et de la cholestéro-
lémie) n’explique que partiellement ces résultats. L’existence
d’autres facteurs de risque (diabète, hérédité) pourrait expliquer la
faible association entre l’évolution de la fréquence de la maladie
coronaire et l’évolution du niveau des 4 facteurs de risque étudiés.
Un deuxième objectif de l’étude MONICAétait de rechercher une
relation entre la baisse de la mortalité 28 jours après infarctus du
myocarde et la modification de la prise en charge de cette patholo-
gie (P. Amouyel, Lille). L’étude a porté sur 35 000 patients hospita-
lisés pour infarctus du myocarde. L’augmentation de l’utilisation
des traitements antiagrégants, des thrombolytiques et des inhibiteurs
de l’enzyme de conversion explique en grande partie l’amélioration
du pronostic des patients hospitalisés pour infarctus.
La fréquence de la maladie coronaire augmente dans les pays
de l’Europe de l’Est, alors qu’elle diminue en Europe de l’Ouest
(A. Pajak, Cracovie). Les changements de style de vie et d’ali-
mentation pourraient partiellement expliquer ces modifications.
L’amélioration des services de santé et l’intervention sur les
facteurs de risque sont les seules possibilités pour diminuer la
mortalité coronaire des pays de l’Est et l’amener au niveau de
celle de l’Europe de l’Ouest.
L’évolution récente (1997-1998) de la fréquence de l’infarctus
du myocarde et du décès coronaire a été analysée à Toulouse,
Strasbourg et Lille dans le cadre du réseau MONICA France
(D. Arveiler, Strasbourg). Les populations surveillées sont les
hommes et les femmes âgés de 35 à 74 ans. Les taux les plus bas
de survenue d’infarctus et de mortalité à 28 jours sont observés
à Toulouse (tableau II). Un antécédent coronaire existait chez
28 % des patients. Il s’agissait d’une récidive d’infarctus chez
17 % des hommes et 12 % des femmes.
Comment améliorerla santé cardiovasculaire des Français au
XXIesiècle ?(J. Ménard, Paris). Depuis 30 ans, les taux de décès
par cardiopathie ischémique et par accident vasculaire cérébral
ont diminué respectivement de 47 % et 84 % chez les patients âgés
de 45 à 74 ans, alors qu’ils n’ont diminué que de 3 % et 62 % chez
ceux de plus de 75 ans. L’augmentation de l’espérance de vie
IVeCongrès “Épidémiologie et prévention
des maladies cardiovasculaires
C. Le Feuvre*
L
* Hôpital Necker, Paris.
Tableau I. Projet MONICA OMS : évolution de la mortalité coronaire
selon les régions, entre 1982-1985 et 1992-1995 (tendances relatives
annuelles).
Mortalité Nombre Taux de Taux Létalité
coronaire de régions mortalité d’événements à 28 jours
coronaire
Forte baisse Toulouse – 5,9 % – 2,1 % – 3,8 %
Strasbourg – 5,6 % – 3,9 % – 1,7 %
12 régions – 6,4 % – 4,3 % – 2,1 %
Autre baisse Lille – 1,4 % – 1,1 % – 0,3 %
14 régions – 3 % – 2,6 % – 0,4 %
Augmentation 11 régions + 1,8 % + 0,8 % + 1 %
(pays de l’Est)
Total 37 régions – 2,7 % – 2,1 % – 0,6 %
Tableau II. Réseau MONICA France : infarctus du myocarde enregis-
trés en 1997-1998.
Taux annuel de survenue d’infarctus
Toulouse Strasbourg Lille
chez l’homme (/100 000) 195 241 243
chez la femme (/100 000) 31 65 49
Létalité à 28 jours
chez l’homme 8 % 10 % 13 %
chez la femme 12 % 16 % 19,5 %
(25 % de la population aura plus de 65 ans en 2020) va accroître
le nombre de maladies cardiovasculaires, même si le taux va en
diminuant. L’évaluation du risque cardiovasculaire doit :
1. éviter de figer la réflexion sur la sophistication de la mesure
d’un seul paramètre ;
2. étudier l’efficacité et la tolérance du traitement avant la réduc-
tion pharmacologique d’un facteur de risque ;
3. ne pas oublier qu’un risque cardiovasculaire peut cacher un
autre risque non cardiovasculaire (dépistage d’un cancer gyné-
cologique...).
La poursuite d’une réduction du taux des maladies cardiovascu-
laires nécessite de :
1. restructurer le système d’information sur la santé cardiovas-
culaire ;
2. orienter l’industrie et le commerce agro-alimentaires vers une
équité d’accès à des nourritures saines et variées ;
3. faire découvrir à la population de tous âges les plaisirs des
choix alimentaires et des comportements favorables à la santé ;
4. aménager les espaces nécessaires à l’exercice physique dans
les cités ;
5. développer la recherche sur les comportements individuels et
collectifs ;
6. maîtriser et diffuser les informations susceptibles de favoriser
la prise en charge des citoyens par eux-mêmes ;
7. améliorer l’expertise, la gestion et la communication pour le
risque cardiovasculaire au niveau individuel, familial et de la
population ;
8. renforcer la recherche, la prévention et le traitement du dia-
bète de type 2 et de la dépendance nicotinique ;
9. rapprocher épidémiologie, imagerie et génétique moléculaire ;
10. alimenter une réflexion sur les dérives du “devoir de santé”
et du “droit à la santé”, tout autant que sur les coûts des soins.
ESTIMATION ET MAÎTRISE DES RISQUES LIPIDIQUES
(E. Bruckert, Paris ; J. Ferrières, Toulouse)
Une augmentation du risque coronaire chez les patients avec
hypertriglycéridémie est retrouvée dans la plupart des études
épidémiologiques (E. Bruckert). Cette association pourrait être
en partie expliquée par la présence chez les patients avec hyper-
triglycéridémie : d’un taux bas de HDL, de LDLpetites et denses,
d’un autre facteur de risque souvent associé (obésité, HTA), d’une
action thrombogène des triglycérides. L’hypothèse d’un impact
direct des triglycérides sur l’athérosclérose est suggérée par les
résultats de l’étude VA-HIT avec le gemfibrozil, qui diminue les
taux de triglycérides et d’événements cardiovasculaires. Le béné-
fice du traitement peut cependant également être lié à la hausse
du HDL-cholestérol. Ces données soulignent l’importance d’une
bonne prise en charge et de l’évaluation du risque cardiovascu-
laire chez les patients avec hypertriglycéridémie.
Le diagnostic biologique des dyslipidémies athérogènes repose
en pratique quotidienne sur la mesure du LDL-cholestérol, du
HDL-cholestérol et des triglycérides (J. Dallongeville, Lille). Il
est justifié de réaliser ce bilan tous les 5 ans chez le sujet jeune,
tous les 3 ans après 50 ans, et tous les 6 mois en cas de facteur
de risque associé ou de traitement hypolipémiant. Le LDL-cho-
lestérol est le marqueur le plus puissant du risque coronarien, et
donc la cible thérapeutique de choix dans la prévention des car-
diopathies ischémiques. Des études épidémiologiques prospec-
tives et d’interventions thérapeutiques sont nécessaires pour pré-
ciser le pouvoir discriminant des marqueurs de la peroxydation
lipidique, des indicateurs de l’inflammation ainsi que des concen-
trations plasmatiques des apolipoprotéines (apo A1, apo B) et de
la Lp(a), qui n’ont actuellement pas une place importante dans la
pratique quotidienne.
Les thérapeutiques non médicamenteuses ont une place essen-
tielle dans la maîtrise du risque vasculaire (J.M. Lecerf, Lille).
C’est le cas de la nutrition, des compléments alimentaires (vita-
mines, minéraux, acides gras), de l’activité physique, de l’arrêt
du tabagisme et du soutien psychologique (figure 1). Un régime
hypolipémiant devrait permettre en théorie une baisse de 50 %
du LDL, alors qu’en pratique la baisse observée n’est que de 5 %.
La nutrition permet d’abaisser le LDL-cholestérol à un même
niveau que les hypolipémiants chez seulement 15 à 20 % des
patients. La nutrition reste cependant une première étape et un
complément indispensable du traitement médicamenteux. Plu-
sieurs études ont retrouvé une diminution du taux d’événements
cardiovasculaires sous régime, en prévention primaire (étude
Oslo) comme en prévention secondaire (étude DART avec sup-
plémentation de poisson, Lyon Heart Study, GISSI avec acides
gras oméga 3). Le bénéfice observé est précoce, ce qui suggère
une diminution du risque de thrombose et/ou de troubles du
rythme.
De nombreuses études sont en cours pour tenter de répondre aux
questions non résolues du traitement médicamenteux des
hyperlipidémies (Ph. Moulin, Lyon). L’effet stabilisateur de
plaque des statines est-il indépendant du niveau de LDL-choles-
térol ? Les résultats des études épidémiologiques ne sont pas en
faveur de cette hypothèse, la réduction du taux d’événements car-
diovasculaires étant corrélée à la baisse du LDL. Faut-il traiter
les patients normocholestérolémiques ? L’objectif de l’étude HPS
est de rechercher le bénéfice de la simvastatine chez les patients
avec LDL < 1,3 g/l. Jusqu’à quelle valeur doit-on abaisser le
LDL ? C’est l’objectif des études TNT avec l’atorvastatine et
SEARCH avec la simvastatine. Le bénéfice des statines est-il lié
à un effet spécifique de la molécule ou uniquement à son action
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NFORMATIONS
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Arrêt tabac Activité
physique
Autres effets :
diminution pression
artérielle, antioxydant...
Effets sur
les lipides
Nutrition
Réduction du poids
et de la graisse
viscérale
Figure 1. Les thérapeutiques non médicamenteuses.
sur le LDL ? Les études ALLIANCE, IDEAL et PROVE IT ten-
teront de répondre à cette question. D’autres études ont pour
objectif de préciser l’intérêt des statines chez le diabétique
(FIELD, UKPDS, ASPEN, CARDS), après accident vasculaire
cérébral (SPARCL), chez les personnes âgées (RESPECT, PROS-
PER), les hypertendus (ALLAAT, ASCOT), l’insuffisant rénal
(4D), en complément de la cardiologie interventionnelle (AVERT,
MIRACL après angor instable ou infarctus sans onde Q, COU-
RAGE : simvastatine versus simvastatine + angioplastie coro-
naire). Le choix entre statine et fibrate n’est pas univoque, notam-
ment chez les diabétiques avec hyperlipidémie mixte ou
hypertriglycéridémie prépondérante.
TRAITEMENT HORMONAL SUBSTITUTIF DE LA MÉNO-
PAUSE ET RISQUE CARDIOVASCULAIRE
(A. Vacheron, Paris ;
F. Berthezène, Lyon)
L’étude de Framingham a montré que le risque cardiovasculaire
est deux fois plus important chez les femmes ménopausées que
chez celles du même âge qui ne le sont pas. Cette différence était
attribuée à la disparition à la ménopause de l’effet bénéfique des
estrogènes sur la paroi artérielle et sur le LDL-cholestérol. Le
bénéfice d’un traitement hormonal substitutif a été suggéré dans
plusieurs études non randomisées, en particulier dans la Nurses
Health Study portant sur 48 000 femmes suivies pendant 10 ans
(diminution de 50 % du risque de cardiopathie ischémique chez
les femmes traitées). Les études randomisées n’ont cependant pas
confirmé ce bénéfice. Dans l’étude HERS (estrogène + progesté-
rone versus placebo chez les femmes ménopausées coronariennes),
le suivi à 4 ans ne retrouve pas de différence en termes d’infarc-
tus, de décès cardiovasculaire ou de mortalité totale, avec même
plus de complications thromboemboliques dans le groupe traité.
Cette absence de bénéfice du traitement hormonal substitutif a été
confirmée par l’étude anglaise PHASE et par l’étude coronaro-
graphique d’Herrington (Oestrogen Replacement and Athero-
sclerosis Trial, New England Journal of Medicine du 24 août
2000).
Une augmentation du risque de cancer du sein a été rap-
portée sous traitement hormonal substitutif. Il semble donc justi-
fié de limiter ce traitement aux patientes dont la qualité de vie est
diminuée
par la ménopause (bouffées de chaleur, ostéoporose), et de ne pas
retenir l’indication d’un traitement en prévention d’infarctus.
INSUFFISANCE CARDIAQUE
(P. Messner-Pellenc, Nîmes ;
M. Komajda, Paris)
Les études épidémiologiques de l’insuffisance cardiaque chro-
nique sont rares. P. Gibelin (Nice) a étudié rétrospectivement les
décès par insuffisance cardiaque chronique survenus en France
entre 1992 et 1996 (n = 138 602) et les hospitalisations pour la
même cause entre 1995 et 1997 (n = 324 013). La mortalité
annuelle est de 47,5/100 000, stable sur les 5 ans. La mortalité et
l’hospitalisation augmentent fortement avec l’âge, avec un pic en
décembre et janvier particulièrement important après 85 ans. Ce
pic peut s’expliquer par une plus grande fréquence des broncho-
pneumopathies en hiver. La complexité de la prise en charge de
ces patients nécessite une collaboration étroite entre cardiologues,
généralistes et gériatres.
L’objectif de l’étude EPICAL était d’évaluer l’incidence, la cli-
nique, le traitement et le coût de l’insuffisance cardiaque sévère
(F. Zannad, Dommartin-lès-Toul). L’étude a porté sur 499 patients
hospitalisés en Lorraine pour une insuffisance cardiaque de
stades III/IV avec fraction d’éjection < 30 % et/ou index cardio-
thoracique > 60 %. L’incidence annuelle était de 8/100 000 avant
60 ans et 74/100 000 après 60 ans. La cardiopathie était d’origine
ischémique dans 46 % des cas. La mortalité était de 14 % lors de
l’hospitalisation initiale et de 35 % à un an. Le coût annuel était
estimé à 126 000 F, essentiellement lié aux hospitalisations
itératives.
La mise en place de réseaux pourrait permettre d’éviter les
hospitalisations itératives chez les patients avec insuffisance
cardiaque (J.B. Bouhour, Nantes). L’objectif de ces réseaux est
de privilégier l’éducation du patient et son maintien à domicile
ou en maison médicalisée. La faisabilité et l’apport d’une orga-
nisation en réseau sont actuellement testés à Lorient, Nantes et
La Roche-sur-Yon. Les patients randomisés dans le groupe “en
réseau” sont éduqués à l’hôpital, puis suivis par leur généraliste
et leur cardiologue, avec la coordination d’une infirmière spé-
cialisée qui assure une visite puis un appel téléphonique men-
suels.
La prévention de l’insuffisance cardiaque permet de réduire
la mortalité, la morbidité et le nombre d’hospitalisations, et
d’améliorer la qualité de vie (F. Delahaye, Lyon). La prévention
de l’insuffisance cardiaque peut s’envisager à trois niveaux
(figure 2). La prévention primaire consiste à empêcher l’appari-
tion d’une cardiopathie, en corrigeant les facteurs de risque car-
diovasculaire, en particulier en normalisant les chiffres tension-
nels afin d’éviter l’hypertrophie ventriculaire gauche. La
prévention secondaire consiste, en présence d’une cardiopathie,
à éviter l’apparition de l’insuffisance cardiaque. Ces mesures
concernent la chirurgie valvulaire, la revascularisation myocar-
dique, les mesures de prévention secondaire après infarctus du
myocarde, le traitement pharmacologique (IEC, bêtabloquants...).
La prévention tertiaire consiste, chez le patient avec insuffisance
cardiaque, à éviter la survenue d’événements cardiovasculaires
par le traitement digitalo-diurétique et antihormonal, les mesures
hygiéno-diététiques, le développement de réseaux. La prévention
de l’insuffisance cardiaque doit donc être mise en œuvre dans
une démarche multifactorielle et multidisciplinaire.
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I
NFORMATIONS
Prévention
HTA
HVG
Dyslipidémie
Diabète
Prévention
primaire
Maladie causale
Coronaropathie
Myocardiopathie
Valvulopathie
Dysfonction
ventriculaire
gauche
Prévention
secondaire
Insuffisance
cardiaque Événements
cardiovasculaires
Prévention
tertiaire
Figure 2. Les trois niveaux de prévention de l’insuffisance cardiaque.
CŒUR ET DIABÈTE
(H. Delbecque, Dunkerque ; Ph. Raynaud,
Tours)
Faut-il traiter l’ischémie myocardique silencieuse du diabé-
tique ? (C. Le Feuvre, Paris). Cette question mérite d’être posée,
puisque les recommandations de l’ANAES, en contradiction avec
celles de l’ALFEDIAM, suggèrent l’absence de bénéfice du
dépistage et donc du traitement de l’ischémie myocardique silen-
cieuse chez le diabétique avec ECG normal. La douleur angi-
neuse n’est que le stade ultime d’une cascade d’événements au
cours de laquelle se succèdent des anomalies de perfusion puis
de métabolisme, qui précèdent des anomalies hémodynamiques
puis de l’ECG. L’ischémie restera indolore si elle s’interrompt à
l’un de ces stades. La découverte d’infarctus indolores sur un
ECG systématique est deux fois plus fréquente chez le diabétique.
L’ischémie myocardique est également deux fois plus souvent
silencieuse chez le diabétique. Dans notre expérience, une isché-
mie silencieuse est dépistée par scintigraphie de stress chez la
moitié des diabétiques de type 1 depuis plus de 20 ans ou chez
les diabétiques de type 2 avec artérite des membres inférieurs,
microalbuminurie ou au moins deux facteurs de risque parmi
HTA, âge > 65 ans, hérédité coronaire, tabagisme, dyslipidémie
(figures 3 et 4).
L’ischémie silencieuse chez le diabétique pourrait être secondaire
à une dysfonction endothéliale, comme le suggèrent les anoma-
lies de la réserve coronaire au doppler, ou à des différences indi-
viduelles dans la perception de la douleur, du fait de la présence
d’une neuropathie diabétique. Celle-ci s’accompagne d’une
défaillance du système d’alarme objectivée par les anomalies de
fixation du MIBG, un analogue de la norépinéphrine. La séden-
tarité chez le diabétique de type 2 pourrait également expliquer
l’absence d’angor et une progression de l’athérome coronaire res-
tant longtemps silencieuse.
Malgré son caractère souvent indolore, la cardiopathie ischémique
est cependant reponsable de la majorité des décès chez le diabé-
tique. Cette surmortalité par rapport aux non-diabétiques s’ob-
serve dans la population générale, après infarctus et après revas-
cularisation. L’ischémie myocardique, qu’elle soit silencieuse ou
symptomatique, augmente dans les mêmes proportions le risque
d’accident coronarien après infarctus ou chez les patients avec
angor stable ou instable. L’ischémie silencieuse a également une
valeur prédictive indépendante de survenue d’événements car-
diovasculaires chez les patients diabétiques totalement asympto-
matiques. Le pronostic de l’ischémie n’est donc pas lié à son
caractère silencieux ou symptomatique, mais aux lésions coro-
naires sous-jacentes, en particulier à la structure de la plaque, qui
conditionne son risque de rupture et de thrombose. Dans les études
de dépistage, la fréquence de l’ischémie silencieuse chez le dia-
bétique varie de 12 % à 56 % selon le nombre de facteurs de risque
associés, mais celle-ci n’est pas secondaire à une sténose coro-
naire dans 50 % à 70 % des cas.
Chez la plupart des patients, l’ischémie est liée à une diminution
de la réserve coronaire par anomalie de la microcirculation ou à
un faux positif du test non invasif de dépistage. Le risque d’in-
farctus n’est bien sûr pas le même chez un patient avec coronaires
normales que chez un patient avec une ischémie secondaire à des
sténoses coronaires.
Le traitement de l’ischémie silencieuse ne pourra améliorer le
pronostic que chez les patients avec lésions coronaires sévères.
La documentation d’une ischémie permet d’instaurer un pro-
gramme de prévention secondaire, dont le bénéfice est particu-
lièrement important chez le diabétique, avec une compliance au
traitement habituellement supérieure à la celle de la prévention
primaire. Il est nécessaire d’être encore plus exigeant dans la cor-
La Lettre du Cardiologue - n° 344 - avril 2001
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I
NFORMATIONS
Figure 3. Scintigraphie myocardique de stress au thallium 201 : isché-
mie myocardique silencieuse dans les territoires antérieur, apical, latéral
et inférieur chez une patiente diabétique, hypertendue et dyslipidémique.
Figure 4. Coronarographie : l’ischémie silencieuse correspond à une
occlusion de la coronaire droite et à des sténoses de l’interventriculaire
antérieure et de la circonflexe relevant d’une revascularisation par triple
pontage aorto-coronaire.
La Lettre du Cardiologue - n° 344 - avril 2001
10
I
NFORMATIONS
rection des facteurs de risque, en abaissant le LDL à moins de
1 g/l et les chiffres tensionnels à moins de 140/80 mmHg. La
découverte d’une ischémie permet de commencer un traitement
par bêtabloquants et antiagrégants plaquettaires, dont le bénéfice
est bien démontré chez le coronarien diabétique. Elle permet éga-
lement d’identifier les patients pouvant bénéficier d’un geste de
revascularisation, par pontage en cas de sténose du tronc com-
mun ou de lésions tritronculaires avec dysfonction ventriculaire
gauche, ou par angioplastie si les lésions sont accessibles au stent.
Le bénéfice du traitement de l’ischémie silencieuse est apprécié
avant transplantation rénale, chirurgie vasculaire ou extracar-
diaque, et programme d’entraînement physique. La coronaro-
graphie sera réalisée en préopératoire afin d’identifier les patients
avec indication de revascularisation. La survie à 6 ans chez les
diabétiques tritronculaires avec ischémie silencieuse est de 85 %
après pontage vs 52 % sous traitement médical. L’étude ACIP,
qui a porté sur 558 patients avec ischémie silencieuse sur coro-
naropathie revascularisable, est également en faveur d’une supé-
riorité de la revascularisation sur le traitement médical dans le
traitement de l’ischémie silencieuse en cas d’athérome tritron-
culaire ou bitronculaire touchant l’IVA proximale.
La recherche d’une ischémie silencieuse devrait donc être systé-
matique chez le diabétique de type 2 avec au moins deux autres
facteurs de risque d’athérosclérose en raison de sa fréquence, de
son mauvais pronostic et du bénéfice de son traitement. Une coro-
narographie nous semble justifiée chez les diabétiques avec isché-
mie myocardique significative afin d’adapter le traitement aux
lésions coronaires et à l’ischémie, qu’elle soit symptomatique ou
silencieuse.
L’observance des prescriptions thérapeutiques est souvent
imparfaite chez le diabétique de type 2 (A. Grimaldi, Paris).
Quatre-vingts pour cent des diabétiques de type 2 ne suivent pas
le régime prescrit, et 50 % oublient de prendre leurs comprimés
au moins deux fois par semaine. L’amélioration de l’observance
nécessite d’alléger les contraintes, d’expliquer les prescriptions,
de favoriser la motivation, d’accompagner le changement et de
modifier la relation médecin/malade afin d’adopter une relation
adulte/adulte, dans laquelle le médecin a un rôle de conseil et de
soutien psychologique.
OBÉSITÉ. LES ENJEUX DE SANTÉ PUBLIQUE
(A. Basdevant,
Paris)
L’obésité est définie par un IMS (poids/taille2) > 30. Elle aug-
mente la prévalence de l’HTA, du diabète et des dyslipidémies.
Le doublement du nombre d’enfants obèses en 10 ans relativise
le rôle de la génétique. La fréquence chez l’adulte varie de 1 %
en Inde à 15 % en Angleterre (8,5 % en France). La prévention
de l’obésité repose sur la pratique d’une activité physique régu-
lière et sur la réduction des excès caloriques (habituellement liés
aux prises extraprandiales).
TABAGISME
(J. Daver, Toulouse ; J.P. Broustet, Bordeaux)
Le bénéfice de l’arrêt du tabac a été démontré par D. Thomas1
(Paris). Le tabagisme est responsable d’un tiers des cancers et de
60 000 décès par an en France (28 % des décès chez les hommes
entre 45 et 64 ans). La moitié des fumeurs meurent du tabac. Les
prévisions sont de 165 000 décès par an en 2027. Le bénéfice de
l’arrêt du tabac est parfaitement démontré. Dans une méta-ana-
lyse regroupant 13 019 patients, l’arrêt du tabac permet de dimi-
nuer la mortalité de 38 % par rapport aux patients continuant à
fumer. Le patch nicotinique n’est pas contre-indiqué chez le coro-
narien. Les résultats observés avec le bupropion sont encoura-
C’est à Tours que s’est tenu, cette année, le IVeCongrès de la Fédération française de cardiologie.
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